Stephen KING ET LE PARANORMAL : LA PERCEPTION EXTRASENSORIELLE.
"Leurs auras, l'une verte et l'autre de nuance vibrante d'orange brûlé,
s'intensifièrent, se rétrécirent et se mirent à chatoyer,
parcourues de fils écarlates s'élevant en spirale" (Insomnie, 345)
Insomnie est un roman qui n'a pas la réputation qu'il mériterait. Non seulement il est un jalon capital dans la vision cosmique de King, à rattacher à la saga de La Tour Sombre, au Fléau, au Talisman et aux Yeux du Dragon, mais King a tiré des effets fascinants d'éléments anciens, récemment repris par les doctrinaires du New Age1, auxquels King n'est pas insensible. Un résumé rapide du récit : un septuagénaire, Ralph Roberts, perd le sommeil et découvre l'existence d'auras mystérieuses autour de personnes et d'êtres vivants. Il s'aperçoit qu'il n'est pas seul à le faire.
Cette étude fait partie d'une série de six, qu'il vaut mieux lire dans l'ordre suivant : 1. LA VOYANCE 3. PROCÉDÉS MANTIQUES EN VOYANCE ET BILOCATION 4. L'IMPORTANCE DU MÉDIUM dans l'oeuvre de King * 5. UNE EXCEPTIONNELLE MISE EN SCÈNE DE L'AURA 6. L'ÉNERGIE VITALE.. |
Historique.
Il y a des siècles et des siècles que l'on parle de
l'aura. Chaque être vivant serait, selon cette croyance,
enveloppé d'un halo lumineux, l'aura, qui peut parfois
être perçue et décodée. Des sages
égyptiens et hindous avaient déjà ces pouvoirs.
Les bouddhistes pensaient en effet que l'aura, sorte de halo (on
pourrait utiliser la comparaison moderne d'une sorte de champ
magnétique entourant le corps humain) est
l'extériorisation de la force vitale. Formée des
radiations colorées venant des différentes parties du
corps, l'aura reflétait l'âme, comme l'état de
santé et les sentiments d'un individu. La parapsychologie et
les tenants du surnaturel ont repris et fortement
développé cette croyance.
Si elles leur ressemblent, les auras ne doivent pas être confondues avec les auréoles et les nimbes des saints. Auréoles et nimbes sont des éléments de l'iconographie chrétienne utilisés pour représenter l'illumination divine, dont le symbolisme est différent. Imaginée par les Perses, l'auréole symbolisait la toute-puissance du dieu Ahura-Mazda. Variante de la couronne solaire, elle se rattache au symbolisme de l'or, lié à Dieu et aux forces psychiques qui en émanent. Nimbant le visage des saints, l'auréole renvoie au sacré et à la lumière spirituelle. Ces diverses représentations intéressaient déjà les penseurs, et Paracelse en disait au XVIème siècle : "La force vitale n'est pas enfermée dans l'homme, elle rayonne autour de lui comme une sphère lumineuse." 2
Il a fallu attendre le milieu du
XIXème siècle pour qu'un scientifique, le baron von
Reichenbach, établisse une théorie qui se fondait sur
les émanations perçues à travers l'aura des
aimants ou des cristaux et publie un ouvrage sur ce
sujet3 (1860). Soixante ans plus tard, en 1911, un dispositif
fut mis au point par Von Reichenbach pour voir les émanations
décrites, un écran chimique permettant aux yeux de
capter les ondes lumineuses artificielles non perceptibles, sans que
l'étude du sujet progresse. Les expériences de Hofmann
discréditèrent quelques années plus tard les
précédentes. Enfin, en 1939, deux
Russes4, Semyon Kirlian et son épouse, ont
découvert que s'ils soumettaient un objet placé sur une
plaque photographique à un fort champ électrique, une
image, ressemblant à un halo coloré, apparaissait sur
la plaque. Kirlian prétendit que cette image était la
manifestation physique de l'aura spirituelle ou de la "force vitale"
supposée entourer tout être vivant. Les clichés
de l'aura pris avec ce dispositif ont relancé le succès
de l'aura auprès des amateurs de paranormal de tout poil.
Le New Age a repris ce motif, lui donnant une vaste publicité.
Selon des théoriciens du New Age, même une amibe
primitive possède une aura, tout comme les insectes ou les
autres êtres vivants. L'aura serait, dans cette perspective, la
manifestation d'un champ d'énergie supernaturelle ou d'une
force vitale habitant toutes choses. Les auras humaines
émergeraient des chakras5. Comme les auras ne seraient visibles que pour
certaines personnes dotées d'un pouvoir psychique
spécial6. Cependant on vend, dans les boutique Nouvel-Âge,
des lunettes à auras équipées d'un filtre au
"bromure de pinacyanole" permettant à chacun de voir des
auras...7
Ralph voit des
auras, sans y croire.
La prise de conscience des auras
évolue lentement pour Ralph. Il remarque d'abord que les pas
de deux de ses amis laissent des empreintes de couleur sur le
trottoir, grises pour les unes, vert olive pour les autres, et qu'il
en monte "de petits rubans
d'une fumée colorée." Comme elles ont disparu très vite, la partie
rationnelle de son cerveau réagit par une double voix
réprobatrice, procédé courant utilisé par
King pour introduire une notion surnaturelle : "Ces traces ne sont pas parties, Ralph; elles
n'ont jamais été là. C'est bien ce que tu
penses, n'est-ce pas?
Ou, c'était bien ce qu'il pensait. (...) N'empêche, c'était inquiétant."
(125) L'attitude ordinaire en présence d'un
élément surnaturel, le «je sais bien, mais quand
même... »8, qui différencie d'abord l'esprit rationnel de
l'esprit magique (il y a «peut-être», «quand
même», «quelque chose» de surnaturel).
L'expérience suivante montre
le talent que King va mettre en oeuvre pour diversifier une approche
de l'aura par étapes qui, dans un traité, serait
plutôt monotone : "Une
aura gris-bleu commençait à s'amasser autour des mains
de l'homme au journal, ainsi qu'au-dessus de la partie visible de son
crâne. Elle paraissait particulièrement brillante
à la hauteur de la bague en onyx de son petit doigt. Elle ne
créait pas d'opacité mais tout au contraire semblait
vouloir clarifier les choses, et transformait la pierre de la bague
en une espèce d'astéroïde, comme dans un film de
science-fiction d'un grand réalisme." (138)
Brillante comparaison, sans jeu de mots, entre fantastique et
science-fiction.
Ralph a commencé une évolution dont le pharmacien
Plussaj lui a donné les raisons : les personnes qui
arrêtent de dormir et souffrent d'une interruption constante de
leurs rêves ont des problèmes, et se mettent notamment
à connaître des problèmes perceptifs comme
l'hyperréalité, dans laquelle Ralph vient d'entrer.
À son corps défendant : la partie rationnelle de son
cerveau ne cesse de protester.
Quand il constate que tout ce qui
l'entoure a une aura , les choses comme les gens, le quotidien change
d'aspect : "Les objets
n'avaient jamais été aussi brillants, aussi
définitivement présents. Les voitures, les poteaux
téléphoniques, les caddies devant le
supermarché, les immeubles dans la rue de l'autre
côté de la rue, tout semblait se précipiter sur
lui comme dans les vieux films en relief. D'un seul coup, ce bout de
route commerçante aux façades défraîchies
de Witcham Street était devenu le Pays des Merveilles; et
Ralph avait beau être plongé dans sa contemplation, il
n'était pas sûr de ce qu'il voyait." (144) Il
pense qu'il est entré dans le monde de
l'hyperréalité dont lui a parlé Plussaj et qu'il
a des hallucinations comme ceux qui ont pris du LSD et que tout cela
n'est que le produit de son insomnie : "Profites-en, Ralph, mon vieux, émerveille-toi
autant que tu veux - c'est merveilleux - mais n'y croit pas une
seconde." (144)
Les individus font concurrence
à cette féerie de couleurs : "Un jeune employé sortit du supermarché,
poussant un chargement d'épicerie au milieu d'un nimbe d'une
blancheur tellement éclatante qu'on aurait dit un projecteur
mobile. L'aura de la femme, à côté de lui,
était bien pâlichonne en comparaison, de la nuance
gris-vert d'un fromage qui se couvre de moisissures." (145) À son
habitude, King ne peut pas s'empêcher de placer dans la
féerie des touches d'un réalisme qui frise le trivial.
Puis il anoblit sa description suivante, qui passe d'un
réalisme ordinaire à un réalisme exotique :
"Une jeune fille interpella
l'employé depuis la fenêtre baissée d'une Subaru
et le salua d'un geste; sa main gauche laissa dans l'air des
traînées brillantes d'un rose de barbe-à-papa.
Elles s'évanouissaient presque tout de suite. Le jeune homme
lui sourit et lui rendit son salut; sa main produisit une
traînée d'un éventail d'un blanc tirant sur le
jaune. Ralph eut l'impression de voir la nageoire d'un poisson
tropical." (145)
Ralph observe mieux et remarque que, de la tête des personnes
qu'il rencontre, monte une traînée de lumière
translucide, mais colorée, de hauteur variable (de un à
quelques mètres), qui se dissout, puis disparaît. dans
la plupart des cas. Sa couleur est la même que celle de l'aura,
sauf exceptions frappantes : Mais la voix raisonnable se fait
entendre dans son cerveau divisé : "Ralph, l'avertit l'autre voix, tu ne vois pas
réellement ces choses, hein? Je ne voudrais pas jouer les
trouble-fête, néanmoins...
Mais ne se pouvait-il pas, au
fond, que ce phénomène fût réel? Que son
insomnie chronique, jointe à l'effet stabilisateur de ses
rêves cohérents et lucides, l'ait fait accéder
à quelque dimension fabuleuse, hors de portée des
perceptions ordinaires?
Laisse tomber ça, Ralph, et sur le champ. Tu as beaucoup mieux
à faire." (146)
Le médium Ralph donne une signification aux auras.
La doctrine spirite concernant le fluide vital des individus sera examinée un peu plus loin. Le lecteur trouvera ici juste ce qu'il faut pour comprendre l'évolution de Ralph et le sens de ses réflexions, remarquables en ce sens qu'il redécouvre en apparence seul (via King!) des fondements du spiritisme. Ce sont les fluides vitaux individuels du corps éthérique9 qui créent les effluves lumineux des auras, colorées de teintes diverses. Certains médiums les voient, même en pleine lumière, s'échapper des mains des magnétiseurs, sous forme d'énergie.
Ralph découvre d'abord avec ravissement les subtilités de ces effluves constituant une sorte d'atmosphère fluidique : "Une jeune femme et un petit garçon passèrent devant lui, la main dans la main. C'était le garçon, âgé de quatre ou cinq ans, qui avait parlé. Sa mère avançait dans un nuage d'un blanc presque aveuglant. Le panache qui montait de ses cheveux blonds était également blanc et très large - plus proche du gros ruban d'un emballage cadeau fantaisie que d'une simple traînée - et s'élevait au moins à sept mètres, flottant un peu en arrière d'elle pendant qu'elle marchait. Il évoqua à Ralph des images de noces, traînes, voiles, tourbillons vaporeux de gaze. L'aura de son fils était d'un bleu sombre plein de santé, tirant sur le violet, et lorsqu'ils passèrent devant lui, Ralph assista à quelque chose de surprenant; des vrilles d'aura montaient aussi de leurs mains jointes, blanches pour la femme, bleu foncé pour l'enfant. Elles s'élevaient, entortillées en tire-bouchon, avant de disparaître. (...) Il y avait un symbolisme parfait de simplicité dans ces rubans qui s'enroulaient l'un autour de l'autre comme de la vigne vierge autour d'une tonnelle." (146) Même description recherchée, associant à une certaine dynamique des auras (s'élevant, flottait, voile, tourbillons, s'élevant, s'enroulaient) à un symbolisme poétique.
Mais le petit garçon remarque
que Ralph les fixe trop longuement à son goût, et le
signale à sa mère : "La blonde ne jeta qu'un bref coup d'oeil à Ralph,
mais il la vit qui pinçait les lèvres avant de se
détourner. Plus important, il observa que l'aura brillante qui
l'entourait s'assombrissait soudain, se resserrait sur elle et
s'entremêlait de filaments d'un rouge sombre.
C'est la couleur de la peur... ou peut-être de la
colère." (147)
Ralph croit comprendre que les
auras sont, en partie, les signes de la vitalité et de
l'état de santé des individus, ainsi que le reflet de
leurs sentiments.
Cette découverte sera accompagnée de la dernière
résistance de son moi rationnel : il suffirait, dit-il au moi
de Ralph qui imagine10, de quelques nuits de bon sommeil pour que tout rentre
dans l'ordre.
Une dernière expérience
le fait définitivement taire : le bébé de
Nathalie essaie de saisir les traînées d'aura qui
s'échappent des mains de Ralph : "Ralph en oublia de respirer.
Elle les voit. La petite les voit.
C'est dément, Ralph. C'est du délire et tu le sais
bien
Justement non, il ne savait rien de tel. Il venait de voir, de voir,
Natalie essayer de saisir les traînées d'aura que
laissaient ses doigts." (184)
Il regarde à nouveau les auras
et les panaches. "Si
j'étais capable de voir le mien, il ferait la même
chose. C'est réel - quoique pense mon côté
«deux et deux font quatre», les auras existent
réellement. Elles existent et je les vois.
Il attendit les inévitables dénégations, mais
cette fois-ci rien ne vint." (185)
Ralph en vient même à saisir les sentiments de ses
interlocutrices dans une conversation : "Il n'avait nul besoin d'observer leur visage ou de noter
les détails de leur langage corporel pour savoir ce qu'elles
ressentaient : il lui suffisait de regarder leurs auras. Les nuances
citron s'assombrissaient, en bordure de celle de Gretchen, si bien
qu'elle était uniformément orange maintenant. Celle
d'Helen s'était mise à rétrécir, devenant
en même temps si éclatante qu'elle en était
pénible à contempler. Helen avait peur d'y retourner;
Gretchen le savait, et en était furieuse.
Et sa propre impuissance la rend encore plus furieuse."
(184)
Je n'ai pas entendu parler de réactions d'adeptes du New Age à propos de ce roman de King. Il a dû y en avoir. King s'est livré à un exercice identique à tous les commentateurs qui se chargent - moyennant finances - d'observer pour les analyser les auras de leurs clients, pour les guérir prétendument de leurs maladies. Quand on regarde leurs tableaux de correspondance entre la couleur des auras et les maladies qu'elles sont censées signaler, on ne peut qu'être surpris par leur diversité...
La fonction de l'aura.
Ralph cherche aux auras une signification.
Le monde dans lequel se met à vivre Ralph devient extraordinaire : " L'autre monde - le monde secret des auras - était devenu de nouveau visible, mais dans des proportions au-delà de tout ce qu'il aurait pu rêver... au point qu'il se demanda un instant s'il n'était pas possible de mourir de surtension perceptive Harris Avenue s'était transformée en une sorte de Pays des Merveilles 11 à l'éclat insupportable, fait de sphères, de cônes et de croissants de couleur. Les arbres, qui étaient encore à une bonne semaine de l'apogée paroxystique de leur métamorphose automnale, n'en flamboyaient pas moins comme des torches Le ciel était au-delà de toute couleur, une explosion bleue supersonique." (268)
Cette traduction littéraire de la sphère de
l'irréalité est la référence de divers
courants spirito-occultistes. Premier dogme à admettre, sans
lequel il est inutile d'aller plus loin : il existe un monde
spirituel inaccessible aux sens. Ce dogme de l'Esprit, et de quelque
chose existant au-delà des sens, est fondamental. Le monde
perçu par nos sens repose sur lui (pour nos sens, il est
"parallèle" ou constitue ce que Ralph appelle
l'"hyperréalité."). King accepte ce dogme :
"Ralph comprit aussi que ce
qu'il voyait et ressentait n'était pas tout; qu'il existait
tout un univers au-delà de ce qu'atteignaient ses
sens." (268)
Deuxième dogme : l'homme possède, comme d'autres choses, un esprit, moteur de la vie psychique. L'idée que plusieurs corps coexistent en un seul est très ancienne. Les Égyptiens croyaient en un double, le Kha, qui avait des propriétés particulières. Il était capable de survivre pendant des milliers d'années après la mort physique. Les Hébreux ont imaginé l'esprit vital coexistant avec l'esprit intellectuel. Les Hindous et les Bouddhistes ont leur hiérarchie des corps subtils. Pour certains spirites, l'homme est formé par la réunion de trois principes : l'âme ou esprit; le corps, enveloppe matérielle à laquelle l'âme est temporairement associée pendant son passage sur la terre; le périsprit, sorte de substance semi-matérielle fluidique (appelée aussi corps astral12, permettant la relation entre le monde visible et le monde invisible) servant de lien entre l'âme et le corps, par le moyen de l'énergie vitale,. Cette partie de l'être est capable de survivre.
Lors de la mort et la
désagrégation de l'enveloppe charnelle, l'âme
abandonne le corps en quittant la terre13. L'esprit désincarné
(éthérisé)14 demeure enveloppé dans le périsprit
(corps astral) et reste captif un certain temps dans les zones
terrestres. Pour certains spirites, il se réincarne. Pour
d'autres, il peut se matérialiser fugitivement en apparaissant
éthéré n'importe où15. Le périsprit est formé par de
la matière dans un état de raréfaction
extrême, mais correspondrait au corps physique. Ce corps
éthéré, invisible pour les humains à
l'état normal, existe donc pendant la vie terrestre. C'est
l'intermédiaire par lequel passent les sensations physiques
perçues par le moi, et c'est par cet intermédiaire que
l'esprit peut manifester, à l'extérieur, son
état mental.16
C'est par le corps astral que les médiums entrent en contact
avec le "plan" astral par la bilocation, la clairvoyance, l'action
à distance, etc. La "sortie en astral" permet la divination du
futur et la communication avec les morts.
Un quatrième
élément s'ajoute aux trois autres (le corps physique,
l'âme, et le périsprit) : le fluide vital, dont sont
imprégnés tous les êtres vivants. Certains hommes
débordent d'énergie vitale, d'autres en manquent. Le
fluide vital est l'agent qui explique la répercussion du
mental sur le physique. Le fluide vital n'est pas de la même
qualité chez tous les individus. Les pensées, bonnes ou
mauvaises, s'impriment dans un fluide vital plus ou moins grossier ou
subtil, le reflet de la personnalité d'un individu. C'est le
cas de Dorrance le poète, qui a un certain niveau dans la
hiérarchie cosmique mise en place dans Insomnie, et qui possède l'aura la plus remarquable que
Ralph ait vue : "Aucune ne
rapprochait, même de loin, la splendeur de celle qui entourait
de sa mandorle 17 le vieillard. (...)
On aurait dit que l'aura de
Dor subissait l'effet d'un prisme, une métamorphose
d'arc-en-ciel. Elle rayonnait d'arcs éblouissants, bleu,
magenta, rouge, rose, jusqu'au blanc crémeux d'une banane
mûre." (530)
Les couleurs
des auras.
Les auras refléteraient ainsi
l'état émotionnel ou le degré d'évolution
de la personnalité. On a proposé diverses tables de
correspondance, dont voici un exemple :
- le rouge = désir,
rage; |
- le vert foncé =
jalousie - envie - pensées négatives; |
Ces envoyés de l'Intentionnel (voir mon étude DES MYTHES RELIGIEUX AUX PUISSANCES DE LA TOUR SOMBRE), ceux que Ralph appellent les "petits docteurs chauves" avant de les nommer du nom des Parques, ont un visage identique et de bizarres traits de visage estompés. Ils bénéficient en tous cas d'une aura digne d'émissaires d'une grande puissance cosmique : "Doc Chauve #1 et Doc Chauve #2 étaient immergés dans une aura resplendissante qui donnait l'impression d'être d'un vert mordoré dans les jumelles, et grouillait de minuscules éclats rouge-orange comme des étincelles tourbillonnant au-dessus d'un feu de camp. Ces auras dégageaient un sentiment de puissance et de vitalité en totale contradiction, pour Ralph, avec les visages dépourvus de traits comme d'intérêt." (236)
L'influence de l'aura peut s'étendre à distance aux objets utilisés (l'énergie psychique transmise au téléphone par exemple en même temps que message verbal se communique à l'appareil. La correspondante de Ralph annonce que son oncle, gravement malade, vient seulement d'être débranché de son assistance respiratoire par le docteur pour mettre fin à ses souffrances. Ralph comprend, à l'aura du téléphone, que sa correspondante a songé à plusieurs reprises à l'euthanasier elle-même : "Le téléphone se mettait à prendre une nuance d'un bleu sinistre dans sa main. (...) Ralph éloigna le combiné de son oreille. La lumière bleue, froide comme un ciel de février, s'éleva en rayons fins comme des traits de crayon depuis les trous de l'écouteur.
Le meurtre est bleu, pensa-t-il. (...) Je me serais bien passé de le savoir, mais je crois que je ne peux l'ignorer : le meurtre est bleu." (367)
Les auras et les troubles de santé.
Certains sensitifs prétendent pouvoir lire l'aura des êtres humains en déterminant les pathologies dont souffrent leurs propriétaires en se basant sur une forme particulière de clairvoyance qui leur permet d'en comprendre les couleurs et les aspects. Certains le font même d'après une "photographie Kirlian"... Cette notion de la santé se reflétant dans l'aura est populaire chez un certain nombre de malades (on peut consulter les voyants spécialisés dans ce domaine sur Internet, moyennant finances) Mais pas plus qu'il n'y a de consensus entre les voyants sur la signification des couleurs, il n'existe pas davantage de tests visant à déterminer s'il y a corrélations entre des couleurs spécifiques et des maladies spécifiques. Tout est finalement interprétation subjective... Kirlian lui-même avait prétendu que son procédé pouvait être utilisé pour diagnostiquer des maladies : "Dans les êtres vivants, nous voyons les signaux de l'état interne de l'organisme se refléter dans l'intensité, la faiblesse et la couleur des flamboiements. Les activités vitales internes des êtres humains sont écrites dans ces hiéroglyphes de lumière. Nous avons créé l'appareil pour écrire ces hiéroglyphes, mais pour les lire nous allons avoir besoin d'aide." 20 Malgré la mise en place d'un laboratoire moderne21, ces travaux, qui devaient révolutionner de nombreux aspects de la biologie et de la psychologie ne sont pas plus avancés qu'il y a 50 ans.
Par ses seuls moyens, Ralph arrive aux mêmes conclusions quand il voit "une femme entourée d'une aura gris clair surmontée d'une traînée magenta d'une traînée d'une couleur étonnante - et aussi quelque peu inquiétante. Dans quelques cas (deux ou trois cas, pas davantage), les panaches étaient presque noirs. Ceux-là déplaisaient à Ralph, qui remarqua que les porteurs de ce type de panaches (le terme lui était venu spontanément à l'esprit) paraissaient invariablement en mauvais état de santé. Évidemment qu'ils n'ont pas l'air bien. Ces panaches sont des indicateurs de leur état de santé... et de maladie, dans certains cas. Comme les fameuses auras Kirlian qui fascinaient tant les gens à la fin des années soixante." (146)
La maladie ne semble pas difficile à diagnostiquer par Ralph, qui s'offre quand même une certaine marge de manoeuvre : "L'ami de McGovern était entouré d'une aura couleur prune; elle ne respirait pas la bonne santé, mais Ralph eut l'impression qu'elle ne trahissait qu'une affection bénigne, une maladie chronique comme des rhumatismes ou des calculs rénaux." (412) En tous cas, Ralph, à défaut de préciser exactement leurs maladies, se rend compte de l'état de santé général des gens : "Les personnes dont l'aura présentait une couleur d'un gris noir défraîchi lui avaient invariablement paru mal portantes." Plus grave même pour certaines, qui "marchaient à l'intérieur d'enveloppes noires qu'il appelait maintenant linceuls ou suaires." (345) McGovern, sur son lit d'hôpital, a une aura "totalement noire. La racine de ce qui était naguère un panache se dressait, raide, au-dessus de son crâne." (412)
Ralph a même des capacités dont aucun médium n'a encore osé se targuer (on y viendra bientôt!) À partir des paroles, entourées de leur aura, prononcées par Kirk Douglas dans un film diffusé à la télé, il révèle que "Douglas avait souffert d'une rage de dents, le jour où cette scène avait été tournée." (411) Aussi bien que le docteur Knock déterminant, d'après les séquelles de la chute, le nombre de barreaux montés par une paysanne sur une échelle avant de tomber...
Les éléments fantastiques d'horreur ne sont pas oubliés. En touchant McGovern, l'aura de Lois se transforme : "passant du gris-bleu piqueté d'étincelles roses à un rouge aussi rutilant. Des bandes de pointes noires y zigzaguaient comme des nuages d'insectes minuscules. Elle poussa un hurlement et retira la main, une expression de terreur et de dégoût mêlés sur le visage." Elle essaie de communiquer à Ralph l'impression qu'elle a ressentie en percevant "comment il pourrissait à l'intérieur, qu'il y avait des choses dans son organisme, des choses qui le dévoraient vif, ce qui était déjà horrible, mais il y avait pire. Ces choses étaient conscientes, dit-elle, et savaient qu'elle était là." (413)
La fonction réelle du panache.
Ralph a déjà
pensé au sujet des panaches qui, petits ou grands, virevoltent
dans l'air, que : "Si
j'étais capable de voir le mien, il ferait la même
chose." (185) Certains panaches observés par Ralph
sont remarquables : "Le
panache de Nathalie s'élevait du sommet de sa tête en un
ruban d'une pureté immaculée, et allait toucher le
plafond contre lequel il s'enroulait, formant un amoncellement
éthéré autour du plafonnier." (185)
King a emprunté l'idée du panache aux croyances
spirites, qui prétendent que le corps astral
(périsprit) est lié au corps physique par un lien,
sorte de fil très fin appelé le «cordon
d'argent». En cas de bilocation (dédoublement ou OBE (Out
of the Body Experience, voir
PROCÉDÉS
MANTIQUES EN VOYANCE ET BILOCATION), le corps astral sort du corps pendant le sommeil, et
le «cordon d'argent» lui permettrait de continuer
d'être relié à son corps physique et de retrouver
après sa sortie son enveloppe
matérielle22 . Ce ne serait qu'à la mort que le corps astral
abandonnerait définitivement le corps le cordon
coupé.
Ralph fait une première remarque : "Les deux petits docteurs chauves [dont il ne connaît pas encore le rôle cosmique] étaient bien enveloppés chacun dans une aura brillante... mais sans avoir de panache s'élevant au-dessus de leur tête sans cheveux. Pas la moindre trace qu'il y en eût un." (236) Il remarque aussi que l'un des deux petits docteurs chauves tient des ciseaux dans sa main droite, tandis qu'un troisième, qui fait bande à part, a un scalpel à la main gauche23. Il est étonné et scandalisé de voir l'usage que le docteur chauve "sinistre" fait de son scalpel. Le docteur chauve poursuit depuis quelque temps une vieille chienne errante, Rosalie : "Rosalie laissait échapper un dernier et horrible hurlement. Le petit chauve brandit le scalpel et l'abattit, mais ce ne fut pas la gorge de la chienne qu'il sectionna. Il coupa son panache." (341) Rosalie meurt peu après, écrasée par une voiture. Avec son amie Lois, qui s'est mise à voir elle-aussi le monde des auras, Ralph en arrive à la conclusion que le panache est la ligne de vie d'un être vivant, "des sortes de cordons ombilicaux." (345)
Ralph finit par avoir la bonne
intuition : il relie la présence des trois docteurs chauves
aux Parques de l'Antiquité, avec cette différence
fondamentale cependant qu'ils n'ont pas la même
répartition des tâches que les Parques24 : les deux docteurs chauves, toujours
ensemble, ont l'air de partenaires, le troisième est
néfaste, un "voyou".
(398)
Dans la cosmogonie très riche d'Insomnie, les deux petits docteurs chauves, qui s'appellent
Clotho et Lachésis, sont les agents de la mort. À
chaque créature une certaine quantité de vie est
allouée. Quand un homme arrive au terme fixé (mort
naturelle ou accidentelle, peu importe), l'aura et son panache, en
quelque sorte l'horloge de la vie, se métamorphosent et les
deux docteurs, invisibles, interviennent, comme Ralph les voit
opérer (il a cette capacité) : "Un sourire parut flotter sur les lèvres
du mourant et il referma les yeux. Lachésis prit son visage
à deux mains et lui déplaça
légèrement la tête, comme un barbier qui
s'apprête à raser un client. Au même moment,
Clotho se pencha un peu plus, ouvrit les ciseaux et les
présenta de manière à prendre le panache noir de Jimmy entre les lames. Au
moment où Clotho refermait ses ciseaux, Lachésis se
pencha et déposa un baiser sur le front de Jimmy. [Va en paix,
mon ami]. Il y eut un cliquetis anodin. La partie coupée du
panache dériva vers le plafond et disparut." (422)
Dans le cadre de l'Intentionnalité, les auras de ceux qui doivent connaître une mort intentionnelle deviennent grises au moment où la fin approche. Quand la mort approche, ce gris vire au noir et les deux docteurs chauves interviennent. La troisième Parque, Atropos, est au service de l'Aléatoire.Les morts que les hommes "appellent «idiotes»,«inutiles» ou «tragiques» ne sont pas forcément son oeuvre, mais elles le sont souvent. Quand une douzaine de personnes âgées meurent dans l'incendie de leur maison de retraite, il y a de bonnes chances pour qu'Atropos ait été dans le secteur. (...) Lorsqu'un bébé meurt dans son berceau sans raison apparente, Atropos et son scalpel rouillé y sont pour quelque chose." (432)
À noter d'abord ce fait pittoresque, mais d'intérêt secondaire,que les petits docteurs chauves ont une aura, mais pas de panaches. Si la durée de vie des hommes est courte, celle des créatures des Entités des Ordres est considérable, et se compte en siècles et non en années.
Plus important, King utilise évidemment l'aura pour faire accepter l'altérité, comme il le fait pratiquement dans les romans qui utilisent le surnaturel : "la terreur (...) trouve souvent son origine dans une profonde sensation de déstabilisation : l'impression que les choses sont en train de se déliter." (Anatomie de l'horreur, 15) Le choc subi lors de l'apparition du fait anormal, la première réaction est l'incrédulité, mêlée d'un soupçon : deviendrais-je fou? La crainte de la folie conduit à se persuader que, malgré les apparences démentes, il reste des certitudes auxquelles on peut s'accrocher. Ralph vit cette situation classique dans le genre : quelqu'un rencontre un autre monde que son système de références ne lui permet pas d'admettre, et quelquefois de nommer. Cette confrontation avec une réalité autre, qui se trouvait en retrait, est vécue et s'intègre difficilement25. Le personnage ne peut la supporter qu'en souhaitant que ce monde qu'il a découvert - et presque admis dans son esprit - ne soit quand même qu'illusion et folie. On a vu plus haut qu'à plusieurs reprises Ralph attribuait ses visions extraordinaires à son manque de sommeil. Il en arrive évidemment au stade où il pense à la folie : "Comment en supporter davantage sans devenir fou ? Mettre sa vision hors circuit n'y suffirait même pas; il comprenait plus ou moins que son impression de «voir» ces choses provenait en réalité de ce qu'il avait toujours considéré la vue comme le sens principal 26. Il y avait cependant ici, en fait, bien plus que sa vue d'affectée." (268) D'autant plus que ses voisins ne le voient pas dans un état normal : "Laisse-moi te dire un truc, Ralph. À nos âges, les maladies mentales sont courantes! Sont foutrement courantes! Alors, va voir un médecin." (285)
Un auteur aussi habile que l'est King a bien sûr cherché
d'autres possibilités d'exploiter littérairement
l'aura, de la plus évidente à la plus inattendue. En
voici quelques exemples.
Comme la télépathie peut prêter aux usages les plus abusifs dans Dreamcatcher, la possibilité de lire les auras permettrait toutes sortes de mauvais usages dans la vie courante. Lois a l'habitude de jouer aux cartes avec des amies. Maintenant qu'elle peut lire leurs auras, elle n'arrive plus à perdre : "Je ne savais pas forcément quelles cartes elles avaient en main, mais souvent, si. Et même quand je ne le savais pas, j'avais une idée assez précise de leur jeu. (...) Pendant la dernière heure, je me suis mise à perdre volontairement pour la simple raison que je ne voulais pas me faire détester. Eh bien, figure-toi que même perdre exprès était difficile!." (387)
Les auteurs spirites pensent que le passé laisse des traces
diverses, inscrites nécessairement quelque part. Tout ce avec
quoi nous avons été en contact porte notre empreinte et
s'imprègne de nos vibrations. Ces traces sont perçues
par le sensitif qui, en touchant un objet ou en
pénétrant dans un lieu, arrive à reconstruire
leur histoire, comme Johnny dans L'Accident. Elles
peuvent persister dans un lieu, comme dans la maison Marsten dans
Salem : "dressée là depuis cette époque
funeste et retenant peut-être dans ses plâtres
poussiéreux l'essence même du mal d'Hubert
Marsten.." (123)
King a eu l'idée de supposer que les traces psychiques admises par les ésotériques peuvent intervenir sur l'aura et formule l'idée que les auras pourraient aussi laisser des traces du passage de leurs propriétaires. Ainsi Ralph remarque sur le sol une substance noirâtre d'une certaine épaisseur, sans consistance, dans laquelle on peut marcher sans la ressentir, et qui ne gêne pas le fonctionnement des portes, avec la consistance d'un brouillard : "Apparemment les auras humaines laissaient leurs propres résidus derrière elles. Difficiles à voir quand c'était la trace décolorée d'une certaine personne : mais on se trouvait devant le lieu de réunion le plus important de la quatrième ville du Maine." (553) Ce qui lui permet de suivre les traces d'Atropos...
Ailleurs, King va bien au-delà des plus grandioses rêveries des croyants en la nature de l'aura. Passé sur un plan supérieur, le corps astral (voir plus haut la définition du périsprit ou corps astral), Ralph est devenu à un état quasi immatériel dans le monde ordinaire et peut ainsi, comme les fantômes, passer au travers des corps. Dans ce cas, les auras fusionnent un bref instant : "Son aura et celle de M. Prune se confondirent et Ralph sut tout ce qu'on pouvait savoir sur l'homme, y compris les rêves qu'il avait faits dans le sein de sa mère." (415) Aller plus loin dans l'invention devient difficile... Si King n'avait pas été écrivain, il aurait pu se faire imposteur en sciences occultes... Il n'y a décidément pas loin de la littérature au charlatanisme...
Après le premier émerveillement suscité par la
vision des auras, les impressions deviennent plus nuancées,
dans la mesure où les auras des humains permettent de
détecter, pour qui sait les lire, non seulement la
présence de la maladie, mais aussi les actions
délictueuses. Cette découverte de la maladie et de la
mort contrebalance l'effet magique qu'ont suscité les auras.
Par exemple quand Ralph, à l'hôpital, remarque l'aura
d'un nourrisson qui a été maltraité par son
père, et chez qui il détecte une lésion du
cerveau : "Le panache du
bébé foudroyé se réduisait à un
chicot, mais un chicot sain. L'enfant pouvait vivre des
années, sans savoir qui il était - encore moins
pourquoi il vivait - à regarder aller et venir les gens,
simples silhouettes comme des arbres dans la brume.
Lois se tenait les épaules voûtées, les yeux
fixés sur le plancher de la cabine. Il émanait d'elle
une tristesse qui serra le coeur de Ralph. (...) Il ne
fut pas surpris de voir des larmes dans ses yeux. «Alors, tu
trouves toujours que c'est un monde merveilleux, Lois?»
demanda-t-il doucement. Mais à cette question, ni ses oreilles
ni son esprit 27 ne reçurent de
réponse" (405/6)
L'occultisme a toujours admis
l'existence d'une force vitale, universelle, différente des
formes d'énergie connues, force que la science n'a donc jamais
su identifier puisque pour l'instant l'existence d'une force vitale
est une formule sans preuve. Pour les croyants en l'aura, sa nature
est étroitement liée à la notion
d'énergie psychique ou énergie vitale, dont les uns
débordent tandis que d'autres en manquent. L'énergie
vitale est l'agent qui explique la répercussion du mental sur
le physique et n'est pas de la même qualité chez tous
les individus. C'est à l'énergie vitale que
l'étude suivante est consacrée.
Annexe : un cas de médium voyant en
l'aura. |
Sera le bienvenu le lecteur courageux qui voudra relever toutes les couleurs utilisées par King dans Insomnie, et leur description : nuance des couleurs, comparaisons éventuelles. Son inventaire sera publié sous son nom à la suite de cette étude. |
Notes :
1 Courant contemporain multiforme, né dans les années 1960, ayant exercé une grande influence aux USA qui mélange écologie et mystique, recherche une prise de conscience de l'harmonie d'un monde à retrouver, par les religions comme les pratiques magiques. L'adepte du New age exerce la maîtrise du corps par les arts martiaux, les thérapies douces, l'accord avec la nature, le végétarisme et l'épanouissement des formes artistiques. Voir Jean Vernette, Le New Age, PUF Que sais-je? 2674.
2 Cité par Colin Wilson, L'Occulte, Albin Michel éd., 1973, 387. Paracelse (pseudonyme de Bombastus von Hohenheim), alchimiste et médecin suisse. Fondateur de la médecine herméneutique (liée à l'ésotérisme et à l'occultisme). Sa doctrine faisait correspondre le monde extérieur (macrocosme) avec les différentes parties du corps humain (microcosme).
3 Chimiste et physicien, il effectua des Recherches physico-physiologiques sur la dynamique du magnétisme, en relation avec la force vitale, titre du livre paru en 1845. Des médiums auraient pu distinguer entre les pôles de l'aimant une "vapeur ardente", "couronnée de rayons éclatants."
4 Kirlian n'est pas un savant, mais un électricien de la République socialiste soviétique d'Arménie. Il réparait un appareil électrique quand il a vu jaillir des étincelles entre sa main et une électrode enrobée de verre. Intéressé par le phénomène, il a essayé de le photographier. Le premier essai se solda par des brûlures, mais donna une image surprenante : la main apparut entourée d'une frange lumineuse. C'est à partir de là que cette découverte est davantage connue par le grand public que bien des trouvailles scientifiques plus importantes. Kirlian fabriqua alors une machine électrique pour reproduire le phénomène et perfectionna, avec sa femme Valentina, sa technique électrique et photographique.
5 Des auteurs indiens décrivent des "roues" ou "chakras" tout le long de l'axe corporel. Les chakras représentent des centres hiérarchisés de l'organisme psychophysiologique et chacun des chakras correspond à un ensemble pulsionnel particulier, connecté avec un organe de perception et un organe d'action particuliers. Cette notion n'a aucune valeur scientifique.
6 Des spiritualistes du Nouvel-Âge prétendent qu'on peut aussi utiliser la photographie pour enregistrer les auras et vendent des appareils spéciaux Kirlian pour en faire...
7 Des appareils scientifiques permettent de mesurer l'énergie et les longueurs d'ondes réfléchies par un objet à des niveaux d'énergie infimes. Cependant les expériences scientifiques conduites n'ont jamais détecté une aura ou l'énergie qui en est la source. Ces appareils sont considérablement plus sensibles que le corps humain en ce qui concerne la vision, de l'ordre du million de fois. Cependant ces partisans du paranormal veulent nous faire croire que nous avons tous la capacité de voir les auras : nous avons simplement, d'une manière ou d'une autre, oublié ou négligé d'exercer ce pouvoir.
8 Expression empruntée à Arnold Van Gennep, Manuel de folklore contemporain, éd. Picard, 9 vol.1938-58, tome 1, réédité sous le titre Le folklore français, Laffont Poche, 4 tomes, 1998. Van Gennep conçoit la mentalité logique (le «je sais bien») et la mentalité prélogique (le «mais quand même») comme caractéristiques de deux catégories distinctes d'êtres humains. En fait ces deux formes de pensée coexistent à des degrés variés et rares doivent être les hommes rationnels ayant éliminé de leur esprit toute trace magique. Le lecteur pointilleux remplacera «esprit magique» par «part de la pensée magique» qui occupe une place variable (omniprésente ou à l'état de survivances) dans nos mentalités. Pensée magique et pensée rationnelle apparaissent comme des modes complémentaires de connaissances, les unes fondées, les autres sans fondement, dont le dosage est différent selon le type de société ou de lieu.
9 Ou corps éthérique. Dans Man's Latent Powers (1938), Phoebe Paybe décrit ainsi ce corps éthérique : "Le double éthérique pénètre intimenent le corps physique; il lui correspond exactement à une cellule près, et le dépasse de dix à quinze centimètres, suivant la nature et l'état de santé de l'individu. C'est cette partie extériorisée qu'on appelle l'aura." Cité par Colin Wilson, L'Occulte, Albin Michel éd., 1973, 392.
10 Ils correspondent aux deux parties du cerveau. La partie gauche est celle de la pensée logique, dédiée au rationnel, la partie droite est celle de l'imagination, des émotions, des sentiments et de l'intuition.
11 C'est la deuxième fois que King utilise cette comparaison. Cf plus haut : "Witcham Street était devenu le Pays des Merveilles" (144)
12 Les diverses écoles spirites utilisent différents termes : périsprit, fluide vital, bioénergie, bioplasma. Le corps astral est l'un des 7 aspects ou "principes" admis par les occultistes comme concourant à la composition des êtres; le corps astral est un corps "spirituel", à peu près de la même forme et de la même grandeur que le corps terrestre. Il peut se détacher et se mouvoir dans d'autres dimensions.
13 Autre explication : l'âme, pendant la vie corporelle comme après la mort, est constamment revêtue de l'enveloppe fluidique qu'est le périsprit, ou corps spirituel. Le périsprit sert ainsi de lien entre le corps et l'âme. Il lui transmet les impressions des sens et communique au corps les volontés de l'esprit. Au moment de la mort, il se détache de la matière tangible, abandonne le corps aux décompositions de la tombe, mais, inséparable de l'âme, il demeure la forme extérieure de sa personnalité.
14 Semblablement au corps matériel, ses vaisseaux sanguins seraient parcourus (à la manière des "nadi" hindous) par le courant de l'énergie universelle. Il y a une analogie évidente avec la conception chinoise des méridiens, sortes de fils énergétiques qui relient les différents organes entre eux, à la base des nombreuses médecines "énergétiques : acupuncture, shi-atzu, yoga, chromothérapie, naturo-thérapie, etc.
15 C'est lui qui forme l'essence des fantômes ou des esprits (qui se manifestent aux médiums), en mesure d'agir fluidiquement sur les êtres ou choses matérielles en leur empruntant l'énergie qui leur manque pour ces actions.
16 Allan Kardec, Le Livre des Esprits : "Le périsprit fait donc partie intégrante de l'esprit, comme le corps fait partie intégrante de l'homme mais le périsprit seul n'est pas plus l'esprit que le corps seul n'est l'homme, car le périsprit ne pense pas, n'agit pas seul, il est à l'esprit ce que le corps est à l'homme ; c'est l'agent ou l'instrument de son action." Livre II, ch. I.
17 La "gloire" est le nom particulier donné à l'auréole lumineuse entourant le visage du Christ dans certaines représentations artistiques du Moyen-Âge. Le terme "mandorle" est réservé à certaines gloires qui ont une forme d'amande.
18 Certains "voyants" prétendent que les couleurs spécifiques de l'aura ont une signification particulière. Par exemple partir des sept couleurs de l'arc-en-ciel et les associer pour chacune d'elles à une note de la gamme, une planète du système solaire, etc. Il semblerait que, pour beaucoup, domine le souci de se distinguer des autres pour pouvoir affirmer que leur pratique est la meilleure afin d'attirer une clientèle partagée entre tous les courants de guérisseurs, qui donnent à leur système des noms obscurs publicitairement attractifs.
19 Académie militaire de l'état de New-York, créée en 1802, destinée à la formation des officiers des armées de terre et de l'air. Les femmes y sont admises depuis la guerre du Vietnam, en 1973.
20 M Rouzé, Les photographies de Kirlian, Cahier AFIS, n' 118-119, 12. Deux journalistes américains, S. Ostrander et L. Schroeder, ont présenté, dans un ouvrage douteux, la technique de Kirlian comme révélant un "champ bioénergétique" humain (l'aura) dont l'existence serait liée aux "phénomènes parapsychologiques", Fantastiques Recherches parapsychiques en URSS, Paris, Laffont, 1973.
21 Lyall Watson n'hésita pas à annoncer à l'époque, en 1964, que les KirIian "furent installés dans leur propre laboratoire avec tous les équipements les plus récents (...) Les résultats commencent à peine d'arriver et promettent de révolutionner maints aspects de la biologie et de la parapsychologie. C'est l'avènement de l'aura électrique". La formulation est habile : elle met sur le même plan biologie et parapsychologie, ce qui semble indiquer que cette dernière est une discipline scientifique établie, ce qui reste à établir. Lyall Watson, Histoire naturelle du surnaturel, Albin Michel, 1974, 179.
22 Le corps astral serait capable de quitter les autres corps pour une expérience extra-corporelle, mieux connue sous divers noms, projection ou voyage astral, bilocation. Les spirites sont bien en peine d'expliquer le mécanisme de ce phénomène qui reste à démontrer. Le mode d'intéraction entre le corps physique et les autres corps hypothétiques étant inconnu, on propose une quelconque force occulte.
23 Avec une notation intéressante : celui qui tient les ciseaux est droitier, l'autre gaucher : ces notions de droite et de gauche, font réfléchir Ralph à la dichotomie entre la droite et la gauche, "ce qui est droit et ce qui est tordu" (370). Les mots français sont restés proches de leur origine latine. La dextre (le mot d'ancien français désignant la main droite, du latin dextera) était considéré par les augures latins comme faste, la senestre (du latin sinister) comme néfaste (ce qui a donné sinistre en français).
24 Ralph n'a plus que des souvenirs vagues de ces divinités antiques qu'il appelle les Soeurs Bizarres, mais il se souvient pourtant de leur rôle. Elles présidaient à la vie des hommes, décidant de la durée de leur vie et du jour de leur mort. Elles s'appelaient chez les Grecs : Klôthô (qui fait le fil de la vie) ; Lachésis (qui déroule le fil de la vie) et Atropos ( qui le coupe le jour de la mort). Les Romains les nommaient les "Moires", ou les "Tri Fata"; les Germains les "Nornes"; les Slaves les "Rozenicy".
25 À ce moment, comme le fait remarquer Guy Astic : "La désorientation est extrême, personnages et lecteurs sont condamnés à faire avec des règles établies qui ne fonctionnent plus et avec d'autres règles qui dépassent l'entendement." Guy Astic, Le fantastique, op. cit., 12.
26 Notre vue ne nous fournit pas un enregistrement fidèle du monde extérieur, mais correspond à un organe qui a ses limites. La vision n'est pas la même chez tous les êtres vivants voyants (largeur du spectre, perception des ondes). Par ailleurs, le cerveau humain fournit une part importante de la perception visuelle, dépendant de visionnements antérieurs, sources d'illusions optiques. Même si, par suggestion, on peut percevoir des auras (ou s'imaginer voir des auras), cela n'apporte aucune preuve qu'existe dans le monde physique un champ d'énergie qui y serait associé. Leur enregistrement et la mesure du champ d'énergie par des appareils fiables seraient le point de départ d'une réflexion théorique qui susciterait les recherches ultérieures des scientifiques. Tant qu'un accord collectif ne sera pas obtenu, on ne peut que se taire sans rien pouvoir affirmer.
27 Ralph et Lois peuvent communiquer par télépathie. Sur ce sujet, voir mon étude LA TÉLÉPATHIE dans Dreamcatcher.
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