Stephen KING ET LE PARANORMAL : LA PERCEPTION EXTRASENSORIELLE.
"Si jamais ce truc-là se répandait, ça changerait tout. Tout." (486)
De Carrie 1 (1974) à Dreamcatcher
2 (2001), la télépathie est constamment
présente dans l'oeuvre de King. Comme la voyance, dont elle
est un mode de transmission supposée, elle occupe une place
considérable dans son oeuvre, importante dans Insomnie 3, omniprésente dans Dreamcatcher. Procédé spectaculaire de romancier
permettant des effets variés, la télépathie fait
partie du domaine du parano
rmal, échappant pour l'instant à toute explication
scientifique. Le phénomène lui-même, mal
cerné, ne possède pas à vrai dire de
problématique satisfaisante.
Cette étude fait partie d'une série de six, qu'il vaut mieux lire dans l'ordre suivant : 1. LA VOYANCE * 2. LA TÉLÉPATHIE 3. PROCÉDÉS MANTIQUES EN VOYANCE ET BILOCATION 4. L'IMPORTANCE DU MÉDIUM dans l'oeuvre de King 5. UNE EXCEPTIONNELLE MISE EN SCÈNE DE L'AURA 6. L'ÉNERGIE VITALE.. |
Des problèmes d'investigation
particuliers et difficiles se posent d'emblée à ceux
qui désirent s'y retrouver dans les domaines de la paragnosie
ou clairvoyance, et dans la problématique des moyens de
transmission des informations. La lucidité, la voyance, la
clairvoyance, la métagnomie4 sont autant de termes qui se rapportent à des
pratiques divinatoires, aux domaines mal délimités.
Largement pratiquées encore en Occident, elles sont admises
par la quasi-totalité des habitants des pays moins
développés. Le problème du mode de transmission
des informations et de leur origine paraît aussi confus : la
télépathie, le procédé simpliste le plus
couramment utilisé, a suscité de nombreuses
hypothèses, dont aucune n'est convaincante.
La télépathie (du grec : tele : à distance, et
du verbe pasthein (pasthein) : sentir) est la transmission de processus
psychiques entre des êtres vivants qui n'utilisent aucune forme
de communication gestuelle, écrite ou orale entre deux sujets.
Elle permet le transfert de pensées et d'images provoquant des
sensations et des émotions. D'après ses partisans,
cette capacité serait commune à la plupart des
êtres humains. La télépathie fonctionne entre
vivants, mais peut s'établir également entre vivants et
morts, en état de veille comme en état de sommeil avec
les rêves. Pour les croyances religieuses comme pour les
doctrines spirites, la survivance de l'esprit après la mort
est supposée, ce qui permet la communication entre les morts
et les vivants. Elle peut être spontanée ou reproduite
volontairement ou à titre expérimental. Deux cas se
présentent : dans le premier, l'émetteur (l'agent) et
le récepteur télépathe (percipient) n'ont pas
l'intention de transmettre ou de capter des informations transmises
par lien psychique, et les transmettent ou reçoivent
involontairement. Dans l'autre, l'émission au moins est
déterminée par la volonté de l'agent
émetteur. Certains individus possèdent les deux
facultés.
En télépathie, la distance spatiale n'a pas
d'importance particulière5. La communication s'effectue aussi bien avec un
récepteur et un émetteur se trouvant dans la même
pièce ou bien à une grande distance l'un de l'autre.
L'émission télépathique est suivie
généralement de sa réception immédiate,
mais il arrive qu'elle soit différée, que le percipient
n'en comprenne pas le sens ou le comprend plus tard.
Comme phénomène
paranormal apparemment le plus facile à vérifier, la
télépathie a été étudiée en
laboratoire, comme plusieurs autres «pseudo-sciences»
faisant appel à des forces occultes. Les résultats
obtenus n'ont pas donné satisfaction pour l'instant aux
observateurs utilisant les méthodes de contrôle
expérimentales de vérification en usage, et la science
n'a toujours pas intégré la télépathie
dans son domaine, faute de démonstration probante et
convaincante. On n'a donc pas d'explications sérieuses,
démontrées, sur le fonctionnement de l'activité
télépathique. Plusieurs hypothèses ont
été formulées : des facultés
«psi», des psytrons6 ou des particules atomiques spéciales se
propageant d'un cerveau à un autre, etc7.
On a ainsi multiplié les références à un monde hors de notre temps et de notre espace, ou dans un monde parallèle au nôtre, dépendant de lois propres tout en communiquant avec le nôtre. Ces éléments psychiques indéterminés toucheraient certains hommes en franchissant les barrières de l'inconscient, viendrait d'une quatrième dimension8 (sans compter les autres!, puisqu'il suffit d'imaginer) : on ne peut scientifiquement rien démontrer puisque, par définition, ce monde est autre et inaccessible à nos méthodes scientifiques. Pour certains occultistes par exemple, la réalité est une sorte d'éternel présent où chaque homme renferme en lui son existence entière - celle-ci peut donc être aussi bien connue de lui comme d'autrui par des voies paranormales. De même, le passé laisserait des traces, et l'avenir serait écrit.
Dans Carrie, la télépathie n'intervient qu'à
la fin du roman, dans la rencontre entre Sue et Carrie. Pour se
venger, Carrie vient de mettre le feu à son collège, et
entreprend de détruire la ville après avoir tué
sa mère au cours d'une dispute qui s'est mal terminée.
Au cours de la querelle, sa mère l'a frappée d'un coup
de couteau. Sue retrouve Carrie mourante allongée sur le
trottoir, et mystérieusement, le contact
télépathique va s'établir entre les deux filles
: "Carrie émit un
gémissement sourd et ses paupières battirent. La
perception interne qu'en avait Sue se précisa comme peut se
dessiner avec netteté dans la tête un visage
évoqué
(qui est là)
et Sue, spontanément, répondit de la même
façon :
(moi sue snell)
Mais elle n'avait pas besoin de prononcer son nom. La communication
s'établissait entre elles sans r images ni mots et soudain,
une vague de compassion l'envahit tandis que lui parvenait de
très loin le murmure d'un reproche :
(tu m'as trahie vous m'avez tous trahie)." (261)
La communication
télépathique.
La conversation mentale qui s'établit entre elles s'enrichit
de la perception de sentiments multiples : "Une émotion indescriptible la bouleversait. Le
sang. La désolation. La Terreur. La dernière sale
blague d'une longue série de sales blagues. Elles
défilaient dans l'esprit de Sue à une allure
vertigineuse et sous un éclairage impitoyable qui la
terrassait. Elles partageaient totalement un savoir
épouvantable.
(carrie non non ne me fais pas mal)." Même les intentions sont perçues. Dans les
derniers mots du texte cité, King veut nous faire entendre que
Sue a ressenti chez Carrie le désir de l'englober dans sa
vengeance.
La vision se complique alors, avec le
retour que l'esprit de Carrie fait dans le passé pour y
chercher des preuves de la trahison de Sue, en remontant à la
célèbre première scène du roman :
"Maintenant, les filles
jetaient des serviettes hygiéniques, chantaient, criaient,
s'esclaffaient, Sue voyait en pensée le reflet de son visage:
hideux, caricatural, réduit à une énorme bouche
d'une beauté féroce. (pense à toutes ces sales
blagues ma vie entière une sale blague d'un bout à
l'autre)." (262) King
utilise ici la télépathie en poussant ses
manifestations jusqu'à l'investigation du cerveau humain.
Comme cela avait été signalé dans la
première partie de cette étude, la
télépathie est ici le moyen qui permet à la
voyance de s'effectuer. King ira plus loin encore, en mettant en
scène une situation sur laquelle il reviendra souvent,
l'enrichissant jusqu'aux relations d'investigations dans le cerveau
de Seth/Tak dans Les Régulateurs 9 et de celui des nombreux protagonistes
télépathes de Dreamcatcher.
Toujours par
télépathie, signalée par l'utilisation des
parenthèses, Sue demande à Carrie de s'assurer de son
absence de malveillance. Carrie passe de la récapitulation de
ses souvenirs à l'exploration du cerveau de Sue :
"(Regarde carrie regarde en
moi)
Et Carrie regarda.
Ce fut pour Sue une sensation terrifiante. (...) Dans
l'affolement, un être la parcourait en tous sens
(...) (aperçus fugitifs ça c'est moi
petite je le déteste papa oh maman les grosses lèvres
les dents bobby m'a poussée oh mon genou veux monter dans la
voiture on va voir tante Cécile maman viens vite j'ai fait
pipi) (...)
continuant à chercher.
Découvrant plus que Sue en personne ne le soupçonnait -
amour pour Tommy, jalousie, égoïsme, besoin de le
soumettre à sa volonté, de l'obliger à
accompagner Carrie, dégoût pour Carrie
elle-même,
(elle pourrait bien essayer de s'arranger un peu mieux elle a
vraiment l'air d'un CRAPAUD)
haine à l'égard de Miss Desjardin, à
l'égard d'elle-même.
Mais pas de mauvaises intentions arrêtées
vis-à-vis de Carrie, aucun plan pour la ridiculiser devant les
autres.
L'impression cuisante d'être violée dans ses plus
secrets réduits commença à s'estomper. Elle
sentit Carrie se retirer, affaiblie,
épuisée."
(263)
Enfin, par l'usage de la télépathie, l'écrivain
peut nous faire participer à des expériences
singulières, comme assister à la mort de quelqu'un vue
de l'intérieur de son esprit qui s'efface alors que la vie le
quitte : "Une terreur subite
envahit Sue, d'autant plus angoissante qu'elle ne pouvait l'attribuer
à rien de précis : ce monstre qui se vidait de son sang
sur l'asphalte tachée d'huile, insupportable à voir
dans son agonie, avait perdu tout son sens pour elle.
(ô maman j'ai peur maman MAMAN)
Sue s'efforça de dégager, de libérer son esprit,
de laisser au moins Carrie seule en tête à tête
avec elle- même dans la mort, mais elle n'y parvenait pas. Elle
se sentait mourir elle-même et ne voulait pas assister à
cette répétition de sa propre fin.
(carrie LAISSE-MOI)
(M a m a n M a m a n o o o o o o o o o o o o o o
O O O O O O O O O O )
Le cri mental de Carrie atteignit en crescendo un degré
d'intensité incroyable puis brusquement s'éteignit. Un
instant, Sue eut l'impression qu'elle regardait la flamme d'une
bougie disparaître au fond d'un tunnel sans fin à une
allure vertigineuse.
(elle va mourir ô mon dieu je sens qu'elle meurt)
Et puis la lumière s'effaça avec la dernière
pensée consciente
(maman je te demande pardon où) et Sue ne perçut plus
que la fréquence inepte et mécanique des terminaisons
nerveuses qui allaient mettre des heures à
mourir." (263)
King utilise aussi une forme de
télépathie globale dans Insomnie. Ralph entend ainsi les multiples bruits d'un
hôpital : "Des sons lui
parvenaient de partout: tintements assourdis de cloches, vidange
d'une chasse d'eau, rires étouffés. Des sons auxquels
on ne prête en général pas attention, car ils
font partie de la vie quotidienne: mais pas en ce moment. Pas ici. De
même que la réalité visible des choses, les sons
paraissaient avoir une texture extraordinairement sensuelle, comme de
délicats festons superposés de soie et d'acier. Tous
ces sons n'étaient pas ordinaires. Il entendit une mouche
bourdonner dans une conduite d'air chaud; le frou-frou produit par un
collant qu'une infirmière rajustait dans les toilettes du
personnel; des battements de coeur; la circulation du sang dans des
artères; le flux et le reflux soyeux de respirations. Chaque
bruit était la perfection en soi; imbriqués les uns
dans les autres, ils se métamorphosaient en un ballet auditif
aussi superbe que compliqué - un Lac des cygnes caché
d'estomacs qui gargouillaient, de bourdonnements de moteurs
électriques, d'ouragans déchaînés par des
sèche-cheveux, de chuchotements de roues de civières
d'hôpital. Ralph entendait une télé, à
l'autre bout du couloir, au delà du poste des
infirmières. Le son lui parvenait de la chambre, où
Thomas Wren, atteint d'une maladie rénale, regardait Kirk
Douglas et Lana Turner dans Les Ensorcelés. «Si tu fais
équipe avec moi, mignonne, nous mettrons cette ville sens
dessus dessous», disait Kirk - et Ralph sut, grâce
à l'aura qui entourait ces paroles, que M. Douglas avait
souffert d'une rage de dents, le jour où cette scène
avait été tournée. Ce n'était pas tout.
Il se rendait compte qu'il lui était possible d aller (plus
haut plus profond? plus loin s'il le désirait. Il ne le
désirait absolument pas. C'était la forêt de
Brocéliande, et on pouvait se perdre dans ses fourrés.
Ou bien y être dévoré par des tigres.
[«Bon Dieu! C'est encore un autre niveau - ça ne peut
être que ça, Lois! Un niveau entièrement
différent!»]"
(411) Remarquable passage où se mêle les impressions
reçues par une sensibilité exacerbée, qui
pénètre dans un monde-autre, où il pratique
aussi facilement la télépathie que la voyance.
Caractéristiques
particulières.
Le cri
mental.
Dans Shining10 , King reprend l'idée de l'intensité du
cri mental télépathique. Hallorann, un voyant qui sait
communiquer par télépathie, explique comment il a
découvert son don grâce à sa grand-mère :
"Toi, mon petit, tu as le Don.
Un pouvoir exceptionnel. Je n'en ai jamais vu de pareil dans ma vie
et j'ai bientôt soixante ans. (...)
Ma grand-mère l'avait,
elle aussi; c'est elle qui me l'a transmis. Elle disait que nous
avions le don. Quand j'étais gosse, pas plus grand que toi, je
passais des heures à bavarder avec elle dans sa cuisine, sans
que nous ouvrions la bouche, ni elle ni moi." (82) Il demande
à tester les dispositions du jeune Danny : "Envoie-moi une pensée. Je veux savoir
si tu as autant de jus que je crois. (...)
La pensée jaillit de
son esprit avec une force formidable." (83)
Hallorann repart en Floride, laissant à regret Danny avec ses parents dans l'hôtel Overlook, qu'il sait maléfique. S'il a des problèmes, que Danny l'appelle, par un cri mental approprié : "Il [Danny] réfléchit un instant, puis mobilisa tous ses pouvoirs de concentration. N'ayant jamais rien tenté de semblable, il ne savait pas très bien doser son effort. Au moment de projeter sa pensée, il jugea plus prudent de modérer son élan. Il ne voulait pas faire du mal à M. Hallorann. N'empêche que la pensée jaillit de son esprit avec une force formidable, comme une balle de base-ball lancée par le grand Nolan Ryan. (...) Hallorann sursauta puis s'affala brusquement sur son siège. Il claqua des dents, se mordant la lèvre inférieure qui se mit à saigner. Il porta involontairement ses mains à sa gorge, puis les laissa tomber, inerte." (84)
Les
doubles.
King met également en scène des
télépathies plus particulières entre doubles,
toujours dans Shining. Tony est
le "double" voyant de Danny. Danny le perçoit comme s'il
était réel et entretient avec lui des conversations
télépathiques, au cours desquelles Tony lui communique
des informations sur ce qui va se passer et lui donne des
éléments de décision : "Ta mère va être grièvement
blessée, peut-être tuée. Et Mr. Hallorann aussi.
- Elle ne mourra pas ! Je ne veux pas ! - Alors il faudra que tu
l'aides. (...) Tu dois essayer de les aider, dit Tony. Mais
ton père... il est passé du côté de
l'hôtel maintenant et c'est lui qui l'a voulu. Mais
l'hôtel ne se contentera pas de rallier ton père. C'est
surtout toi qui leur fais envie." (403)
L'aura.
Dans Insomnie une
télépathie particulière permet à un
personnage de voir ce qui se passe dans l'aura d'un autre :
"Tu te trompes en croyant que
c'est de la télépathie. Ce n'est pas dans les esprits
que nous lisons, ce sont les auras que nous
déchiffrons."
(334) Cette télépathie par lecture des auras se
double pour les télépathes d'une communication mentale
qui leur permet d'entretenir des conversations, parfois fort longues,
avec les envoyés d'un monde invisible pour ceux qui n'ont pas
été conditionnés à les voir. Cette autre
forme de télépathie use d'images mentales à
interpréter, comme doit le faire Ralph avec un des agents de
ce monde : "Les termes
étaient remplacés par de simples images brillantes,
comme dans un rébus pour enfants. Ralph supposa qu'il
s'agissait de télépathie, et, s'il y avait de quoi
être stupéfait, la chose, lorsqu'elle se produisait, lui
paraissait aussi naturelle que respirer." (Insomnie
428) Cette
télépathie permet l'exercice d'une forme de voyance
particulière, les détails de la vie d'un individu se
reflétant dans son aura.11
Télépathie, dieux ou entités.
Toutes les religions font état
des messages mentaux que la divinité envoie par
télépathie, de même qu'elles se manifestent
occasionnellement par la voix dans des apparitions spectaculaires,
destinées également à communiquer une
information. Dans Désolation 12, David, après avoir visité à
l'hôpital un copain gravement accidenté, s'est
retiré sur la plate-forme qu'il avait édifiée
avec lui dans un arbre. Il est accablé de douleur, mais sent
comme une présence :"Il
y a quelqu'un? Je vous en prie, répondez!". Et quelque chose se manifeste :
"Oui, avait dit cette voix. Je
suis là.
- Qui êtes-vous?
- Qui je suis, dit la voix avant de se taire comme si cela expliquait
tout.13" (152)
Le pasteur le renseigne, plutôt moraliste que spirite. Cette
deuxième voix est celle de sa conscience : "Dieu nous parle toujours à travers
notre conscience. On croit généralement, David, que la
conscience n'est qu'une sorte de censeur, un lieu où sont
engrangées les sanctions sociales, mais en fait, c'est en soi
une sorte d'étranger, qui nous guide souvent vers les bonnes
solutions, mais dans des situations qui dépassent notre
compréhension." Car
c'est bien la voix de Dieu que David a entendue. Dieu a des projets
pour David, le prophète chargé de les réaliser,
et ce sont ses intentions qu'il communique par cette voix
intérieure: "Il
était dans l'obscurité, aveugle, mais pas sourd. Dans
l'obscurité, il écoutait son Dieu." (159 et
139).
Dans Ça
14, plusieurs entités sont en conflit les unes avec
les autres, Ça, la Tortue et l'Ultime : "La Tortue parla dans la tête de Bill, et
Bill comprit sans trop savoir comment qu'il existait encore un Autre
et que cet Autre ultime demeurait dans le vide au-dessus de
celui-ci." (103).
Cette voix se manifeste sous la forme de pensées fugitives
diverses quand le drame se noue pour la deuxième fois. Mike
Hanlon, demeuré à Derry, subit l'action la plus
directe. Il est devenu "le
veilleur" du groupe:
"Je suis le seul à
entendre la voix de la Tortue, le seul qui se rappelle, car je suis
le seul à être resté à
Derry." Ou les instructions
données par Ça à Henry, un de ses agents . Il
croit entendre "des voix de la
lune. (...)
Elles viennent de la lune. Des
tas de voix. (...)
Des tas, mais en réalité une seule. Ce sont ses
voix." Les voix de Ça
(154, 156 et 892).
Car il va de soi que les forces adverses procèdent de
même15 : "Comme Dieu,
Satan nous parle plus clairement lors de nos prières et
pendant que nous méditons. C'est à ces moments que nous
sommes le plus ouverts, le plus réceptifs", professe le pasteur à David, qui a
l'occasion d'en faire l'expérience : "Si tu veux, prie-moi. Pourquoi prierais-tu un Dieu qui
tue les petites soeurs? 16 (...). Et pourtant tu t'agenouilles devant lui.
Allons, David, saisis ta chance, reprends pied. Prie-moi", lui
suggère la
maléfique entité Tak (Désolation, 161/2).
Dans Simetierre 17, ce n'est pas une divinité ou une entité
qui se manifeste, mais un lieu comme dans Shining, où l'hôtel parlait à Danny et
à son père. Jud entend la voix du cimetière des
animaux (et "la chose qui se cachait derrière") :
"Jadis, la voix lui avait
doucement susurré des paroles câlines et berceuses
où pointait une sorte de rêveuse magie, mais à
présent elle était basse, rauque, sombrement
menaçante. Ne te mêle pas de ça, le vieux,
grondait-elle." (369) King
désigne volontiers, sous le nom général de
«forces», les êtres transcendants :"Il éprouvait toujours la force
sournoise de la chose innommable qui hantait cet endroit
maléfique. Elle déroulait vers lui comme un long
tentacule invisible depuis son escarpement de roc putride
hérissé de cairns de pierre. Le tentacule s'insinuait
dans son crâne, et une voix menaçante lui
répétait sans cesse :
- Ne te mêle pas de ça, le vieux. Ne t'en mêle
pas, sinon tu t'en mordras les doigts" (371)
Par sa voix télépathique et sa force psychique, une
entité est capable de manipuler les hommes comme des
marionnettes. Jud s'aperçoit que l'entité du
cimetière l'a attiré dans un piège en l'incitant
à révéler son existence et ses pouvoirs à
Louis, pour engager ce dernier à y enterrer ceux de sa famille
qui mourront : "On fait cela
parce que l'endroit prend possession de vous. Parce que ce
cimetière est un lieu secret, parce que vous êtes
rongé par l'envie de transmettre ce secret à
quelqu'un... vous inventez des raisons qui paraissent valables, mais
ce qui vous pousse vraiment à faire ça, c'est que vous
en avez envie... ou quelque chose vous y oblige." (295)
Déjà dans Shining l'hôtel Overlook communiquait avec Danny par
télépathie et se servait de ce moyen pour
proférer des menaces. Danny peut savoir où se trouve
son père (clairvoyance) et lire dans ses pensées :
"Il laissa partir son esprit
à la recherche de son père et le localisa dans le bal.
Il essaya de pénétrer un peu plus avant dans ses
pensées." (320)
L'hôtel réagit aussitôt : "(ARRÊTE DE
LIRE SES PENSÉES, PETIT MORVEUX!)
Cette semonce mentale lui donna la chair de poule." (321)
L'entité de
l'hôtel ne se borne pas à envoyer des messages à
Danny, il en envoie aussi à son père Jack pour
influencer sa conduite. Il procède d'abord en lui parlant avec
la voix de sa mère (224), puis de son
père (donc le grand-père de Danny, qui s'est toujours
montré autoritaire dans sa famille : "À la minute où je te parle, ton
fils se trouve là-haut en violation flagrante de tes ordres.
C'est une canaille. Punis-le, Jacky, rosse-le, rosse-le à
mort. (...)
Je t'accompagnerai quand tu
iras lui administrer sa correction. Je sais que tu pourras le faire,
j'ai confiance en toi. Il faut le tuer. Il faut le tuer et elle
aussi [son
épouse], parce qu'un
vrai artiste doit souffrir."
(225)
Prières et
incantations.
Le mécanisme de la
prière ou les rites d'invocation des esprits utiliseraient
aussi la télépathie, les entités étant
capables de capter le sens des prières des implorants alors
qu'ils sont hors de portée de voix. Dans Salem 18, King nous propose un brillant exercice de
mise en scène. Le soir, une mystérieuse silhouette
sombre se trouve devant le portail du cimetière, et prie d'une
voix douce : "O Père,
jette les yeux sur moi. Seigneur des Mouches 19, jette les yeux sur moi. Pour jouir de ta
faveur, j'ai accompli un sacrifice. l'objet de ce sacrifice, je te le
présente de la main gauche 20." (82)
Quelques chapitres plus loin, le fossoyeur est fasciné par des
yeux ouverts, qui lui semblent être ceux de l'enfant qu'il a
enterré. Dans sa frayeur, la prière catholique pour les
morts, qu'il vient d'entendre à l'occasion des
funérailles, lui vient en tête, et se mélange
télépathiquement dans sa tête aux phrases que lui
envoie le démon21. Extraordinaire répons22 : "Prions pour notre frère, prions Notre-Seigneur
Jésus-Christ qui a dit...
(O Père,
jette les yeux sur moi.)
Il s'arrêta et jeta un regard vide dans la fosse. Elle
était profonde, très profonde. Les ombres de la nuit la
noyaient déjà, faisant d'elle une chose visqueuse et
vivante. (...)
Je suis la
Résurrection et la Vie. Celui qui croit en moi vivra, bien
qu'il soit mort...
(Seigneur des
Mouches, jette les yeux sur moi.)
Oui, les yeux étaient ouverts. C'était pour ça
qu'il se sentait observé. Carl ne les avait pas assez
collés 23, ils s'étaient rouverts comme des
stores et le petit Glick le dévisageait. Il fallait faire
quelque chose.
... et tous ceux
qui sont vivants et qui mettent leur foi en moi ne souffriront jamais
la mort éternelle.
(Je dépose
maintenant à tes pieds de la viande avariée et de la
chair fétide.)
Enlever la terre. Voilà ce qu'il fallait faire. Enlever la
terre, casser la serrure avec la pelle et ouvrir le cercueil pour
fermer ces yeux affreux rivés sur lui. (...)
Vous avez fait
revenir un mort à la vie; accordez à notre frère
Daniel la vie éternelle.
(Pour jouir de ta
faveur, j'ai accompli un sacrifice. L'objet de ce sacrifice, je te le
présente de la main gauche.)" etc. (142)
Télépathiquement, l'invocation au démon vient se
juxtaposer à la parole divine et finit par l'emporter. Le
fossoyeur est prêt à accepter le don du sang et de
devenir vampire.
Outre le cas où l'entité communique avec un percipient
par télépathie, il est possible à la
volonté d'un envoûteur de faire intervenir la
télépathie pour rejoindre le psychisme de la personne
à envoûter et d'agir alors sur elle par suggestion. Les
rites de magie noire exécutés par l'envoûteur
pourraient servir de «catalyseur», et déclencher des
pouvoirs surnaturels que ses propres pouvoirs psychiques ne peuvent
pas mettre en oeuvre : une action aussi simple comme d'appuyer sur un
commutateur électrique et de mettre en route une gigantesque
installation. C'est ce pouvoir considérable que, dans la
nouvelle Cours,
Jimmy, cours 24, déclenche Jim, un professeur en butte
aux persécutions d'anciens adolescents entre temps devenus
morts-vivants. Désemparé et faute d'autres moyens, il
veut les faire disparaître, en utilisant la magie noire :
"Il traça un pentacle
sur le sol.
Il avait de plus en plus de mal à respirer. Plaçant les
objets dans une même main, les lumières éteintes,
Jim commença de réciter
- Ô prince des Ténèbres, pour le salut de mon
âme, écoute-moi. Écoute-moi, car je te promets un
sacrifice. Écoute-moi, car en échange de ce sacrifice
j'implore une funeste faveur. Écoute-moi, car par le mal je
cherche à tirer vengeance du mal. Dis-moi ta volonté,
ô prince des Ténèbres, car pour toi je
répands le sang.
(...)
Jim respecta les rites
ancestraux. La sensation qu'il éprouvait maintenant lui
rappela une visite qu'il avait effectuée avec sa classe dans
une énorme centrale électrique - la sensation que l'air
vibrait, comme saturé d'électricité. Puis,
étrangement basse et désagréable, une voix lui
parla.
- Que désires-tu?
Jim n'aurait su dire si les mots avaient réellement
été prononcés ou s'ils avaient seulement
résonné dans sa tête. En deux phrases, il
présenta sa requête.
- Ce n'est pas une bien grande faveur. Que m'offres-tu en
échange?
En deux mots, il le dit.
- Je veux les deux, murmura la voix. Le droit et le gauche.
Acceptes-tu?
- Oui.
- Alors, donne-moi ce qui me revient.
Il ouvrit son couteau de poche, posa la main droite bien à
plat sur le bureau, et, s'y reprenant à quatre fois, en
trancha l'index Le sang forma de sombres arabesques sur le buvard. Il
ne sentit pas la douleur. Jim plaça le couteau dans sa main
droite. Il eut beaucoup plus de mal à couper l'index gauche.
Ainsi mutilée, sa main lui paraissait maladroite et
étrangère; le couteau dérapait sans cesse.
Finalement, avec un grognement d'impatience, il lança le
couteau loin de lui, brisa l'os puis arracha le doigt. Jim jeta les
deux index coupés au centre du pentacle. Il y eut un
éclair, éblouissant, semblable au flash
magnétique des anciens appareils photographiques. Pas de
fumée, remarqua-t-il. Pas la moindre odeur de
soufre." (224/5)
Grâce au démon, avec lequel il communique
télépathiquement (King, à son habitude,
présente cependant la transmission avec une certaine
ambiguïté), Jim peut faire disparaître à
jamais ses persécuteurs, en échange de son
sacrifice.
La télépathie constitue
le motif essentiel du roman, et elle y occupe une place sans laquelle
le récit ne pourrait pas fonctionner. Alors que dans
Insomnie la
télépathie était liée à des
phénomènes anormaux créés par les petits
hommes chauves, agents de l'Intentionnel dans le cadre de fantasy
fantastique qu'est la saga de la Tour, dans Dreamcatcher elle appartiendra simultanément à deux
cadres : celui de la SF, avec les extraterrestres
télépathes, et celui du fantastique, avec l'invention
littéraire de la ligne jaune, lien entre un débile
mental médium et ses amis qu'il a marqués de son don.
Deux sortes de télépathie d'origines différentes
vont ainsi coexister, avec des procédés de
communication semblables, le contact direct d'esprit à
esprit.
La
télépathie particulière au monde de l'enfance et
à un médium.
Quatre amis d'enfance ont subi l'influence d'un cinquième,
débile mental, qui leur a communiqué un certain don de
voyance et la possibilité d'être occasionnellement
télépathe, comme Jonesy, un professeur :
"Il ne lit pas dans l'esprit
des autres. Il n'a jamais pu. (...) Parfois,
des choses traversent son esprit comme des
éclairs (...),
mais ce genre de choses se
produit de plus en plus rarement. (...) Il a
pu posséder un petit quelque chose, autrefois, mais tout a
disparu aujourd'hui."
(44) Cette mise en situation permet à King de
justifier l'incident qui se produit juste après que Jonesy
s'est fait ces réflexions : "À cet instant, une nouvelle idée lui
vient, tout aussi soudaine que menaçante. Et très
puissante : Fais gaffe à Mr Gray." (44) Il ne sait pas d'où lui vient cette
voix, il ne sait pas davantage qui est ce Mr Gray.
La ligne jaune est une trouvaille, qui sert aux amis de fil
conducteur pour la sorte de télépathie et la forme de
voyance qui les réunit. Si tous ont été
télépathes dans leur enfance sous l'influence du
débile mental doué Duddits, seuls deux d'eux d'entre
eux voient facilement la "ligne jaune", Henry et Jonesy, qui sont les
deux survivants au byrus et les personnages principaux du roman.
Comme le pense Henry, le psychiatre : "Seul Jonesy était capable de suivre le même
cours de pensée que lui, d'aimer les mêmes livres, de
partager les mêmes idées; seul Jonesy avait eu le talent
de rêver au-delà des lignes 25, en plus de voir la ligne. " 26 (399) Les deux autres ne la voient que difficilement, un vague
fil conducteur : "Henry se
demanda (une fois de plus) ce qu'il pouvait bien voir. Il avait
posé un jour la question à Pete qui lui avait
répondu que c'était quelque chose comme un fil, souvent
indistinct, difficile à voir. C'est mieux quand il est jaune,
avait-il expliqué. Le jaune est toujours plus facile à
repérer. Je ne sais pas pourquoi. Et si Pete voyait un fil
jaune, peut-être Duddits voyait-il, lui, une large bande bouton
d'or, peut-être même la route en briques jaunes de
Dorothy." 27 (571) Dans certaines
situations, la voyance s'ajoute à la télépathie.
Ainsi, Pete entend les conversations de ses amis Beaver et Henry, qui
sont dans le chalet de chasse à 15 kms de là :
"Il voyait la ligne, il ne
l'avait même jamais vue aussi clairement depuis des
années. Et puis il vit Beaver... et l'entendit aussi. Au
milieu de sa tête."
(216) La ligne est tellement "brillante" que,
en même temps qu'il entend les conversations, il
«voit» le carrelage bleu, le rideau de douche du chalet, et
même la casquette orange d'un visiteur. Il sent qu'il pourrait
en savoir davantage : "Il
ignorait s'il s'agissait du futur, du passé ou de ce qui se
passait en ce moment même, mais il pourrait y avoir
accès s'il le voulait." (216)
Pour nous faire admettre cet univers particulier, King procède
par étapes. D'abord le cerveau de Henry intercepte, comme
celui de Pete, les conversations de ses copains Beaver et Jonesy en
provenance du chalet (153). Puis de
multiples autres voix sont captées, celles des
extraterrestres, en anglais comme en français, qui supplient
qu'on ne les tue pas : "Je
vous en prie, ne nous faites pas de mal! S'il vous plaît! Ne nous blessez pas! Ne nous
faites pas de mal, nous sommes sans défense!"
28." (219) ou qui empruntent des voix connues :
"Il y avait celle de Walter
Cronkite, de Bugs Bunny, de Jacques Webb, de Jimmy Carter et d'une
femme qui lui semblait être Margaret Thatcher." (220) Henry entend,
toujours télépathiquement, le laïus du chef
militaire Kurtz : "Ils
n'étaient pas de pauvres petits E.T. sans défense,
attendant qu'on leur donne une carte de téléphone pour
qu'ils puissent appeler chez eux, parce qu'ils étaient une
maladie. Ils étaient le cancer, Dieu nous pardonne, les mecs,
nous venons de prendre une sacrée dose de chimie
radioactive." (219)
À noter que la télépathie telle que King
l'utilise n'est pas celle ordinairement limitée à un
seul canal entre un émetteur et un percipient, mais un
récepteur particulier à de multiples canaux, qui
ressemble à une bande-son prise dans un marché ou une
manifestation. Ce procédé, qu'il a utilisé, mais
pas avec cette ampleur, est littérairement remarquable
puisqu'il permet de donner à certains personnages des vues
globales sur le déroulement des événements, sur
les pensées de personnes éloignées, leurs
intentions et leurs sentiments, point de vue d'ensemble qui est
ordinairement réservé au romancier : "Les cris à l'intérieur de sa
tête n'arrivaient pas à noyer entièrement les
staccatos de mitrailleuses à l'ouest, des mitrailleuses
lourdes. (...)
Les cris, à
présent - «Ne nous faites pas de mal, nous sommes sans
défense, il n'y a pas d'infection!» - trahissaient de
plus en plus de panique."
(221) 29 On a noté le complexe cheminement du message
reçu : le bruit des mitrailleuses entendues n'est pas leur
bruit réel, trop éloigné, mais celui
perçu par le cerveau des extraterrestres victimes du massacre,
et capté alors en temps réel par celui de Pete. On peut
comparer à une émission de télévision
transmise en direct, mais par satellite interposé.
Des
extraterrestres télépathes.
Les moisissures sont le terreau nourricier, (byrus) des
extraterrestres, des sortes de végétaux (des
techniciens les ont appelés "les champignons Ripley") qui
subissent de curieuses transformations et contaminent les humains. Le
byrus s'attrape par contact ou par ingestion. Dans certaines
conditions, il peut faire pousser les implants, les fouines-merde :
"Elles naissent du byrus, mais
se reproduisent ensuite en pondant des oeufs. Elles se dispersent,
pondent d'autres oeufs, et ainsi de suite." Elles sont saprophytes, des parasites qui ne tuent pas
et se contentent de vivre dans les intestins : "L'hôte donne de la nourriture, elles
offrent la télépathie. C'est le marché
d'habitude. Sauf qu'elles nous transforment aussi en appareil de
télé. Télégrisâtre, c'est
nous." (404) La
télépathie est en effet une caractéristique des
"grisâtres", qui "semblent propager ce don comme ils propagent leur
moisissure." (239)
Les extraterrestres utilisent cette télépathie pour
communiquer avec les humains, comme l'éprouve ce conducteur
d'un véhicule qui subit l'intrusion dans son esprit d'un
extraterrestre qui veut lui faire arrêter son engin :
"Range-toi!
Il fronça les sourcils, secoua la tête et se gratta
l'oreille, comme si une bestiole, une puce, par exemple, venait de le
piquer." Il ne réagit
pas, croyant à une illusion, avec le vent qui souffle en
tempête.
"Range-toi sur le
bas-côté.
«Hein?» Il regarda
la radio, mais il n'en sortait rien, sinon un grésillement et
un jacassement lointain à peine perceptible.
Range-toi sur le
bas-côté.
«Aïe!» s'écria Janas. Il se prit la tête
à deux mains; tout d'un coup, elle s'était mise
à lui faire un mal de chien 30. Le pick-up vert olive fit une
embardée, dérapa..." Le soldat reprend le contrôle de son
véhicule.
"Range-toi sur le bas-côté, ici!
Janas poussa un hurlement de douleur. De très loin, il
s'entendit crier : «OK!
OK! Je me gare! Mais
arrêtez! Arrêtez de me tirer sur la cervelle!» A
travers ses larmes, il distingua une silhouette
sombre." (369) Les
humains, au contact avec la moisissure, sont étonnés de
se retrouver télépathes et font des essais :
"«Je pense à un
chiffre, dit Kurtz?. Lequel?
- Dix-sept. Vous le voyez en rouge. Comme sur le côté
d'une voiture de pompier.»
Kurtz acquiesça, ravi." (348)
Une fois maîtrisée,
la télépathie est utilisée sans problème
: "Les deux hommes avaient
atteint un point où ils employaient indifféremment les
deux modes de communication; pensées et mots ne faisaient plus
qu'un." (414)
Mais avec la disparition des
extraterrestres - sauf un, Mr Gray - , et l'extinction du byrus qui
ne supporte pas le climat, les phénomènes
télépathiques disparaissent, au grand soulagement de
ceux qui font du mensonge leur façon ordinaire de vivre :
"La télépathie
n'agissait plus; voilà qui lui faisait plaisir. Le
phénomène l'avait scandalisé d'une
manière élémentaire, profonde, comme certains
pratiques sexuelles le scandalisaient. L'idée que n'importe
qui puisse pénétrer dans sa tête, visiter les
niveaux supérieurs de son esprit, avait eu quelque chose
d'horrible pour lui. Rien que pour ça, pour avoir
apporté avec eux ce don très spécial, les
grisâtres méritaient d'être détruits
jusqu'au dernier."
(450). Il va de soi que dans l'esprit tortueux de Kurtz, le
militaire responsable de la disparition des grisâtres qui se
fait cette réflexion, la révélation
instantanée à ses interlocuteurs de ses plans sournois
et de ses machinations lui interdirait tout machiavélisme. Les
chefs ont l'habitude de travailler dans le mensonge.
Humains et
télépathie Ripley.
Dans le déroulement du récit, l'utilisation de la
télépathie prend parfois des cheminements
compliqués. Télépathe à cause de
l'implant de byrus qu'il héberge, un humain peut percevoir ce
qui se passe dans l'esprit de l'extraterrestre appelé Mr Gray,
«habitant» l'esprit de Jonesy : "Jonesy a expliqué à Mr Gray comment faire
le tour de la ville par la 295. Sauf qu'il n'a pas vraiment
parlé. Mr Gray est dans sa tête et quand il veut quelque
chose, il me semble, il prend, c'est tout.
Kurtz écouta ces explications avec une stupéfaction de
plus en plus grande. (...)
«Il y a un chien avec
eux. il s'appelle Lad. C'est avec lui que je suis en
contact. (...)
- Ils ont amené un
chien qui peut lire dans leur esprit?
- Le chien entend leurs pensées sans les comprendre. Il n'est
toujours qu'un chien.
(...)
Il écoute ce
clébard comme si c'était une putain de radio,
s'émerveilla Kurtz." (581)
Pour Henry et l'extraterrestre Mr Gray, la télépathie
se complète du pouvoir de contrôler l'esprit des autres,
de leur donner des ordres et de les transformer en exécutants.
Mr Gray est également capable, toujours par projection
télépathique, de voir avec les yeux de ceux qui sont
sous son contrôle. Mais ce pouvoir est aussi celui de Henry,
son adversaire, comme le montre cet exemple. Il a besoin d'un
véhicule où se trouvent quatre soldats . De ces quatre
visions, Henry doit faire la synthèse pour avoir une vue
d'ensemble de ce qui se passe : "Les jeunes gens se tenaient assis près les uns
des autres, mais voyaient néanmoins le monde avec quatre
qualités de vision différentes" (484). Visions
qu'Henry, quelquefois gêné par les mouvements oculaires
des soldats(484), utilise au mieux pour les ramener à
une seule vision. Toujours par télépathie, il peut leur
donner des ordres en empruntant une voix qui n'est pas la sienne, par
exemple celle du chef, Kurtz : "Il puisa dans les réserves d'énergie
d'Owen Underhill [officier
subordonné immédiat de Kurtz, qu'il a abandonné
pour devenir l'associé d'Henry], mais aussi dans la connaissance qu'avait celui-ci de
son supérieur. La mise en réseau des quatre soldats lui
valut une grande bouffée de satisfaction. Et aussi de
soulagement. faire bouger leurs yeux étaient une chose;
prendre complètement leur contrôle en était une
autre, bien différente." (485) Cette forme de pouvoir tient une grande place
dans Charlie31, où cette disposition était
appelée la "poussée". Dans Le Fléau32, Flagg peut voir par l'intermédiaire
de son troisième oeil. Dans Les trois cartes33, Roland envoie son esprit dans le
XXème siècle et voit au travers des yeux des hommes
dont il occupe le corps. La télépathie est ainsi le
moyen déclaré - dans les autres romans où elle
intervient, le mot n'était pas toujours utilisé - pour
mettre en scène de nombreuses possibilités
déjà rencontrées précédemment. On
ne peut donc pas dire que, sauf son mode de transfert de
l'extraterrestre à l'être humain, la
télépathie des grisâtres soit vraiment
originale.
King nous propose un pouvoir télépathique susceptible
d'être amplifié. Pour s'évader du camp où
il est détenu prisonnier avec d'autres habitants de la
région contaminés par le byrus, Henry a besoin d'une
diversion. Il imagine faire se rebeller les autres captifs en leur
communiquant un message télépathique amplifié.
Pour ce faire, il crée un amplificateur humain :
"Il s'agenouilla près
de Bill, prit sa main infestée de byrus et lui adressa la
parole, dans la jungle de ses mauvais rêves. (...)
Il sentit l'esprit de Bill
s'élever vers lui, jaillissant des cauchemars dans lequel il
était piégé, se tendant vers lui comme un homme
sur le point de se noyer tendrait la main au sauveteur qui s'est
jeté à l'eau pour le secourir; les deux esprits
entrèrent en contact de la même manière que
s'accouplent deux wagons.
Ne parle pas, n'essaie pas de parler, transmit Henry. Ne
décroche pas, c'est tout. Nous avons besoin de Marsha et
Charles. À nous quatre, ça devrait suffire."
Ils obéissent,
réagissant différemment : les yeux de la femme
s'ouvrent instantanément, et elle prend la main tendue sans se
poser de question. Charles
"bondit vivement sur ses pieds, à croire qu'il avait
reçu une décharge électrique. Ils étaient
tous les quatre debout, maintenant, les mains jointes comme dans une
séance de spiritisme."
(455) Un long passage, très enlevé;
décrit Henry envoyant à l'ensemble des prisonniers de
multiples images montrant le carnage qui les attend, s'ils ne
réagissent pas. En s'appuyant sur "les images conjuguées des esprits reliés
au sien", Henry les incite
à quitter collectivement le magasin, en n'utilisant que la
télépathie pour communiquer : "Du fond du puits de son imagination, volant
sur les ailes de la dynamite [un
produit dopant] que lui avait
procurée Owen et renvoyant des images de toute sa force -
d'endroits où se réfugier ici, de mort certaine
là, des images aussi simples que celles d'un livre de
contes" (457) Le
groupe s'agite, les poings se lèvent, l'effervescence et
l'angoisse sont à leur comble, mais Henry attend, en chef
d'orchestre sachant intuitivement ce qu'il faut faire pour que la
partition soit jouée le mieux possible : "Il attendait que soit atteint quelque point de
non-retour, le point de combustion spontanée, le point de la
fusion nucléaire.
Il vint.
Maintenant, murmura-t-il.
Il rassembla les esprit de
Marsha, Bill, Charlie et de tous ceux qui s'étaient le plus
étroitement soudés à eux. Il les fusionna, les
comprima et lança cet unique mot, telle une balle d'argent,
dans la tête des trois cents personnes enfermées dans
l'étable du vieux Gosselin.
MAINTENANT.
Il y eut un instant de profond silence, et la porte de l'enfer
s'ouvrit en grand."
(458)
La réaction des humains à l'égard de la
télépathie est souvent négative, comme le
ressent Kurtz, qui, devant l'étendue de ce pouvoir,
éprouve la crainte de ne plus pouvoir cacher quoi que ce soit.
Certains pensent aux avantages techniques de cette communication :
"La télépathie
présentait certains avantages de type sténographique
par rapport à la communication orale, découvrait
Underhill. Il avait envoyé à Henry l'image mentale d'un
hélicoptère en feu et des soldats courant dans tous les
sens." (412)
D'autres enfin pensent que la vie pourrait être meilleure, avec
la disparition des mensonges et des tromperies. En tout cas, il est
certain que : "Si jamais ce
truc-là se répandait, ça changerait tout.
Tout." (486)
Il faut noter qu'à la fin du récit, les dons de Jonesy
et Henry s'effacent : "Je suis
revenu au bon vieux système traditionnel des cinq sens, j'en
ai peur. Finie la perception extrasensorielle." (661) Il est
fréquent qu'à la fin des romans de King cette situation
se produise, et que les circonstances qui ont amené
l'apparition de dons ou pouvoirs exceptionnels disparaissent avec
l'être maléfique : ils n'étaient octroyés
par une «Force» adverse à des humains que pour
éliminer un adversaire de cette Force (Ça, Insomnie,
Désolation
entre autres)
La capacité de
dissimuler en dépit de l'intrusion
télépathique.
Henry et Jonesy ont mis au point des techniques mentales pour
empêcher que quelqu'un pénètre par effraction
dans leurs pensées. Henry utilise un procédé de
brouillage particulier : "Underhill n'en essaya pas moins de sonder l'esprit
d'Henry avec ses moyens télépathiques. Un instant, il
eut une vision brouillée qui le laissa perplexe : un haut
bâtiment blanc, dans la neige, cylindrique comme un silo; puis
la vision disparut, laissant place à l'image d'un cheval blanc
qui lui fit penser à une licorne. (...) Il
poussa un grognement à la fois amusé et
exaspéré. "Vous me brouillez.
On peut voir ça comme ça. C'est plutôt une
technique qu'il vaudrait mieux que vous appreniez si vous voulez
garder une conversation secrète." (411) Ce procédé est celui, bien
connu, de l'utilisation du mantra hindou34, dont la récitation psalmodiée a le
pouvoir de transformer l'esprit de celui qui le prononce, comme toute
formule incantatoire ou magique. La répétition d'un
mantra approprié peut entraîner de profondes
modifications dans les états de conscience. Les deux mantras
de blocage d'Henry lui sont particuliers : "Chevaucher un cheval de bois jusqu'à Banbury
Cross 35 et Oui on peut-peut, oui on peu, oui on
peut-peut, Seigneur Dieu Tout-puissant, oui on peut-peut. Jusqu'ici,
ils paraissaient efficaces."
(444)
Jonesy, dont le corps est occupé par Mr Gray, ne veut pas
accepter son contrôle complet, cerveau compris. Il s'efforce de
cacher une partie ce qui se trouve dans son esprit, tâche
d'abord rendue facile par le fait que l'extraterrestre cherche
d'abord les informations courantes dont il a besoin pour survivre,
sans s'occuper encore vraiment de la personnalité de Jonesy :
"Il sent les efforts que
déploie Mr Gray pour le percer à jour; mais pour le
moment le noyau central est à l'abri de ses incursions. Il
peut être transporté, pas transformé. pas
entièrement ouvert, dirait-on. En tous cas, pas
encore." (315)
Sans s'être clairement formulé son projet, Jonesy se
réfugie dans son imaginaire, en un lieu qui a pour lui une
puissance affective considérable puisque c'est
l'entrepôt abandonné où, enfant, il a, avec ses
camarades, sauvé Duddits des mains d'adolescents
tortionnaires. Le bureau les attirait plus spécialement, par
la fenêtre duquel les garçons ont regardé la
photo d'une fille dévêtue, objet de leurs fantasmes. Ce
bureau, fermé, dans lequel il n'a jamais
pénétré, il le transforme imaginairement en lieu
clos, à lui seul réservé, dans lequel Mr Gray ne
pourra pas pénétrer puisqu'il n'en a pas la clé
: les informations qui lui permettraient de l'ouvrir, que Jonesy y a
enfermées avec d'autres. La première trouvaille
littéraire de King est de considérer la pensée
de Jonesy comme la mémoire d'un ordinateur36, où les connaissances se trouvent dans
des fichiers portant les titres auxquels ils correspondent. Comme le
lieu est un entrepôt, la deuxième trouvaille a
été de remplacer les fichiers de la mémoire de
Jonesy par des cartons repérés selon leur nature,
stockés en tas. De ces cartons, profitant d'une absence
mentale momentanée de Mr Gray, Jonesy a prélevé
ceux qui étaient nécessaires à la sauvegarde des
données à cacher à l'extraterrestre, et ceci
toujours sur le plan de l'imaginaire (les cartons dans lesquels
figurent les informations essentielles concernant Duddits et la ville
de Derry, les données qui ont servi à lui donner en
partie sa personnalité). L'essentiel de la lutte entre Jonesy
et le grisâtre consistera en ces jeux d'esprit, remarquablement
conduits. Jonesy qui garde ses secrets, réfugié dans
son bureau imaginaire, invente, au fur et à mesure, tous les
accessoires nécessaires pour agir selon ses besoins : ce
Jonesy fictif ne réside en fait que dans un petit noyau de
cellules cérébrales résistantes, dans un recoin
de son cerveau contrôlé en grande partie par
l'extraterrestre. Mr Gray ne peut consulter que la partie du cerveau
de Jonesy se trouvant dans l'entrepôt, "des archives et plein de choses qui ne
tenaient pas dans la petite place-forte où son hôte
s'était réfugié." (364) Il le sait et
enrage, considérant que le corps de Jonesy lui appartient :
" Avoir ce mutiné
barricadé tout au fond de ce qui aurait dû être
l'esprit de Mr Gray, et de Mr Gray seul, devenait de plus en plus
irritant.." (380)
L'explication
rationnelle.
Comme toujours lorsqu'un
événement surnaturel ou paranormal se produit, King
présente un partisan de l'explication rationnelle, quelque peu
ébranlé par le fait de se trouver momentanément
télépathe : "La
télépathie n'était pas la seule forme de
perception extrasensorielle. Parce que bien longtemps avant que les
grisâtres n'apprennent qu'il existait un patelin baptisé
Terre, planqué dans une allée rarement visitée
de la grande bibliothèque interstellaire, il y avait eu un
phénomène appelé l'instinct, la
spécialité de l'Homo sapiens, même lorsqu'il
portait un uniforme comme lui.
«L'intuition, dit Kurtz. Cette bonne vieille intuition des
familles»." (451) Les
rationalistes pensent en effet que la pensée intuitive est
d'autant plus riche qu'elle est liée à une
sensibilité particulièrement développée,
et à une bonne interprétation de ce que les
psychologues appellent le «non-verbal», ce qui se
communique par la tenue, l'attitude, les gestes, les mimiques. Pour
que l'on puisse évoquer la télépathie, il faut
s'assurer que le sujet qui reçoit l'information ne peut pas
l'obtenir grâce à un raisonnement ou une
déduction logique. La perception du «non verbal» se
produit en partie au niveau de l'inconscient par le biais de
changements de posture, de variations du rythme respiratoire, de
modifications de la couleur de la peau, etc., bref les expressions
humaines qui ne sont pas paroles. Ces phénomènes,
à travers la transmission d'émotions ou de tensions,
sont inévitablement perçues par l'inconscient. Il est
par exemple possible d'exprimer un refus en éloignant un objet
de soi, en faisant un signe de la main, en croisant les bras ou en
reculant d'un pas. Même si ces gestes sont accomplis de
manière instinctive, sans rationaliser le message
adressé, les informations sont captées par
l'inconscient de l'interlocuteur.
Autre explication : les hommes
auraient perdu en grande partie des dispositions qui existaient
naguère : "Si nous
sommes tous des médiums, comment ça se fait que nous ne
savons pas quand quelqu'un que nous aimons vient de mourir, ou quand
notre maison vient d'être emportée par un ouragan, ou
des trucs du genre ?
- Des trucs du genre, ça arrive pourtant. Mais je reconnais
que ce n'est pas aussi fréquent, loin de là...".
Glen propose une
hypothèse bien connue liée à l'évolution
: "Vous savez, les hommes - ou
leurs ancêtres - avaient à une époque une queue
et du poil sur tout le corps. Et leurs sens étaient beaucoup
plus aiguisés qu'ils ne le sont aujourd'hui. Pourquoi
ça? (...)
- Pour la même raison
qu'on ne met plus de grosses lunettes et une pelisse de fourrure
quand on conduit une voiture, je suppose. Parce que ce n'est plus
nécessaire. On n'en a plus besoin.
- Exactement. A quoi bon avoir un don métapsychique qui ne
sert plus à rien? À quoi bon, quand vous êtes en
train de travailler dans votre bureau, de savoir tout à coup
que votre femme vient de se tuer dans un accident de voiture en
rentrant du supermarché? Quelqu'un va vous
téléphoner pour vous l'apprendre, n'est-ce pas? Ce sens
a donc pu s'atrophier il y a bien longtemps, si nous l'avons jamais
eu 37 . Comme nos queues et nos poils."
(548/9)
Une autre explication avance que la
télépathie serait liée à une
transformation (génétique ou accidentelle) de nos
facultés, situation que King a reproduite dans Charlie 38. Dans le cadre d'une expérience de laboratoire,
des étudiants se sont portés volontaires pour
l'injection d'un produit chimique, que King appelle le Lot Six :
"Il [Andy] regarda
Vicky, se rendit compte qu'elle le dévisageait, les yeux
agrandis de frayeur. Elle reçoit toutes tes émotions,
pensa-t-il. Comme une radio. (...)
Il lui sourit. Au bout de quelques minutes, Vicky lui rendit un
sourire incertain. Elle lui demanda ce qui n'allait pas. Il
répondit qu'il ne savait pas, que tout allait sans doute
très bien.
(Mais ils ne parlaient pas - la bouche de Vicky ne bougeait pas)
(elle ne bouge pas)
(Vicky? C'est toi??)
(Andy, c'est de la télépathie? Vraiment?)
Il n'en savait rien. C'était quelque chose. Il laissa ses
paupières se refermer." (46)
Un peu plus tard, toujours dans l'inconscience, il bavarde à
nouveau télépathiquement avec Vicky : "Il avait mentionné 1'accident de
voiture qui avait coûté la vie à sa mère,
expliqué qu'il avait passé l'année suivante avec
sa tante dans un état proche de la dépression nerveuse.
Elle lui avait avoué que lorsqu'elle avait sept ans, un
adolescent baby-sitter l'avait violentée et qu'elle avait
maintenant terriblement peur du sexe, et encore plus peur
d'être frigide.
(...) Ils
s'étaient dit des choses qu'un homme et une femme ne se
révèlent l'un à l'autre qu'au bout de longues
années... des choses qu'un homme et une femme ne se disent
parfois jamais, même dans le creux sombre du lit conjugal
après des milliers de nuits passées ensemble.
Mais avaient-ils parlé?
Andy ne le sut jamais."
(47/8)
Le don
d'origine divine.
Le télépathe
est souvent, chez King, simultanément détenteur d'un
autre don. Dans Dreamcatcher,
Duddits est celui qui transmet une partie de son pouvoir,
l'inspirateur, le médium débile mental qui
établit la liaison entre ses amis et les informations qu'il
détient par on ne sait quel moyen. Il ne les domine d'ailleurs
pas, se contentant de communiquer les données - souvent
fragmentaires, sans lien explicatif - quand il en dispose. Lien
affectif, il sert de coordinateur pour l'utilisation des pouvoirs
particuliers donnés à ses amis : "S'il avait Duddits avec lui [Henry], suivre Mr Gray ne lui était pas difficile,
même si Mr Gray changeait souvent de véhicule, car
Duddits voyait la ligne. Il les avait conduits jusqu'à Richie
Grenadeau dans un rêve, puis plus tard, dans la
réalité, jusqu'à Josie Rinkenhauer, et il
pouvait aujourd'hui diriger Henry avec autant de facilité
qu'un chien de meute au nez subtil conduit le chasseur au terrier du
renard." (592)
Quand Duddits intervient dans une communication télépathique entre ses amis, sa venue ne passe pas inaperçue : "Quand Duddits entre en scène, l'image devient cent fois plus brillante, cent fois plus précise. Henry entend un hoquet de surprise - Jonesy - , et il en aurait fait autant s'il avait eu de l'air dans les poumons. Parce que Duddits est peut-être retardé à de nombreux titres, mais pas à celui-ci; dans ce domaine, ils ne sont que de pauvres petits débiles tandis que Duddits est un génie." (505) Pour cette raison, les amis découvrent que Duddits est leur meneur de jeu; leur attrapeur de rêves, qu'il les fusionne en une unité bien que lui-même ignore ce qui arrive. Henry se pose des questions. Ensemble et avec l'aide de de Duddits, ils ont retrouvé jadis une petite fille retardée mentale perdue, "dont probablement tout le monde se fiche, sauf ses parents." Ils ont, sous l'influence de Duddits, uni leurs forces mentales pour obliger un conducteur qui avait menacé Duddits de verser dans le fossé. La mission de Duddits se bornerait-elle à ces actions d'intérêt somme toute limité : "S'agissait-il de tuer une brute stupide, de joindre nos forces pour lui faire quitter la route et cela, Dieu me pardonne, cela pendant notre sommeil? Ne s'agit-il que de cela? Quelque chose d'aussi génial, d'aussi merveilleux, pour accomplir des exploits aussi insignifiants? N'y a-t-il pas autre chose?
Car s'il n'y a rien d'autre - et
il pense cela même dans ce moment d'extase où ils sont
unis - à quoi bon? Qu'est-ce que cela peut bien vouloir
dire?" (505) Henry insinue
qu'une «force» cachée serait à l'origine du
don de Duddits, reprenant un scénario bien connu depuis
Le
Fléau, et notamment dans
Désolation
où le jeune David, élu de Dieu, a été
investi par lui de la mission d'éliminer Tak. Les
grisâtres extraterrestres représentaient-ils pour Dieu
un affront aussi grand que la libération de l'entité
maléfique Tak? Duddits et ses amis ont-ils été
choisis pour sauver la Terre de Dieu des extraterrestres
envahisseurs, destructeurs volontaires ou involontaires de ses
Créatures, sur lesquelles Dieu seul a pouvoir?
Car déjà dans
Le
Fléau le combat de la Force de la Lumière, Abigaël,
contre l'homme des Ténèbres, Flagg est de même
nature, comme le constate le sociologue Glen, qui cherche
habituellement des explications plus rationnelles, mais n'en trouve
pas pour ce qu'il vit : "Si
vous regardez les choses d'un point de vue théologique, on
dirait bien que nous sommes pris entre l'arbre et l'écorce
dans une lutte à finir entre le ciel et l'enfer, vous ne
croyez pas? (...) En
présence d'un phénomène manifestement
paranormal, la seule explication possible, la seule qui ait sa
logique interne, est l'explication théologique. C'est pourquoi
la métapsychique et la religion se sont toujours très
bien entendues, jusqu'aux guérisseurs de notre
époque. (...)
J'ai bien l'impression, sans
en avoir la preuve, que nous sommes tous des médiums."
(546) L'inspiration de King ne change pas depuis trente ans :
Dieu a besoin d'intermédiaires pour réaliser ses
desseins. Médiums, prophètes et
télépathie seront ses armes.
Télépathie et autres dispositions
extrasensorielles.
Si, pour la clarté de cette
étude la télépathie a été
séparée d'autres phénomènes comme la
voyance ou la psychokinésie, il arrive fréquemment
à King de tout mêler, le souci de l'image qui fait choc
l'emportant sur le désir de clarté. Si le lecteur se
reporte à l'étude sur la voyance (LA VOYANCE), il
y trouvera des distinctions39 que King confond volontiers. Par exemple dans
l'accident de chemin de fer raconté par Hallorann dans
Shining, la
réception des images et des sons.40 provenant d'un accident lointain survenu à un
individu, est-ce de la voyance ou est-ce de la
télépathie provenant de la personne accidentée?
D'autre part, quand l'extraterrestre ou Henry "poussent" d'autres
hommes à accomplir des actions grâce aux messages
télépathiques qu'ils leur envoient, est-ce de la
télépathie seulement, ou de la télépathie
mise au service de la PK?
King lit avidement les articles
consacrés à ces phénomènes qui lui
tombent sous la main et semble avoir été
influencé par deux courants de pensée qui inspirent les
adeptes du spiritisme moderne. d'abord les hypothèses de J. B.
Rhine, l'inventeur de l'expression «perception
extrasensorielle» vers 1927. Rhine n'est pas vraiment un
scientifique : spécialiste en botanique, science encore
très descriptive à cette époque, c'était
un passionné de parapsychologie41. Selon lui, l'homme possède une faculté
particulière lui permettant de percevoir des choses
situées en dehors de son champ de vision et d'écoute.
Dans le cas de la télépathie, l'information passe d'un
esprit à un autre parce qu'une partie de l'esprit n'est pas
prisonnière du corps. L'organisme possède un agent qui
peut «quitter le corps» pour aller chercher l'information.
Pour ce faire, il utilise une énergie physique
différente de l'énergie physique apparente
«normale» étudiée par les scientifiques, qui
ne possèdent pas les moyens techniques capables de la
découvrir et de la mesurer42.
King reprend constamment cette
idée d'une partie de l'esprit sortant du corps pour aller
capter des informations ou des impressions. De même une partie
du cerveau peut pénétrer un autre cerveau pour le
contrôler ou lui faire exécuter les instructions qu'il
lui envoie. Certains ont proposé d'appeler de divers noms ces
dispositions du cerveau ou les éléments pouvant le
quitter, qui en seraient le support du transfert. Ces facultés
«psi», comme on les nomme souvent, fonctionneraient avec
des particules psychiques spéciales (les psitrons par
exemple43), dans le cadre de «champs» psychiques
particuliers, non décelables actuellement. Tout cela est
finalement fait appel à des éléments inconnus,
absolument invérifiables. Quoique les partisans de Rhine
prétendent le contraire, il n'a pas été possible
à ce jour de mettre en évidence une quelconque de ces
dispositions et de prouver l'existence d'un phénomène
«psi»44 .
Par ailleurs la découverte des ondes de diverses natures,
surtout avec le développement au XXème siècle de
la téléphonie sans fil, la radio, ont conduit certains
parapsychologues à penser que les ondes émises par le
cerveau, ondes qui peuvent être relevées par
l'électroencéphalogramme, pouvaient être
transmises comme les ondes radio, à courte ou longue distance
suivant la puissance de l'émission45. Une onde émise doit être reçue
ailleurs, devenant le canal d'un transfert d'informations entre un
inconscient émetteur et un inconscient récepteur.
Plusieurs comparaisons sont faites par King dans Dreamcatcher et ailleurs avec la radio, moyen pratique
pour que le lecteur moyen puisse se faire une idée du
phénomène.
Enfin, un philosophe, psychanalyste reconnu46, C. G. Jung, fils de pasteur,
intéressé par l'ésotérisme et la
mythologie47, a proposé le concept de
«synchronicité». Les événements ne se
produisent pas par hasard, mais sont liés par des
«coïncidences synchrones significatives», venant de
l'ordre en partie caché de l'univers. Pour Jung, notre monde
est ordonné : ce qui est apparemment le désordre ou le
fruit du hasard est, en fait, produit par un ordre caché, qui
ne nous permet pas de saisir le lien qui les unit. Un certain nombre
de ces coïncidences apparemment «fortuites» ne le
seraient pas, mais cacherait une une «légitimité
a-fortuite». Une suite d'événements inexplicable,
des coïncidences s'expliqueraient ainsi par un ordre
supérieur de l'univers. Acceptée par le physicien
W. Pauli48, l'hypothèse de la synchronicité
expliquerait que certains phénomènes ne seraient pas
apparemment en accord avec les justifications scientifiques
déterministes. De tels phénomènes seraient
compréhensibles dans le cadre de la mécanique
quantique, pour laquelle la causalité ne peut, dans certains
cas physiques, que s'exprimer dans un cadre statistique.
Jung a pensé alors
réunir cette justification apparemment scientifique à
son hypothèse de l'inconscient collectif. L'hypothèse
d'un ordre caché de l'univers (que Jung pense
évidemment d'ordre divin) s'accorderait alors avec
l'inconscient collectif (les notions religieuses tiennent une grande
place dans l'inconscient collectif). Des cas particuliers d'actions
ou de faits humains inexplicables s'expliqueraient par la
coïncidence entre l'inconscient humain et un
phénomène en apparence a-causal qui appartient à
l'ordre caché de l'univers et se manifeste sous forme
d'événements physiques touchant des êtres
humains. King reprend cette idée de Jung avec sa conception de
l'Intentionnel, apparue et développée dans Insomnie, et plusieurs autres oeuvres. Les coïncidences
fortuites se révéleront plus tard, sans pouvoir
s'expliquer autrement que par leur mise en oeuvre en temps voulu, par
des êtres transcendants ou des entités, sans que les
hommes en comprennent alors le sens. Lesquels, surpris, constatent et
utilisent les moyens ou opportunités sans comprendre ces
coïncidences heureuses, traduction de la synchronicité
jungienne. Cela explique que, l'histoire terminée, le cours
naturel des choses reprend, avec son déterminisme habituel, et
que l'oubli s'installe sur ce qui n'était qu'une
péripétie dans le grand ordre cosmique.
Je ne voudrais pas terminer cette série d'articles sur la
place des perceptions extrasensorielles dans l'oeuvre de King sans
faire état de mon opinion. La télépathie reste
un phénomène qui n'est pas rationnellement
expliquée en dépit des recherches effectuées
depuis deux siècles. Elle est, parmi les manifestations
paranormales, celle qui, avec la voyance, suscite l'adhésion
du «grand public», même de personnes
indifférentes aux pseudo-sciences, dans la mesure où
beaucoup croient avoir relevé dans leur vie des
coïncidences troublantes. Les esprits rationnels observent que,
suivant le calcul des probabilités, dans les cas où le
contact entre les agents et la fraude n'est pas possible, la
réussite télépathique présente un taux de
probabilité extrêmement faible, comme pour tout
pronostic, explicable par les inévitables coïncidences
statistiques. Dans les cercles sociaux où les relations
affectives et la connaissance du groupe favorisent la connaissance
des uns par les autres, il ne faudrait relever que ce qui n'est
rigoureusement attendu que d'une seule personne49. Lorsqu'on évoque les
réussites, on ne communique pas les erreurs, leur nombre, le
pourcentage des succès et des échecs. Et pour chaque
cas de simultanéité de pensées, combien de
milliers ne se réalisent pas?
Pour les croyants en la télépathie (comme en la voyance
: ce sont les mêmes), cette disposition suscite crainte,
méfiance et fascination, comme tout phénomène
qui nous dépasse. Nous sommes certes jusqu'à
présent incapables de nous expliquer scientifiquement des
phénomènes à la problématique incertaine.
Mais pour les sceptiques, la télépathie reste à
ce jour un phénomène imaginaire et illusoire. J'en
suis. Et personnellement cela ne me gêne pas pour
apprécier les romans de King, et bien d'autres. Je pense au
contraire que, sans ce développement de ma réflexion
critique, je n'apprécierai pas à sa juste mesure la
vision "poétique" que les oeuvres littéraires de
l'Imaginaire me proposent. À côté de ma vision
"scientifique" du monde, nécessaire pour l'esprit critique et
éviter la déformation de ma clarté de jugement,
la vision "poétique" est une nécessité, qui me
permet de mieux comprendre la diversité humaine. Je pense
d'ailleurs que celui qui admet le paranormal ne peut pleinement
goûter ce que fait King, ou ne peut l'apprécier que
comme de la "mauvaise poésie", un peu comme la lecture de la
vie des saints ou la lecture de La Légende dorée 50 permettait au croyant de conforter sa foi. Le
merveilleux doit être gardé, à sa juste place.
Comme le dit Mystag, illusionniste, membre de l'Union Rationaliste,
qui donne des spectacles où il démystifie le
charlatanisme : "Tout
être humain porte en lui le goût du merveilleux. Aimer le
merveilleux est naturel, mais croire inconditionnellement en sa
réalité constitue une grave déficience de
l'intellect et une capitulation de l'esprit
critique." En ajoutant
ailleurs : "Au XXème
siècle, il n'y a plus lieu de confondre ceux qui s'intitulent
manipulateurs, prestidigitateurs, illusionnistes, etc, avec les
fakirs, astrologues, sorciers, spirites, voyants, hypnotiseurs,
guérisseurs... et autres illuminés ou
charlatans."
51
Il va de soi que l'échec actuel ne prouve pas l'inexistence du
phénomène télépathique, mais il faut
reconnaître objectivement que celui-ci attend toujours sa
démonstration.
Roland Ernould © juin 2002.
1 Carrie 1974, trad. fr. Albin Michel 1994.
2 Dreamcatcher 2001, trad. fr. Dreamcatcher, Albin Michel 2002.
3 Insomnie (Insomnia) 1994. Édition fr. Albin Michel 1995.
4 Terme de métapsychique inventé par Émile Boirac au début du XXème siècle, pour désigner la disposition appelée clairvoyance, et que Charles Richet appela cryptesthésie. Il la définit comme la faculté que posséderait certains individus de prendre connaissance de la réalité autrement que par les sens connus;
5 Les tenants de la télépathie prétendent que la pensée franchit l'espace à une vitesse inimaginable et ne connaît aucun obstacle à sa propagation. Inimaginable??? La vitesse de la lumière est imaginable et connue : 300.000 kms/seconde.
6 On trouvera une magistrale utilisation des «psytrons» dans Nicolas Eymerich Inquisiteur (1993), Rivages/Fantasy, 1998. Evangelisti définit ainsi le psytron : "Un mathématicien anglais, Dobbs, fasciné par la mathématique quantique, a émis l'hypothèse de l'existence des psytrons. Des particules semblables aux neutrons, excitées par l'activité cérébrale humaine et projetées d'un cerveau à l'autre. Dans un langage plus moderne, nous pourrions parler de faisceaux d'énergie du champ psychique qui se comportent comme des particules." (10). Le lecteur intéressé peut lire une longue critique de ce roman sur ce site .
7 En fin d'article seront rappelées les hypothèses qui ont pu influencer King.
8 Autre dimension spatiale perçue dans notre temporalité, mais s'exerçant dans une autre temporalité à une vitesse supérieure à la vitesse connue des terrestres...
9 Les Régulateurs (The Regulators) 1996. Pseudonyme : Richard Bachman. Édition fr. Albin Michel 1996.
10 The Shining 1977, trad. fr. Shining L'Enfant-Lumière, Lattés 1979
11 Une prochaine étude sera consacrée à l'aura (saison automne 2002)
12 Désolation (Desperation) 1996. Édition fr. Albin Michel 1996.
13 Moïse sur le Mont Horel, voilant sa face pour la protéger de l'ardeur du buisson ardent, apparence choisie par la divinité pour se manifester, demande le nom de son interlocuteur pour le signifier à son peuple. La réponse a fait le bonheur d'exégètes innombrables, «èhyèh aser èhyèh»: "Dieu dit à Moïse: «Je suis qui Je suis». Il dit: «Tu parleras ainsi aux fils d'Israël; Je Suis m'a envoyé vers vous»" . Les Hébreux diront naturellement: Il «Est», soit en hébreu yahavèh, ou Yahvé, pour désigner Dieu. Avant déformation, «Est» désigne donc Dieu.
14 Ça (It) 1986. Édition fr. Albin Michel 1988.
15 Ne pas oublier que, dans la tradition biblique tardive, Lucifer est un ange déchu, qui participe substantiellement de Dieu, et qui a conservé des pouvoirs divins importants de sa nature première.
16 Tak a tué la soeur de David.
17 Simetierre (Pet Sematary) 1983. Édition fr. Albin Michel 1984.
18 'Salem's Lot 1975, trad. fr. Salem, Lattés 1981.
19 La doctrine chrétienne enseigne que Dieu a
créé ses anges purs et bons, chantant ses louanges et
accomplissant ses missions. Mais certains, mis à
l'épreuve, résistèrent à Dieu, qui les
condamna au supplice de l'enfer. À la tête des anges
damnés fut Lucifer, le porteur de lumière, quand il
était un archange supérieur de Dieu avant d'être
rejeté pour avoir voulu rivaliser avec le Très Haut.
Déchu, on l'appela alors de noms divers, le Satan (en
hébreu l'adversaire), le tentateur, le mauvais, le Diable, le
Prince des démons. Il est présenté comme la
cause de la chute et de la ruine de l'humanité.
À l'imitation de Dieu, il se constitua une cour et une
hiérarchie
, dont le
dénombrement fut l'objet de très sérieuses
études. Parmi le«princes», le grand public
connaît généralement Belzébuth ou Béhémot, le dieu des
mouches en hébreu,
divinité philistine devenue démon, appelé encore
la Bête, toujours avide; Azazel, le démon du
désert, auquel on offrait en sacrifice un bouc
émissaire; Belphégor ou Astaroth, la paresse; Mammon,
la cupidité; Léviathan, le crocodile, la puissance
païenne; Moloch, les sacrifices humains; Balbérith, le
blasphème; Abaddon, la guerre; Baal, la foudre;
Méhirim, la peste; Astaroth; Asmodée, la luxure, avec
Pan, maître des incubes et Lilith, la première femme
d'Adam, maître des succubes; etc. Bélial
(déformation de Baal) est un autre nom de Satan.
Méphistophélès est une création
littéraire récente, apparue pour la première
fois dans une pièce de Marlowe, XVIè s.,
consacrée à l'histoire du Dr Faustus. C'est un
suppôt de Satan, devenu le symbole moderne souvent repris du
démon intellectuel et destructeur.
20 Pour les latins, la main gauche (sinistra) est la «mauvaise» main, la main maléfique. Dans les religions comme dans les croyances populaires, la gauche est du côté du mal. Au jugement dernier, les élus trouveront leur place à la droite de Dieu, les damnés à gauche. Les adeptes de la magie noire et du satanisme se livrent intentionnellement à un renversement de ces valeurs, et, au cours des cérémonies, les actes rituels sont réalisés de la main gauche.
21 Protecteur des vampires, qui sont ses créatures, comme tous les êtres maléfiques.
22 Dans la liturgie romaine, extrait d'un psaume ou d'un texte biblique récité ou chanté par un choeur ou l'assemblée en alternance et en réponse au verset chanté en soliste par le chantre.
23 L'enbaumeur des pompes funèbres.
24 Cours, Jimmy, cours (Sometimes they come back). Première publication : 1974. Dans le recueil Danse macabre (Night Shift 1978), 20 nouvelles. Première publication : 1978. Édition fr. Alta, 1980.
25 Allusion au fait que Jonesy est professeur de littérature.
26 On notera l'autosatisfaction de l'écrivain King, qui, avec son «troisième oeil», voit les choses que d'autres ne peuvent pas voir.
27 La route jaune que prend Dorothée dans Le Magicien d'Oz. Dorothée va suivre la route sur les conseils de la sorcière : "La route qui mène à la Cité d'Émeraude est pavée de briques jaunes, dit la sorcière. Vous ne pouvez pas vous tromper." 15. 3. "Il y avait quelques routes non loin de là, mais elle eut vite fait de trouver celle qui était pavée de briques jaunes." (17) L. Frank Baum, Le magicien d'Oz, éd. J'ai Lu, n°1652, 1979. Ce livre est un classique américain, qui a toujours autant de succès auprès des jeunes depuis sa première édition en 1899. King l'a lu et relu, le cite continuellement, et en a fait un usage important dans Magie et Cristal.
28 Les trois dernières phrases sont en français dans le texte anglais.
29 Petite contradiction apparente avec un postulat de King concernant les extraterrestres : ils ne connaîtraient pas les émotions. Ou alors ruse consistant à utiliser des sentiments feints, les sentiments éprouvés par les humains, constatés en quelque sorte ethnologiquement, mais qui sont étrangers aux extraterrestres. Le récit ne permet pas de conclure.
30 Il est fréquent que King associe la télépathie et la douleur dans le crâne. Le procédé était déjà utilisé dans Shining spectaculairement, comme on l'a vu plus haut avec le cri de Danny reçu par Hallorann. Même situation pour d'autres dons, comme celui de la poussée, de Johnny dans L'Accident.
31 Charlie (The Firestarter), 1980. Édition fr. Albin Michel 1984.
32 Le Fléau (The Stand, the Complete & Uncut Edition), version complète, 1990. Édition. fr. Lattés 1991.
33 Les trois cartes, La Tour Sombre 2 (The Drawing of the Three), 1987. Édition fr. J'ai lu 1991.
34 Terme sanscrit : instrument de pensée. Nom donné à un verset, une stance du Véda (les Écritures sacrées de l'hindouisme), des Upanishads ou de la Bhagavad-Gita. Le mantra par excellence, celui qui est à la source de tous les autres, c'est le monosyllabe «om», appelé le «shabba-brahman», "l'absolu consistant en son".
35 Henry, qui court vers le chalet après un accident de la route où Pete a été blessé, s'encourage en scandant un mantra inventé pour la circonstance : "Encore douze bornes, se dit-il. Cela devint comme réciter un mantra, différent de ceux qu'il fredonnait dans sa tête quand il courait, d'habitude (les comptines étaient ce qu'il utilisait le plus souvent, mais pas tellement différent au fond, c'était la même idée. Encore douze bornes, encore douze bornes pour Banbury Cross sur un cheval de bois" (151).Il existe une chanson enfantine Ride a Cock Horse to Banbury Cross, en diverses orchestrations, dont certaines appelées en raccourci Banbury Cross. (Wellings, Milton : Banbury Cross. Enoch & Sons, et A Little Virtuoso Suite for Piano by John Thompson, Op.18 où figure Ride a Cock Horse to Banbury Cross (1953 Willis Music). Cet effet d'annonce (300 pages avant son utilisation, ici, comme mantra), est fréquent chez King, qui prétend pourtant travailler sans plan d'ensemble détaillé, se laissant aller à son inspiration.
36 Jonesy/Mr Gray passe près d'un trooper : "Quand ils passèrent près de lui, Jonesy sentit que Mr Gray en tant qu'entité (une entité de plus en plus humaine) se dissolvait pour aller jeter un coup d'oeil dans la tête du flic. Il n'y avait plus rien, sinon le nuage rouge-noir, pour contrôler les divers systèmes de maintenance de Jonesy." (495)
37 Restriction habile, qui laisse le doute, que King pratique volontiers.
38 Charlie (The Firestarter) 1980. Édition fr. Albin Michel 1984.
39 Rappel. La parapsychologie s'intéresse à
ces possibilités du psychisme à ce jour
hypothétiques, concernant des phénomènes
psychiques inexpliqués. Elle comprend :
1. les perceptions extra-sensorielles, appelées encore ESP
(Extra-Sensory Perception), c'est à dire la voyance et les
visions, la télépathie et le dédoublement ou
l'OBE (Out of the Body Experience).
2. la psychokinésie, ou le PK (Psycho-Kinesis), action de la
pensée sur la matière : déplacement d'objets,
incendie, poltergeists (esprits frappeurs), la lévitation, les
guérisons miraculeuses, etc.
40 "D'abord, ce fut le noir, comme si je m'étais évanoui. Puis j'ai entendu une explosion et vu jaillir des flammes. Une sirène donna l'alerte et les gens se mirent à hurler. Remarquant un sifflement de vapeur, je me dirigeai dans sa direction et découvris un train qui avait déraillé. J'ai pu déchiffrer, sur le flanc d'un des wagons renversés, le nom de la compagnie : Georgia and South Caroline Railrood . J'ai compris instantanément qu'un des passagers était mon frère, Carl, et qu'il était mort. C'était clair comme de l'eau de roche. Puis la vision s'est brouillée. (...) Mon frère venait de mourir dans un accident de train, en Georgie. Quand j'ai réussi à joindre ma mère au téléphone, elle m'a confirmé la nouvelle. (...) Mais vois-tu, petit, elle ne m'a rien appris que je ne savais déjà." (87)
41 Ces recherches ont été menées aux USA, à l'université Duke, par Joseph Banks Rhine et sa femme Louisa. Rhine tenta de mettre au point diverses expériences destinées à prouver "scientifiquement" l'existence des phénomènes extrasensoriels. Il fit notamment des expériences télépathiques avec des jeux de cartes. Il mit au point,notamment le Test de Zener, qui s'effectue à l'aide de cartes à jouer spéciales (ronds, carrés, étoiles, etc,) qu'un sujet doit deviner, alors qu'un second, placé plus loin ou dans une autre salle doit deviner ce que pense le premier. En multipliant les expériences, Rhine espérait obtenir des statistiques concluantes. Il est à noter que dans un tel test voyance et télépathie fonctionnent ensemble. Les scientifiques n'ont pas jugé ces tests,concluants, entachés de fraude. ce qui n'empêche pas les tenants de la parapsychologie d'affirmer que ces tests concluants refusés par LA science sont bien la preuve que les méthodes scientifiques ne sont pas adaptées à de tels phénomènes.
42 J. B. Rhine, La double puissance de l'esprit, Payot, 1953; Les nouveaux mondes de l'esprit, Payot, 1957.
44 A noter aussi que les expériences ne se sont pas bornées aux hommes, mais que certains scientifiques ont tenté d'étudier ces phénomènes chez les animaux sans résultats satisfaisants.
45 Ce qui pose inévitablement l'existence d'une énergie mise en oeuvre (comme Henry réunissant son psychisme à celui d'autres individus formant une chaîne, suivant une analogie grossière avec une mise en réseau).
46 Carl Gustav Jung, 1875-1961 a , contre Sigmund Freud, son contemporain, constamment soutenu une conception spiritualiste de la psychanalyse, qu'il ne veut pas réduire à la libido. Il proposa plusieurs concepts encore utilisés en caractérologie et en psychanalyse (introversion, extraversion). Les types psychologiques, 1920;. Psychologie de l'inconscient, 1952.
47 Dans la deuxième moitié de sa vie, Jung a proposé l'hypothèse d'un inconscient collectif, que chacun porterait dans son patrimoine héréditaire, dont le contenu aurait été développé au cours de l'histoire de ses ancêtres. L'humanité possèderait ainsi, sous des formes apparentes diverses selon les cultures, un certain nombre d'archétypes s'exprimant par des symboles. Voir le dictionnaire. Métamorphoses et symboles de la libido, 1912; Psychologie et religion, 1939; Psychologie et alchimie, 1944.
48 Wolfgang Pauli (1900-1958), physicien américain et suisse d'origine autrichienne, créateur de la théorie quantique des champs. Prix Nobel en 1945.
49 Des cas remarquables de transmission ont été "constatés" dans des épreuves expérimentales, mais dans des conditions expérimentales insuffisantes.
50 Recueil de vies de saints composé par le dominicain Jacques de Voragine au XIIIème siècle, qui porte ce nom depuis le XVème. Visant à l'édification, il était le plus complet qui existât alors. Les exemplaires étaient souvent ornés de miniatures pieuses.
51 Dictionnaire rationaliste, éd. de l'Union rationaliste, 1964, 221. Union Rationaliste,14, rue de l'École Polytechnique, 75005 Paris.
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