Sorte de western qui se passe dans un village texan, sale et pitoyable, ravagé depuis quelque temps par une dizaine de mystérieux cavaliers de pierre, ce récit reprend les motif fantastiques de la statue maléfique et du fantôme. Les cavaliers ne viennent pas de nulle part, mais sont campés immobiles sur la montagne surplombant le village. Régulièrement ils en descendent et viennent terroriser la population en y semant la mort. On fait appel à Pantera, un métis mexicain palero (sorte de sorcier), pour débarrasser le village de ses "Cow-boys de l'enfer" comme on les appelle. Antérieurement, une tragédie s'est produite dans le village, qui s'est terminée par plusieurs morts. La venue des fantômes en est la tragique conséquence.
Mais le village garde ses secrets, et on se garde bien d'en informer Pantera, qui devra découvrir lui-même ce qui s'est passé. On connaît Pantera, Panthère, par un passage de Venoma. Un franciscain fonda à Cuba au milieu du XIXème siècle, un culte bantou, la Règle de Palo Monte, qui fusionna avec le culte yorouba, pratiqué par la Société de Santa Barbara (sainte Barbe, voilà qui nous rappelle encore la nouvelle précédente). Le père de Pantera l'a initié à ce culte afro-cubain. Suivant le procédé d'Evangelisti bien connu, le récit s'orientera dans deux directions, qui se réuniront au moment choisi. On sait que la religion bantoue y tiendra sa place.
Le récit est à découvrir, sans vraiment beaucoup de surprise concernant le procédé de mise en oeuvre. Pantera est le héros complexe, à la manière d'Eymerich, tantôt bon, tantôt méchant, ambivalent, cruel, avec des aspects sympathiques. Peu loquace, énigmatique, efficace, ne se laissant pas détourner de son chemin, il tue sans pitié, selon la règle de Palo Mayombe, l'antagoniste qui bouleverse l'ordre des choses. Le palero ne suit pas l'hypocrite morale chrétienne, pour laquelle le crime est un péché, mais qui trouve toujours une nécessité inéluctable à invoquer pour l'accepter. Les hommes sont faits pour vivre en harmonie avec la nature. Ceux qui troublent la régularité des cycles naturels, ou empêchent leurs prochains de les suivre, menacent l'équilibre naturel et n'ont pas droit à la vie. Toutes les choses ont une âme, et les dieux ou les esprits peuvent influencer la nature. Ainsi, en voyant les cavaliers, Pantera les a immédiatement identifiés comme des Kiyumba, des esprits.
Après diverses péripéties, il concocte une potion avec divers ingrédients, dont un cerveau et du sperme, qui sera absorbée par un médium pour convoquer les oricha, les esprits des morts, afin d'entrer en contact avec ceux des cavaliers de pierre. Il admet toutes les religions, se signant quand il passe devant l'église détruite, mais insiste pour qu'on respecte la sienne. Par ailleurs, Pantera manifeste une sympathie spontanée pour les exclus, les exploités, comme les filles du bordel minable, le Noir méprisé du village. Il n'apprécie pas les habitants, arrogants, brutaux, seulement soucieux de la pureté de leur race et de leur religion. Le fils du principal éleveur a ainsi poussé au suicide un adolescent non parce qu'il voyait en lui un rival - il couchait avec la même fille que le reste du village - mais seulement parce qu'il était le seul à entretenir avec elle une relation affectueuse. Comme Eymerich, Pantera est pudique (il ferme les jambes écartées d'une poupée), ne paraît pas intéressé par les femmes. Il couche rapidement avec une prostituée qui lui manifeste de la sympathie, et on ne sait pas trop si c'est par désir ou pour se procurer le sperme dont il a besoin pour sa potion.
Pantera sympathise avec un
étranger au village, Rosenthal, un juif passionné de
mesmérisme, presque un exclu, qui propose sans succès
ses talents de guérisseur aux villageois. Il n'est
supporté que parce qu'il vit avec son médium, Cindy,
une gamine soumise qui a subi les assauts de tous les mâles du
village, qui souhaitent à la fois la garder pour le plaisir et
la tuer parce qu'ils la jugent responsable de leurs malheurs. Ces
exclus sont ses seuls alliés, un Noir, un Juif et une putain.
Ils permettront à Pantera de l'emporter, au prix de sa vie,
sur les cavaliers venus d'au-delà de la mort..
Aux convictions afro-cubaines de
Pantera viennent ainsi se juxtaposer celles de Rosenthal, le
guérisseur. Il se fonde sur les théories de
Mesmer, un «savant» charlatan de la
seconde moitié du XVIIIème siècle. Mesmer pense
qu'une sorte d'éther psychique animal emplit l'espace, et que
tous les êtres sont soumis à l'influence de ce courant
magnétique. On peut l'accumuler ou la transmettre par des
moyens appropriés, les passes et surtout les aimants. Cette
influence animale passe donc par le fer (l'aimant), notamment
à des tiges métalliques. Il se produit ainsi une forme
de dialogue entre l'homme et le métal. Ce fluide psychique
peut, par des passes, se modeler en formes concrètes, par
exemple en formes fantomatiques.
Rosenthal, qui voit Pantera fabriquer
sa potion magique et pratiquer son rituel, est catégorique.
Toutes les formes de magie ont quelque chose à voir avec le
fluide mesmérique. Le médium est un aimant humain, dont
les pouvoirs sont considérablement accrus par les pouvoirs de
sa baguette métallique. Si bien que le lecteur est mis en face
de deux explications : celle de Pantera, qui croit avoir
réussi à éliminer les Cow boys de l'enfer
grâce à son sortilège et à son dieu
africain, par l'intermédiaire du médium Cindy; et celle
de Rosenthal, qui pense que les cavaliers fantômes transparents
sont les restes de fluide mesmérique des massacrés du
village, antérieurement punis par Cindy, la médium,
pour se venger des habitants. En tous cas, quand Pantera
décède, mortellement blessé par balle, c'est
Rosenthal qui mettra fin aux apparitions, grâce à la
baguette mesmérique. De même que c'est Cindy qui
permettra à Pantera, justice rendue, de devenir à son
tour un esprit, un oricha, parcourant l'Ouest sur son cheval de
lumière.
Le récit vaut surtout pour le personnage de Pantera,
très apprécié - juste après Eymerich -
par les lecteurs italiens. Solitaire comme l'Inquisiteur,
compliqué, secret, il fait penser à Roland Gilead, le
pistolero des premières nouvelles de Stephen King
dans sa saga de La Tour Sombre.
Le nom donné aux fantômes mesmériques ou aux
Kiyumbas, au choix, vient du titre d'un morceau du premier disque de
Pantera. Ce
groupe qui a su créer un nouveau courant musical, le power
metal continue à produire un rock brûlant et sauvage, et
Cowboys From
Hell continue à être
apprécié comme un des meilleurs morceaux du groupe
Pantera.
Roland Ernould © 2001
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