Stephen KING ET LE PARANORMAL : LA PERCEPTION EXTRASENSORIELLE.

1. LA VOYANCE

"C'est quand on comprend certaines choses,

ou quand on sait des choses que les autres ne savent pas,

ou qu'on voit des choses que les autres ne voient pas." (Danny, 5 ans, dans Shining, 245)

 

Le recensement des faits psychologiques paranormaux dans l'oeuvre de King occuperait tout un volume. Dès son premier roman paru, Carrie 1, King fait intervenir voyance et télépathie, d''une façon limitée, comme dans le récit suivant, Salem 2. Ces facultés prendront ensuite la première place dans Shining 3, avec le don de voyance du jeune Danny. Jusqu'à son dernier roman Dreamcatcher 4 (paru en France en avril 2002), King n'a cessé d'utiliser ces dispositions mentales particulières, dans lesquelles il trouvait non seulement des possibilités d'exploitation monstrative, mais encore souvent la solution de problèmes techniques insolubles sans l'appel à la voyance et la transmission de pensée. Et, avantage littéraire non négligeable, ces diverses particularités mentales lui permettaient des effets littéraires renouvelés et souvent intéressants.

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Cette étude fait partie d'une série de six, qu'il vaut mieux lire dans l'ordre suivant :

* 1. LA VOYANCE

2. LA TÉLÉPATHIE

3. PROCÉDÉS MANTIQUES EN VOYANCE ET BILOCATION

4. L'IMPORTANCE DU MÉDIUM dans l'oeuvre de King

5. UNE EXCEPTIONNELLE MISE EN SCÈNE DE L'AURA

6. L'ÉNERGIE VITALE..

La parapsychologie (ce qu'on appelait au début du siècle la métapsychique5) s'intéresse à des possibilités du psychisme à ce jour hypothétiques, concernant des phénomènes psychiques inexpliqués. Elle comprend :

1. les perceptions extra-sensorielles, appelées encore ESP (Extra-Sensory Perception), c'est à dire la voyance et les visions, la télépathie et le dédoublement ou l'OBE (Out of the Body Experience).

2. la psychokinésie, ou le PK (Psycho-Kinesis), action de la pensée sur la matière : déplacement d'objets, incendie, poltergeists (esprits frappeurs), la lévitation, les guérisons miraculeuses, etc.

Des parapsychologues essaient d'expliquer des phénomènes extrasensoriels en laboratoire, mais pour l'instant leurs justifications ne sont pas acceptées par les scientifiques. Ces phénomènes restent ambigus et chargés de mystère pour le grand public, notamment parce qu'on les classe traditionnellement parmi les faits surnaturels, avec des explications généralement occultes. Les adeptes de ces doctrines se servent en effet de ces faits pour justifier d'autres perspectives, que les principes rationnels actuels6.

LA VOYANCE, UNE CROYANCE VIVACE.

Comme en la magie, la croyance dans le paranormal est aussi ancienne que l'humanité. La plupart des techniques divinatoires sont très vieilles, l'astrologie étant celle qui a laissé le plus de traces historiques. Diverses pratiques mantiques7 sont aussi fort anciennes, et toujours en relation avec des modes de pensée magique. Ces pouvoirs «surnaturels» ont été supposés détenus et reconnus socialement par des hommes au statut spécial : chamanes8, mages, prophètes, voyants, médiums. Dans La Bible, la voyance intervient fréquemment : un «voyant», Hallorann, le rappelle dans Shining : "J'ai lu un tas de livres sur ce don; j'ai bien pioché le sujet. Dans la Bible, cela s'appelle le pouvoir des prophètes; aujourd'hui, on parle de voyance. Appelle-le comme tu veux, ça revient au même : il s'agit toujours de prévoir l'avenir. Tu sais ce que ça veut dire?" (86) Les empereurs, les rois, les nobles les plus puissants ont toujours eu un astrologue dans leur cour, de même qu'il n'était un secret pour personne que le président Mitterrand ne dédaignait pas consulter une voyante...
Si le surnaturel continue à être un filon abondamment exploité par les auteurs qui s'en sont fait une spécialité, dans la pratique le langage a changé. En Occident, tant que le sentiment du sacré a été puissant, les voyants se situaient entre les deux pôles des références religieuses, l'intervention divine ou la possession démoniaque. Le sorcière diseuse de bonne aventure a tenu longtemps un rôle important. Avec la régression du sacré, on parle plus volontiers d'extrasensorialité, de «facultés psi», de paranormal
9 et de parapsychologie.

Dans cette logique d'un besoin de lecteurs désireux de percer ce qui leur paraît mystérieux, la plupart des librairies ont un rayon particulier, plus ou moins garni suivant leur surface, de livres sur le paranormal et l'occulte, proportionnellement plus étendu que celui consacré aux autres ouvrages. Ces livres se vendent bien, et ont des lecteurs passionnés. C'est que les hommes ont toujours eu peur de leur avenir, qui leur paraît touours incertain : quand ils sont dans un état de prospérité, ils craignent de le voir cesser; quand ils sont dans une situation de malheur, ils souhaitent sortir au plus vite. Aussi se plaisent-ils à imaginer des êtres différents, des «voyants», aux pouvoirs acceptés comme exceptionnels ou supérieurs, pour lesquels l'espace et le temps n'existeraient pas, qui verraient l'avenir comme le présent ou l'avenir. Ils les consultent pour connaître les éléments du passé, qui leur permettraient de mieux comprendre leur présent; ou le plus souvent, pour que le devin lise un avenir supposé évidemment
ÉCRIT quelque part, tout en supposant ipso facto qu'une révélation à son sujet permettrait de l'éviter ou de changer sa gravité. Ce qui entraînerait (si cela était possible) logiquement deux conséquences : l'existence d'une trame du destin particulièrement compliquée, puisque chaque élément modifié à un instant donné pour éviter la destinée prévue doit nécessairement changer en cascade de multiples autres destins parallèles : chaque destin individuel se ferait ou se déferait ainsi à chaque instant, en fonction des comportements des uns et des autres pour le modifier, ce qui ne permettrait théoriquement de ne prévoir au mieux qu'un avenir quasi immédiat... Ensuite, supposer un avenir écrit quelque part postule l'existence d'un monde parallèle, ou tout au moins un monde invisible coexistant avec notre monde visible.

Il existe d'innombrables ouvrages, de toutes les époques, relatant des prémonitions spontanées «vérifiées» ou des rêves prophétiques, la plupart se compilant sans vergogne les uns les autres, la plupart du temps chacun apportant ses fantaisies... Prenant une grande place parmi les autres phénomènes paranormaux, objets de l'attention des nombreuses sociétés - non scientifiques - de métapsychique ou de parapsychologie, ou associations spirites, la croyance en la voyance en l'avenir excite les esprits parce qu'elle déconcerte la part de raisonnable mise par l'éducation en chacun de nous, part modeste ou importante suivant notre formation. Elle subvertit une constatation constamment faite et répétée au cours des temps : l'inconnaissabilité du futur. Les scientifiques sont, par définition, jugés par les partisans des phénomènes paranormaux comme incapables de comprendre ces phénomènes, parce qu'ils font intervenir des éléments individuels, donc subjectifs, que la science, fonctionnant à partir de l'objectif, de données mesurables et de reproductibilité, n'est pas capable de prendre en charge10 : la croyance dans le paranormal postule que les lois physiques reconnues peuvent être bafouées par l'intervention de volontés humaines qui n'en tiendraient pas compte. En laboratoire (où les travaux de J. B. Rhine aux USA se sont prolongés plusieurs années durant la décennie trente), les recherches n'ont donné aucun résultat concluant.

LA CLAIRVOYANCE.

Sans utiliser les moyens connus et les canaux habituels de communication, la voyance mettrait un individu en relation avec la pensée d'autrui, des événements ou des connaissances cachées. Comme l'explique avec ses mots Danny, le jeune voyant de Shining : "C'est quand on comprend certaines choses, ou quand on sait des choses que les autres ne savent pas, ou qu'on voit des choses que les autres ne voient pas." (245) Appelée aussi voyance spontanée dans les écrits qui lui sont consacrés, elle y est définie comme une vision indépendante de l'usage des sens, donc par des voies extra-sensorielles. Ces voies permettent de percevoir des faits objectifs ou des objets cachés, sorte de "sixième sens" : "Toi, mon petit, tu as le Don. Un pouvoir exceptionnel. Je n'en ai jamais vu de pareil dans ma vie et j'ai bientôt soixante ans. (...) Une sorte de sixième sens, dit Hallorann, se tournant vers Danny. Ma grand-mère l'avait, elle aussi; c'est elle qui me l'a transmis." (82) La télépathie est souvent utilisée dans le contact de voyance avec un humain qui transmet les informations et un autre qui les reçoit. Mais les entités ne se privent pas d'utliser aussi la télépathie pour communiquer des informations que leur permet de détenir leur puissance surnaturelle (voir l'étude sur LA TÉLÉPATHIE)

Le phénomène de clairvoyance se produit dans des conditions variées : pendant les rêves du sommeil, , en état de veille, mais aussi sous hypnose ou en phase de transe, spontanée ou induite (fixation de billes de verre, de miroirs) et amenant l'état de transe. La transe correspond à une phénomène psychophysiologique mal connu, qui se caractérise par une perte plus ou moins totale de la conscience et par divers symptômes : modifications du pouls, refroidissement des extrémités, hyperesthésie, modification de la voix, propos insolites, une sorte d'état second qui est souvent perçu et décrit par le sujet. Le phénomène de voyance s'accompagne souvent d'une migraine, d'un mal de tête passager ou de troubles psychiques comme la transe ou l'évanouissement (cas de Johnny dans L'Accident).

Enfin les faits de voyance se produisent le plus souvent sous la forme de «flashes», d'intuitions ou d'illuminations soudaines. La plupart des faits de clairvoyance ne sont pas faciles à classer, car ils ont souvent une forme complexe, où voyance du présent, du passé ou de l'avenir et des formes de transmission comme la télépathie peuvent intervenir partiellement. Pour les théoriciens de la voyance, les perspectives concernant le temps délaissent cependant les catégories habituelles entre passé, présent et avenir. Pour la commodité de la compréhension du phénomène de voyance, on considérera à part la rétrocognition, connaissance du passé, et la précognition, qui se rapporte à l'avenir.

La voyance dans le présent.

Phénomène de voyance, la clairvoyance intervient dans le présent, selon certaines classifications. King l'a utilisée, sous diverses formes. Dans Dreamcatcher, Pete, vendeur de voitures, reçoit une cliente qui a perdu ses clés : "Il sent que le petit déclic ne demande qu'à se faire. Il l'aime bien, ce petit déclic. Oh, ce n'est pas une grande affaire, il ne fera jamais fortune avec, mais il l'aime bien." (23) Et effectivement, il trouve les clés perdues dans le caniveau de la rue : "Et même si un peu de la joie que lui ont procuré ces quelques moments commence à se dissiper, il en reste encore comme un arrière-goût; il a vu la ligne 11 et il se sent toujours bien ensuite. Ce n'est qu'un petit tour de force mental, mais il est bien agréable de savoir qu'on peut encore le faire." (28) Ce phénomène de connaissance paranormale des objets cachés est appelé «cryptotiscopie» dans certains écrits spécialisés. Toujours dans Dreamcatcher, Jonesy devine qu'un de ses élèves a triché lors d'un examen : "S'il a deviné c'est que, parfois... il devine. C'est la vérité. il n'y en a pas d'autre. (...) Parfois des choses traversent son esprit comme des éclairs." (44)

La perception d'événements (télesthésie) concerne souvent des individus proches, et se rapporte généralement à des événements douloureux ou négatifs. Dans
Salem, une femme est ainsi informée de l'assassinat de sa soeur : "Elle m'a dit que le jour où Hubie a tué sa soeur elle était à Cape Cod, à quatre cent cinquante kilomètres de là... Elle était en train de préparer une vinaigrette dans un grand bol en bois. Il était deux heures et quart de l'après-midi. Un éclair de douleur, «comme un coup de foudre», m'a-t-elle dit, lui avait traversé la tête et elle avait entendu un coup de feu. Toujours selon ses dires, elle était tombée par terre. Quand elle s'était relevée - elle était seule dans la maison - vingt minutes s'étaient écoulées. Elle avait regardé dans le bol et avait poussé un cri. Il lui avait semble être plein de sang 12... Un instant plus tard, tout était redevenu normal. Plus de mal de tête et rien dans le saladier que de la vinaigrette. Mais elle m'a dit qu'elle savait - elle savait - que sa soeur était morte, qu'on l'avait tuée d'un coup de fusil." (122)

Même voyance négative. dans Dreamcatcher. Henri, le psychanalyste, «voit» qu'un de ses patients a laisser sa mère mourir : "Henry ne sait rien des parents de Barry, ne sait en tout cas certainement rien de la manière dont les choses se sont passées le jour où la mère de Barry est morte, tombant du lit, pissant sur la moquette, continuant d'appeler, d'appeler, cent vingt kilos, un écoeurant tas de graisse, appelant, appelant. Il ne peut rien savoir de tout ça, car personne ne le lui a raconté, mais il le sait néanmoins. Et Barry était beaucoup moins gros, à l'époque. Dix-neuf ans, et relativement svelte.
Telle est la manière dont se présente la ligne pour Henry. Dont il la voit. Cela fait peut-être cinq ans qu'il ne l'a pas vue (à moins que cela ne lui arrive parfois en rêve), au point qu'il croyait que c'était fini, et voilà qu'elle est de retour. « Vous étiez assis en face de votre télé, et vous l'entendiez qui criait, reprend-il. Vous étiez en train de regarder Ricki Lake et de manger... Quoi? Un gâteau au fromage Sara Lee? Un bol de crème glacée ? Je ne sais pas. Mais vous l'avez laissée crier.
- Arrêtez !
- Vous l'avez laissée crier, et au fond, pourquoi pas? Elle n 'avait pas arrêté de crier au loup toute sa vie. Vous n'êtes pas idiot, vous le savez très bien. C'est le genre de choses qui arrivent. Je crois que vous devez le savoir, ça aussi. Vous vous êtes monté votre petit scénario à la Tennessee Williams simplement parce que vous aimez manger."
(34) Henry pourrait continuer ainsi, incapable de s'arrêter : "Il voit la ligne, et quand on voit la ligne, on ne peut que la suivre." (35) Son patient préfère fuir.

D'autres cas de télesthésie concernent des événements se déroulant à grande distance. Dans
Shining, un homme est dans une cuisine quand il a "une sorte d'éblouissement. La cuisine tout entière a disparu, tout d'un coup, vlan, comme ça. (...) D'abord, ce fut le noir, comme si je m'étais évanoui. Puis j'ai entendu une explosion et vu jaillir des flammes. Une sirène donna l'alerte et les gens se mirent à hurler. Remarquant un sifflement de vapeur, je me dirigeai dans sa direction et découvris un train qui avait déraillé. J'ai pu déchiffrer, sur le flanc d'un des wagons renversés, le nom de la compagnie : Georgia and South Caroline Railrood 13. J'ai compris instantanément qu'un des passagers était mon frère, Carl, et qu'il était mort. C'était clair comme de l'eau de roche. Puis la vision s'est brouillée. (...) Mon frère venait de mourir dans un accident de train, en Georgie. Quand j'ai réussi à joindre ma mère au téléphone, elle m'a confirmé la nouvelle. (...) Mais vois-tu, petit, elle ne m'a rien appris que je ne savais déjà." (87)

Dans Dreamcatcher, Duddits, déficient mental, leucémique et presque mourant dans son lit, pousse brusquement un hurlement : "Le hurlement fut suivi de sanglots suraigus, hystériques, des sanglots d'enfant. C'était ça, avec Duddits : il avait à présent trente ans, mais il allait mourir enfant, bien avant d'avoir atteint la quarantaine." Sa mère accourt, le berce : "Ce qu'il dit lui fit dresser les cheveux sur la tête et hérissa toute sa peau d'une chair de poule agaçante. «Iver é-or! O, mama, Iver é-or! Iver é-or!» Nul besoin pour elle de lui demander de répéter ou de le dire plus clairement; elle l'avait écouté toute sa vie, et le Duddits n'avait plus de secret pour elle :
Beaver est mort, Oh, maman, Beaver est mort!"
(211) Beaver est un de ses copains d'école, qu'il n'a plus vu depuis longtemps.

Tiré du
Fléau, un exemple de clairvoyance lié à la prescience qu'un objet dangereux y a été dissimulé. Nick (muet de naissance), debout au milieu du salon, «sent» qu'un danger menace : "Il ne pouvait pas parler, mais il avait compris. Il savait. Une certitude venue de nulle part, de partout.
Il y avait quelque chose dans le placard.
Nick repoussa Frannie avec une violence extrême.
- Nick... !
VA-T'EN! - il lui faisait signe de s'en aller.
Elle sortit. Nick se retourna vers le placard, ouvrit la porte, commença à écarter tout ce fouillis qui l'empêchait de s'avancer à l'intérieur, priant Dieu qu'il ne soit pas trop tard."
(925) Trop tard malheureusement : l'engin explosif, caché dans la placard, explose et le tue.

Carrie, qui a le don paranormal de télékinésie, n'a pas fait preuve dans le roman de don de voyance particulier. Mais quand elle déclenche la catastrophe de l'incendie de son collège, dans lequel ses dons atteignent leur expression maximale, elle se met à «voir» des scènes dans l'établissement alors qu'elle est au dehors. Et King utilise alors pour la première fois l'appel à "l'oeil mental", l'équivalent du troisième oeil hindou
14 : "Son oeil mental perdit de vue les portes du gymnase et plusieurs personnes réussirent presque à sortir. Non, non. Pas de quartier. Elle les referma brutalement, coinçant la main d'un des prisonniers (...) entre l'un des battants, et lui sectionnant même un doigt." (217)
De façon inopinée, pendant ces événements auxquels elle n'assiste pas, son amie Sue pense brusquement que "
Carrie était retournée chez elle pour tuer sa mère. (...) Elle ignorait comment elle pouvait le savoir. (...) Morte? Comment pouvait-elle l'affirmer? À quoi rimait ce genre de conviction qui ne se fondait sur rien?" (253)

Le diagnostic clairvoyant, lié à l'état de santé, permet de percevoir la maladie et éventuellement les meilleurs moyens de la guérir. Si certains doivent entrer en contact avec la personne sur laquelle s'effectue le diagnostic, d'autres peuvent agir à distance.

La clairvoyance tactile.

Le médium doit toucher un objet donné pour en tirer des informations que ne permettrait pas un examen ordinaire et la simple déduction logique (par exemple, lire un écrit enfermé dans une enveloppe en la prenant simplement dans ses mains)
Johnny, le voyant tactile de
L'Accident, est informé sur le propriétaire d'un vêtement rien qu'en le touchant dans un vestiaire de restaurant : "Un manteau de femme, avec un col de fourrure se trouvait là. Elle avait une liaison avec un des partenaires de jeu de poker de son mari; elle en avait assez, mais ne savait pas comment rompre. Un blouson de jean doublé de peau de mouton. Ce type aussi se faisait du souci au sujet de son frère blessé sur un chantier une semaine auparavant. La parka d'un petit garçon, sa grand-mère de Durham lui avait offert un transistor 15 et il était furieux parce que son père n'avait pas voulu qu'il l'emporte dans la salle à manger. Et puis un autre, un simple pardessus noir, l'avait glacé d'effroi et lui avait coupé l'appétit. Le propriétaire de ce vêtement était en train de devenir fou." (189) Son don peut s'étendre au delà du présent. Son médecin a perdu sa mère pendant la guerre : il lui affirme qu'elle est encore vivante, après avoir été renversée par un camion et être devenue amnésique. Elle a eu quatre enfants avec son nouveau mari : "Le couple prit la nationalité américaine. Le mari est mort, un des enfants également. Les autres ont réussi leur vie. Elle, elle pense toujours à vous, sans même le savoir. Elle ne se souvient pas de votre nom. Elle vous avait confié à une nourrice juste avant l'entrée des nazis à Varsovie. Vous étiez en sécurité. Elle pouvait fuir... Elle vit en Californie..." (106). Le médecin vérifie ces renseignements, qui sont exacts.

Son don a cependant des limites, d'abord en étendue. Chargé par le Shérif de résoudre l'affaire d'un tueur en série , Johnny lui précise les limites de son pouvoir, après lui avoir dit ce qu'il a appris en lui serrant la main : "George, tout ce que j'ignore de vous remplirait cinq volumes. J'ignore où vous avez grandi, qui sont vos amis, où vous habitez. Je sais que vous avez une petite fille qui s'appelle Cathy. Mais j'ignore ce que vous avez fait la semaine dernière, votre marque de bière favorite ou le programme T.V. que vous préférez." (203). En outre, la capacité de voyance n'est pas permanente : "C'était comme ça parfois. En d'autres circonstances, il aurait pu tenir entre ses mains ces vêtements vingt minutes, sans rien ressentir du tout." (189)

Par simple contact (en tapotant la main d'une serveuse dans un restaurant), Ralph comme Loïs connaissent des informations vitales sur sa santé ou importantes pour sa vie. En payant l'addition Ralph laisse un mot sur la table : "
Madame, Vous souffrez d'un problème d'atrophie des fonctions hépatiques et devriez consulter immédiatement un médecin. Je vous conseille aussi très vivement de ne pas approcher du Centre Municipal, ce soir 16 .
«C'est stupide, je sais.»"
(Insomnie, 492) Loïs ajoute un post-scriptum : "En 1989, vous avez mis au monde un enfant que vous avez donné pour adoption. Hôpital Sainte-Anne, Providence, Rhode Island. Allez voir votre médecin avant qu'il ne soit trop tard, Zoë. Ce n'est ni une blague ni un canular. Nous savons de quoi nous parlons.
«Bon Dieu, dit Ralph lorsqu'il la rejoignit. Ça va lui ficher une peur bleue.
- Si elle va voir un toubib avant que son foie ne déclare forfait, je m'en fiche.»"
(494)

Vision interne du corps.

La clairvoyance permet également la connaissance des organes internes du corps ou des organes des autres (hétéroscopie). Dès
Carrie, King explore ce type de disposition extra-sensorielle quand Sue participe à la mort de l'héroïne éponyme : "Un instant, Sue eut l'impression qu'elle regardait la flamme d'une bougie disparaître au fond d'un tunnel sans fin à une allure vertigineuse.
(elle va mourir ô mon dieu je sens qu'elle meurt)
Et puis la lumière s'effaça avec la dernière pensée consciente (maman je te demande pardon où) et Sue ne perçut plus que la fréquence inepte et mécanique des terminaisons nerveuses qui allaient mettre des heures à mourir."
(264)
Dans
Carrie encore, un second exemple a été choisi parce qu'il montre comment le même sujet, repris à 25 ans d'intervalle, a subi des modifications certes, mais demeure le même dans son principe. Carrie explore le cerveau de Sue pour savoir si elle a contribué à la scène du bal sanglant : "Ce fut pour Sue une sensation terrifiante. Sa tête et son système nerveux étaient devenus une bibliothèque. Dans l'affolement, un être la parcourait en tous sens, effleurant du bout des doigts les étagères couvertes de livres, en sortant quelques-uns qu'elle parcourait avec fébrilité, les remettant en place, faisant tomber certains, laissant les pages voleter." (262)

Dans Dreamcatcher, l'idée est reprise dans le principe, le changement apporté consistant à remplacer les données stockées dans le cerveau de Sue symbolisées par des livres, par des cartons remplis de dossiers, contenant les souvenirs de Jonesy. Pour y rechercher les informations dont il a besoin, l'extraterrestre qui occupe le corps de Jonesy explore son cerveau de manière identique à Carrie fouillant celui de Sue : "Mr Gray consulta les dossiers. Les connaissances en matière de communications militaires de Jonesy étaient rudimentaires, glanées pour l'essentiel dans des livres et dans quelque chose qu'ils appelaient des films, mais ça pourrait faire l'affaire. (...) Il vérifia les dossiers de Jonesy (qu'il voyait à présent comme Jonesy lui-même, à savoir sous la forme de cartons dans une salle immense) (...) Pour une créature aux ressources réflexives aussi limitées, Jonesy disposait de capacités d'archivage exceptionnelles. (...) «Guerre... famine... nettoyage ethnique... tuer pour faire la paix... massacrer les païens au nom de Jésus... Les homosexuels battus à mort... des microbes dans des conteneurs, ces conteneurs placés au sommet de missiles pointés sur toutes les grandes villes y du monde..." (379)
À de nombreuses reprises, l'extraterrestre peut ainsi consulter, à la vitesse d'un ordinateur, les données stockées dans le cerveau d'un humain pour y trouver des renseignements précis indispensables à sa vie terrestre. Ils lui permettent d'avoir une conduite adaptée à son nouvel environnement, sur lequel il ne possédait antérieurement qu'une documentation générale.

Les songes sont un moyen de communication que King utilise constamment. Les visions, apparaissant dans le sommeil, au cours d'un évanouissement ou dans une sorte de rêve éveillé, permettent d'apporter révélations et prescriptions. Des messages sont généralement joints. Véhicules des intentions des puissances, les rêves peuvent ainsi franchir la barrière mentale des occupations volontaires quotidiennes absorbantes
17. Le songe apporte un message à l'individu, sans que les souvenirs de son cerveau en aient pu fournir les éléments et sans qu'apparaisse une liaison causale avec la vie quotidienne.
Ces manifestations oniriques remplissent plusieurs fonctions. Le message peut concerner un événement se produisant en temps réel: ainsi Abigaël à Nick: "
Viens me voir quand tu veux. On m'appelle mère Abigaël. Je suis sans doute la plus vieille femme de ce coin du monde, mais je fais encore mes crêpes moi-même. Viens me voir quand tu veux, petit, et amène tes amis." (Le Fléau, 371).
L'information peut aussi se rapporter à un événement devant se réaliser ultérieurement, comme dans le rêve où Stu vit un futur révélé avec une incroyable précision:"
Il n'avait jamais fait un rêve comme celui-là. Il se trouvait sur une route de campagne, à l'endroit précis où l'asphalte noir cédait la place à des gravillons blancs. (...) Des deux côtés de la route s'étendaient des champs de maïs vert, à perte de vue. (...). C'est là que je dois aller, pensait Stu dans son rêve. Oui, c'est vraiment là, c'est bien là. (...)
Un nuage masqua le soleil. Et Stu commença à avoir peur. Il sentait quelque chose de terrible, pire que la peste, qu'un incendie, qu'un tremblement de terre. Quelque chose au milieu du maïs observait. Quelque chose de noir se cachait au milieu du maïs. Il regarda et vit deux yeux étincelants, très loin dans l'ombre. (...) Lui, pensa-il, l'homme sans visage." (110) Il y a dans ces songes une anticipation sur l'avenir, qui ne se prête pas pour l'instant à une interprétation logique. Ces songes ont un caractère prémonitoire.

Ils peuvent également apporter des informations qui se révèleront être des facteurs importants dans les décisions à prendre : "Les autres faisaient deux rêves opposés; l'homme noir et la vieille femme. La vieille femme paraissait représenter une force élémentaire, comme l'homme noir. la vieille femme était un pôle d'attraction autour duquel les autres peu à peu se regroupaient." (Le Fléau, 642).
Les songes fournissent ainsi des incitations, des avis, des images, qui apparaissent comme des stimulations ou des avertissements favorisant l'action future souhaitée par les puissances antagonistes des ordres. Ainsi Flagg essaie de tenter successivement en songe les partisans d'Abigaël. Par exemple à Nick, sourd-muet, il propose la parole et l'audition, et lui donne un échantillon de ce qu'il n'a jamais vécu : "
Il entendait des sons. Il savait ce qu'était chacun de ces sons sans qu'on le lui ait jamais dit. De jolis sons." Seule condition: "Si tu tombes à genoux pour m'adorer." (Le Fléau, 369).

Vision d'êtres incorporels ou venant de l'au-delà.

La voyance permet la relation avec des êtres qui ne sont plus vraiment des humains, revenants, entités, etc. Dans Simetierre, Ellie, huit ans, fait un rêve prémonitoire. Son frère Gage, deux ans, vient d'être tué par un camion sur la route et elle le revoit dans son sommeil : elle "s'éveilla en hurlant d'un cauchemar peuplé de créatures aux mains crochues qui la fixaient de leurs yeux vides et impitoyables." Réveillée, la fillette répète sans arrêt : "C'est Gage! Maman, c'est Gage! Gage est revenu! Il est vivant! Il a pris le couteau dans la trousse de papa! Empêche-le de me tuer! Empêche-le de tuer papa!" (361).
Elle donne ensuite des détails sur son rêve : "
J'ai rêvé que j'étais dans le Simetierre des animaux, dit la fillette. C'était Paxcow qui m'y avait conduite. Il m'a conduite au Simetierre des animaux, et puis il m'a dit que papa allait y venir aussi et qu'il arriverait quelque chose d'épouvantable.(...) Il m'a dit qu'on l'avait envoyé nous mettre en garde, mais qu'il ne pouvait pas intervenir. Il m'a dit aussi que... qu'il était... je ne sais plus... qu'il était près de papa parce qu'ils étaient ensemble au moment où son âme s'est dé... désin... dés... je ne me souviens pas du mot! gémit-elle."
Il m'a dit qu'il s'appelait Victor!"
(363)

Son père, médecin, se demande comment sa fille peut connaître le nom qu'elle a cité, celui d'un étudiant indien renversé par une voiture, mort alors qu'il le soignait. Il pense qu'il avait dû prononcer ce nom en présence d'Ellie : "Il s'est inscrit automatiquement dans ses circuits mémoriels. Et même ce mot qu'elle n'arrivait pas à prononcer - «désincarné», «désincorporé» ou un autre terme casse-gueule du même genre - ne prouve absolument rien, sinon que le subconscient attrape tout au vol à la façon d'un rouleau de papier tue-mouche, pour user du genre d'images que l'on trouve couramment dans les articles de vulgarisation des journaux du dimanche." (367) Comment pourrait-il expliquer autrement l'incident, sinon par la voyance?

Autre cas de revenant. Dans Le Fléau, Tom, un débile mental, se trouve dans la rue en rêve, pour y «voir» son ami Nick, qui est mort, mais revient du monde des disparus pour lui transmettre un message. Son ami Stu s'est fracturé une jambe et son état s'est aggravé d'une infection pulmonaire. Ils sont isolés et Tom est incapable de le soigner. Le fantôme de Nick lui apparaît pour lui donner des instructions (tout fantôme voit ce qui se passe dans ce monde...). Il lui explique patiemment que lui-même a été blessé, que sa blessure - il la montre - s'est aussi infectée, et qu'il l'a soignée avec des antibiotiques : "J'ai failli mourir, tu sais, dit Nick.
Tom et lui marchaient sur le trottoir désert.
(...) Ce n'était pas profond, mais la plaie s'est infectée.(...) Stu a une infection en ce moment. (...) Il fait une pneumonie double, une maladie qui attaque ses deux poumons. Il a dormi dehors pendant près de quinze jours. Il faut que tu fasses certaines choses pour lui. Et même comme ça, il va presque certainement mourir. Il faut t'y préparer. (...) Il y a des pilules contre les infections." (133/4) Il le conduit dans une pharmacie et lui donne les flacons de capsules salvatrices.

Les entités se servent de la voyance pour se manifester. Encore dans Le Fléau, l'être surnaturel Flagg apparaît, au cours de leur sommeil, à de nombreuses personnes, dont certaines, plus tard, lutteront contre lui : "Harold, Stu et moi avions tous rêvé de «l'homme noir», comme je l'appelle. Stu et moi, on le voyait comme un homme habillé d'une robe de moine, sans traits visibles - son visage est toujours dans l'ombre. Pour Harold, il était toujours debout dans une entrée sombre et il lui faisait signe de venir. (...) Stu et Glen avaient fait à peu près les mêmes rêves à propos de la vieille femme. Les ressemblances sont trop nombreuses pour que j'en parle (...). De toute façon, ils sont tous les deux d'accord pour affirmer qu'elle habite dans le comté de Polk, au Nebraska, même s'ils n'ont pas pu s'entendre sur le nom de l'endroit." (530) Leur conclusion est qu'ils sont en présence d'un phénomène étonnant et qu'ils vivent une expérience psychique commune incompréhensible.

Une entité peut se manifester sous des formes diverses. Flagg, dans Le Fléau, envoie son troisième Oeil dans l'espace quand il veut pratiquer la voyance. Tom, débile et voyant occasionnel, fuit de Las Vegas à bicyclette. Il roule la nuit, pour ne pas être repéré par les hélicoptères de Flagg, mais «voit» son Oeil dans la nuit : "Tom crut voir/sentir un Oeil s'ouvrir dans la pénombre du petit matin. Un terrible Oeil rouge encore un peu hébété par le sommeil. Il regardait dans le noir. Cherchait. Le cherchait, lui. Il savait que Tom Cullen était là, mais il ne savait pas exactement où.
Ses pieds engourdis retrouvèrent les pédales et il s'élança, de plus en plus vite, couché sur le guidon pour offrir moins de résistance au vent, accélérant sans cesse au point de presque s'envoler. S'il avait rencontré une voiture, il serait entré dedans à toute allure et peut-être se serait tué.
Peu à peu, il sentit que cette présence noire et chaude s'éloignait derrière lui. Et la plus grande merveille était que cet horrible Oeil rouge avait regardé dans sa direction, était passé au-dessus de lui sans le voir (peut-être parce je suis couché sur mon guidon, pensa Tom Cullen)... puis s'était refermé.
L'homme noir s'était rendormi."
(1020)

D'autres types de clairvoyance sont plus complexes, supposent des moyens (cristal, planchette Oui-ja), l'emploi de techniques, comme l'hypnose, ou des dons particuliers comme celui de bilocation. Compte-tenu de leur particularité et du développement nécessaire pour leur intelligence, ils sont étudiés dans un autre chapitre
PROCÉDÉS MANTIQUES EN VOYANCE.

 

LA PRÉCOGNITION.

Si la clairvoyance concerne le présent, le phénomène paranormal de voyance, de nature spirituelle, serait d'une autre dimension, qui ignorerait le temps de nos montres, et ne ferait pas de distinction entre hier, aujourd'hui et demain, catégories qui, pour leurs partisans, n'auraient de sens que pour les humains ordinaires.

La prémonition.

Ordinairement appelée pressentiment, la prémonition est la forme minimale de la précognition. Ce sentiment inopiné, plus ou moins vague, annonce un fait en dehors de toute déduction rationnelle. Il se produit aussi dans le rêve. Dans le cas où un événement malencontreux est signalé, il est possible dans certains cas d'en tenir compte et d'éviter le danger annoncé. Mais l'information reçue n'est pas toujours claire. Dans le cas d'un message difficile à décoder, c'est la connaissance de sa réalisation qui permet de le vérifier et d'en apprécier le symbolisme. Certains hommes n'ont que peu de pressentiments, d'autres en éprouvent souvent, sans toujours s'en rendre compte comme le remarque

Hallorann, un voyant, dans Shining. Leur capacité n'est pas le don de voyance : "J'en ai rencontré de temps à autre. Le plus souvent, leur pouvoir passe inaperçu. Ils n'en sont pas conscients eux-mêmes. Ils trouvent tout naturel arriver avec des fleurs juste le jour où leur femme a le cafard parce qu'elle est indisposée, ou de réussir à des examens qu'ils n'ont même pas préparés. (...) J'en ai rencontré cinquante ou soixante comme ça. Mais il ne doit pas y en avoir plus d'une douzaine, y compris ma grand-mère, qui savaient qu'ils avaient le Don." (82) Le pressentiment peut ainsi ne concerner que des événements très ordinaires. Dans L'Accident, Johnny, qui a fait une chute étant enfant, n'établit pas de lien entre ses pressentiments et la voyance : "Les années s'écoulèrent. De temps à autre, Johnny avait d'étranges pressentiments. Il savait par exemple quel disque serait programmé à la radio avant même que le présentateur en eût fait l'annonce. Des trucs dans ce goût-là. Mais il n'établissait aucun lien entre ces «trucs» et sa chute sur l'étang gelé. Il n'y pensait jamais. Ces prémonitions, relativement peu fréquentes, n'avaient rien d'inquiétant." (10)

Certains pressentiments mériteraient d'être pris en compte, ce que ne fait pas Jonesy, dans Dreamcatcher, mis en garde par son mai Henry, qui a eu une intuition prémonitoire : "Fais attention à toi" (40), sans préciser le danger. Jonesy oublie sa recommandation, décide brusquement de changer son emploi du temps, de ne pas manger dans son bureau comme prévu, mais dehors, dans un parc, sur un banc au soleil : "C'est la plus mauvaise inspiration qu'il aura de toute sa vie, mais bien entendu Jonesy l'ignore." (44) Jonesy est renversé par une voiture en sortant de son Collège : "Il s'en était sorti avec une fracture du crâne, deux côtes cassées et une hanche en capilotade qu'il avait fallu remplacer par une combinaison exotique de Teflon et de métal" (50) 18 Il ne franchira plus la porte de son bureau avant deux mois, agenda ouvert à la même page. "C'est ainsi qu'une vie peut changer pour toujours." (45)

Ce qui ne veut pas dire que tous les pressentiments se révèlent exacts, ou possèdent un caractère tragique. Hallorann, à nouveau professeur, explique la différence, après avoir raconté que ses actes de voyance s'accompagnent d'une odeur d'orange, élément pittoresque qui n'a rien à voir avec la voyance, mais qui est ajouté par King à son habitude : "
Les pressentiments ne sont pas toujours confirmés par les faits. Tiens, par exemple, celui que j'ai eu il y a quatre ans, dans un aéroport. J'avais obtenu un poste de cuisinier dans une colonie de vacances à Long Lake, dans le Maine. J'étais assis à côté d'une des portes d'embarquement de l'aéroport Logan, à Boston, et j'attendais de monter dans l'avion. Tout à coup, j'ai senti une odeur d'oranges, pour la première fois depuis cinq ans peut-être. (...) J'ai été envahi par le pressentiment que mon avion allait s'écraser. Après un moment, ce sentiment s'est atténué, l'odeur d'oranges aussi et j'ai pu reprendre mes esprits." Il annule son vol : "Tu sais ce qui est arrivé?
- Non, chuchota Danny.
- Rien! s'exclama Hallorann en éclatant de rire.
(...) Rien du tout! L'avion qui devait s'écraser a atterri à l'heure, sans une égratignure. Alors, tu vois..., quelquefois ces pressentiments ne veulent rien dire. Personne ne prévoit tout, sauf peut-être le bon Dieu là-haut dans son paradis." (Shining, 88)

La précognition, connaissance paranormale de l'avenir, perception extrasensorielle d'événements futurs (de certains événements tout au moins) fait penser au voyant Nostradamus ou ses équivalents. Elle permet d'être informé des événements avant qu'ils ne se produisent dans la réalité ou de connaître les endroits et les personnes avant de les percevoir physiquement. Quand elle est spontanée, elle concerne tantôt des faits généraux, souvent des événements de grande portée, touchant à la fois l'intérêt particulier et l'intérêt général, des catastrophes le plus souvent, ou les événements qui s'accompagnent d'une intensité émotionnelle importante. C'est une sensation étrange et généralement bouleversante, qui intervient souvent sous forme d'images très vives, de clichés, ou «flashes». Elle peut être provoquée par divers moyens. La précognition est complémentaire de la rétrocognition, la faculté de voir dans le passé, qui permet de mieux comprendre le présent.
La précognition peut prendre plusieurs formes : des rêves ou des visions à l'état de veille, des voix intérieures, des intuitions, des sensations dont les contenus vont des faits les plus anodins aux plus tragiques. Il va de soi que, dans des romans de terreur, ce sont les faits porteurs d'angoisse et de peur qui sont retenus avant tout, comme ce fait dramatique pour les conséquences politiques qu'il peut avoir sur la politique mondiale : Johnny, le voyant tactile de
L'Accident, serre la main de Stillson, le politicien fasciste et véreux dont la politique au niveau de son état est avant tout sécuritaire en anticulturelle, un dictateur dangereux pour la paix mondiale. Il le voit devenant président des USA, tout son pouvoir de malfaisance s'appuyant sur la plus forte nation du monde : "Jamais il ne pourrait oublier cette image : Voilà... Greg Stillson prêtant serment. (...) Une des mains de Stillson se posa sur La Bible, l'autre s'éleva. C'était loin dans le futur, parce que Stillson avait perdu ses cheveux." (273)

Certains rêves prémonitoires se déroulent avec un grand luxe de détails. Dans Le Fléau, un long rêve (4 pages, 368/71) détaille de nombreux éléments objectifs, certains originaux, comme celui de Nick qui entend la vieille Abigaël jouer de la guitare, et en perçoit les sons dans le ravissement alors qu'il est sourd-muet de naissance... Menace pour la collectivité, les intentions de conquête celle de Flagg, l'homme noir, dont sont «vues» par Nick : "Cette nuit-là, il rêva de l'homme sans visage, debout sur la terrasse, les mains tendues vers l'est, puis du maïs - du maïs qui montait plus haut que sa tête - et du son de la musique. Mais cette fois, il savait que c'était de la musique; cette fois, il savait que c'était une guitare. Quand une furieuse envie d'uriner le réveilla avant l'aube, les mots de la vieille femme résonnaient encore dans sa tête : On m'appelle mère Abigaël... viens me voir quand tu veux." (416). Dans ce rêve se sont associées les deux forces en présence, celles des Ténèbres et celle de la Lumière, la prophète mère Abigaël.
Mais les phénomènes de voyance ne concernent pas que des faits collectifs. Dans
Shining, Danny a un informateur avec son double Tony, qui l'informe par des visions ou par des rêves précognitifs : "Je savais que cet hôtel était mauvais, dit Danny à voix basse. Je le savais dès notre arrivée à Boulder parce que Tony m'a envoyé des rêves pour me prévenir. (...) Il m'a montré l'Overlook la nuit, avec une tête de mort sur la façade. Et il y avait un bruit de coups. Quelque chose... - je ne me rappelle pas quoi... - me poursuivait. C'était un monstre. Et Tony m'a mis en garde contre TROMAL." (245) . Il ne sait pas ce que veut dire le mot TROMAL, dont les lettres inversées donnent : LA MORT19. De même il ne sait pas ce que signifie cette vision d'un maillet qu'il a souvent : "Là, sur le siège avant de la voiture, il y avait un maillet à manche court dont la tête était barbouillée de sang et de touffes de cheveux" (43), le manche du maillet que brandira plus tard le monstre à sa poursuite.

La forme supérieure de la précognition est la prophétie, prédiction d'événements sous la conduite et l'inspiration divine. La prophétie a une plus grande portée que la précognition, tant sur le plan des messages que de la durée. Le prophète est l'intermédiaire entre l'homme et Dieu, l'interprète de la volonté divine : "
J'ai commencé à faire ces rêves il y a deux ans. La prophétie est un don de Dieu et tout le monde est un peu prophète. Dans mes rêves, j'allais vers l'Ouest. d'abord avec quelques personnes, puis avec d'autres, et d'autres encore. À l'Ouest, toujours à l'Ouest, je voyais un jour les montagnes Rocheuses", dit Abigaël (Le Fléau, 511). Elle «voit» même le panneau indicateur de la ville, Boulder... En effet, la prophétie ne concerne pas exclusivement des événements futurs, mais elle exprime des vérités religieuses, elle réprimande, exhorte, juge. Sa place n'est qu'évoquée ici : le sujet, important chez King, fera l'objet d'une étude ultérieure.

RÉTROCOGNITION

La rétrocognition, connaissance des événements du passé, fonctionne de manière identique à la précognition, mais, pôle opposé, la rétrocognition représente "l'autre face" du temps. Elle se manifeste chez King plus souvent que dans la vie réelle, où les hommes s'intéressent davantage à l'exploration du futur qu'à celle du passé, pourtant riche d'expériences et de souvenirs, précieuses graines pour l'avenir.
Les croyants en la rétrocognition pensent que le passé laisse des traces diverses, inscrites nécessairement quelque part. Tout ce avec quoi nous avons été en contact porte notre empreinte, s'imprègne de nos vibrations. Ces traces sont perçues par le sensitif qui, en touchant un objet ou en pénétrant dans un lieu, arrive à reconstruire leur histoire. Il entre alors dans une autre dimension, où le présent, le passé et le futur s'entrecroisent, coïncident et se poursuivent en un jeu magique et étrange; le réservoir qui contient "quelque chose" de chaque personne ou animal ayant existé.

C'est le cas à Salem de la maison Marsten, un lieu maléfique, qui a été habité par le pire des assassins : "Il leva les yeux vers Marsten House et dit d'une voix lente : Je pense que cette maison pourrait être le monument au mal d'Hubert Marsten, une sorte de plaque de résonance psychique. Un phare supranaturel si tu préfères. Dressé là depuis cette époque funeste et retenant peut-être dans ses plâtres poussiéreux l'essence même du mal d'Hubert Marsten. Et maintenant elle est habitée de nouveau. Et voilà qu'il y a eu une nouvelle disparition. (...) Peut-être que la maison a attiré une autre incarnation du mal." (122/3) Tout le récit est ainsi ponctué de remarques occultistes sur la maison maudite : "La maison se dresse là, sur cette colline qui domine la ville, comme... euh... comme une sorte d'idole maléfique." (128) Ceux qui pénètrent dans la maison Marsten «voient» des éléments du drame qui s'y est déroulé.

Les occultistes affirment que les choses possèderaient une empreinte psychique, une sorte de mémoire cachée. Chaque événement laisserait en effet des «traces» immatérielles ou semi-matérielles liées à des choses et à des personnes ayant joué un rôle important dans leur histoire. Hallorann a mal vécu ses deux années passées à l'hôtel Overlook, ses et rêves ses cauchemars : "Ce qu'il avait vu dans la salle de bains de la chambre 217 avait été si horrible qu'il avait décidé de ne pas revenir l'an prochain. Ç'avait été pire que la pire des images dans le plus terrifiant des livres. Et, vu d'ici, l'enfant qui courait vers sa mère paraissait si petit..." (90) Il l'explique au jeune Danny : "Je ne sais comment te l'expliquer, mais on dirait que le mal hante cet endroit. On en relève encore les traces, pareilles à des rognures d'ongles ou des croûtes de morve que quelque dégoûtant aurait essuyée sous le siège d'une chaise. Je sais qu'il se passe de vilaines choses dans tous les hôtels du monde (...) Et pourtant il n'y a qu'ici que j'ai eu cette impression là.". (Shining, 89)
Le passé pourrait ainsi continuer à exister dans le présent, en imprégnant aussi bien les choses que l'esprit humain capable d'entrer en relation avec elles. Les explications pseudo-scientifiques font appel au phénomène de rémanence, utilisé en physique, ou à l'hystérésis et le champ magnétique de l'aimant, ou à des effluves, des ondes émanant des traces. La rétrocognition s'effectue par les mêmes moyens que la clairvoyance : spontanément, par contact ou par procédés mantiques.

Voyance et temporalité.


Dans les faits, disent les partisans de la voyance, les classifications sont à prendre avec beaucoup de souplesse. Elles correspondent à notre temps humain, celui de nos horloges. Or dans la voyance, le temps n'est plus celui de notre monde cartésien et rationnel. L'espace se contracte ou se dilate, le temps fait des bonds en arrière ou en avant, la personnalité du voyant se dédouble pour ne plus faire qu'un avec la personnalité avec laquelle il est en contact sans pour autant cesser à l'observer. La clairvoyance ainsi analysée est certainement, disent ses défenseurs, le sentiment qui est le plus éloigné de la conception actuelle du monde
20, la vision rationnelle qui est enseignée dans les écoles et les universités, dominante en Occident depuis le XIXème siècle. Ainsi dans L'Accident, Johnny a le don de voyance par contact après un accident, et 55 mois de coma dà l'hôpital. À son réveil, la main d'une infirmière le touche : "Elle était fraîche et réconfortante et Johnny sut qu'elle avait trois enfants, et que le plus jeune avait perdu l'usage d'un oeil en faisant éclater un pétard le 4 juillet dernier. Il se prénommait Marc." (89) Ces faits se sont produits dans le passé. Puis Johnny saute du passé dans l'avenir, disant à l'infirmière que "tout ira bien quand ils auront opéré la cornée." (91)

LA MISE EN SCÈNE DE LA VOYANCE.

Comme les autres motifs d'ordre paranormal ou surnaturel qu'il utilise, King consacre plusieurs pages à des explications ou des justifications, qui opposent crédules et sceptiques, souvent la victime, qui pour l'avoir vécu croit au fait étrange et un «scientifique» (souvent un médecin ou un professeur) qui cherche la neutralisation du fait insolite en essayant de lui donner une explication rationnelle.

Voyance et rationalité.

Quand un phénomène surnaturel ou paranormal se produit, il oppose toujours une hypothèses rationaliste au phénomène qu'il a mis en scène. Le degré le plus simple d'explication est celui de l'homme d'expérience, qui doute, sans avoir de connaissances particulières ou de théories scientifiques à laquelle se référer. C'est le cas, dans L'Accident, du riche employeur de Johnny, devenu précepteur de son fils en fin d'études. Johnny incite son élève à ne pas participer au repas de fin d'année donné dans un restaurant de la ville parce qu'il a «vu» qu'un incendie allait s'y déclencher. Le père, industriel, réagit : "Johnny, reprit Roger Chatsworth, calmement et très gentiment, vous ne pouvez pas prévoir une chose de cette nature. (...) Ma conviction personnelle est qu'il n'y a pas de différence entre un bon et un mauvais médium, parce que je ne crois pas à toutes ces histoires, c'est aussi simple que ça. Je n'y crois pas.
- Je suis un menteur alors?
- Pas du tout, reprit Roger de sa même voix unie et calme. J'ai un contremaître à l'usine qui se refuse d'allumer trois cigarettes avec la même allumette, il n'est pas mauvais contremaître pour autant. J'ai des amis extrêmement croyants, et, bien que je ne fréquente pas l'église moi-même, ils sont toujours mes amis. Vous croyez que vous êtes capable de prévoir des événements à venir ou à distance, je n'en ai pas tenu compte quand il fut question de vous engager. Non, ce n'est pas exactement ça. Je n'en ai jamais tenu compte quand j'ai été convaincu que ça ne vous empêcherait pas de faire du bon travail avec Chuck. Mais je ne crois pas davantage à un incendie chez Cathy ce soir qu'à l'existence des soucoupes volantes."

À l'hôpital, où il a passé cinq ans dans le coma, deux médecins constatent ses dons de voyance. Un les nie, l'autre les accepte. Il explique ce qui va se passer : "
Brown est furieux, après vous, après moi, furieux après lui je suppose. Furieux d'avoir eu également à tenir compte de phénomènes que jusqu'à présent il considérait comme délirants, comme des foutaises selon ses propres paroles. L'infirmière ne se taira pas. Elle est en train de tout raconter à son mari à la minute même où je vous parle. Il en parlera à ses collègues. Demain ce sera la presse avec gros titres : «Un miraculé sorti d'un coma de quatre ans qui se réveille avec le don de seconde vue »!
- Seconde vue, c'est comme ça que vous appelleriez la chose?
- On s'en fout de l'appellation contrôlée. On glisse une photo sur votre poitrine et vous voilà à même de dévoiler l'identité de la personne figurant sur le cliché. Où elle habite, ce qu'elle fait. Vous pouvez peut-être aussi lire dans les pensées pendant que nous y sommes. Bref vous êtes pourvu de tous les accessoires surnaturels du médium de music-hall. Une grande carrière de charlatan vous attend, mon vieux. Le mystère du devin, Madame Soleil, tout ce qui faisait rire Brown. Rire n'est plus le mot. Depuis aujourd'hui, il ne rit plus. Plus du tout. Il méprise cette quincaillerie. Il vous méprise."
(112)

Le don de voyance de Danny est également contesté par le médecin, consulté par ses parents : "Quelquefois ce qu'il raconte me fait peur. C'est comme si...
- Comme s'il avait le don de seconde vue? interrogea Edmonds, souriant.
- Vous savez qu'il avait une coiffe à la naissance, dit Wendy d'une voix presque inaudible
Le sourire d'Edmonds se transforma en un gros rire franc. - Soyons sérieux. Ce n'est pas la perception extra-sensorielle qui est à l'origine de ces phénomènes. C'est tout simplement notre bonne vieille perception humaine, que Danny possède au plus haut point. Mr. Torrance, Danny savait que votre malle se trouvait sous l'escalier de la cave
21 parce que vous aviez sans doute regardé partout ailleurs. Il est arrivé à cette conclusion par voie d'élimination, tout bêtement." (149)22

Danny a raconté au docteur Edmonds ses rapports avec Tony, le compagnon irréel qui lui apparaît de temps en temps lors de ses moments de voyance. Ici encore le docteur ne se montre pas surpris : "L'imagination créatrice de Danny fait de Tony un ami invisible exceptionnellement intéressant. Ce que Tony apprend à Danny est souvent utile ou agréable, parfois même étonnant. Naturellement Danny en est venu à attendre ses visites avec la plus grande impatience." (148) Le docteur ne pense d'ailleurs pas qu'on doive se laisser impressionner par les prétendues révélations de Tony : "Danny reconnaît lui-même que toutes les prévisions de Tony ne se réalisent pas. Celles qui n'ont pas de suite étaient fondées sur une perception erronée des choses, c'est tout. Danny fait inconsciemment ce que tous les soi-disant mystiques et voyants font consciemment ou cyniquement." (150)

L'explication la plus simple est de faire appel à une notion fourre-tout, l'inconscient (que tout le monde évoque, sans qu'on sache ce que ce mot recouvre exactement) : "Le subconscient attrape tout au vol à la façon d'un rouleau de papier tue-mouche, pour user du genre d'images que l'on trouve couramment dans les articles de vulgarisation des journaux du dimanche." (367) Ailleurs King prend l'exemple d'un ordinateur disposant d'une quantité invraisemblable de «puces» mémorielles, comparées à notre mémoire : "Personne n'était capable d'évaluer avec précision la quantité d'information exacte que chacune de ces «puces» organiques était susceptible d'engranger." (Simetierre, 369)


Une autre explication est une modification chimique de notre organisme, susceptible de se produire avec des substances appropriées. Dans
Charlie, un produit spécial a été inoculé à Andy, étudiant, qui le rend soudainement voyant, comme il le constate avec un des contrôleurs de l'épreuve : "Soudain, une foule d'informations sur Ralph Baxter lui tombèrent dessus. Des tonnes de choses : il avait trente-cinq ans, travaillait pour la Boîte depuis six ans. Auparavant, il était resté deux ans avec le FBI. Il avait tué quatre personnes durant sa carrière, trois hommes et une femme. Il avait violé la femme après l'avoir flinguée. C'était une correspondante de l'Associated Press qui était au courant.
Cette partie-là n'était pas très claire. Ça n'avait pas d'importance. Soudain, Andy n'avait plus envie de savoir. Le sourire s'effaça de ses lèvres et il se sentit envahi par une sombre paranoïa, celle qu'il avait déjà connue au cours de ses deux précédents trips de LSD. Sauf qu'aujourd'hui, c'était plus profond et plus effrayant. Il n'avait pas la moindre idée de la façon dont il pouvait être au courant de la vie de Ralph Baxter - ni même de son nom.
(...) Peut-être s'agissait-il vraiment d'une hallucination. Ça ne semblait plus très réel à présent. Ralph l'observait toujours. Peu à peu, un sourire apparut sur son visage.
«Vous voyez? fit-il doucement. Avec le Lot Six, il se passe tout un tas de choses bizarres."
(46)

On sait que King adolescent a lu avec fascination les recueils de faits et anecdotes étranges publiés en livres de poche :
Ripley's Believe It or Not 23 (Incroyable, mais vrai), où il trouve d'innombrables curiosités, des faits merveilleux, mais aussi des monstres animaux ou humains, ces aberrations tératologiques qui écoeurent ou effraient les hommes depuis toujours : "C'est dans le Ripley's Believe It or No que j'ai commencé à voir pour la première fois à quel point pouvait être ténue la ligne qui sépare le fabuleux de l'ordinaire, aussi que la juxtaposition des deux faisait autant pour jeter une lueur nouvelle sur les aspects ordinaires de la vie que pour éclairer ses manifestations les plus aberrantes." (Rêves &Cauchemars, 11) Il continue toujours à vivre dans ce monde de l'extraordinaire en correspondance avec son oeuvre : "L'univers entier pullule de faits bizarres et inexplicables. Il y a même des journalistes qui passent leur vie à en dresser l'inventaire dans des recueils du type La Réalité dépasse la fiction." 24
D'autre part, King, élevé dans la croyance religieuse chrétienne, a été marqué par le courant New Age
. On ne peut en effet négliger chez King, entre d'autres emprises, l'influence de ce mouvement diversifié et peu structuré de ce qu'on appelle le New Age, dont la caractéristique commune est le rejet de la science, de la technique et même de la raison au profit du sentiment. Le New Age met l'accent sur les phénomènes psychiques comme fondements des relations entre les hommes et le cosmos. Ce retour archaïque du sacré se veut remonter aux sources de l'humanité, aux principes gnostiques de l'Occident et du bassin méditerranéen antiques.

Au fond de lui-même, King croit à une réalité extrasensorielle, et son point de vue est peut-être exposé dans Salem par le romancier Ben, à propos du phénomène de voyance attribué à la belle-soeur de Marsten, qui aurait eu la vision de sa soeur assassinée : "Le dossier de la perception extra-sensorielle est suffisamment important à présent pour que même un rationaliste à tout-crin ne puisse plus en rire impunément. L'idée que Birdie aurait transmis les circonstances de sa mort à quatre cent cinquante kilomètres de là, par une sorte de télégraphie psychique, me paraît infiniment moins difficile à admettre que celle d'une présence réelle du mal, de ce mal dont je crois parfois entrevoir le visage monstrueux derrière les murs de cette maison. Tu m'as demandé ce que je pense. Je vais te le dire. Je pense qu'il est relativement facile pour les gens de reconnaître l'existence de phénomènes tels que la télépathie ou la voyance parce que ça ne leur coûte rien. Ce n'est pas ça qui les empêchera de dormir. Mais l'idée que le mal que font les hommes continue à vivre après eux est beaucoup plus troublante." (122) Effectivement, King a l'habileté de rattacher les phénomènes de voyance qu'il relate à l'existence d'un mal conquérant qui cherche à s'imposer.

Le point de vue du sociologue Glen, dans Le Fléau, doit refléter à peu près le point de vue de King sur le phénomène de la voyance, qui est le reflet d'études au caractère non scientifique malgré les apparences : "Ce don est si profondément enraciné en nous que nous ne le remarquons que rarement. Un don qui est essentiellement préventif, ce qui nous empêche aussi de l'observer. (...) Avez-vous lu l'étude publiée en 1958 par James D. L. Staunton sur les accidents d'avions et de chemins de fer? Elle a d'abord paru dans une revue de sociologie, mais la presse à sensation en reparle de temps en temps quand les journalistes ont du mal à pisser de la copie. (...) James Staunton avait ce que mes étudiants d'il y a vingt ans auraient appelé «une tête bien faite» - un sociologue tout à fait bien, très tranquille, qui s'intéressait à l'occulte, son violon d'Ingres si on veut. Il a d'abord écrit une série d'articles, puis il a sauté la barrière pour étudier le sujet par lui-même.
(...). Staunton a recueilli des statistiques sur plus de cinquante accidents d'avions depuis 1925 et sur plus de deux cents accidents ferroviaires depuis 1900. Il a fourré tout ca dans un ordinateur. En résumé, il cherchait une corrélation entre trois facteurs: ceux qui étaient présents à bord du véhicule accidenté, ceux qui ont été tués, et la capacité du véhicule. (...). Il avait également donné une deuxième série de statistiques à son ordinateur - cette fois un nombre équivalent d'avions et de trains qui n'avaient pas eu d'accident.
Mark avait compris.
- Un groupe expérimental et un groupe témoin. Ça paraît logique.
- Et ce qu'il a découvert est extrêmement simple, mais plutôt gênant sur le plan des conséquences. Dommage qu'il faille se taper seize tableaux de statistiques pour arriver à la conclusion.
(...) Les avions et les trains pleins ont rarement des accidents.(...) C'était la théorie de Staunton, et l'ordinateur lui donnait raison. Quand il y a accident d'avion ou de train, les véhicules sont remplis à soixante et un pour cent. Lorsqu'il n'y a pas d'accident, ils sont remplis à soixante-seize pour cent. Une différence de quinze pour cent sur un échantillon représentatif, on peut donc parler d'un écart significatif. Staunton fait observer que, du point de vue statistique, un écart de trois pour cent donnerait déjà à réfléchir, et il a raison. L'anomalie est énorme. Staunton en déduit que les gens savent quand un avion ou un train va avoir un accident... qu'ils prévoient l'avenir, inconsciemment." (548/9)

Quand on pose la question à Glen de savoir comment il explique qu'il en soit ainsi, il propose une théorie liée à l'évolution. Jadis les sens humains étaient beaucoup plus aiguisés qu'ils ne le sont aujourd'hui. Ils sont atrophiés quand leur exercice n'a plus été nécessaire. On n'en a plus besoin. Peut-être, conclut-il "sommes-nous comme ces gens qui vont prendre l'avion... et qui tout à coup ont mal au ventre. Peut-être nous donne-t-on le moyen d'orienter notre avenir. Une sorte de libre arbitre dans la quatrième dimension : la possibilité de choisir, avant les événements.
- Mais nous ne savons pas ce que ces rêves signifient.
- Non, mais nous allons peut-être le découvrir. J'ignore si posséder une parcelle de dons psychiques signifie que nous sommes divins; bien des gens acceptent le miracle de la vue sans croire que la vue prouve l'existence de Dieu, et je suis de ceux-là; mais je crois que ces rêves sont une force constructive, même s'ils peuvent nous faire peur
. (549)

Il n'y a pas de romans de King qui ne contiennent ainsi, en même temps que l'utilisation de la voyance, des considérations dont il faut bien dire qu'elles n'ont qu'une apparence scientifique. Alors que Peter Straub, par exemple, utilise des motifs semblables, il n'éprouve pas le besoin de les justifier ainsi. Encore faudrait-il référencer le vocabulaire de King, qui utilise des mots chargés d'un sens qu'ils n'ont pas, et dans le but de faire admettre une idée uniquement par analogie, qui n'est pas un moyen de prouver scientifiquement quoi que ce soit. Ainsi il parle de «traces» laissées par les crimes commis dans la Maison Marsten. L'habileté avec laquelle King utilise le conditionnel et la ressemblance, dans les propos du professeur Matt, est remarquable : "Et j'imagine qu'il fonde sa théorie sur les vieilles notions chères à la parapsychologie : l'homme sécréterait le mal comme il secrète la sueur ou le mucus. Un mal qui ne disparaîtrait jamais. Et, dans ce cas particulier, Marsten House pourrait être considérée comme un conservateur, ou, mieux, comme un accumulateur de mal." (Salem, 207) Ben reprend en romancier une analogie semblable : "Cette maison pourrait être le monument au mal d'Hubert Marsten, une sorte de plaque de résonance psychique. Un phare supranaturel si tu préfères. Dressé là depuis cette époque funeste et retenant l'essence même du mal d'Hubert Marsten." (122) On remarque ainsi l'usage qui est fait du terme technique (ou scientifique ailleurs) à apparence d'objet indiscutable (accumulateur), aux propriétés connues, ou à une comparaison concrète (plaques) suivi d'un mot qui a une réalité physique (résonance) pour faire passer des notions insolites comme la résonance psychique ou l'accumulation du mal, alors que le mal, notion sociologique essentiellement humaine, n'a d'autre valeur que par le conditionnement exercé par les sociétés. Que peut bien être un "accumulateur de mal"? Le lecteur, pris par le récit, n'enregistre que le concept familier d'accumulateur et accepte, sans plus se poser de questions. Ben et Matt ont tous deux employé le conditionnel : mais ils feront ensuite comme si le temps qu'ils avait employé était un présent...

Effets littéraires

Effets pittoresques :

Le récit des conditions dans lesquelles la voyance s'exerce permet toutes les fantaisies. Si Danny, dans Shining, voit ses faits de voyance associés à son double Danny, on a vu que ceux d'Hollorann sont liés à l'odeur d'orange : "Tu dis qu'avant de faire tes rêves tu vois ce Tony ?
Danny acquiesça d'un signe de tête.
Hallorann passa son bras autour de l'épaule de Danny.
- C'est une odeur d'oranges qui m'annonce les miens. Or, cet après-midi-là, j'avais bien remarqué une odeur d'oranges, mais je n'y avais guère prêté attention. Il y avait des oranges au menu du soir et nous en avions trente caisses dans la réserve. Toute la cuisine empestait l'orange et n'importe qui aurait senti leur odeur."
(87)
Si certaines visions sont accompagnées de détails accessoires, comme ce parfum d'orange, d'autres sont associées à des éléments plus importants, comme le double de Danny, son «camarade invisible»
(37) qui accompagne toujours ses visions, lui parle et lui montre : "Il aimait se concentrer parce que quelquefois Tony venait. Le plus souvent, il ne se passait rien; sa vue se brouillait, la tête lui tournait et ça s'arrêtait là. Mais, d'autres fois, Tony paraissait à la lisière de son champ de vision, lui faisait signe de venir et l'appelait de sa voix lointaine." (Shining, 38) La voyance prend alors les apparences d'un ami, avec des sentiments qui enrichissent la coloration du récit. Danny, cinq ans, a déménagé avec ses parents, et constate que le phénomène sur lequel il met de nom de Tony (le double «voyant» de lui-même) l'a suivi : "Il se rappelait la surprise et le plaisir qu'il avait ressentis en voyant que Tony avait fait tout ce chemin depuis le Vermont pour le rejoindre. Ses amis ne l'avaient pas tous laissé tomber. (...) Tony était apparu et lui avait fait signe de venir. Le noir l'avait aussitôt englouti et quelques instants plus tard il était revenu à lui. Il ne gardait de cette rencontre que quelques souvenirs fragmentaires et brouillés comme ceux d'un rêve. Mais, il y avait deux semaines, Tony avait réapparu dans une cour voisine et, comme d'habitude, lui avait fait signe de venir : «Danny, viens voir». Danny avait eu l'impression de s'être levé pour aller voir, puis d'être tombé, comme Alice au pays des merveilles, au fond d'un trou profond. " (38)

Danny est capable de «voir» les pensées de ses parents : "
Il y avait entrevu, le temps d'un éclair, un mot inconnu, incompréhensible, bien plus effrayant encore que le mot DIVORCE, le mot SUICIDE. Depuis, Danny n'avait plus croisé ce mot-là dans l'esprit de son papa et il ne tenait pas à le rencontrer. Il n'avait même pas envie de savoir exactement ce qu'il signifiait." King a alors l'habileté de colorer les impressions de l'enfant, qui ne connait pas exactement le sens des mots, par les sentiments qui les accompagnent : "Il n'en déchiffrait que les grandes lignes; dès qu'il voulait saisir l'idée dans sa complexité, elle se dérobait. Ses multiples ramifications étaient incompréhensibles pour lui en tant qu'idées, mais il pouvait les appréhender sous forme de couleurs, sentiments, états d'âme. (...) Les pensées de DIVORCE de Papa étaient d'une couleur sombre, inquiétante, du violet foncé veiné de noir. Il semblait croire qu'il valait mieux pour Maman et lui qu'il s'en allât, qu'ainsi ils ne souffriraient plus." (37)

La voyance chez King s'accompagne ainsi d'effets variés. Dans
L'Accident, King pourrait se contenter de dire que lorsque Johnny serre la main d'un politicien, il y lit son avenir de président. Mais King éprouve le besoin de compléter le fait d'une description qui le dramatise considérablement : "L'instant s'éternisa. Temps suspendu tandis qu'ils ne se quittaient pas des yeux. Johnny prisonnier d'un corridor sans fin. (...) Tout arrivait en même temps : le bruit infernal d'un train lancé à toute vitesse dans un étroit tunnel, un projecteur dérisoire à l'avant, mais pas d'issue, et la parfaite conscience de ce qui allait se passer le plaquait contre un mur tandis que le train des ténèbres fonçait sur lui." (273)

Autre particularité de King : il exploite, souvent longuement, la voyance interne (les organes du corps), quand des personnages doués ont besoin de savoir ce qui se trouve dans le cerveau d'un autre. Ainsi des sensations de Sue, mentalement explorée par Carrie : " Ce fut pour Sue une sensation terrifiante. Sa tête et son système nerveux étaient devenus une bibliothèque. Dans l'affolement, un être la parcourait en tous sens, effleurant du bout des doigts les étagères couvertes de livres, en sortant quelques-uns qu'elle parcourait avec fébrilité, les remettant en place, faisant tomber certains, laissant les pages voleter; follement (aperçus fugitifs ça c'est moi petite je le déteste papa oh maman les grosses lèvres les dents bobby m'a poussée oh mon genou veux monter dans la voiture on va voir tante Cécile maman viens vite j'ai fait pipi) dans le vent du souvenir, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'elle atteignît enfin une étagère marquée TOMMY avec en sous-titre BAL DE.PRINTEMPS. Livres feuilletés, expériences survolées, notes marginales dans tous ces hiéroglyphes de l'émotion, plus complexes que ceux de la pierre de Rosette.
Continuant à chercher. Découvrant plus que Sue en personne ne le soupçonnait - amour pour Tommy, jalousie, égoïsme, besoin de le soumettre à sa volonté, de l'obliger à accompagner Carrie, dégoût pour Carrie elle-même, (elle pourrait bien essayer de s'arranger un peu mieux elle a vraiment l'air d'un
CRAPAUD)
haine à l'égard de Miss Desjardin, à l'égard d'elle-même. Mais pas de mauvaises intentions arrêtées vis-à-vis de Carrie, aucun plan pour la ridiculiser devant les autres.
L'impression cuisante d'être violée dans ses plus secrets réduits commença à s'estomper. Elle sentit Carrie se retirer, affaiblie, épuisée."
(262/3)

La même opération se produit à plusieurs reprises dans Dreamcatcher, l'extraterrestre qui occupe le corps de Jonesy explorant son cerveau de manière identique pour y rechercher les informations dont il a besoin. La situation y est encore plus complexe, Jonesy (comme Seth dans Les Régulateurs) parvenant à lui dissimuler certaines informations dans son cerveau symbolisé par un entrepôt d'entreprise, où il s'est retiré dans le bureau où l'extraterrestre ne peut pas pénétrer, avec ses informations préservées, alors que les autres données courantes sont accessibles dans l'entrepôt. Cette exploration par un extraterrestre, apprentissage en un minimum de temps d'une vie terrestre, s'accompagne de nombreuses réflexions et constatations, parfois dérangeantes, parfois humoristiques comme cette interprétation et utilisation du christianisme à partir des souvenirs de Jonesy. Mr. Gray doit transporter un chien infecté pour empoisonner le réservoir d'eau et contaminer de nombreux habitants, alors que le corps de Jonesy, qu'il occupe, est hors d'état de fonctionner convenablement : "Petit tour dans les archives de Jonesy Pendant un moment il ne trouva rien... puis lui vint une image de 1'«école du dimanche» que Jonesy avait fréquentée, enfant, pour s'y instruire sur «Dieu et son Fils unique», apparemment une sorte de byrum créateur d'une culture de byrus qui était simultanément identifié, dans l'esprit de Jonesy, comme étant le «christianisme» et «un tas de conneries». L'image était très claire et provenait d'un livre appelé la «Sainte Bible». On y voyait le Fils unique de Dieu transportant un agneau, presque comme si c'était un vêtement. Les pattes de l'animal pendaient de part et d'autre de son cou.
Voilà qui ferait l'affaire.
Mr Gray prit le chien endormi et se l'enroula autour du cou. Il était déjà lourd - sans compter la stupide et irritante faiblesse des muscles de Jonesy - et ce serait encore pire, le temps qu'ils arrivent là où il voulait aller... mais ils y arriveraient."
(620)

Effets fantastiques.

Dans Le Fléau, Flagg est capable d'envoyer des messages et de créer des visions, que des partisans ou adversaires voyants sont capables de recevoir. Il essaie de tenter successivement en songe les partisans d'Abigaël, la seule adversaire capable de lui tenir tête. Par exemple à Nick, sourd-muet, il propose la parole et l'audition, et lui donne un échantillon de ce qu'il n'a jamais vécu : "Il était quelque part, très haut. Un paysage s'étendait devant lui, comme une carte en relief. C'était un désert. Et dans le ciel, les étoiles avaient cet éclat brutal qu'on leur voit en altitude. Un homme était debout à côté de lui... Non pas un homme, mais la forme d'un homme. Comme si l'on avait découpé sa silhouette dans le tissu de la réalité et que ce qui se trouvait à côté de Nick fût en fait le négatif d'un homme, d'un trou noir avec la forme d'un homme. Et la voix de cette forme murmurait : Tout ce que tu vois sera à toi si tu tombes à genoux pour m'adorer. (...) Il entendait des sons. Il savait ce qu'était chacun de ces sons sans qu'on le lui ait jamais dit. De jolis sons." (368). C'est un rappel, remarquablement enrichi (la scène fait près de deux pages) de la tentation de Jésus par le diable dans le désert (une des innombrables scènes fantastiques de La Bible) : "De nouveau le diable le prend avec lui dans une montagne très élevée et lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire, et il lui dit : «Tout cela je te le donnerai, si tu tombes, prosterné devant moi»". 25

Autre mise en scène recherchée : quand le fantôme de Nick vient expliquer à l'idiot Tom Cullen ce qu'est une infection, en lui montrant une blessure sur sa jambe, et lui indique qu'il doit prendre des médicaments appropriés, la voyance s'adapte au psychisme limité de Tom : "Je t'ai montré ma jambe pour une bonne raison. Il y a des pilules contre les infections. Comme ici.
Tom regarda autour de lui et fut surpris de voir qu'il n'était plus dans la rue. Ils étaient dans un magasin plongé dans le noir. Une pharmacie. Un fauteuil roulant était accroché au plafond, comme un étrange cadavre mécanique. Une pancarte à droite de Tom annonçait :
ARTICLES POUR LES ÉNURÉTIQUES.
- Oui, monsieur? Vous désirez? Tom se retourna. Nick était derrière le comptoir, en blouse blanche.
- Nick?
- Certainement, monsieur, répondit Nick en alignant une série de petits flacons devant Tom. Voici de la pénicilline. Excellent contre la pneumonie. Ceci est de l'ampicilline, et ici nous avons de l'amoxicilline. Excellent également. Voici de la V-cilline, administrée surtout aux enfants. Elle peut donner des résultats si les autres ne sont pas efficaces. Le malade devrait boire beaucoup d'eau et de jus de fruits, mais la chose n'est peut-être pas possible. En ce cas, donnez-lui donc ceci. Ce sont des pastilles de vitamine C. Il faut également le faire marcher...
- Je vais pas pouvoir me souvenir de tout ça! gémit Tom.
- J'ai bien peur d'être obligé de vous demander de faire un effort, car il n'y a personne d'autre. Vous êtes tout seul.
Tom se mit à pleurer.
Nick se pencha en avant. Son bras se précipitait sur lui. Il ne sentit pas le coup - à nouveau, Nick était comme de la fumée qui passait à côté de lui, peut-être même à travers lui mais Tom sentit sa tête basculer en arrière : quand même. Et quelque chose dans sa tête parut se briser.
- Arrête ça! Tu ne peux plus être un bébé, Tom ! Sois un homme ! Pour l'amour de Dieu, sois un homme!
(...)
Tom se réveilla et se retrouva debout dans la pharmacie déserte, devant le comptoir. Quatre flacons remplis de capsules étaient alignés sur la tablette de verre. Tom les regarda un long moment, puis les mit dans un sac."
(1134/5)
Dans la perspective choisie par King, de longues scènes peuvent ainsi se dérouler, dans des circonstances et avec le luxe de détails réalistes qu'on pourrait trouver dans une description d'événements qui se passeraient dans la vie ordinaire. Notamment le «voyant» n'est pas passif, mais participe à l'action comme s'il s'y trouvait. Cela permet à King des scènes monstrative, quasi cinématographiques, où la vision n'est plus distincte de la réalité.

Effets dramatiques.

Dans L'Accident, le voyant (par contact) Johnny enquête dans un square sous la neige, avec le shérif Bannerman, pour trouver des indices sur un crime commis. Quand Johnny est en état de voyance, il entre en transe et change momentanément de personnalité : "Johnny retira ses gants, les mit dans sa poche, puis s'agenouilla et creusa la neige pour dégager le siège du banc. Bannerman fut à nouveau frappé par la pâleur de son visage. À genoux, il avait l'air d'un pénitent. (...)
- Habile, murmura Johnny, je suis habile, si adroit...
Bannerman s'approcha, incapable de saisir les paroles dans le hurlement du vent.
- Quoi ?
- Habile, répéta Johnny, levant les veux vers Bannerman. Le shérif recula : les veux de Johnny étaient froids et lointains. Ses cheveux sombres, agités par le vent, étaient rabattus sur son visage, il avait les mains rivées au banc.
- Putain, je suis si habile, dit-il distinctement. Un sourire triomphant étirait ses lèvres. Son regard transperçait Bannerman. Personne n'était capable d'inventer cela, de produire une telle mise en scène, et le plus terrible c'est que cela lui rappelait quelqu'un, le sourire, I'intonation de la voix... Johnny Smith avait disparu, remplacé par un autre. Dissimulé derrière les traits de Johnny, un autre visage apparaissait: le visage du tueur. Un visage que, lui,Bannerman connaissait.
- Vous ne me prendrez jamais parce que je suis trop habile pour vous. Un petit rire lui échappa. Je mets ça chaque fois, et si elles griffent ou si elles mordent... elles n'emportent rien de moi, parce que je suis le plus habile. Sa voix s'éleva en un cri de triomphe qui rivalisa de fureur avec le vent, et de nouveau Bannerman recula d'un pas.
«Assez, pensait-il. Arrêtons maintenant.»
Johnny se pencha sur le banc, de la neige fondue coulant entre ses doigts (neige, neige silencieuse et secrète).
- Elle m'a mis une pince à linge pour que je sache ce que ça fait quand on attrape une maladie. Une maladie de ces salopes, toutes des salopes, et il faut les arrêter, les arrêter, arrêter... Oh mon Dieu !... Il était redevenu enfant, s'en allait à l'école en marchant dans la neige. Et un homme apparaissait dans toute cette blancheur, un homme terrible, un homme noir, riant aux éclats avec des yeux aussi brillants que des pièces neuves. Il tenait un panneau Stop dans une main gantée, lui!... Iui!... Iui!...
- Oh ! ne le laissez pas m'emporter maman, ne le laissez pas...
Johnny hurla et s'écarta du banc, pressant ses mains sur ses joues. Il regarda Bannerman douloureusement. Il voyait toujours cette forme noire émergeant de la neige, avec ses yeux brillants, I'entrejambes meurtri par la pince à linge que la mère du tueur y avait placée. Il n'était pas un assassin, alors, ni une bête, ni une ordure, il n'était qu'un petit garçon affolé avec une pince sur son... son
(...) 26
La force abandonna ses bras, les images s'évanouirent, il glissa en avant. Il gisait maintenant, secoué de sanglots, sur l'estrade." (213/4)
La scène est plus longue, et son intensité est telle qu'il m'a été difficile de la couper. Ceux qui doutent du talent de King à être capable d'évoquer de simples sentiments humains, au profit de scènes d'horreur parfois discutables, en trouveront beaucoup de semblables dans son oeuvre, qui les porteront peut-être à réviser leur jugement.

La connaissance, par la voyance, de la réelle situation des autres est souvent éprouvante. Dans
Insomnie, Ralph et Loïs rencontrent une mère et son petit enfant à l'hôpital. L'enfant a le cerveau atteint par un traumatisme dû à un choc, dont Ralph et Loïs savent qui est le responsable27 : "[«C'est le père, n'est-ce pas? Il l'a jeté contre le mur?»] [Oui. Le bébé n'arrêtait pas de pleurer »] [«Et elle le sait. Elle le sait, mais elle ne l'a dit à personne.»] [« Non... mais il se peut qu'elle le fasse. Elle y pense.»] [«Elle risque aussi d'attendre qu'il recommence. Et la prochaine fois, il l'achèvera peut-être.»]
Une idée terrible lui vint à l'esprit; elle le traversa comme un météore qui allume brièvement un incendie dans un ciel nocturne, l'été: il valait peut-être mieux qu'il l'achevât, en effet. Le panache du bébé foudroyé se réduisait à un chicot, mais un chicot sain. L'enfant pouvait vivre des années, sans savoir qui il était ni où il était - encore moins pourquoi il vivait - à regarder aller et venir les gens, simples silhouettes comme des arbres dans la brume...
Lois se tenait les épaules voûtées, les yeux fixés sur le plancher de la cabine. Il émanait d'elle une tristesse qui serra le coeur de Ralph. Il passa un doigt sous le menton de sa compagne et vit une rose d'un bleu délicat naître à l'endroit où il l'avait touchée. Il l'obligea à relever la tête et ne fut pas surpris de voir des larmes dans ses yeux.
- Alors, tu trouves toujours que c'est un monde merveilleux, Lois?» demanda-t-il doucement. Mais à cette question, ni ses oreilles ni son esprit ne reçurent de réponse."
(405/6)

***

King utilisera surtout la voyance dans les romans où les forces de la Lumière luttent contre celles des Ténèbres, et la voyance qu'il mettra en scène sera celle que l'on trouve dans La Bible ou les écrits religieux. dans Le Fléau, son premier roman cosmique, il ne s'en cache pas : "En présence d'un phénomène manifestement paranormal, a continué Glen, la seule explication possible, la seule qui ait sa logique interne, est l'explication théologique. C'est pourquoi la métapsychique et la religion se sont toujours très bien entendues, jusqu'aux guérisseurs de notre époque." (546)


Par contre, les explications de type psychiatrique (que King a en horreur
28), si elles sont effectivement présentées, sont minimisées, comme c'est le cas dans Shining : "J'ai l'impression que Danny était bien parti pour faire une véritable psychose. Tous les ingrédients y étaient : milieu familial compromis, imagination débordante, ami imaginaire si réel pour lui qu'il finit par le devenir pour vous. Au lieu de «passer avec l'âge», sa schizophrénie enfantine aurait pu croître et embellir." Maintenant que les liens familiaux se resserrent, les conditions pourraient avoir changé : "À mon avis, Danny se trouve dans des circonstances idéales pour guérir. Et je pense que le fait qu'il distingue si bien le monde de Tony du monde réel en dit long sur sa santé mentale. Il m'a dit que vous ne songiez plus au divorce et je crois qu'il a raison, n'est-ce pas? (...) Il n'a plus besoin de Tony et il est en train de l'éliminer de son organisme. (...) Pendant une période difficile de sa vie, il s'est laissé totalement envahir par Tony et Tony ne va pas se laisser évincer facilement. Mais il n'en a plus pour longtemps. Votre fils est comme un petit drogué qui se désintoxique." (151)
En résume, Danny est un psychotique potentiel ordinaire qui, par chance, n'a pas sombré dans la maladie, mais sans don particulier. On a assisté, avec cette démonstration, au fait qu'une particularité surprenante devient banale quand un esprit rationnel croit pouvoir la rattacher à des composantes connues du psychisme humain. Chez King, ce sont le plus souvent des médecins qui donneront l'interprétation de la «science officielle» à un fait étrange et rationaliseront ainsi le surnaturel. Ainsi s'établit, comme le remarque Guy Astic, une "
polarité représentation mimétique/affirmation d'une réalité non mimétique qui engage la fiction sur la voie de l'irrésolution et de l'expérience de l'impossible." 29 Mais en fait, la suite du roman montrera que le médecin s'est trompé complètement sur la nature du don de Danny. C'est donc sans vergogne que King utilise le paranormal, auquel, comme beaucoup de nos contemporains, il croit sans croire...


On comprend que les écrivains à succès, dans des genres populaires comme le fantastique, utilisent la croyance qui est un phénomène social très répandu, au marché prospère (on estime à 40.000 le nombre des voyants ou cartomanciennes et 8 millions le nombre de consultants, occasionnels ou réguliers. Rejeté par les scientifiques, déconsidérée par les sciences humaines qui n'y voient le plus souvent qu'un signe de la "crise de la raison en Occident" datant des dernières décennies du XXème siècle. Ce domaine est abandonné aux élucubrations d'éditeurs peu scrupuleux, désireux de se faire un argent facile avec les mêmes idées répétées sous des titres et des couvertures renouvelés tous les dix ans. Bon nombre de revues s'abandonnent à des élucubrations qui n'ont pas changé depuis un siècle, et les journaux ne se privent pas, quoique plus insidieusement, à utiliser le bon filon, celui qui émeut et fait vendre. La voyance a encore un bel avenir.

Roland Ernould © juin 2002

Notes :

Adolescent, King a lu avec fascination les recueils de faits et anecdotes étranges publiés en livre de poche : Ripley's Believe It or Not (Incroyable, mais vrai), où il trouve d'innombrables curiosités, des faits merveilleux, mais aussi des monstres animaux ou humains, ces aberrations tératologiques qui écÏurent ou effraient les hommes depuis toujours : "C'est dans le Ripley's Believe It or Not que j'ai commencé à voir pour la première fois à quel point pouvait être ténue la ligne qui sépare le fabuleux de l'ordinaire, aussi que la juxtaposition des deux faisait autant pour jeter une lueur nouvelle sur les aspects ordinaires de la vie que pour éclairer ses manifestations les plus aberrantes." (Rêves et Cauchemars, 11)

King continue toujours à vivre dans ce monde de l'extraordinaire en correspondance avec son Ïuvre : "L'univers entier pullule de faits bizarres et inexplicables. Il y a même des journalistes qui passent leur vie à en dresser l'inventaire dans des recueils du type La Réalité dépasse la fiction."

Pour le rationaliste, ces recueils sont des compilations sans esprit critique, rassemblant des récits d'expériences individuelles non vérifiées car non vérifiables. Il se demande quel intérêt peuvent avoir ces relations qui trahissent une méconnaissance des méthodes scientifiques d'investigation, dont les auteurs comme les lecteurs ignorent les exigences les plus élémentaires (impersonnalité, objectivité, contrôle, cohérence). Il est significatif que de tels recueils, qui existent depuis longtemps, se sont révélés stériles aussi bien pour la science que pour la technique. Ils n'ont jamais permis de provoquer ou de favoriser des découvertes scientifiques. Le bilan de ces traditions orales, rassemblées en anthologies dès les débuts de l'imprimerie, est entièrement négatif. Bien sûr, dira King, mais ce n'est pas étonnant, quand on constate l'esprit obtus et bloqué des savants...

1 Carrie 1974, trad. fr. Albin Michel 1994.

2 'Salem's Lot 1975, trad. fr. Salem, Lattés 1981.

3 The Shining 1977, trad. fr. Shining L'Enfant-Lumière, Lattés 1979

4 Dreamcatcher 2001, trad. fr. Dreamcatcher, Albin Michel 2002.

5 Du grec méta et psyché (= esprit, âme) : qui dépasse le monde psychique, au-delà de ce monde. Le mot a été inventé en 1912 par Charles Richet, le principal artisan pour faire entrer les phénomènes spirites dans la science et créateur d'un Institut Métapsychique.

6 Le vocable «occulte» s'applique aux faits qui échappent à l'explication rationnelle. L'occultisme se présente à la fois comme une philosophie et un ensemble de pratiques, postulant une seconde réalité derrière la réalité observable, échappant à nos sens et à nos moyens d'investigation scientifiques. Il s'appuie sur des croyances, fondées sur l'analogie, l'établissement de correspondances entre les êtres et les choses, et présentant souvent un caractère ésotérique (alchimie, astrologie, cabale, divination, magie, mantique, métapsychique, nécromancie, etc, en font partie). Certains occultistes croient en une très ancienne synthèse absolue du savoir, se targuent de conserver des traditions remontant aux temps les plus lointains de l'humanité, ou liées à des extraterrestres venus sur notre planète apporter leur message.

7 La mantique est la connaissance du passé ou du futur par une divination réalisée par des pratiques particulières, appelées «manties» par leurs partisans : l'interprétation des rêves (oniromancie), des chiffres (numérologie ou arithmologie), de la lecture des lignes de la main (chiromancie), des tarots, du marc de café (caféomancie), du thé (thédomancie), de la boule de cristal (cristallomancie ou art béryllique), du miroir (catoptromancie), de la terre et les cailloux (géomancie), des épingles et aiguilles (acutomancie), des taches d'encre (encromancie), etc. La liste pourrait être très longue, tant les exploiteurs des superstitions sont ingénieux à inventer de nouveaux procédés, prétendus meilleurs que ceux existant...

8 Chez les peuples archaïques, le chamane a la réputation de pouvoir entrer en communication avec d'autres chamanes ou avec des individus ordinaires. Il pratique la lecture de la pensée, communication à distance, direction autosuggestive des rêves et extase. Il a des pouvoirs paranormaux de connaissance : précognition, vision à distance, prévision exacte du temps, ouverture de certaines portes surnaturelles. Le pouvoir paragnomique semble parfois aller de pair avec la compréhension de langues étrangères inconnues. Il utilise d'étranges pouvoirs «physiques» sur la matière ou suspend les lois naturelles connues. Il a le privilège de ne pas se brûler qui lui a été transmis par son ancêtre mythique, etc. Voir Michel Perrin, Le Chamanisme, 1995, PUF Que Sais-Je?

9 Amalgame d'expériences extraordinaires, avec souvent des témoignages extravagants recueillis sans précaution et sans respect des règles élémentaires de la vérification des témoignages, ces livres utilisent un amalgame de doctrines non fondées scientifiquement pour les «expliquer», inspirées de l'astrologie, du spiritisme, de l'occultisme, de la radiesthésie, de l'ésotérisme, de la théosophie et bien d'autres.

10 D'après eux, les facultés extra-sensorielles seraient complexes et difficilement reproductibles à la demande. Elles se prêteraient mal aux méthodes d'observation et d'expérimentation utilisées par les sciences de la nature, ces conditions détruisant, selon leurs affirmations, le phénomène qu'on cherche à étudier. Ce phénomène serait, par nature, incompréhensible si on n'y introduit pas le contexte affectif dans lequel il se produit et le cadre social dans lequel il s'exerce, avant tout subjectif. En clair, cela revient à détruire les fondements de l'esprit scientifique qui repose sur l'objectivité et la reproductivité.

11 Cette allusion fait partie de la mise en scène littéraire du don, selon l'habitude de King : dans Dreamcatcher, le don est rattaché à une "ligne jaune", commune à plusieurs anciens copains d'école et liée au don de voyance d'un déficient mental qui en fait partie.

12 Je consacrerai plus loin une partie de cette étude à montrer l'illustration littéraire que fait King de la voyance, dans une perspective monstrative ou horrifique.

13 La situation n'est pas suffisamment nette pour que l'on puisse évoquer la bilocation, qui sera étudiée plus loin.

14 Dans plusieurs croyances religieuses hindoues, l'oeil droit correspondrait au soleil, à l'activité et au futur. L'oeil gauche s'accorderait avec la lune, la passivité et le passé. Le troisième oeil, invisible et situé juste au-dessous et entre les sourcils, représenterait la synthèse des perceptions des yeux normaux. Il serait ainsi non seulement le symbole de la vision intérieure, mais signifierait la connaissance parfaite, où se trouve le siège du pouvoir occulte. Le troisième oeil de Shiva, tout-puissant dieu de l'Inde, aurait le pouvoir de détruire par le feu. Dans les légendes, il l'utilise contre ses adversaires. Il serait capable de détruire l'univers entier s'il le voulait. L'utilisation du «troisième oeil» sera approfondie plus loin.

15 Le roman a été écrit à la fin des années soixante-dix, le transistor était alors une nouveauté.

16 Il doit s'y produire un accident grave.

17 Le point de vue du sociologue attitré du Fléau, Glen: "En présence d'un phénomène manifestement paranormal, (...), la seule explication possible, la seule qui ait sa logique interne, est l'explication théologique. C'est pourquoi la métapsychique et la religion se sont toujours très bien entendues, jusqu'aux guérisseurs de notre époque", 546.

18 Allusion évidente au type d'accident dont King a été victime en 1999.

19 King a utilisé le mot EXTRUEM (anagramme de MURDER), plus mystérieux que le mot français, trop évocateur.

20 Plus que les guérisons par des guérisseurs qui n'ont pas fait de médecine, leurs guérisons pouvant être attribuées à la nature psychomatique des maladies traitées et à la suggestibilité du client.

21 Danny a indiqué à son père où se trouvait cette malle, qui contient les manuscrits de son père, perdue lors d'un déménagement.

22 Aucune innovation dans le procédé utilisé par King, démonté au chapitre précédent : le «scientifique» ramène l'inconnu au connu, en le niant.

23 D'où le nom "Ripley" donné au byrum, la moisissure rouge des extraterrestres de Dreamcatcher.

24 La peau sur les os (Thinner, 1984), Richard Bachman, trad. fr. Albin Michel 1987, 72.

25 "Alors Jésus lui dit : «Va-t-en, Satan.»" (en latin : Vade retro, Satanas.", Évangile selon Saint Mathieu, 4, 8, trad. Osty, Le Seuil 1973, 2095.

26 Pour le sanctionner d'avoir tripoté son sexe, sa mère lui avait fixé une pince à linge comme sanction...

27 Les [  ] signifient qu'ils communiquent alors par télépathie.

28 King a toujours eu peur de la folie et craint les psychiatres. Voir sur ce sujet le chap. 23 de King et le sexe, éd. Naturellement, 2000.

29 Guy Astic, Le fantastique, op. cit., 6. Alors que, continue Guy Astic, "l'autre forme de cohérence («logique secrète ou inconnue », «lois [...] mystérieuses») qui vient concurrencer et ébrécher l'ordre familier ne se laisse que pressentir, pas saisir." Id., 12.

 

ce texte a été publié dans ma Revue trimestrielle

 différentes saisons

saison # 16 - été 2002.

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