Les notes de lecture

de la revue trimestrielle Différentes .Saisons.

Cette revue électronique trimestrielle, différentes saisons, est un clin d'oeil au titre du recueil de King qui porte ce titre. Notes parues dans Phénix, Science-Fiction Magazine, Ténèbres. Les notes de lecture paraissent dans la revue Phénix, Ténèbres et Hauteurs.

ANTHOLOGIES

Valerio Evangelisti.... Fragments d'un miroir brisé : une anthologie de la science-fiction italienne.....

 Michel Le Bris ... Le futur a déjà commencé

Jacques Sadoul... .Une histoire de la science-fiction 1 - 1901-1937 - Les premiers maîtres.

Jacques Sadoul .... Une histoire de la science-fiction 2 - 1938-1957 - L'Âge d'or.

Jacques Sadoul .... Une histoire de la science-fiction 3 - 1938-1957 - L'expansion.

Jacques Sadoul .. .. Une histoire de la science-fiction 4 - 1982-2000, Le renouveau.

Jacques Sadoul .. .. Une histoire de la science-fiction 5, la science-fiction française, 1950-2000, Librio, 2001.

Robert Silverberg et Jacques Chambon présentent : Destination 3001.

Bruce Sterling.. .. Mozart en verres miroir.

D. E. Winter ... Révélations, onze hymnes à l'Apocalypse.

ROMANS

Ayerdhal ....La bohême et l'ivraie, édition enrichie et complète, Fleuve Noir, 2000

Jean Bonnefoy & Gérard .Briais .... La forteresse de métal, Rivages/Fantasy, 2/2001

Pierre Bordage .... Les derniers hommes, 6 épisodes, Librio E.J.L., 2000

Nicolas Bouchard .... Colonies parallèles, éditions Encrage, avril 1999

Maurice G. Dantec .... Babylone Babies, Folio SF, 2001(Gallimard 1999).

Sylvie. Denis ... Escales 2001, Fleuve Noir, 2000.

Valerio Evangelisti .... .Nicolas Eymerich, Inquisiteur, Payot Rivages, 1998.

Valerio Evangelisti .... Les chaînes d'Eymerich, Payot Rivages, 1998.

Valerio Evangelisti Le corps et le sang d'Eymerich, Payot Rivages, 1999.

Valerio Evangelisti .... Le mystère de l'inquisiteur Eymerich, Payot Rivages, 1999.

Valerio Evangelisti .. .. Cherudek, Payot Rivages, 2000.

Valerio Evangelisti.... Métal hurlant, Rivages,/fantasy 2001

Les nouvelles...

Philip Jose Farmer .... Le fleuve de l'éternité, éd. J'ai Lu.

Raymond E. Feist .... Pug l'apprenti, Les Chroniques de Krondor, 1. J'ai Lu, 2/2001

William Gibson (& Bruce Sterling.). .. La machine à différences, réédition Folio SF 2001.

Jean-Marc Ligny ....Jihad , éd. J'ai Lu, 9/2000.

Bruce Sterling (& William Gibson ). . La machine à différences, réédition Folio SF 2001

ESSAIS

Lorris Murail .. La science-fiction, guide Totem, Larousse, oct 1999

Francis Valéry. Passeport pour les étoiles, Guide de lecture, Folio SF, oct. 2000.

Une nouvelle collection de classiques du genre : les trente premiers GallimardFOLIO SF

" La science-fiction " est un gros ouvrage signé Denis Labbé et Gilbert Millet qui vient de paraître dans la collection " Sujets " des éditions Belin. En 450 pages, les auteurs tentent de définir la SF, d'en fixer les frontières, d'en expliquer les origines et l'évolution. Signalons que Labbé et Millet sont aussi les auteurs chez l'éditeur Ellipses de Le Fantastique (2000) et de Etude sur Stephen King : Shining.

Jacques Sadoul, Une histoire de la science-fiction 5, la science-fiction française

1950-2000, Librio, 2001.

C'est un défi que de vouloir en si peu de pages rassembler les oeuvres caractéristiques courtes d'une histoire de la science-fiction française, dont on ne sait trop quand elle débute : au XVIIème siècle, avec les fantaisies de Cyrano de Bergerac ou de Charles Sorel? Au XVIIIème, avec les nombreuses relations de voyages imaginaires? Au XIXème avec Balzac, George Sand, Victor Hugo, Dumas père, qui en ont abordé des thèmes? Ou encore Emile Souvestre, Louis Geoffroy, Jules Verne surtout, qui tua momentanément un genre que l'on crut, après lui, voué à la jeunesse? En quelques paragraphes (surtout consacrés à Jules Verne), l'histoire de ces précurseurs fut expédiée dans le premier volume de cette collection, qui débutait l'histoire de la SF américaine en 1901. Il est vrai que les Américains n'ont connu le genre qu'avec le roman littérairement mauvais Ralph 124 C 41 d'Hugo Gernsback, en 1908, ce qui explique que l'anthologie que Sadoul a consacré à la SF américaine commence au début du siècle.. Commençons donc par regretter que cette histoire de la science-fiction française ne commence pas par un premier volume 1900-1950. L'introduction de Sadoul passe d'ailleurs rapidement sur cette période : raisons éditoriales, désintérêt ou désinvolture?

Cette introduction est déroutante par son manque d'exhaustivité. On connaît la place considérable que Sadoul a occupée dans le genre, avec ces autres pionniers que sont Jacques Goimard, Gérard Klein et Alain Doremieux. Co-fondateur du Club du livre d'anticipation dès 1966, rédacteur en chef de revue, directeur de la collection J'ai Lu SF, fondateur du prix Apollo, Sadoul a tendance à voir la science-fiction française de sa position d'éditorialiste. Ses choix se ressentent des fractions qui opposent des courants de SF. Il était facile de remarquer des «oublis» dans le récent guide le lecture de Francis Valéry dans la collection Folio SF (où ne se rencontraient pas Ayerdhal, Jean-Marc Ligny, ou Jean-Claude Dunyach par exemple); il va de soi que dans un fascicule comme Librio les choix ne peuvent être encore que plus restreints. La moitié des nouvelles proposées sont celles d'auteurs de plus de soixante ans, l'autre moitié d'auteurs dans la cinquantaine, des auteurs que Sadoul connaît bien. Le choix des dix nouvelles retenues est intéressant (Gérard Klein, Julia Verlanger, Michel Demuth, Philippe Curval, les pionniers; Serge Brussolo, Joëlle Wintrebert, Michel Jeury, Jean-Claude Dunyach, Ayerdhal et Pierre Bordage, ce dernier démentant le titre de l'anthologie puisqu'il offre un texte inédit percutant de 2001). Il faut noter que la quasi-totalité de ces textes sont pessimistes, signe de notre temps. Ils sont aussi représentatifs d'une politique éditoriale qui a marqué un quart de siècle de notre science-fiction, en le " verrouillant", pour reprendre le terme de Francis Valéry, marqué par le goût d'une science-fiction littéraire, en lui cherchant un statut comparable à la littérature générale, «blanche», avec des textes de qualité mais aussi empreints d'une certaine orthodoxie concernant la définition du genre.

On ne s'étonnera donc pas de trouver une sorte d'histoire officielle de la SF, qui ne fait pas état du renouveau récent du genre dans la dernière décennie, dans des conditions historiques totalement changées par rapport aux lecteurs des précédentes générations. Les moins de quarante ans ont vécu dans un environnement où la science-fiction n'était pas seulement présente dans les romans et les films, mais faisait partie de la vie quotidienne, tellement les changements techniques ont été importants en trente ans. Sadoul constate sans regrets particuliers le manque de succès des textes de SF "écologico-gauchistes" qui ont suivi le mouvement de mai 1968. Actuellement cependant - Sadoul n'en fait pas mention - , à la suite de la revue Cyberdreams dans la décennie 90, un changement important se manifeste en France, représenté, maintenant que Cyberdreams n'existe plus, par la revue Bifrost. Suivant ce courant, la SF n'a plus comme seule fonction de développer l'imaginaire, mais de questionner le réel, de comprendre les enjeux du futur, ses horreurs, ses possibilités. Ces auteurs écrivent pour témoigner, dénoncer, faire prendre conscience des problèmes de notre temps, changer le réel, en s'engageant. Ils prouvent ainsi la possibilité pour la SF d'une interrogation du monde, et les inquiétudes sur la respectabilité du genre qui préoccupaient la génération de Sadoul n'ont guère d'importance pour eux.

Il faut aussi noter que cette nouvelle génération a fait naître de nouvelles collections (chez Rivages), ou des petites structures d'édition (Atalante, Étoiles vives, Mnémos, etc) dont les éditeurs ont le même âge que leurs auteurs, la quarantaine. Le SF Française est actuellement en train de se renouveler complètement au niveau de ses producteurs. La plupart des auteurs âgés ont d'ailleurs pris une autre direction que celle qui les a fait connaître (terroir, préhistoire, jeunesse) ou ils pratiquent un autre genre.

Ceci n'enlève rien au grand mérite de ceux qui, comme Sadoul, ont toujours lutté, en dépit des crises, en faveur d'un avenir meilleur pour la science-fiction nationale. Et on ne peut qu'espérer avec lui que la SF, en dépit de son passé chaotique que reflète bien l'introduction de Sadoul, aura un avenir meilleur derrière elle. Les problèmes mondiaux, l'inquiétude liée aux manipulations génétiques, aux dégradations de notre environnement, l'explosion des multimédia, les conflits de civilisation ne peuvent que favoriser un regain d'intérêt pour un genre qui provoque l'interrogation et le questionnement dans tous les domaines.

La quatrième de couverture :
Coupable de ne pas porter les mêmes stigmates que les autres membres de la tribu, le paria est exclu... Mais si c'était lui, le porteur d'avenir de ce monde dévasté?
Coupable? Qui l'est, et pour quelle raison? Voilà ce qu'un xénologue doit élucider, lorsqu'il découvre qu'une espèce extraterrestre s'est donné la mort dans ce qui semble être un suicide collectif.
De manière paradoxale, alors qu'un de ses pères fondateurs, Jules Verne, était français, la science-fiction s'épanouira d'abord chez les Anglo-Saxons. Et ce n'est qu'à l'orée de l'après-guerre que l'Hexagone s'ouvrira à ce courant littéraire, jusqu'à voir progressivement éclore en son sein une véritable école française.
Jacques Sadoul fait revivre cette histoire éditoriale épique et troublée à travers un panorama d'oeuvres de Gérard Klein à Pierre Bordage, qui signe en exclusivité pour cet ultime volume une nouvelle inédite.


Introduction.
Gérard Klein,
Civilisation 2190.
Julia Verlanger,
Le Mal du Dieu.
Michel Demuth,
L'Empereur, le Servile et l'Enfer.
Philippe Curval,
Le bruit meurtrier d'un marteau piqueur.
Serge Brussolo,
Funnyway.
Joëlle Wintrebert,
Hétéros et Thanatos.
Michel Jeury,
Machine, donne.
Jean-Claude Dunyach,
La Station de l'Agnelle.
Ayerdhal,
Scintillements.
Pierre Bordage,
Tyho d'Ecce.

L'auteur : né en 1934, il est un des professionnels qui a contribué à faire connaître la science-fiction à un vaste public, par ses fonctions de directeur de collection et de directeur littéraire. il est l'auteur de de livres théoriques sur la SF : Histoire de la science-fiction moderne, Laffont, d'un album consacré aux illustrateurs de la SF : Hier, l'an 2000, et de plusieurs essais sur la BD (
93 ans de BD, L'enfer des bulles 20 ans après) et les pulps (Les Meilleurs Récits de Weird Tales). Il a écrit plusieurs romans, influencés par l'ésotérisme et le fantastique (La Passion selon Satan, Le jardin de la licorne), ainsi que des romans policiers.

Roland Ernould © 2001.

William Gibson & Bruce Sterling, La machine à différences

(1991), réédition Folio SF 2001.

Le mot "cyberespace" et le mouvement cyberpunk sont associés à William Gibson, l'un des coauteurs de ce livre écrit à deux mains. Dès 1984, avec son roman Neuromancien, il est apparu comme le visionnaire d'Internet et il a su donner ses lettres de noblesse à ce sous-genre, inspiré de la technologie informatique, plus qu'aucun autre auteur de Science Fiction. Nous vivons en effet dans un monde où le virtuel est parfois plus important pour survivre que le réel. Ancré dans son temps, ce sous-genre repose sur des intrigues romanesques se déroulant sur deux niveaux, à la fois dans la réalité, extrapolation d'un proche futur, souvent sur fond d'apocalypses urbaines; et dans les univers virtuels. Gibson invente du même coup une science-fiction ne se contentant pas de tirer de vagues plans sur la comète, mais se mettant en prise sur le monde contemporain et sa fascination technologique. Aussi complexe et confus que le monde dans lequel nous nous trouvons, marqué par la musique, le cyberpunk ébauche des visions alternatives du présent au lieu de rêver à des ailleurs simplistes.

Le succès a suivi immédiatement. Le succès d'Internet aidant, un vocabulaire, une esthétique ont débordé du cadre strict de la littérature de S-F, pour se répandre dans les médias. Gibson, qui a peu produit, a consacré la majeure partie de son oeuvre à des textes cyberpunk, qu'il a cependant délaissés un moment, le temps d'un roman écrit avec Bruce Sterling, La machine à différences, créant un nouveau sous-genre qu'on a appelé le Steampunk (de "steam", vapeur), qui s'efforce d'imaginer comment le passé aurait pu être différent si le futur s'était produit plus tôt, sorte de pratique du Futur Antérieur plutôt que du futur. Le résultat est un livre-pionnier baroque, un surprenant roman d'aventures, mêlant espionnage et science-fiction, bouillonnant, violent, mais demandant une lecture attentive.

Au milieu du XIXème siècle victorien, dans un univers parallèle, Charles Babbage a réussi à mettre au point une singulière machine à différences (le calculateur de Babbage a réellement été inventé, mais n'a jamais été construit du vivant de son inventeur), à partir de laquelle il est possible de fabriquer les ancêtres de nos ordinateurs. À la révolution industrielle du charbon, de la vapeur et du gaz s'ajoute ainsi une deuxième révolution technologique majeure, l'invention précoce des ordinateurs qui multiplie ses effets, une révolution de l'intelligence avec les ordinateurs, des machines à roues dentées, bielles, leviers et cartes perforées, qui contrôlent l'information.
L'Angleterre de 1855 en est transformée, son histoire révisée. Des personnages historiques connus se trouvent à des places singulières. Le général Wellington, devenu dictateur, a été renversé par Lord Babbage, célèbre après son invention, chef du Parti Radical Industriel à tendance populiste et à la tête de la Chambre des Communes et de la Chambre des Lords; Lord Byron est le premier ministre tumultueux de la Reine Victoria; le poète John Keats montre ses talents de brillant kinéotropiste (art ancêtre du cinéma). Lady Ada, fille de Byron, surnommée "la Reine des machines", énigmatique personnage, tire dans l'ombre les ficelles. De nombreux personnages connus apparaissent à une toute autre place : par exemple, pendant ce temps, Karl Marx fonde la Commune de Manhattan. Des guerres se déroulent sur le vaste territoire des Amériques, qui ne comportent pas les mêmes états; des querelles scientifiques sanglantes ont lieu entre diverses Académies scientifiques (à propos, par exemple, de l'évolution des espèces); d'autres entre les diverses polices; la populace des bas quartiers menace. L'amateur d'informatique s'intéressera aux rapports entre la France et son ordinateur central, un des héros de l'histoire, appelé "le Grand Napoléon" ou à un virus informatique contenu dans des cartes perforées recherchées.

L'histoire est organisée en cinq grands chapitres, appelés "itérations", tableaux successifs, à travers lesquels on retrouve des personnages récurrents, vus sous des angles différents, ce qui surprend d'abord : le journaliste Oliphant, l'inspecteur Fraser et le paléontologiste Mallory. Leurs destins se croisent sur fond de contestation sociale, de transition politique, accompagné d'une importante pollution mystérieuse de Londres. Ces itérations d'une même opération : la recherche d'un paquet de cartes mécanographiques, permettant l'utilisation d'une martingale infaillible sur le mode aléatoire. Elles se déroulent accompagnées de considérations technologiques, géopolitiques, sociales, policières, scientifiques (notamment une théorie du Chaos avant la lettre!), l'ensemble constituant une réflexion sur les limites du machinisme et de l'intelligence, sur l'incompétence des organismes dirigeants. Si les réflexions que suscite cette uchronie restent sommaires, son mérite est de proposer de réfléchir sur la constitution et l'évolution possible des civilisations.

La richesse des données rend parfois la lecture malaisée, mais l'originalité des trouvailles renforce le rythme des aventures. Cependant, si l'association de deux grands auteurs du cyberpunk pour créer le courant du steampunk pouvait laisser espérer un roman fondateur, il faut bien constater que ce n'est pas le cas. On a l'impression que le cadre historique sert surtout de prétexte à un roman d'aventures échevelé et plutôt énigmatique, qui donne parfois l'impression d'aller dans tous les sens sans exploiter à fond les possibilités de ce monde parallèle. L'histoire est plutôt le moyen utilisé pour décrire un Londres alternatif, son atmosphère, ses aspects matériels illustrés par de nombreux détails (la fin du roman, qui apporte sous forme de documents des compléments à ce que l'on avait déjà pu trouver au fil du récit, est significative de cette tendance). Qualifié de "thriller victorien uchronique", ce roman parfois jubilant manque de cette touche de génie qui en aurait fait le roman-phare du courant steampunk. Il n'en est qu'une illustration, desservi par un style un peu lourd et des longueurs fréquentes qui rendent parfois la lecture laborieuse. À noter que la préface de Gérard Klein comporte des rappels sur l'historique de l'anticipation et de l'uchronie intéressants, encore que ses deux exemples uchroniques, Versailles et la révolution française et l'inexistence du bombardement de Pearl Harbor par les Japonais prêtent à discussion, ainsi que ses vues sur l'enseignement de l'histoire.

La quatrième de couverture :
1
855 : les Machines à Différences, ces ordinateurs mus par la vapeur et inventés par Charles Babbage ont changé le cours de l'histoire.
Lord Byron est devenu le Premier ministre de Sa Majesté la reine Victoria. Sa fille Ada, un génie scientifique qui a secondé Babbage, est peut-être folle. Elle remet à Edward Mallory, explorateur d'une Amérique du Nord divisée par les guerres, un mystérieux paquet de cartes mécanographiques.
Et Mallory, dans un Londres en proie à la pollution, aux transports sous-terrestres et aux courses automobiles, va devenir le maître pion d'une partie stratégique entre la France et l'Angleterre.
William Gibson, le chantre de l'ordinateur, et Bruce Sterling, le créateur du terme cyberpunk, nous ont concocté une uchronie jubilatoire.

Note sur le sous-courant steampunk.

Pour quelques écrivains d'avant-garde, l'Angleterre victorienne est devenue le lieu imaginaire de nos sociétés en rupture. Ils cherchent à comprendre l'origine de nos maux, et essaient de trouver dans le passé des clés pour mieux comprendre le présent. Comme l'utopie en son temps, l'uchronie est devenue un moyen de mettre en évidence les divergences de l'imaginaire et du réel, du passé et du présent.
Auteurs
:
K.W.
Jeter, A Mad victorian Fantasy et
Tim
Powers, Les voies d'Anubis ont situé le cadre de leurs romans dans un XIX° victorien dont l'inspiration est souvent assez proche du roman gothique. Les récits se situent souvent à Londres, ville considéré comme le creuset symbolique où se rencontraient à la fois l'univers populaire et misérabiliste de Dickens, les derniers romantiques tels que Shelley, Byron ou Coleridge, et les débuts de la société industrielle.
Quelques titres : Anthologie steampunk :
Futurs antérieurs; David Calvo, Délius; Paul Di Filippo, La Trilogie Steampunk; Mathieu Gaborit, Revolutsyia; Michel Pagel, L'équilibre des paradoxes; Francis Valéry, La cité entre les mondes.

Né en 1948 en Caroline du Sud mais résidant à Vancouver, William Gibson a écrit ses premières nouvelles à la fin des années 70. Son premier roman Neuromancien, en 1984, rafle tous les prix : Hugo, Nebula P.K.Dick. Il a su ramasser en ce livre l'univers et les concepts d'un genre S.-F. en voie d'apparition, le cyberpunk. Les ouvrages les plus récents de Gibson semblent s'éloigner de ces archétypes pour se rapprocher d'un style plus classique. Quelques romans : Comte Zéro,1986; Mona Lisa s'éclate, 1988; La machine à différences, 1991; Lumière virtuelle, 1993; Idoru, 1996; Tomorrow's parties, 2001.

Bruce Sterling est né en 1954 au Texas. De formation scientifique, passionné par tous les aspects de la modernité, il s'est imposé au début des années 80 comme l'un des fers de lance du mouvement cybernétique, mélange explosif de roman noir et de nouvelles technologies. Parmi ses romans :
La Schismatrice, 1985; Cristal Express, 1989; Les Mailles du réseau, 1988; La Machine à différences, 1990; Gros Temps, 1994; Le Feu Sacré, 1996.

Bruce Sterling, Mozart en verres miroir

anthologie (12 nouvelles), (1985), rééd. 2001.

Ses débuts en science-fiction classique avec son premier roman, La baleine des sables, publié en 1977, à 23 ans, ne laissaient pas supposer que Bruce Sterling deviendrait l'un des porte-étendards du mouvement cyberpunk. Ce qui se produit quand il rassemble en 1986 les nouvelles de cette anthologie mythique pour donner une vue d'ensemble du courant en train de naître. Ce recueil marque en effet le début d'un mouvement littéraire jusqu'alors embryonnaire et éclaté, qui réunit une nouvelle génération d'auteurs de SF dont la vision pessimiste et prophétique constitue en fait l'unique point commun.

Depuis cette époque, et comme William Gibson avec qui il a collaboré à plusieurs reprises, Sterling se consacre presque exclusivement au cyberpunk et s'intéresse surtout à une science-fiction technologique qui s'accorde avec sa formation de scientifique. L'anthologie ne donne cependant qu'une image assez floue du genre qu'elle est censée représenter, mais témoigne plutôt de la diversité des genres et des écritures qui permettent d'apprécier la variété des univers qui s'y rattachent, dont la le prophétisme et la vision pessimiste constituent presque l'unique point commun. Surgit un monde de hackers au cerveau hyper-informatisé, de rivalités sanglantes dans des mégalopoles en plein déclin, d'homme menant une vie qui a perdu ses repères.

Les auteurs qui s'en réclament à cette époque sont jeunes, tous de purs produits de la première génération de gosses qui ont vécu avec la télévision, et subi la société de consommation avec un regard lucide. Des années de prise de conscience, pendant lesquelles le rêve américain s'est délité et la prise de conscience de cette dégradation faite avec difficulté. À la bonne conscience américaine se substituent des interrogations, ou des constatations désagréables : les états ne sont pas pacifistes, mais dominateurs et impérialistes. Les grandes multinationales, autant que les gouvernements, contrôlent le sort de la planète. Ils ne défendent pas les libertés des minorités, mais cherchent à obtenir leur soumission. Le pouvoir de la drogue, de l'argent et la violence gagnent chaque jour du terrain. C'est aussi le moment où la génération internet se met en place aux USA, avec curieusement une science discréditée, des techniques remises en question, un développement exponentiel de la pollution et une dégradation sensible de la qualité de vie. Fascinés par le télescopage de la culture populaire (surtout musicale) et des technologies de pointe, ces jeunes auteurs prétendent apporter leur contribution à l'actualisation des références scientifiques en entretienant des rapports étroits avec les technologies d'un demain dominé par la révolution informatique.

Dans une collectivité livrée aux médias, aux ordinateurs et à la surinformation, la cybernétique est devenue monnaie courante et chacun, par le moyen de drogues, d'implants informatiques ou de nanotechnologie, peut à tout instant se brancher sur le cyberespace, un vaste réseau de réalité virtuelle que Sterling qualifie dans sa préface d' "hallucination consensuelle". L'anticipation permet de métaphoriser le présent et de mettre ses défauts en évidence. Dans un monde sans pitié où les multinationales ont pris le contrôle des sociétés, ceux qui ne dominent pas les nouvelles technologies et ne se plient pas aux lois de la ville n'ont pas d'avenir. Les héros camés meurent parfois d'avoir voulu rendre plus humaine leur micro-société dominée par des technologies qui prennent de plus en plus de puissance et de place dans les villes surpeuplées et polluées. Ils vivent dans des milieux glauques, dominés par l'intelligence artificielle, la domotique, les réseaux, la génétique, la bio-chirurgie; la biomécanique. L'ambiguïté et le malaise naissent du fait que cette technologie est honnie tout en constituant souvent l'allié indispensable pour les personnages principaux...

Ces divers écrivains, qu'on a appelés de différents noms (Neuromantiques, Cyberpunks, Technopunks) constituent-ils une école? On peut en douter. Au mieux, Bruce Sterling ne peut que faire un constat d'affinités thématiques, de préoccupations sociales et de recherches stylistiques. Dans une intéressante préface, il en définit l'esprit par une belle formule : "L'imbrication d'univers auparavant dissociés : le royaume de la technologie de pointe et les aspects modernes de l'underground pop".

Mais en dépit de ses limites,
Mozart en verres miroirs est la meilleure introduction au courant, dont elle en réunit les auteurs marquants. L'anthologie est d'une bonne tenue et propose des textes variés et d'excellente facture, au style agressif et jeune, qui donnent du mouvement cyberpunk une image plus complexe, plus riche, plus contrastée que ne peuvent le faire supposer les définitions formelles. Il faut particulièrement remarquer Petra, la nouvelle de Greg Bear, l'auteur du groupe qui a poursuivi ensuite la carrière la plus brillante. Parmi les autres particularités qui deviendront constitutifs du courant, on notera les implications psychologiques de la métamorphose des corps Des Yeux de Serpents de Tom Maddox; l'étroite affinité de l'esprit du genre avec la musique et la pop culture dans Rock Toujours, de la seule femme du recueil, Pat Cadigan. Le curieux titre du recueil vient de la nouvelle de Bruce Sterling lui-même et de Lewis Shiner. À noter les deux textes du pape du mouvement depuis son Neuromancien, William Gibson.

Table des matières :
Préface, par Bruce
Sterling. William Gibson, Le continuum Gernsback; Tom Maddox, Des yeux de serpent; Pat Cadigan, Rock toujours; Rudy Rucker, Les mésaventures de Houdini; Marc Laidlaw, Les 400; James Patrick, Solstice; Greg Bear, Petra; Lewis Shiner, Le jour où des voix humaines nous éveilleront; John Shiner, Freezone; Paul di Filippo, Pierre vit; Bruce Sterling et William Gibson, Étoile rouge, orbite gelée; Bruce Sterling et Lewis Shiner, Mozart en verres miroirs.

Sélection d'auteurs cyberpunk :
Outre
Gibson et Sterling : Ayerdhal, Consciences virtuelles; Paul Borrelli, Trajectoires terminales; Maurice G.Dantec, Les racines du mal, Babylon babies; Laurent Genefort, Rézo; K.W.Jeter, Dr Adder; Jean-Marc Ligny, Inner city; Neal Stephenson, L'âge de diamant.

La quatrième de couverture :
Révolutionnaires?
Les cyberpunks forment la première génération d'auteurs de science-fiction à avoir grandi non seulement dans une tradition littéraire spécifique, mais aussi une réalité qui désormais dépasse les rêves - ou les cauchemars - de leurs prédécesseurs. Pour eux, les techniques de la science-fiction classique - extrapolation savoir technologique - ne sont pas de simples outils littéraires, mais des adjuvants de la vie quotidienne, des moyens, extrêmement précieux, d'accéder à la compréhension. Pour les cyberpunks, contraste ô combien violent, la technologie est viscérale. Elle est envahissante, nous touche au plus intime. Non point en dehors de nous, mais à côté de nous. Sous notre peau; et souvent, à l'intérieur de notre esprit.
Démonstration en douze leçons magistrales
.


Bruce Sterling est né en 1954 au Texas. De formation scientifique, passionné par tous les aspects de la modernité, il s'est imposé au début des années 80 comme l'un des fers de lance du mouvement cybernétique, mélange explosif de roman noir et de nouvelles technologies. Parmi ses romans : La Schismatrice, 1985; Cristal Express, 1989; Les Mailles du réseau, 1988; La Machine à différences, 1990; Gros Temps, 1994; Le Feu Sacré, 1996.

Robert Silverberg et Jacques Chambon présentent : Destination 3001

Flammarion/Imagine, 10/2000.

Interrogé, redouté ou appelé, l'avènement de ce nouveau millénaire n'a laissé personne indifférent. Ce jalon du calendrier grégorien touche les esprits des Occidentaux conditionnés par leur temps et leur espace, qui considèrent comme folkloriques les autres méthodes de datation dans le monde, pourtant tout aussi valables que la leur. Diverses anthologies ont été consacrées à l'événement. Celle, récapitulative du siècle écoulé, de D. E. Winter (Révélations) qui propose dix nouvelles destinées à rappeler chacune des décennies du siècle passé. Ou celle de Daniel Conrad et Benoît Domis (Les futurs maîtres français de la terreur) qui présente les auteurs qui devraient faire parler d'eux dans l'avenir proche.
Le projet de Silverberg/Chambon est le plus ambitieux de tous, puisqu'il fait effectuer à ses lecteurs un bond de mille ans dans l'avenir, un horizon du futur qui ne peut qu'exciter les imaginations. Évoquer le XXIè siècle consiste le plus souvent à extrapoler le monde actuel, et à brider les imaginations puisque nous devinons intuitivement ce qui est en gros possible dans un avenir proche. Sauter d'un seul bond un millénaire oblige à faire un effort d'imagination autrement plus difficile.
Que sera devenue l'humanité dans un millénaire? 3001 est un clin d'oeil à Arthur C. Clarke, le romancier, et à Stanley Kubrick metteur en scène de
L'Odyssée de l'espace, images vieilles de trente ans qui situaient en l'an 2001 des changements technologiques, biologiques et mentaux qui ne se sont pas produits : la vie de l'imaginaire est ainsi faite de ces rêves, et on ne demande pas à un auteur de se montrer aussi bon prévisionniste qu'un économiste ou un géopolitique. Il en sera de même pour ces textes. D'autant plus que se projeter dans un monde aussi lointain est proprement inconcevable et l'exercice périlleux. On ne s'étonnera pas de trouver dans ces travaux surtout les inquiétudes d'auteurs actuels.
Jacques Chambon s'était d'abord proposé de réaliser une anthologie consacrée à des auteurs français. Son projet est devenu international avec l'intervention inopinée de Silverberg, qui signe d'ailleurs une nouvelle de l'anthologie. Et, maintes difficultés vaincues, le projet a pris corps. Vingt nouvelles de SF d'auteurs consacrés - nés en majorité dans les années cinquante-soixante et la plupart consacrés - , qui ont proposé des textes inédits. Sept Français (Ayerdhal, Philip Curval, Sylvie Denis, Jean-Claude Dunyach, Joël Houssin, Serge Lehman et Roland Wagner). Huit Américains (Gregory Benford, Orson Scott Card, Karen Haber - l'épouse de Silverberg - , Joe Haldeman, Nancy Kress, Robert Silverberg, Dan Simmons et Norman Spinrad. Un Allemand (Andreas Eschbach), deux Anglais (Paul J. McAuley) et deux Italiens (Valerio Evangelisti et Franco Ricciardiello). Essentiellement du beau monde, et du travail de qualité, impossible à analyser dans le détail.
Se projeter mentalement dans un univers aussi lointain est impossible. On ne s'étonnera donc pas de trouver dans ces travaux qui concernent une échéance aussi lointaine des préoccupations qui sont les nôtres. Plus que dans les romans classiques, les récits de science-fiction sont des miroirs où se lisent les traits caractéristiques d'une époque. Dans cette année-prétexte 3001, c'est l'homme de notre temps que retrouvera le lecteur au delà des apparences différentes carrossées avec soin. Si beaucoup de choses ont changé, dans la reproduction des êtres, les déplacements dans l'espace et le temps, les moyens de communication et les gouvernements, il existe une constante : les hommes, ou leurs substituts, sont restés les mêmes, mal partagés entre altruisme et égoïsme, mais bien plus redoutables dans leurs activités que de notre temps. L'altruisme tient d'ailleurs une place bien moindre que l'égoïsme et l'agressivité, dans le mépris de l'autre, la recherche et l'octroi de la souffrance. Le dépaysement se fait surtout par l'usage d'un vocabulaire nouveau, de néologismes utilisés dans le cadre habituel des machines qui pensent, des réparations biologiques, de la mortalité variable, des différentes races qui se supplantent, des machines quasi-humaines, des hommes modifiés, avec des vies surtout artificielles et truquées.
Dépaysement garanti, mais peu d'humour et d'espoir dans cette anthologie désabusée, qui est un témoignage de la mort des espérances des hommes de l'an 2001, et le triomphe des contre-utopies. Il y a de quoi frémir quand on se projette dans cet avenir qui nous est presque toujours proposé sombre, inquiétant et redoutable. La dystopie fonctionne à plein régime. Lecteurs, soyez soucieux : l'avenir ne s'annonce pas rose. Demain ne sera pas glorieux et les surlendemains n'auront guère de printemps qui chantent.

La quatrième de couverture :

L'an 2000 a longtemps été l'horizon du futur pour la science-fiction. Mais aujourd'hui? Il fait partie des vieilles lunes. Anticipé, exploré, fantasmé tous azimuts, il était déjà vieux avant l'avénement du vrai. Comment pourrait-il faire encore rêver, même si l'on a envie de saluer le symbole qu'il représente? En route donc pour des horizons plus lointains, pour des terres neuves, pour l'entrée dans la quatrième millénaire. Ou plus exactement en 3001, en hommage à Stanley Kubrick (1928-1999), qui situait en 2001 l'aube de nouveaux grands changements pour l'humanité en entraînant celle-ci dans une «odyssée», c'est-à-dire un retour aux sources, de «l'espace» (de l'espèce?)
Comment sera le monde dans mille ans? Comment fêtera-t-on l'entrée dans les années 3000? Quelles étranges mutations technologiques, sociologiques, biologiques, psychologiques connaîtront nos lointains descendants? Aurons-nous essaimé dans les étoiles? Enfin rencontré des extraterrestres? L'homme se sera-t-il délivré de ses vieux démons? Existera-t-il encore et dans quel environnement?

*

Sommaire :
Introduction

Joe Haldemar : Quatre courts romans
Valerio Evangelisti : Paradi
Nancy Kres : Notre Mére qui dansez
Serge Lehmar : Le temps des Olympiens
Andreas Eschbac : Le Semeur de cauchemars
Robert Silverberg : Milleniam Express
Ayerdhal : Notre Terre
Karen Haber : L'épineux probléme de la tête à Grand-Mére
Orson Scott Card : Angles
Christopher Priest : Retour au foyer
Franco Ricciardiello : L'hiver de Turing
Joël Houssin : Jolie Petite Fille
Paul J. McAuley : Van Gogh à la fin da monde
Jean-Claude Dunyach : Les nuits inutiles
Roland C. Wagner : Marche et crève
Gregory Benford : Onde de choc
Sylvie Denis : La balade du singe seul
Norman Spinrad : Entités
Philippe Curval : On est bien seul dans l'univers
Dan Simmons : «Le 9 av»
Dictionnaire des auteurs
Robert Silverberg (1934-) est un auteur prolifique (ayant déjà eu un prix Hugo en 1956 au titre du nouvel auteur le plus prometteur) qui a écrit de nombreux romans où mythologie et S-F se confondent, parmi lesquels Les Ailes de la nuit (1969), L'homme dans le labyrinthe (1969), Le livre des crânes (1972), Le Seigneur des ténèbres (1983); des trilogies : La trilogie de Majipoor (1980/3), La trilogie du nouveau printemps (1988/92). Tous ces romans se trouvent en livres de poche. Il est également l'auteur d'anthologies : Légendes (1998), consacrée à la fantasy (où se trouve la novella de King Les petites soeurs d'Elurie) et Horizons lointains (1999)
Jacques Chambon, directeur de la collection Imagine de Flammarion, est l'auteur d'une quinzaine d'anthologies.

Roland Ernould © 2000

 Révélations, onze hymnes à l'Apocalypse

anthologie présentée par D. E. Winter, J'ai Lu Ténèbres, avril 2000.

La quatrième de couverture :

Des ravages de la terrible grippe espagnole de 1918 à la chute du mur de Berlin, en passant par la montée du nazisme, l'apparition du rock and roll ou les années de contestation contre la guerre du Vietnam aux États-Unis... À l'aube du nouveau millénaire, quel regard porter sur les événements marquants de ces cent dernières années? Les plus grands noms américains de la littérature fantastique contemporaine ont choisi, pour évoquer le XIXè siècle finissant, de mêler réalité et fiction et de raconter les destinées extraordinaires, voire surnaturelles, d'individus ordinaires qui se retrouvent emportés dans la tourmente de l'histoire.

Car si ce siècle, notre siècle, est pour beaucoup synonyme de progrès et de perfection, il n'a toutefois pas su empêcher maintes civilisations de basculer dans l'anarchie, la décadence ou le chaos, rendant ainsi chaque jour plus proche de... l'Apocalypse.


Douglas E. Winter est peu connu pour ses nouvelles, mais, en tant qu'essayiste, sa réputation est grande aux USA. Il s'est rendu célèbre par un travail de fond sur Stephen
King, The Art of Darkness (L'Art des ténèbres), référence des spécialistes mais non traduit en français, pas plus que Faces of Fear (Visages de la peur), au total onze ouvrages. Il a aussi publié quelques anthologies. Celle-ci est la dernière, conçue spécialement pour le millénaire.

Winter a imaginé que, pour célébrer la fin du XIXè et le début du XXIè, ce nombre tout rond pouvait appeler d'autres nombres arrondis au zéro, la série des dizaines d'années du siècle écoulé. C'était un moyen de reproduire ce siècle qui s'achève par un ensemble de significations particulières. Chaque nouvelle prend ainsi corps dans une décennie. Les auteurs pouvaient déterminer le thème qui leur plaisait, la seule contrainte étant le choix d'une décennie. Intitulé d'abord Millennium, le projet a demandé sept années pour contacter les écrivains, expliquer le projet et leur permettre d'intégrer leur travail dans leur planning; pour ensuite le contrôler et passer à la réalisation.

Les auteurs sont tous des talents qui portent, peu ou prou, l'étiquette fantastique, et leur réputation est reconnue depuis longtemps pour certains, s'est faite récemment pour d'autres. Clive Barker a signé le prologue, Parousie. Il serait fastidieux de citer les titres des nouvelles - certaines sont de petits romans. Limitons-nous aux auteurs, dans l'ordre des décennies : Lansdalle, Morrell, Wilson, Brite et Faust, Grant, Strieber, Massie, Matheson, Schow et Spector, Campbell et pour 2000 à nouveau Barker. Avec le mot de la fin, Winter ajoute quelques pages de conclusion.

Ces textes se proposent de nous faire entendre la voix du siècle, avec des auteurs qui sont porteurs d'une contribution dans le genre, et en même temps servir de rappel de ce que le siècle a inventé. D'où le titre, Révélations, à prendre au second degré, puisqu'il ne s'agit pas d'un apport nouveau, mais d'un récapitulatif. Ces nouvelles, toutes intéressantes, font plutôt le bilan du siècle. Pour Winter, la particularité de notre esthétique fin de siècle la plus explicite est caractérisée par la mise à distance du gothique littéraire pour passer à l'image, la perception visuelle inspirée du cinéma, ce que l'on appelle la monstration. À cela s'ajoute un net renversement des perspectives : au lieu de chercher l'horreur dans des motifs traditionnels, souvent extérieurs, maisons hantées ou vampires, les écrivains de cette fin de siècle la scrutent dans tout ce qui est instable, notre inconnu, voire notre inconnaissable, mais dans un domaine humain fragile, perturbé, douteux, marginal, en un mot, asocial. Restituer les émotions ressenties lorsque nous sortons de l'humanité ordinaire, pour rencontrer les monstres qui sommeillent en nous et ne dorment toujours que d'un oeil.

L'anthologie prend ainsi date pour en faire le point de départ d'un nouveau siècle, et permettre aux talents en exercice ou à venir de partir vers les possibles et les rivages inconnus de l'horreur de demain.
La richesse du travail et son importance - plus de 600 pages, en caractères serrés, d'auteurs doués - en font un recueil indispensable pour faire le bilan d'un siècle à la fois marqué par le progrès et menacé par la décadence et le chaos.

Roland Ernould,
juillet 2000.

Né en 1950 à Saint-Louis, dans le Missouri, Winter s'est fait connaître comme auteur de nouvelles et critique littéraire, cinématographique et musical. Il a personnellemnt publié 3 recueils de nouvelles, dans la collection American Zombie. Il vit en Virginie. Il travaille actuellement à une biographie critique de Clive Barker. e-mail : OneEyeDog@aol.com

Le futur a déjà commencé

anthologie présentée par Michel Le Bris, Librio, avril 2000.

La quatrième de couverture :

La science-fiction n'a jamais rien fait d'autre que de parler de nous, du monde autour de nous qui change et nous change, de l'inconnu qui nous effraie - de l'inconnu dans le regard de l'autre, qui nous renvoie à notre part d'inconnu, en nous : puisque ces mondes imaginaires qui nous révèlent le nôtre, dans l'écart même qu'ils aménagent, sont les nôtres, produits de nos rêves, de nos peurs, de nos fantasmes. Un art de la frontière, en somme, au sens que les pionniers donnaient à ce mot. Ces êtres verts, aux yeux globuleux, qui nous faisaient frissonner dans les années cinquante, n'étaient que notre miroir. Les créant, nous nous interrogions sur nous-mêmes - et sur l'altérité en nous. La S-F est plus que jamais vivante, puisque le futur a déjà commencé.

On peut juger le titre usurpé : plutôt qu'une anthologie, ce volume est un recueil, disparate, qui mêle à part égale des nouvelles d'auteurs et des écrits critiques, six au total. Si l'intérêt des textes pris isolément n'est pas discutable, l'ensemble fait davantage penser à un numéro de revue qu'à une anthologie.

Michel Lebris est bien connu pour être l'inspirateur du festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo, qui se tient habituellement en mai. Auteur de romans et d'essais, il vient de composer successivement deux anthologies de la science-fiction. L'une parue chez Hachette, intitulée Utopies SF (thème du festival cette année), aligne un sommaire prestigieux réunissant entre autres J. C. Ballard, Bradbury, Matheson, Connie Willis, Norman Spinrad et Pierre Bordage. La deuxième anthologie, ici présentée, est de dimensions plus modestes.

Qui mieux que les auteurs de SF peuvent scruter, en toute liberté d'inspiration, les transformations d'un monde en devenir? Et pourtant le genre continue à être frappé d'ostracisme par les spécialistes littéraires. "Fille indigne de la littérature", la SF est condamnée à être refoulée dans un mouvement d'exclusion qui touche d'autres genres, comme le fantastique ou le roman noir. Le Bris consacre sa préface à déplorer une fois de plus cette constatation : les jeunes aiment lire ces auteurs, en dédaignant les écrivains classiques ou reconnus par les jurys d'examen... Car notre monde change : cinéma, rock, pop, vidéo, virtuel, toutes choses que les beaux esprits feignent d'ignorer pour ne s'intéresser qu'aux belles-lettres. On ne le dira jamais assez, certes, mais le sujet n'est pas original.

Les trois nouvelles de ce recueil, de Serge Lehman, Ayerdhal et Jean-Claude Dunyach, ont l'utopie pour dénominateur commun et sont de longueur très inégale. Lehman, avec "Nulle part à Liverion" occupe à elle seule la moitié du recueil. Cette nouvelle d'un auteur reconnu (Grand Prix de l'Imaginaire, prix Rosny Aîné), décrit avec un talent très personnel une variation sur son sujet favori, le monde ultralibéral qui naît à notre époque et qui se développera au XIXè s. Sur un fond économico-politique, elle narre les déboires d'un personnage décalé aux prises avec les Puissances Dominantes, des empires industriels qui ont leur propre force de police et qui réalisent le rêve - ou le cauchemar? - d'une terre entièrement aux mains des puissances rivales. Heureusement avec Noirevi (anagramme de Liverion), peut se créer un au-delà de la géographie, une Terre Libre. La nouvelle, comme les autres du recueil, tourne autour de ce passage d'Oscar Wilde : "Une carte du monde qui n'inclurait pas l'Utopie n'est pas digne d'un regard, car elle écarte le seul pays auquel l'humanité sans cesse aborde".

La singulière histoire de chrysalide et d'imago d'Ayerdhal, empreinte d'amour et de mort, veut suggérer la pérennité des sentiments et leur force dans un monde où tout est devenu organisé, où les hommes se métamorphosent en niant la mort. Ayerdhal est un auteur explorateur, qui a touché à toutes les branches de la science-fiction, que de nombreux prix ont consacré.

Déchiffrer la trame, la brève nouvelle de Dunyach, rédacteur adjoint de Galaxie, narre le long apprentissage de la connaissance de la tisseuse d'un tapis du Kurdistan, morte depuis longtemps. Sa vie devient transparente à des investigateurs aveugles du futur, travaillant dans un Musée des civilisations passées, qui ont passé une vie entière à analyser le décodage du laborieux enchevêtrement des fils et des noeuds, travail de la moitié d'une vie. Dunyach a reçu le Grand Prix de l'Imaginaire pour ce texte.

À ces nouvelles il faut ajouter trois études. L'une de Jacques Chambon, directeur de la collection Imagine chez Flammarion, est consacrée à des variations sur les images du futur et la notion d'anticipation incluses dans un genre qu'il propose comme moyen de conjurer le mal d'une époque en crise, et qui devient la mythologie de notre temps. Marie Mazaurie, directrice littéraire des éditions J'ai lu, recherche les traces de la subversion de la «grande» littérature par la SF dans des romans à succès comme Truisme et Les Particules élementaires. Elle renverse le motif habituel du ghetto par l'annonce d'une littérature du futur, qui mixerait la littérature générale à la SF. Enfin Stéphane Nicot, rédacteur en chef de Galaxie, nous propose une interview au provocateur Norman Spinrad , dans laquelle l'auteur rappelle sa critique acerbe de l'american way of life.

Une fois admise la diversité du recueil, le lecteur consommera ce mille-feuilles avec un grand intérêt. Les rêveurs d'avenir ont encore un bel avenir devant eux, et pourront continuer à faire leur plein de rêves et de fantasmes, puisqu'ils parcourent le genre avec le désir de s'interroger sur eux-mêmes et l'altérité qui est en eux.

Roland Ernould,
juin 2000

Au sommaire : Préface de Michel Le Bris
Serge
Lehman, Nulle part à Liverion
Stéphane
Nicot, lnterview de N. Spinrad
Ayerdhal, L'adieu à la nymphe
Jacques
Chambon, La science-fiction au tournant
Jean-Claude
Dunyach, Déchiffrer la trameMarion Mazauric, La littérature du futur.

Michel Le Bris, né en 1944, est écrivain, éditeur et directeur du festival de Saint-Malo Étonnants Voyageurs. Il a publié en 2000 Pour saluer Stevenson (Flammarion) et Fragments du royaume (La Passe du vent). La Porte d'or a été réédité en Points Seuil et Les Flibustiers de la Sonore aux éditions J'ai Lu.

 

Une histoire de la science-fiction 1 - 1901-1937 - Les premiers maîtres,


nouvelles réunies par Jacques
Sadoul, Librio 1/00.

 

La quatrième de couverture :

À quoi se fier quand les lois les plus élémentaires de la physique et de la géométrie euclidienne ne peuvent vous protéger des prédateurs d'outre-temps? Peut-on rester sain d'esprit après s'être retrouvé confronté au dieu-poisson, l'idole impie du peuple des abysses? Et quand un robot s'avère en tout l'être parfait, est-il possible de l'aimer comme son prochain?

Anticipation, space opera, fantasy, weird fantasy... Toutes les facettes de la science-fiction classique sont déjà présentes alors qu'elles ne font que naître comme un courant littéraire à part entière.

Jacques Sadoul présente ici un florilège de textes fondateurs (...) qui témoignent de la richesse et de l'originalité d'un genre qui aura marqué l'imaginaire de notre siècle.

 


Après avoir rencontré le succès avec une passionnante rétrospective consacrée au "Domaine Fantastique" (trois recueils de nouvelles présentées par Barbara
Sadoul), les éditions Librio ont décidé de reprendre la formule en l'appliquant à la science-fiction. Une histoire de la science-fiction nous est ainsi proposée en plusieurs volumes, cette fois par Jacques Sadoul, en même temps que Michel Le Bris nous offre parallèlement Le Futur a déjà commencé.

Le premier volume de l'anthologie de Jacques Sadoul est consacré à la période 1901-1937, quand paraissaient les textes fondateurs des différentes sensibilités qui gravitent autour de la science-fiction. 1937 - ce que ne rappelle pas Sadoul - est l'année de la mort de Lovecraft et celle de l'organisation de la première Convention de la SF à Luds.

Le théoricien désigne sous le terme de SF la branche de la littérature de l'imaginaire qui propose une explication à apparence scientifique aux récits proposés. À partir d'une hypothèse de travail, l'auteur en tire rationnellement les conséquences impliquées dans la réalité présente ou future, au contraire du genre fantastique qui transgresse la réalité quotidienne pour imposer l'intrusion d'une phénomène surnaturel, irrationnel. Sadoul retrace la lointaine histoire de la SF, citant les diverses créations, du récit d'un voyage dans la lune d'un Grec du IIè siècle jusqu'à Jules Verne, en passant par Thomas Moore, Francis Bacon, Cyrano de Bergerac et bien d'autres, dont Marie Shelley (Frankenstein) et Edgar Poe. Sadoul note la place considérable tenue par les pulps (magazines bon marché imprimés sur mauvais papier) et les revues éphémères ou durables de ce premier tiers de siècle.

Huit nouvelles sont présentées, sans doute pas toutes les meilleures parues durant cette époque, mais celles qui montrent le mieux les diverses ramifications auxquelles le genre peut se prêter. Chacune des nouvelles est précédée d'une notice sur l'auteur, mettant en évidence la pertinence de leur choix. Abraham Merritt, qui inaugure le recueil avec un récit de 1917, a relativement peu écrit de science-fiction, mais il a joué un rôle important dans la formation moderne du genre, et sa particularité est de mêler à l'anticipation scientifique des éléments fantastiques ou de nature légendaire qui préfigurent ce que l'on appellera plus tard la fantasy. Suit une histoire de H. P. Lovecraft, auteur fondateur trop réputé pour qu'on s'y arrête. Dans la nouvelle bien connue Les chiens de Tindalos de Frank Belknap Long, continuateur de Lovecraft, le lecteur trouve son mélange caractéristique de SF et de fantastique, avec une utilisation astucieuse de la physique et de la géométrie euclidienne pour assurer la protection du héros contre des prédateurs d'un autre monde.

Le créateur de Conan le Barbare, Robert E. Howard, est représenté par une nouvelle qui s'apparente à l'heroic fantasy (ou sword and sorcery), qui fait coexister de la SF, du fantastique, de la magie et de l'épopée, dans une formule unique. Stanley G. Weinbaum aurait pu devenir un grand de la SF s'il n'avait, après des débuts prometteurs, été emporté à trente-cinq ans d'un cancer du poumon : le texte qui nous est offert est précurseur dans la mesure où il nous présente non plus le méchant de l'espace, à la psychologie restée humaine, mais une créature rencontrée lors d'une odyssée martienne. Pensante, amicale, elle est différente des hommes et voit sans anthropomorphisme le monde d'une autre façon que les humains. Suit un auteur peu connu, Harl Vincent, dont l'abondance des idées originales vaut mieux que l'écriture. Puis une nouvelle de Clark Ashton Smith, autre familier de Lovecraft, qui se ressent de cette influence. Enfin une histoire de robot s'avérant l'être parfait, de Lester del Rey, qui devint plus tard le rédacteur en chef de Fantasy Magazine. Ces textes offrent déjà les diverses facettes de la SF contemporaine et de ses mariages. Ils montrent une fois encore l'originalité et la richesse d'un genre dont la puissance de l'imaginaire fascine les amateurs.

Le prochain volume est annoncé et couvrira la période 1938-1957, l'Âge d'or.

Contenu :

Introduction (copieuse) de Jacques Sadoul.
Abraham
Merritt, Les êtres de l'abîme.
Howard P.
Lovecraft, Dagon.
Frank Belknap
Long, Les chiens de Tindalos.
Robert E.
Howard, Les miroirs de Tuzun Thune.
Stanley G.
Weinbaum, L'odyssée martienne.
Harl
Vincent, Le rôdeur des terres incultes.
Clark Ashton
Smith, La mort d'Ilalotha.
Lester del
Rey, Hélène A'lliage.


Roland Ernould, juin 2000.

Une histoire de la science-fiction 2 - 1938-1957 - L'Âge d'or


nouvelles réunies par Jacques
Sadoul, Librio 6/00

Le premier volume de cette histoire anthologique s'était arrêté en 1937, l'année de la mort de H.P. Lovecraft et celle de l'organisation de la première Convention de la SF à Luds. Jacques Sadoul la poursuit jusqu'en 1958, quand les Russes lancèrent le premier spoutnik et ouvrirent la conquête de l'espace.

En 1938, dans une émission de radio restée célèbre, Orson Welles avait affolé les USA en décrivant l'arrivée belliqueuse des Martiens sur notre terre. Inspirée de La Guerre des mondes d'H.G. Wells, elle présentait des informations réalistes sur la conquête de la terre, une interview réticente d'un ministre, les foules jetées à la rue, fuyant le danger. La panique passée, il en résulta un regain d'intérêt pour la science-fiction. Significativement, le première Convention Internationale de la SF eut lieu à New-York l'année suivante. De 1938 à 1940, le nombre de magazines consacrés à la SF passa de trois à vingt.

Un éditeur, John W. Campbell exerça une influence profonde sur le genre, avec sa revue Astounding Science-Fiction. Campbell avait des idées bien arrêtées sur le genre, qui présidèrent au choix de ses auteurs. Un récit de SF devait s'appuyer sur un concept scientifique raisonné. Il devait se situer dans le futur, et l'annoncer dans des perspectives raisonnables. Son écurie fut constituée de vedettes, devenues des classiques, dont un certain nombre figurent dans ce recueil : Clifford D Simak (Escarmouche); A.E. Van Vogt (Bucolique); Isaac Asimov, Robert Heinlein (Ces gens-là); et Theodor Sturgeon.

Mais la période qui suivit la guerre (aux USA, de 1942 à 45) fut marquée par une certaine défiance à l'égard des scientifiques, ayant permis la mise au point de la bombe atomique qui avait ravagé Hiroshima et Nagasaki. Les positions face aux progrès scientifiques deviennent mitigées : appréciés pour l'amélioration des conditions de vie, mais regardés avec une méfiance grandissante. La conséquence en fut une modification dans l'approche de la science, vue de manière contestataire ou caustique. La phase d'enthousiame passée, la science est regardée d'un autre oeil, mais avec le même intérêt. Les positions de Campbell étant considérées comme conservatrices et dépassées, d'autres revues novatrices remplacèrent la sienne dès 1950 : Galaxy, sous la nouvelle direction de H.L. Gold, et The Magazine of Fantasy and Science-fiction. Les anciens continuèrent à y écrire, mais des nouveaux apparaissent, dont certains ont des nouvelles reproduites dans ce second volume : Robert Abernathy (Un homme contre la ville); Ray Bradbury (L'éclat du phénix); Fredric Brown (F.I.N.) la nouvelle la plus courte du recueil; Arthur C. Clarke (L'étoile); Philip K. Dick, Philip José Farmer, Charles Harness (L'enfant en proie au temps); Fritz Leiber; Richard Matheson (Cycle de survie). À noter, pour compléter le tout, un beau récit de paradoxe d'un auteur sur lequel on n'a pas d'informations, Jack Lewis (Qui a copié?)

Ces textes sont consacrés par le temps et tous estimables. Souhaitons que le troisième fascicule nous rafraîchisse de si belle façon nos souvenirs. Il s'intitulera L'expansion et portera sur la période 1958-1963. Comme pour le recueil précédent, Sadoul signe une substantielle préface et consacre à chaque auteur une opportune notice biographique. Il est surtout intéressant de noter la place considérable prise par les revues du genre pour lancer et imposer de nouvelles signatures, nos auteurs de demain.

La quatrième de couverture :

La ville... Il a décidé de la détruire. Mais le Léviathan de béton et d'acier engage une lutte titanesque pour se défendre...
Un système solaire disparaît, un monde s'éteint... Quelle entité supérieure peut impunément s'octroyer le droit de détruire une civilisation au profit d'une autre?
Alors que le siècle vit ses plus grands bouleversements, la science-fiction entre dans sonn âge d'or. Mondes post-apocalyptiques, voyages exploratoires dans l'espace, paradoxes temporels... Le genre se tourne plus ouvertement vers la prospective scientifique, et les écrits se font reflet des inquiétudes contemporaines.

Roland Ernould, octobre 2000.


Courte bibliographie des auteurs :

Clifford D.
Simak (1904-1988) Demain les chiens, recueil de nouvelles (1952), Dans le torrent des siècles (1951), Au carrefour des étoiles (1963)

Fredric
Brown (1906-1972) L'Univers en folie (1949), Martiens, go home! (1955), Fantômes et farfafouilles, nouvelles (1961)

Robert
Heinlein (1907-1988) L'homme qui vendit la lune (1950), Marionnettes humaines (1951), En terre étrangère (1961), Route de gloire (1963)
Alfred Elton
Van Vogt (1912-2000) A la poursuite des Slans (1946), Le monde des non-A (1948), le titre le plus célèbre, traduit par Boris Vian, La faune de l'espace (1951), Les armureries d'Isher (1951).

Charles
Harness (1915-) n'a au qu'une brève carrière littéraire : L'Anneau de Ritornel (1968).

Arthur C.
Clarke (1917-) Les enfants d'Icare (1953), La cité des astres (1956), 2001, l'Odyssée de l'espace (1968).

Ray
Bradbury (1920-) Chroniques martiennes, recueil de nouvelles (1950), Farenheit 451 (1953).

Robert
Abernathy (1924-) n'a publié qu'une quarantaine de nouvelles.

Richard
Matheson (1926-) Journal d'un monstre (1950), Je suis une légende (1954), L'homme qui rétrécit (1956) La maison des damnés (1971).

Arthur
Sheckley (1928-) La septième victime (1953, La dimension des miracles (1968).

Une histoire de la science-fiction 3 - 1958-1981 - L'expansion

nouvelles réunies par Jacques Sadoul, Librio 11/00

 

Avec le précédent opus, le lecteur en était resté au lancement du premier spoutnik. Ce troisième le conduit à l'apparition des premiers textes prophétiques annonçant l'apparition du réseau de communication mondial qui est devenu une réalité avec Internet. Durant cette période, on assiste à l'effondrement de nombreuses revues, pour différentes causes : concurrence, manque d'auteurs, d'où textes de qualité moindre. Mais plus simplement la désaffection des lecteurs, pour lesquels la science-fiction d'hier est passée dans la réalité. Les voyages dans l'espace ne sont plus une fiction et ne passionnent plus. Pire : alors que ces voyages dans le temps étaient souvent le fait de marginaux, d'illuminés ou de rejetés de la communauté scientifique, ce sont des militaires s'appuyant sur des sciences ennuyeuses, et des technologies qui demandent des moyens économiques tels que les sujets ordinaires ne peuvent plus présenter l'intérêt de naguère. Il s'ensuivit une crise des sujets, et une évasion des lecteurs vers des genres tels que la fantasy ou un certain fantastique. Car notre quotidien commence à être perçu comme un cauchemar. Nous ne sommes plus menacés par les extra-terrestres, mais par la pollution, l'exploitation intensive de la planète. Cette exploitation mercantile qui ne paraît plus s'exercer seulement au détriment de la plupart pour le profit de certains, mais mettre en péril la vie des espèces vivantes et notre avenir. Les progrès ne sont plus maintenant à exalter, mais à combattre. Le principal sujet traité sera dorénavant la dénonciation du progrès conduisant tout droit à la mort de l'humanité.

Autres changements importants. Dans le domaine de l'édition : alors que les revues disparaissent, les anthologies, les recueils de textes variés ou axés sur un thème les remplacent, permettant aux auteurs de trouver le débouché à leur production que les revues ne leur proposaient plus. Le cinéma de SF prend une extension considérable, et devient crédible grâce aux remarquables progrès des effets spéciaux. Il provoque certains changements, dont le plus visible est la coexistence d'extraterrestres aux intentions malveillantes avec des créatures aussi sympathiques que l'E.T. de Spielberg. Dans le domaine du quotidien, des thèmes nouveaux apparaissent : la recherche de la résolution des problèmes de la surpopulation, le désir d'immortalité, glissant des religions dans le domaine de la SF, et enfin l'intrusion de la sexualité, jusqu'alors objet d'un tabou non exprimé. Autre phénomène intéressant : l'apparition d'une SF renouvelée dans les pays européens, surtout la France (où de nombreux auteurs se manifestent), suivie par l'Italie.
8 nouvelles dans ce recueil, toutes intéressantes.
Shaw propose, sur un fond simultané de querelle de ménage et d'amour nostalgique, l'achat d'un verre «lent», qui a la propriété d'absorber la lumière d'un paysage, d'une maison ou d'un être humain, dont ils restitue l'apparence après en avoir emmagasiné les données. Dans une symbolique du mal inhabituelle, Ellison nous donne une nouvelle originale, mais agressive et provocante. Dick raconte les états d'âme et les vaines tentatives d'un androïde qui cherche à se débrancher pour échapper à sa condition. Le Guin renouvelle le motif du bouc émissaire : le choix d'un seul voué au malheur assure la prospérité d'une cité dans la paix et la joie. Spinrad nous dit pourquoi prévoir l'avenir ne sert à rien, parce que le temps séquentiel n'est qu'une illusion. Autre nouvelle symbolique de Cherryh, qui renouvelle le personnage mythique d'une Cassandre moderne qui passe pour folle, alors qu'elle révèle des visions d'un monde de guerre en ruines et en flammes. Silverberg nous décrit un monde lugubre où le sentiment-amour est remplacé par l'amour virtuel collectif. Enfin Card décrit l'histoire magnifique d'un musicien qui vit dans un monde où la créativité sans racines ne peut s'exercer que dans les limites du droit, et dont il cherche, sans y parvenir, à en dépasser les limites en y incorporant les acquis.

Titre des nouvelles :
Bob
Shaw, Lumière des jours enfuis.
Harlan
Ellison, La bête qui criait « amour » au coeur du monde.
Philip
K. Dick, La foumi électrique.
Ursula K.
Le Guin, Ceux qui partent d'Omelas.
Norman
Spinrad, L'Herbe du Temps.
C.J.
Cherryh, Cassandra.
Robert
Silverberg, Groupe.
Orson Scott
Card, Sonate sans accompagnement.


La quatrième de couverture :

Au sein d'un monde déshumanisé, où tout rapport affectif entre les êtres est proscrit, comment faire revivre le simple, mais vital, sentiment de l'amour?
Apparences trompeuses de la «réalité»... De quelle façon l'appréhender quand on se découvre soi-même non réel, machine humaine, ou que chaque instant vécu l'est avec la douloureuse prescience de ce que sera l'avenir proche?
Durant cette période de transformations et de contestations, la science-fiction s'attache à l'analyse inquiète d'un quotidien que le «progrès» rend toujours plus cauchemardesque : pollution, violence urbaine, destructions naturelles...
Huit textes de Philip K. Dick, Harlan Ellison, Norman Spinrad, Robert Silverberg, ou Orson Scott Card, qui attestent de l'extraordinaire pertinence d'une littérature s'interrogeant son époque avec une redoutable acuité.

Jacques Sadoul Une histoire de la science-fiction 4 , 1982-2000, Le renouveau

Librio 4/2001.

Que devient la SF en cette fin de siècle? Les Cassandre ne sont pas optimistes : ils constatent ou annoncent la mort des arts et divertissements populaires propres à ce siècle, et du courant d'idées qui les accompagnait : le jazz est mort depuis longtemps, la bande dessinée ne se renouvelle plus depuis vingt ans aux USA, et dix ans en France. Le cinéma et la télévision ont laissé la place aux nouvelles technologies, à l'ordinateur multimédia, et les cinéastes tournent leurs films pour Internet. Comment se situe la SF dans ces morts annoncées? Elle se sent mal aussi, le boom apparent actuel ne devant pas faire illusion. Il n'est dû qu'aux feuilletons de X-Files et aux produits dérivés de la SF de la gamme Star Wars ou Star Trek. Aux USA sévit de plus en plus une SF et une fantasy de bas de gamme, qu'on appelle là-bas la sci-fi, et dont Dan Simmons disait dans une conférence qu'elle était en train de tuer la science-fiction.

Jacques Sadoul se montre cependant en désaccord avec ce constat des pessimistes. On sait écrire de la SF bien meilleure actuellement que pendant les années 30, et au moins égale à celle des années 40. Il y a de remarquables réussites, et si les auteurs américains ne trouvent plus le succès chez eux, ils le rencontrent facilement en Europe, comme Gibson, Simmons ou Willie. Des auteurs européens ont aussi de la valeur : les Anglais Baxter ou Mc Auley, l'Italien Evangelisti, l'Allemand Eschbach. Et les Français ne sont pas en reste.

La nouveauté la plus spectaculaire de ces 20 dernières années est l'arrivée du mouvement cyberpunk, proche des réalités contemporaines et notamment de l'intelligence artificielle et de l'informatique, représenté ici par William Gibson et Bruce Sterling. Les auteurs du cyberpunk ne voient dans la science ni un bien, promesse de sociétés meilleures, ni un mal, engendrant les cataclysmes. Elle est, c'est tout, et c'est son impact, positif ou négatif - le plus souvent négatif, il faut bien le dire - qui est décrit. Ils ne donnent pas dans l'utopie et sont souvent placés dans un cadre social déviant. Un des personnages préférés de ces auteurs est le fana de l'informatique, capable d'entrer dans n'importe quel système, d'en détourner la technologie pour le plaisir de semer le désordre dans la société ou pour en tirer un profit. Le cyberpunk se complète souvent d'une culture du rock et d'une attitude romantique. À chacun de se débrouiller pour survivre dans une société qui dépasse les individus. Un des promoteurs du genre, William Gibson, connu pour son roman Neuromancien (1984) est représenté dans ce recueil par sa nouvelle annonciatrice, Gravé sur Chrome, (1982), qui a donné son nom à un recueil de nouvelles. Dans le monde sans limites d'Internet, les hackers s'affrontent dans une guerre impitoyable, dont les enjeux n'ont plus rien à voir avec ceux des hommes ordinaires, dans un paysage urbain décalé, crasseux, le plus souvent situé dans le monde de la nuit. L'esthétique cyberpunk se caractérise par le sexe, la violence, les ordinateurs omniprésents, la vidéo ou le vidéophone, tous les ingrédients d'une société de l'informatique opposant les techniques de pointe aux bricolages géniaux de groupes ou d'individus en lutte contre des pouvoirs divers, dans le cadre d'une esthétique underground. Dans la mouvance de Gibson, Bruce Sterling a publié une sorte de manifeste du courant en 1986, dans son anthologie Mozart en verres miroirs (avec Greg Bear, John Sherley, Rudy Rucke, et évidemment William Gibson). Sa nouvelle de ce recueil se passe au Japon, et oppose, à l'économie de marché des économistes officiels, une économie parallèle et souterraine fonctionnant par Internet, utilisant cadeaux et dons, sur le principe de la réciprocité où tout est gratuit.

Deux autres auteurs sont plus classiques. L'un, Kim S.
Robinson, né dans la même ville de l'Illinois que Bradbury, s'est comme lui attaché à la planète Mars (3 romans remarqués, La Rouge, 1992; La Verte, 1993; La Bleue, 1996). Sa nouvelle, d'un tout autre genre que les précédentes, est une évasion à Venise engloutie, devenue l'objet de la razzia des plongeurs amateurs d'oeuvres d'art. Auteur réaliste, soucieux de vraisemblance, Robinson n'a aucun rapport avec le mouvement cyberpunk. Sa nouvelle raconte les états d'âme d'un plongeur italien qui, pour survivre, doit, à son corps défendant, aider au pillage de sa cité. Il nous donne cet instant surprenant du plongeur qui prie, sur un banc de pierre devant l'autel de l'église San Giacometta engloutie. Qualité d'écriture et sensibilité certaine concourent pour nous faire aimer ce personnage d'un autre âge contraint pour sa survie à faire un travail déplaisant.

Il reste aussi des partisans de la hard-science, comme Stephen Baxter, bourré de diplômes scientifiques, ingénieur en mathématiques, docteur en aéronautique qui renoue avec la tradition des scientifiques comme Arthur C. Clarke, et s'intéresse aux voyages dans le temps.(il a d'ailleurs écrit une suite au roman de Wells (La guerre des mondes). La nouvelle qu'il nous propose dans ce recueil est un écho de son roman Voyage, où il présente une conquête de l'espace parallèle à celle que nous connaissons officiellement. Il nous parle du sort des vieux astronautes en fin de vie ramenés par fusée sur une plage lunaire...

Ian McDonald manifeste un certain sens du bizarre et se montre original, voire iconoclaste, en traitant des attractions sexuelles entre races différentes venues du cosmos. Dan Simmons est l'auteur qui a explosé en France et s'est montré aussi habile dans le fantastique (L'échiquier du mal) que dans la science fiction avec les saga des Hypérion et Endymion. La nouvelle de ce recueil, bien connue et citée dans maintes anthologies, traite de morts-vivants bien particuliers, les défunts maintenus apparemment en vie par les soins performants des Résurrectionnistes. Peut-être cependant ne sont-ils plus exactement pareils... Enfin, il faut se réserver pour le dessert la nouvelle de Connie Willis, seule femme de ce recueil, qui a une écriture particulièrement brillante, qui sait aussi bien faire rire qu'émouvoir. C'est le rire qui l'emporte quand cette ancienne enseignante imagine un monde proche où le «politiquement correct», et la pression des multiples associations et organisations soucieuses de défendre leurs images, aboutissent à ce résultat que toute l'oeuvre de Shakespeare, expurgée sous peine de procès, se réduit finalement à quatre vers...
Enfin il faut signaler que dans sa copieuse introduction, Jacques
Sadoul montre l'importance du formidable développement depuis vingt ans de la fantasy, au détriment de la science-fiction classique. Mode ou nouveaux intérêts? Sadoul consacre aussi deux pages à évaluer l'impact d'Internet sur le genre.


Le cinquième volume de la série sera consacré à la SF française.

Contenu :
William
Gibson(1948), Gravé sur Chrome (1982)
Kim Stanley
Robinson (1952), Venise engloutie (1981)
Stephen
Baxter (1957), Au PVSH (1996)
Connie
Willis (1945), Ado 1993)
Ian
McDonald (1960), Frooks (1995)
Bruce
Sterling (1954), Maneki Neko (1998)
Dan
Simmons (1948), Le Styx coule à l'envers (1982)

La quatrième de couverture :
Visions de demain, d'un avenir trop proche... Un avenir dans lequel les pirates informatiques, hybrides cybernétiques de chair et de métal, commettent leurs méfaits dans des univers virtuels générés par des ordinateurs connectés en réseau.
Un avenir où la dictature du politiquement correct confine à l'absurde et met en péril l'éducation des jeunes générations.
Un avenir où l'intervention des Résurrectionnistes transforme peu à peu le monde en une vaste nécropole...
À l'aube du nouveau millénaire, la science-fiction doit faire face au plus important défi de son existence : continuer à penser le futur alors que les évolutions sociales, scientifiques et technologiques ne cessent de se précipiter et tendent à remettre en cause la capacité unique de cette littérature à prédire l'évolution du monde. Sept auteurs proposent ici leur réponse à ces nouveaux enjeux.

 

Textes d'auteurs, nouvelles

la nouvelle du trimestre :

Alain Delbe

Apocalypse

 

Denis Labbé

 Café du centre

 

Gilbert Millet

Un millardième

nouvelle illustrée par

Rózsa Tatár

 

Hugues Morin

 La petite blonde

au manteau

vert

 

 

Claude Seignolle

L'hostie

 

Sylvain Tavernier

Un truc

qui gratte

 

 

hiver 2001 : Jean-Marc Ligny, Mammy voit des ovnis

printemps 2002 : Patrick Sénécal, Nuit d'ancre

été 2002 : Alain Delbe, Le diable dans le beffroi

automne 2002 : Gilbert Millet, Poussière

 

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