Les
extraterrestres dans Dreamcatcher.
SÉDUCTIONS ET FAIBLESSES DU TERRIEN
"C'étaient
donc ça, les maîtres de l'univers que
tant de films nous avaient appris à redouter?
D'impitoyables conquérants qui voyageaient entre les
étoiles
mais ne savaient pas couler un bronze ou calculer un
pourboire?" (Dreamcatcher,
494)
Avec Dreamcatcher 1, King retrouve la science-fiction qu'il a
cultivée dans ses premières nouvelles, publiées
en fanzine 2, et son premier roman, jamais publié,
The
Aftermath, écrit en
même temps à seize ans que Rage
(1977). Il n'a fait qu'effleurer sans grande originalité le
genre dans d'autres nouvelles, comme Une sale grippe ou Comme une passerelle 3. Le thème de la fin du monde a été
utilisé dans Le Fléau 4. Le seul roman où King aurait pu aborder plus
à fond le genre a été Les Tommyknockers 5 , roman qui a été jugé
raté par la critique. On en avait conclu que la manière
de King n'était pas adaptée à la
science-fiction. Et voici le dernier essai avec Dreamcatcher, le plus réussi, encore que le roman,
hybride plus encore que Les Tommyknockers, participe de plusieurs genres.
. du site ..
Dans Les Tommyknockers, les extraterrestres ne participaient pas à
l'action et n'envahissaient pas la Terre. Ils appartenaient à
une civilisation d'ingénieurs plutôt que de
scientifiques, et même de bricoleurs plutôt que
d'ingénieurs. Ils n'étaient peut-être pas
stupides, mais paraissaient tels suivant les normes de l'intelligence
terrienne. En tous cas, on ne trouvait pas trace d'intelligences
supérieures, et on pouvait même se demander comment des
amateurs aussi farfelus avaient pu construire un vaisseau cosmique.
Une force mystérieuse s'exerce à partir de l'immense
engin, enfoui dans la propriété de Bobby Anderson, dont
elle prend peu à peu le contrôle. Des voix se font
entendre dans sa tête, et cette contagion s'étend au
village de Haven. Mentalement et physiquement, les habitants
deviennent des monstres d'outre-espace. Ce vaisseau, disposant d'une
volonté particulière et utilisant l'énergie
mentale des terriens, veut soudainement quitter la terre et rentrer
dans sa planète d'origine. Les tommyknockers venus avec le
vaisseau sont morts dans l'engin, et n'interviennent donc pas
directement dans l'action au contraire de Mr Gray, le Gris
télépathe et d'apparence indéterminée,
doué d'une forme d'intelligence supérieure.
Dreamcatcher
appartient à la famille des romans paranoïaques
d'irruption, consacrés à l'invasion de la Terre par des
extraterrestres. Mr Gray est présent pratiquement du
début à la fin du récit. Il dispose de pouvoirs
particuliers, auxquels s'opposeront, dans l'ambivalence
particulière à King, les parades et la ruse d'humains
prédisposés.
Un
extraterrestre à la biologie compliquée.
Les visiteurs de King sont
ambivalents dans leur présence imposée. On ne
connaît pas bien leurs intention, mais les températures
froides 6 les empêchent de vivre, comme leur mode de vie
parasitaire détruit les humains contaminés. King a
déjà utilisé le motif de la moisissure dans
Matière
grise 7, où un épicier constate que les billets
remis par un enfant sont couverts d'une "mousse grisâtre semblable à l'écume
qui se forme sur la confiture pendant la cuisson." (Danse
Macabre, 154). Elle provient d'une bouteille de
bière corrompue bue par son père alcoolique qui le
transforme peu à peu en une "gelée grise..., une vraie
bouillie."(158) et le métamorphose en "blob"
8. L'espèce de "moisissure rouge doré qui
poussait sur tous les arbres du secteur de l'opération Blue
Boy. et sur les gens" dans Dreamcatcher est
aussi un champignon, mais qui se transforme en autre chose qu'en
blob. Il a été baptisé par les techniciens "le
champignon Ripley" en s'inspirant de la "supernana que jouait Sigourney Weaver dans la
série des Alien. La plupart
d'entre eux étaient trop jeunes pour se souvenir des autres
cas de Ripley, ceux qui avaient contribué à la
chronique des INCROYABLE MAIS
VRAI de certains journaux.
INCROYABLE MAIS VRAI avait disparu, à présent; trop
dérangeant, sans doute, pour le politiquement correct du vingt
et unième siècle. Mais le nom convenait à la
situation, se dit Kurtz. Lui allait comme un gant. À
côté, les soeurs siamoises et les veaux à deux
têtes, dans l'ancienne revue Ripley's Believe it or
not, paraissaient pratiquement
des choses normales."
(238) On trouve là une allusion aux recueils de faits
et d'anecdotes étranges publiés en livre de poche :
Ripley's Believe
It or Not (Incroyable, mais vrai), que King lit avec fascination en
étant gamin. Il y trouve d'innombrables curiosités, des
faits merveilleux, mais aussi des monstres animaux ou humains, ces
aberrations tératologiques qui écoeurent ou effraient
les hommes depuis toujours : "C'est dans le Ripley's Believe It or No que j'ai
commencé à voir pour la première fois à
quel point pouvait être ténue la ligne qui sépare
le fabuleux de l'ordinaire, aussi que la juxtaposition des deux
faisait autant pour jeter une lueur nouvelle sur les aspects
ordinaires de la vie que pour éclairer ses manifestations les
plus aberrantes."
(Rêves &Cauchemars, 11)
Les
métamorphoses d'une moisissure.
La moisissure, la "saleté rouge" est nommé "byrus" un terme qui signifie
"terreau de
vie" (404), pour les
aliens, appelés "grisâtres" 9. Il s'attrape par contact ou par ingestion. Dans
certaines conditions, ces champignons peuvent faire pousser les
implants, les fouines-merde : "Elles naissent du byrus, mais se reproduisent ensuite en
pondant des oeufs. Elles se dispersent, pondent d'autres oeufs, et
ainsi de suite." Elles sont
saprophytes, des parasites gênant de notre point de vue, quand
elles ralentissent le développement des végétaux
(le mildiou des légumes ou arbustes), rendent malades les
animaux (le «muguet»), ou gâtent nos aliments. Mais
aussi bénéfiques, toujours de notre point de vue, quand
elles permettent de fabriquer des fromages ou fabriquer de la
pénicilline ou ses dérivés... Nous en
possédons des quantités dans notre organisme, explique
King 10 : "Nous offrons
le gîte au microbe, et il nous donne quelque chose en
échange. Dans le cas des bactéries des produits
laitiers, c'est une amélioration de la digestion. Ces fouines,
dans des circonstances normales - normales sur d'autres
planètes, je suppose, où l'écologie
diffère de la nôtre dans des proportions que je suis
bien incapable d'imaginer - atteignent une taille qui est celle d'une
petite pièce de monnaie, à peu près. Il semble
qu'elles peuvent interférer dans la reproduction, chez les
sujets femelles, mais elles ne tuent pas. En principe. Elles se
contentent de vivre dans les intestins. L'hôte donne de la
nourriture, elles offrent la télépathie. C'est le
marché d'habitude. Sauf qu'elles nous transforment aussi en
appareil de télé. Télégrisâtre,
c'est nous." (404) La
télépathie est en effet une caractéristique des
"grisâtres" 11.
King n'est pas plus précis. On
ne voit pas bien, à ce stade, quel est l'intérêt
des "grisâtres" dans l'installation de ce processus. Leur
survie? Sans doute. En quelques mots est évoqué
l'ensemencement effectué auparavant sans succès sur
d'autres planètes (384). Alors qu'un
terrien particulier est en contact avec un "grisâtre" dont il
tient les renseignements fournis plus haut, on ne sait rien de
précis sur la finalité du processus d'invasion.
Les fouines, à la queue de serpent particulièrement
redoutable, sont comparées aussi à des murènes,
se révèlent agressives et carnivores sur terre. Leurs
oeufs : "une centaine, sinon
davantage, d'une couleur orangée tirant sur le brun. Ils
avaient la taille de grosses billes et étaient enduits d'une
humeur visqueuse qui faisait penser à de la morve
sale." (275) 12 King, jamais en retard d'un détail horrible,
décrit même que, pas plus grosse qu'un poil dans les
oeufs translucides, les embryons "essayaient de foudroyer [un terrien] du
regard, avec leurs yeux pas plus gros que des têtes
d'épingles."
(276)... Ce terrien doit avoir une vue
particulièrement aiguisée...
On apprendra ultérieurement,
après tous les suspenses souhaités, que ce processus
n'est pas adapté aux conditions terrestres : "C'est en tout cas ainsi que ça doit
marcher, en théorie. Mais ici, les oeufs n'arrivent
pratiquement jamais à maturité. J'ignore si c'est le
froid, l'atmosphère, ou autre chose. Toujours est-il que dans
notre système écologique, il n'y a que le byrus qui
s'adapte." (406) Mais
après quelques jours, même le byrus lui-même
dépérit et disparaît.
Lié à l'invasion, un
objet et son symbole, qui reviendront en leitmotiv dans le livre, a
été trouvé avec le dreamcatcher
13, l'attrapeur de rêves, "un objet magique indien" accroché à une poutre du chalet de
chasse, constitué généralement d'une sorte de
rosace tissée en toile d'araignée à laquelle
sont suspendus des pendentifs : "En principe, il est là pour vous protéger
des cauchemars." (64) Le
dreamcatcher, comme les autres meubles, les tapis et le sol du chalet
sont couverts de la mousse de l'invasion : "Le plus désolant était peut-être de
voir l'espèce de toile d'araignée dorée qui
pendait au-dessus du tapis navajo, que Henry fixa quelques secondes
avant de comprendre qu'il s'agissait de
l'attrape-rêves.
(...) Une chose
était sûre : cette fois, l'attrape-rêves avait
pris un véritable cauchemar dans son filet." (270)
Une invasion
préparée.
Cela fait des années, selon King, que les grisâtres
cherchent le contact. L'un des personnages du récit qui a fait
des études universitaires de psychologie, se montre sceptique,
jouant le rôle classique que King fait toujours tenir aux
savants, qui ne croient ni aux OVNIs, ni aux monstres, pour fustiger
leurs prétentieuses certitudes : "Quand les idées hystériques ont-elles le
plus de chances de trouver créance? Une fois les
récoltes rentrées et le mauvais temps revenu, pardi.
Là, on a tout le temps de colporter des ragots et de faire du
mal. (...)
T'en fais pas, va, le monde
est plein de phénomènes bizarres." (94)
Apprenant l'invasion, il se
montre beau joueur : "On est
bien dans le cas de figure que tous ces crétins attendaient,
dit-il. Rencontre du troisième type Hé, du
quatrième ou du cinquième, tant qu'on y est.
Désolé de m'être payé ta tête, Pete.
Tu avais raison et j'avais tort. Bon Dieu, c'est encore pire que
ça : ce vieux chnoque de Gosselin avait raison et j'avais
tort! C'est bien la peine d'avoir été à
Harvard..." (292) Car
depuis des années déjà, des singularités
ont été remarquées dans la région, des
rumeurs ont couru de chasseurs disparus, de lumières dans le
ciel : "Avec quel entrain le
Grand Psychanalyste américain les avait rejetées, se
gaussant de l'hystérie sataniste qui avait secoué
l'État de Washington, de l'hystérie du Delaware,
où l'on s'était mis à voir des pédophiles
partout. Jouant les psy je-sais-tout sûrs de soi
côté façade, tandis que côté cour,
son esprit jouait avec l'idée de suicide comme un
bébé qui vient tout juste de découvrir ses
orteils dans son bain. Il avait tenu un discours parfaitement
plausible, une argumentation qui aurait été au point
pour n'importe quelle émission de télé voulant
consacrer soixante minutes à l'interface entre inconscient et
inconnu... mais les choses avaient changé. Il faisait à
présent partie des chasseurs manquants. Et, de plus, il avait
vu des choses que personne n'aurait trouvées sur Internet,
même avec le plus gros des moteurs de
recherche." (292)
Comme chaque automne, quatre amis d'enfance sont partis chasser dans
le nord du Maine. Ils se trouvent pour leur malheur dans le
périmètre atteint par les grisâtres. Ils
constatent divers phénomènes insolites, un chasseur
recueilli dans un état anormal, qui signale plusieurs de ses
amis disparus, des cercles lumineux intenses, croisant lentement dans
le ciel : "Henry sentit une
peur atavique l'envahir soudain." (105), celle qu'éprouvent les animaux qui
fuient la zone. Divers incidents trop nombreux à relever
apparaissent : l'extension du byrus, la naissance d'une fouine,
sortie du ventre d'un chasseur contaminé après son
incubation humaine, des dents perdues, les montres à pile
tournant à l'envers, puis s'arrêtant alors que les
montres à remontoir fonctionnent normalement, etc. Des
phénomènes télépathiques sont
éprouvés par tous. Un cas de possession psychique,
celui d'un enseignant, Jonesy, qui a eu il y a peu un accident de
voiture, qui le fait disposer d'un mental particulier
14. Il sera «habité» par un
grisâtre,M. Gray, qui occupe son corps sans maîtriser
toutes ses facultés mentales : "Jonesy est fan de films d'horreur, il a regardé
L'Intrusion des morts-vivants (...) et il ne se
fait pas d'illusions sur ce qui se passe. Son corps a
été envahi, et envahi des pieds à la tête,
en large et en travers"
estime son ami Henry. (315)
éditionhollandaise
Si le double Gray/Jonesy occupe une
place de choix dans le roman, ainsi que la télépathie,
certains de ces éléments seront vite abandonnés,
comme les faux-éclairs, éléments pittoresques
momentanés pour amateurs d'effets spéciaux, dont on ne
connaît pas bien le rôle, ni la fonction :
"La plupart sont maintenant
dispersés dans les bois. Ils se désintègrent
assez rapidement une fois qu'ils n'ont plus de jus. Ceux que nous
avons pu récupérer ont l'air de boîtes de
conserve sans étiquette. Étant donné leur
taille, ils font un sacré numéro, non?" (238) En tous cas,
ils impressionnent et font peur. Une fonction nous est un moment
proposée, celle de guide : "Jonesy vit une boule de lumière d'un jaune
très clair immobile en l'air, à trente
centimètres à peine au-dessus du sol. Elle les
attendait. Elle paraissait aussi chaude que la flamme qui sort de la
torche d'un soudeur, mais ce n'était qu'une illusion; sans
quoi la neige aurait fondu en-dessous." (323) Elle indique la direction du sud à
suivre par la motoneige de M. Gray./Jonesy : "C'est l'un des derniers, peut-être le
dernier" dit Gray. Il
épuise son énergie au bout d'une heure, pâlit,
puis s'éteint définitivement . Sa disparition
s'accompagne d'un petit bruit d'explosion, "comme celui d'un sac en papier rempli d'air qu'on
écrase." (325) La
réaction des humains est celle de l'effroi,
résumée par le hurlement d'une femme ("Ils reviennent! s'était
écriée Becky, comme la petite fille assise devant la
télé, dans le vieux film de Steven
Spielberg" 296 ).
L'appel : Ils sont de retour!, est associé depuis longtemps au
thème de l'invasion, et a servi au cours de l'histoire
à signaler toutes les agressions. Des centaines de personnes
fuient la zone où se trouvent les grisâtres,
bientôt bouclée par l'armée.
Les plus réfléchis se
posent les bonnes questions : "Qu'est-ce qu'ils veulent? Veulent-ils vraiment nous
faire du mal? Le vent que nous avons semé apporterait-il
aujourd'hui la tempête ? Qu'est-ce qui s'est passé lors
de toutes les rencontres précédentes, les ovnis, les
faux-éclairs, les chutes de cheveux d'ange et de
poussière rouge, les enlèvements qui avaient
débuté à la fin des années soixante, pour
que les puissances en place aient aussi peur?Avait-on
réellement essayé de communiquer avec ces
créatures?
Et la dernière question, la question la plus importante: les
grisâtres étaient-ils comme nous? Étaient-ils
humains d'une manière ou d'une autre ? S'agissait-il de
véritables assassinats?" (245)
Le premier engin venu de l'espace a été mis en
scène par King dans Les Tommyknockers, une soucoupe venue d'Altaïr 4 il y a 25.000 ans,
minutieusement décrite, y compris à l'intérieur.
On ne connaît pas l'origine du vaisseau spatial de Dreamcatcher. Vu d'hélicoptère, il se
présente comme une "plaque titanesque grise mesurant presque quatre cent
mètres de large, avait culbuté et arraché les
arbres morts au milieu du marécage." (247) Il est entouré d'une soixantaine de
grisâtres, qui n'ont pas l'air menaçants, souffrant du
froid et de l'atmosphère : "Les grisâtres, comme la moisissure qu'ils avaient
importée avec eux, avaient manifestement du mal à vivre
ici." (247)
La mise en quarantaine d'un vaste secteur par l'armée par
"précaution" est accompagnée d'un démenti sur le
danger réel. Les rumeurs étaient toutes fausses" et
"contradictoires" selon les déclarations officielles.
King une fois
encore contre la raison d'État.
La raison d'État est la mise en avant de considérations
d'intérêt supérieur par un gouvernement: la
sauvegarde de l'intérêt public est invoquée pour
prendre des mesures contraires à la loi et la justice,
à l'encontre en particulier des garanties de liberté
individuelle. La raison d'État est alléguée pour
justifier une action illégale ou injuste en matière
politique.
Voir le texte : LA RAISON D '
ÉTAT dans Charlie
La raison d'État entraîne comme conséquence le
secret d'État, qui interdit la divulgation d'informations
nuisibles aux intérêts généraux, entre
autres les secrets de défense nationale.
L'ambiguïté de la position de King dans ce roman vient de
ce qu'on ne connaît pas les intentions des grisâtres,
mais que leur seule présence entraîne des dommages pour
les humains, alors qu'ils sont peut-être pacifistes. Des
éléments dans le texte font état de cette
possibilité. Mais, pour régler la question tout en
laisant subsister le doute (King n'a pas tout à fait
oublié les bons sentiments de Steven Spielberg
15). King prendra appui sur la présence de Kurtz,
l'officier qui dirige l'opération militaire, pour
suggérer que le principe de précaution de
l'État, érigé en dogme, entraîne le
sadisme. Quand l'opération est lancée, les responsables
militaires et politiques savent qu'il y aura des morts : aussi bien
les grisâtres que les Américains se trouvant dans la
zone seront éliminés par les forces armées ou
les services spéciaux, puisqu'ils sont décidés,
sans avoir pu examiner la question, à éliminer d'avance
toutes sources de troubles, biologiques ou autres.
Henri, le psychiatre, survivant du quatuor d'amis avec Jonesy, le
professeur habité par un grisâtre, est le reflet de la
position de King : "Les choses
commencèrent à se mettre en place. Un objet
s'était posé ou s'était écrasé au
sol. La réaction du gouvernement des Etats-Unis avait
été d'envoyer l'armée. Expliquait-on au reste du
monde ce qui se passait? Probablement pas, ce n'était pas leur
genre, mais quelque chose lui disait que ça n'allait pas durer
longtemps." (292)
Henry sait qu'il y a environ 1.000 personnes dans la zone, et il ne
connaît pas leurs réactions.
Les grisâtres sont-ils dangereux? Pour ceux que leur mode de
reproduction sophistiqué a contaminés et tués,
c'est sans discussion. Mais King suggère qu'il suffisait
d'attendre patiemment que l'élimination des grisâtres se
fasse naturellement : "Savait-il autre chose? Pas impossible, et
peut-être plus que que savaient les types dans les
hélicoptères et les escouades chargées du
massacre." Il est pour lui
évident qu'ils croient avoir affaire à quelque chose de
contagieux, mais Henry ne pense pas pour son compte que ce soit aussi
dangereux qu'il y paraissait à première vue : "Le truc
se déclenchait, croissait... puis mourait. Même le
parasite qui s'était trouvé dans la femme était
mort.". Il formule l'hypothèse d'un crash accidentel et non
pas d'une invasion : "Les
lumières dans le ciel? Et les implants ? Pendant des
années, des gens avaient prétendu avoir
été enlevés par des extra-terrestres.; on les
aurait déshabillés... examinés... obligés
à recevoir des implants... des idées tellement
freudiennes qu'elles en étaient presque
risibles." (293)
Henry se retrouve dans le camp des troupes spéciales
américaines, éclairé par quantité de
projecteurs qu'il compare aux illuminations de l'armée qui lui
plaisent encore moins que les lumières qu'il avait vues dans
le ciel : "Voilà
comment ça devait être, autour des bases
aériennes entourant l'Irak, avant le déclenchement de
l'opération Tempête du Désert. (...)
Cela voulait-il dire que les
États-Unis d'Amérique venaient de déclarer la
guerre à des êtres venus d'un autre monde? Se
trouvait-il propulsé au milieu d'un roman de H.G. Wells? Il
sentit quelque chose se serrer brusquement et palpiter sous son
sternum." (294)
"Tous ces moteurs, toutes ces
génératrices paraissaient... affamés."
(296) On ne sait pas ce qu'apportent les extraterrestres,
mais les troupes spéciales n'ont pour fonction que d'apporter
la mort.
Le subordonné de Kurtz, qui a déjà
travaillé avec lui en Bosnie, est plus humain que son chef, et
ne souhaite pas leur élimination brutale, voudrait d'abord
connaître les intentions des extraterrestres : "S'ils devaient faire ce qu'ils
s'apprêtaient à faire, il voulait que les gars de Kurtz
(baptisés Skyhook en Bosnie, Blue Group ici, autrement le
prochain coup, mais c'était toujours les mêmes
têtes, jeunes, farouches) entendent les grisâtres une
dernière fois. Les voyageurs venus d'un autre système
stellaire, peut-être même d'un autre univers ou d'un
autre flux temporel, possesseurs d'un savoir qui échapperait
toujours à leurs hôtes (ce dont Kurtz se fichait).
Qu'ils entendent la clameur des grisâtres (...)
en appelant à ce qu'ils
avaient innocemment espéré être une meilleure
nature." (248) Mais
leur élimination se fait, brutale et totale, sans contact ni
dialogue, par les mitrailleuses des hélicoptères :
"Elles
déchiquetèrent les grisâtres qui s'étaient
avancés, bras levés. des membres étaient
arrachés aux corps rudimentaires, laissant échapper une
sorte de sève rosâtre. Les crânes explosaient
comme des grenades, aspergeant les autres et le vaisseau d'une
matière rougeâtre qui n'était pas du sang, mais
toujours la même moisissure, comme si les têtes
n'étaient pas vraiment des têtes mais des paniers
remplis d'une gadoue immonde. Plusieurs furent coupés en deux
à mi-corps et s'effondrèrent, les mains encore
levées en signe de reddition. Dès qu'ils touchaient le
sol, les corps gris prenaient des nuances d'un blanc sale et
paraissaient bouillir."
(258) Mais avant de mourir, ils font sauter leur vaisseau
spatial.
Le cycle
évolutif des grisâtres.
La description des grisâtres près de leur vaisseau est
la seule qui est faite. Ils ont les caractéristiques et
l'apparence conventionnelle des "Gris". Réalité ou
moyen de communication, sous une apparence que les Terriens
connaissent bien? Le seul extraterrestre vu par un homme l'est par
Jonesy, qui en sera habité, un homme gris qui a l'aspect sous
lequel Jonesy s'attendait à le voir : "Un étranger, qui n'était pas si
étrange que cela. Johnesy l'avait vu représenté
dans les centaines de séries télévisées
«fantastiques»
(...), dans des films
comme E. T., Rencontres du troisième type et Feu dans le ciel;
Mister Gray, l'équivalent majeur des X-Files." (204)
Mais cette forme n'est qu'une
apparence. Le procédé a déjà
été utilisé, notamment dans Ça, où l'entité se montre aux
hommes sous une des formes horribles la mieux adaptée à
leur imaginaire de peur, l'araignée par exemple, objet de
répulsion courant, dont Ça a pris l'apparence, en
subissant alors ses lois physiques et biologiques qui
régissent la vie de l'arachnéide.
Voir mon étude : LA COSMOGONIE
DE Ça.
L'extraterrestre est ainsi sans originalité aucune sur le plan
physique, l'image classique de l'humanoïde à la peau
grise ou terne, au corps malingre et aux membres fragiles :
"Toutes ces images avaient au
moins raison sur un point : les grands yeux noirs. Des yeux
exactement comme ceux de la saleté (...)
et une bouche fermée
qui se réduisait à une vague fente, rien de plus, mais
sa peau grisâtre pendait sur lui en replis mous, comme celle
d'un éléphant mourant de vieillesse. De ces replis
s'écoulait paresseusement une sorte de sécrétion
vaginale blanchâtre; la même substance sourdait comme des
larmes de ses yeux dépourvus d'expression." (204)
Ce grisâtre est maintenant le seul survivant de l'astronef. Sa
fonction serait "d'être
un dispositif pour apporter le byrus" sur une planète (408). Il ne vit
plus que sous forme d'esprit, en utilisant le corps de Jonesy. On le
reverra un moment sous cette forme dans une séquence onirique
se passant à l'hôpital (306/322). Il
mourra, de nouveau dans l'hôpital imaginaire de Jonesy sous la
même forme classique (648). Mais divers
éléments ont été utilisés pour le
pittoresque, faisant évoluer le germe initial du
végétal au grisâtre (dont la forme réelle
restera inconnue), par l'élément commun qu'est cette
mousse, sorte de "mildiou rosé et rougeâtre" qui
précède ou suit à la trace l'évolution.
L'animal reptilien, étape de la métamorphose est (ou
ressemble) à un animal carnivore, alors que Mr Gray se dit
végétarien : mais il se met à raffoler
ultérieurement de la viande.... Certains humains porteurs du
byrus développent, en quelques jours de gestation
pénible, l'animal de transition reptilien, que King a
orné de toutes sortes de caractéristiques fantaisistes.
Il a d'abord préparé cette naissance d'un festival de
pets et de rots, jamais développés avec cette ampleur
et cette quantité de détails nauséeux qu'il
adore comme un gamin aime le fécal.
Voir mon article : KING
TRIVIAL
Dans une puanteur violente "où se mêlaient l'huile de vidange,
l'éther et le méthane" la même odeur que les pets, la chose a
été expulsée dans la cuvette des toilettes par
un chasseur malade accueilli dans la cabane de chasse :
"La chose avait
été à l'intérieur de McCarthy, il n'y
avait pas le moindre doute. Elle s'était
développée dans son corps comme une sorte de
ténia géant dans un film d'horreur. Comme un cancer, un
cancer qui aurait eu des dents. Et sa croissance terminée, ou
suffisante, (...) elle
s'était ouvert un passage avec ses dents." (202) Le mot
"cancer" est utilisé plusieurs fois par King lors du processus
d'accouchement qui sera répété : l'amateur
attentif de King se souvient qu'avant la fin de la rédaction
du livre, le titre provisoire donné était "cancer".
L'épouse de King, Tabitha, trouvant ce titre "laid"
et une "invitation à la
malchance" King l'a
changé lors de la publication. La bête apparaît
comme "un ver
géant" (197) ou
une sorte de "fouine
monstrueuse, sans pattes, mais dotée d'une queue dorée
tirant sur le rouge. La bête n'avait pas de tête, rien
qu'un nodule poisseux troué de deux yeux noirs fiévreux
qui le fixaient." La queue
est "lisse et sans poil sur le
dessus, mais épineuse dessous, comme si elle était
tapissée de crochets faits d'amas chitineux." (198),
"préhensile". La bête est agressive : "La partie inférieure du nodule se
fendit en deux, laissant apparaître une nichée de crocs.
La bête frappa en coup de fouet comme un serpent, nodule en
avant, sa queue glabre agrippée au jambage de la
porte." (198) Elle
tue facilement l'être humain agressé. (199)
Un autre humain est agressé par la bête :
"Il s'empara de quelque chose
qui lui fit l'effet d'une gelée froide et couverte de
fourrure (...).
Pete put juste voir un bref
moment deux yeux noirs sans expression - des yeux de requin, des yeux
d'aigle - avant qu'elle enfonce sa pelote de dents-aiguilles dans la
main qui avait voulu la saisir et qu'elle entreprit de
déchiqueter."
(221) King joue ainsi sur une apparence polymorphe
empruntée au bestiaire symbolique de la terreur : les
comparaisons avec le serpent antique, le symbole du mal biblique (il
n'a pas de membre, mord, est ovipare), ou le mammifère
carnassier. Le terme utilisé dans le roman sera "fouine" mais
les connotations resteront chtoniennes, opposées donc à
l'idée de l'espace aérien d'où viennent les
extraterrestres.
Deux modes de reproduction sont ainsi
proposés. Du végétal à l'animal, avec un
processus rapide : le byrus peut, dans certaines conditions, germer
dans l'être humain et donner une "fouine". De l'animal à
l'animal : la fouine peut pondre des oeufs
(parthénogénèse, occasionnelle chez certains
reptiles), avec un processus d'incubation très rapide,
d'où naîtront d'autres fouines, utilisant alors le mode
de reproduction animal que nous connaissons. Le tout dans les
conditions favorables, qui paraissent être l'humidité et
la chaleur. On ne connaît trop le temps d'incubation des
fouines, ou du cycle reproductf de l'animal sur la planète
d'origine ou d'autres planètes : "Toujours, ils remodelaient à leur image les
mondes dans lesquels ils débarquaient. C'était ainsi
qu'il en avait toujours été, c'était ainsi que
les choses devaient toujours se passer. Mais à
présent..."
(384)
L'action sur
les humains.
Physiquement, King n'a pas innové par rapport à
Les
Tommyknockers. L'arrivée
des extraterrestres produit les mêmes effets physiques :
hémorragies et perte des dents, à quoi il faut rajouter
l'infection immédiate des blessures et pour certains des
manifestations cutanées. Même effet psychologique : les
hommes infectés ou proches des extraterrestres (y compris de
l'humain cultivant sa fouine) deviennent télépathes. Un
seul cas de possession intervient, puisqu'il ne reste plus
opportunément qu'un seul extraterrestre vivant après
leur extermination. Il concernera un personnage central, Jonesy, qui
a rencontré, l'extraterrestre mourant. Sa tête explose
et il "en surgit un nuage
rouge-orangé de particules empestant l'éther. Jonesy
les inhala." (205)
À partir de cet instant, Jonesy est "possédé"
par Mr. Gray qui occupe son corps, mais il parviendra, comme Seth
vis-à-vis de Tak dans Les Régulateurs 16, à se conserver une partie de son imaginaire. En
jouant sur les données de son esprit, celles
possédées par Mr Gray et celles qui lui sont
cachées, il parvient à se réserver, comme Seth,
une certaine autonomie qui lui permet de l'emporter sur
l'extraterrestre.17
Une deuxième manifestation est spectaculaire, mais ne dure que
quelques pages dans le récit, et ces impressions ne seront pas
reprises ultérieurement. Elle concerne le déplacement
de Mr Gray/Jonesy sur le motoneige, perçu par Henri, à
l'imaginaire également développé au cours de son
enfance, et dont le roman fait état. On se sait trop ce que
ces impressions doivent à la fatigue d'Henry, qui vient de
parcourir un bon bout de chemin en courant difficilement sur une
route enneigée, ou à l'atmosphère
inquiétante dans laquelle il se trouve : "Quelque chose de nouveau rôdait juste
devant le seuil de sa conscience (...), mais la
chose venait de faire irruption en poussant un cri
épouvantable, exigeant d'être reconnue." (172) Cri
réel? Imaginé? Suivi d'une vision : "Il y a un nuage... une sorte de nuage... je ne
puis dire de quoi il s'agit au juste, mais je le sens... je n'ai
jamais rien ressenti aussi clairement de toute ma
vie. (...)
Il y a un film d'horreur dans
le nuage, de ceux qu'aime Jonesy. Les films d'horreur." C'était le "nuage rouge-noir avec le film qu'il contenait,
une énergie noire terrible qui se précipitait vers
lui." (172)
Les peurs de son enfance se réveillent (173), ce qui laisse
supposer que l'esprit d'Henry est fortement perturbé, ou
victime d'une sensibilité particulièrement
exacerbée par les circonstances : "Toutes ces choses étaient contenues dans le nuage
rouge-noir qui se précipitait sur lui comme le cheval de
l'Apocalypse, toutes ces choses et d'autres encore. Toutes les
mauvaises choses qu'il avait entrevues se dirigeaient à
présent vers lui.
(...) Non pas la mort,
mais pire que la mort. C'était Mister Gray." (173) Il est
significatif qu'Henry, marqué par la mythologie contemporaine,
y voit, comme Jonesy, Mister Gray.
Cette vision d'un personnage pourtant standard du thème de
l'invasion de la terre s'accompagne d'images qui sont celles de la
plupart des guerres terrestres : "Henry se mit à gémir d'impuissance tandis
que se rapprochaient les ténèbres. On aurait dit
qu'elles envahissaient son esprit comme une éclipse, le
privant de toutes les pensées et les remplaçant par des
images terribles (...)
: des corps
décharnés et des yeux fixes derrière des
barbelés, des femmes écorchées, des hommes
pendus. Un moment, le monde tel qu'il le comprenait parut se mettre
à l'envers, se retourner comme une poche, et il prit
conscience que tout était contaminé... ou pouvait
l'être. Absolument tout." (175) On ne sait trop comment ont été
provoquées ces visions qui font pleurer Henry.
édition finlandaise
Original : un
extraterrestre entre le rationnel et le dionysiaque.
De
l'hostilité aux émotions...
À ma connaissance, aucun auteur n'a consacré autant de
place à montrer quelles tentations notre société
de consommation pouvait exercer sur un extraterrestre. Que leurs
intentions soient bonnes ou mauvaises, la venue des Grisâtres
ne s'est traduite dans les faits que par des morts, humains comme
extraterrestres, les uns les autres s'infligeant la mort
mutuellement. Bien sûr, King essaie de faire un distinguo : il
n'est pas certain que les Grisâtres voulaient nous nuire, alors
que les militaires avaient pour mission de les exterminer - en
même temps que bon nombre des leurs, civils ou militaires. Il
est intéressant de constater que, dans ce roman, King ne
manifeste pas son manichéisme habituel, une entité
entièrement maléfique contre un groupe ou un sauveur
voués au Bien. Certes, Mr Gray a la mission de propager son
espèce, ce qui ne peut se faire qu'au détriment des
humains. C'est une loi biologique, occuper le plus d'espace possible,
presque toujours au détriment des autres, le moteur de
l'évolution. Mais cet envahisseur, champignon pensant qui
paraît manifester une rationalité
particulière
"créature à peu
près dépourvue d'émotions appartenant à
une espèce à peu près dépourvue
d'émotions"
(384), découvre la sensibilité humaine à
l'égard de laquelle ses réactions sont d'abord faites
d'incompréhension : "Ni
enfance, ni ami n'étaient des termes ayant une
résonance affective pour Mr Gray, même s'il comprenait
ce qu'ils signifiaient."
(378) Sa cohabitation avec Jonesy ne le satisfait pas :
"Avoir ce mutiné
barricadé tout au fond de ce qui aurait dû être
l'esprit de Mr Gray, et de Mr Gray seul, devenait de plus en plus
irritant. Pour commencer, il n'aimait pas ces appellations, Mr Gray,
grisâtre; ce n'était pas ainsi qu'il se voyait, et
encore moins ainsi qu'il voyait l'espèce mentale à
laquelle il appartenait; il n'aimait pas davantage penser à
lui-même au masculin, car il était les deux sexes, ou
plutôt aucun. Il se trouvait cependant emprisonné dans
ces concepts et le resterait tant que le noyau dur de Jonesy n'aurait
pas été cassé et digéré. Une
pensée terrible lui vint à l'esprit: et si
c'était ses concepts à lui qui n'avaient aucun sens? Il
avait horreur de se trouver dans cette situation." (380)
Sans comprendre comment c'est arrivé, il se laisse peu
à peu submerger par les sentiments du corps de Jonesy. Lors
d'une contestation avec la partie rétive du cerveau de son
hôte, il pique une crise de rage, alors que Mr Gray/Jonesy
conduit : "Mr Gray martelait
le volant, ayant cette décharge affective en horreur
(...), mais y prenant aussi plaisir. Prenant plaisir à
entendre l'avertisseur quand il le frappait avec les poings de
Jonesy, prenant plaisir aux battements du sang de Jonesy dans les
tempes de Jonesy, prenant plaisir à la manière dont le
coeur de Jonesy battait plus fort, au son de la voix de Jonesy
hurlant : «Espèce de branleur, espèce de
branleur!» comme s'il n'allait jamais s'arrêter.
Même au milieu de sa rage, une partie de lui-même ayant
gardé son sang-froid comprenait où résidait le
vrai danger pour lui. (...)
Il m'arrive quelque chose, se
dit Mr Gray, conscient, au moment même où il se la
formulait, que cette pensée était fondamentalement
«jonesienne». Je commence à devenir humain.
Le fait que cette idée n'était pas sans attrait remplit
Mr Gray d'horreur."
(384)
Examinant les informations stockées dans le mémoire de
Jonesy, Mr Gray s'étonne que pour une créature qu'il
estime posséder des ressources réflexives
limitées, Jonesy dispose de capacités d'archivage
exceptionnelles : "Question
académique, à remettre à plus tard: pourquoi des
êtres aussi peu doués intellectuellement avaient-ils une
telle mémoire? Cela avait-il un rapport avec leur structure
émotionnelle surdimensionnée? Et ces émotions
s'étaient dérangeantes. Il trouvait celles de Jonesy
très dérangeantes. Toujours là. Toujours
prêtes à jaillir. Et il y en avait tellement!
«Guerre... famine... nettoyage ethnique... tuer pour faire la
paix... massacrer les païens au nom de Jésus... Les
homosexuels battus à mort... des microbes dans des conteneurs,
ces conteneurs placés au sommet de missiles pointés sur
toutes les grandes villes du monde..." (379) Cette
confusion mentale le remplit d'abord d'horreur.
au goût
pour les "nourritures terrestres".
18 .
Mr Gray habite Jonesy, mais méprise d'abord son corps, qui
n'est pour lui qu'une enveloppe sans importance 19. Entre autres, il ignore la faim de Jonesy,
ou le froid qui le transit Jonesy : "Pourquoi s'en serait-il soucié, d'ailleurs?
Jonesy était un véhicule de bas de gamme : il pouvait
le brutaliser autant qu'il le voulait." (430) Mais peu à peu des changements
s'opèrent en lui, que King seul, partagé depuis
toujours entre l'apollinien et le dionysiaque pouvait mettre en
scène : "En
dépit des efforts qu'il déployait pour se retenir, Mr
Gray se gavait de la chimie émotionnelle de
Jonesy." (429) Voir
mon étude sur ce conflit.
Mr Gray se rend compte que finalement, les hommes ne sont pas si
désagréables à vivre. Certainement pas gourmet,
Mr Gray se découvre gourmand, ce qui causera
ultérieurement sa perte. Jonesy a déjà
tenté de le séduire, espérant
«civiliser» l'extraterrestre :"Vous êtes déjà à
moitié humain; pourquoi ne pas le devenir entièrement?
Quelque chose me dit que nous pourrions cohabiter. Je vous montrerai
tout. La crème glacée, c'est délicieux. la
bière, c'est encore meilleur. (...) Il
soupçonna Mr Gray d'être tenté, comme seule
pouvait l'être une créature fondamentalement
dépourvue de forme à qui l'on en propose une - un
marché sorti tout droit d'un conte de
fées." (441)
Tenté, mais pas suffisamment encore. Contraint par Jonesy
d'aller se substanter dans un relais routier, Mr Gray doit puiser
dans les fichiers du cerveau du corps qu'il occupe les informations
nécessaires pour comprendre le sens du menu, la fonction des
couverts, etc. : "Mr Gray ne
savait même pas ce qu'était le goût (des aliments)
Comment aurait-il pu? Quand on y regardait de près, il
n'était rien d'autre qu'un champignon doté d'un QI
élevé."
(490) Il adore la nourriture. Mr Gray avait dit à
Jonesy que les Grisâtres étaient
végétariens (même si la fouine est cependant
carnivore et il découvre le plaisir de la chair dans la
chère : "On aurait
presque cru entendre la voix de la créature venue d'ailleurs,
dans quelque nanar datant des années trente. De la chair! De
la chair! C'est le goût de la chair!
Très drôle... mais peut-être pas si drôle
que ça, au fait. Un peu horrible, aussi. Les croassements d'un
vampire fraîchement converti." (492)
Mr Gray/Jonesy ne pourra pas s'empêcher de goûter
à la gastronomie américaine (du bacon et du faux sirop
d'érable!) une deuxième fois, ce qui le rendra malade,
le retardera et donnera à ses poursuivants terrestres la
possibilité de le rejoindre. Jonesy se fait la
réflexion qu'il devait "sans doute savoir, à présent, ce qu'avait
ressenti Satan quand il avait emporté Jésus en haut de
la montagne pour le soumettre à la tentation de tous les
attraits de la terre."
(493)
Le rire est le propre de
l'homme.
"Pour ce que rire est le
propre de l'homme" suivant la
formule de Rabelais dans l'Avis aux lecteurs de Gargantua, Mr Gray ignore ce que c'est que le rire.
À un moment, le corps habité de Jonesy éclate de
rire : "Pourquoi faites-vous
ça? Pourquoi faites-vous ce bruit?
Jonesy prit conscience d'une chose stupéfiante, à la
fois touchante et terrifiante : Mr Gray souriait avec sa bouche. Pas
beaucoup, juste un petit peu, mais c'était un sourire. Il n'a
aucune idée de ce que c'est que rire, pensa-t-il. Certes, il
n'avait pas su non plus ce qu'était la colère, mais il
avait montré qu'il pouvait apprendre remarquablement vite; il
était à présent capable de piquer sa crise comme
n'importe qui." Jonesy lui
dit qu'une situation lui avait parue comique, mais que peut bien
signifier le mot pour un extraterrestre? Jonesy est embarrassé
: "Il souhaitait que Mr Gray
éprouve toute la gamme des émotions humaines,
soupçonnant qu'humaniser cet usurpateur allait peut-être
se révéler, en fin de compte, sa seule chance de
survie. (...)
Mais comment explique-t-on le
concept de comique à un ramassis de moisissures
débarquées d'un autre univers? Et qu'y avait-il de
comique à ce que les Prés Secs se proclament le
meilleur relais routier du monde?" (480)
Mr Gray ne comprend pas de quoi il est question, rumine. La
plaisanterie des habitués du coin est d'appeler le restaurant
routier (les Prés Secs) les Pets Secs, ainsi que le nomme
habituellement Jonesy. Jonesy lui explique que c'est une tradition,
que son père l'appelait aussi comme ça :
"Et c'est comique?
Plus ou moins. C'est un jeu de mots, un calembour, exactement,
basé sur une similitude de sons. Les calembours sont la forme
la plus primaire de l'humour." (481)
Élève obéissant, Mr Gray essaie de rire, sans
grand succès : "Jonesy
frissonna. C'était un son qui fichait les boules. On aurait
dit un fantôme essayant de se rappeler comment être
humain." (482)
On notera que les références de Jonesy, grand amateur
de films d'horreur, l'amènent naturellement à
symboliser l' «autre», l'alien, l'extraterrestres, par les
mots qui désignent les «autres», surnaturels
ceux-là : vampire à propose de la nourriture,
fantôme à propos du rire. Puisque les fantômes
rient aussi, paraît-il, autant chercher une cause...
De la pudeur
des entités ou des extraterrestres Kingiens..
Le lecteur que rappelle que King a déjà utilisé
dans Les
Régulateurs
l'excrétion et et les vécés comme le point
faible du démon Tak, qui occupe le corps de Seth, comme Mr
Gray occupe le corps de Jonesy. Tak a horreur d'être dans Seth
quand son hôte "se
soulage les boyaux" acte
qu'il trouve "dégoûtant" : "Dans les
toilettes adjacentes à la cuisine, il entend le garçon.
Le garçon émet des grognements porcins que Tak en est
venu à associer avec la fonction d'excrétion; pour lui,
même ces bruits sont révoltants et l'acte lui-même
avec ses contractions et ses sensations de glissement, d'expulsion
incontrôlable est hideux" (71).
De même, dans Dreamcatcher, Mr
Gray, qui semble tout ignorer de notre fonctionnement physiologique,
ne prend pas le même intérêt à
l'excrétion qu'à l'ingestion : "Mr Gray prenait plaisir à s'enivrer des
émotions humaines, Mr. Graty prenait plaisir à la
nourriture des humains, mais Mr Gray ne prenait aucun plaisir
à soulager les intestins de Jonesy. Il refusa de jeter le
moindre coup d'oeil au sous-produit de sa digestion et se contenta de
relever son pantalon."
(520) sans s'essuyer ni se laver les mains.
Exploitant jusqu'à la nausée cette idée qui
semble faire partie d'un blocage psychologique, King ne nous passe
rien des conséquences d'une monstrueuse ingestion de Bacon,
petite gourmandise que Mr Gray s'offre pour la deuxième fois,
suivie de ses conséquences attendues : vomissements et surtout
l'évacuation de "ce qui
bouillonnait dans les entrailles de Jonesy" diarrhée répétitive, tantôt
sur le bas côté de l'autoroute, une fois dans les
toilettes d'une station service : "Un panneau, devant la station-service, annonçait
fièrement : ESSENCE PAS CHÈRE
- TOILETTES PROPRES; cette
information devint caduque après le départ de Mr
Gray." (615)
Le goût
de meurtre.
Contrôlé par un policier, Mr Gray, à l'imitation
de Tak dans Désolation 20, lui pénètre l'esprit et l'oblige
à se frapper la tête sur un mur jusqu'à la mort.
Il puise ensuite dans la mémoire de Jonesy ses connaissances
en matière de dissimulation ou d'élimination des
cadavres : "Il était
bien tombé, il faut le dire, sur un filon. Passionné
depuis longtemps de films d'horreur, de polars et de suspense divers,
Jonesy était, si on peut dire, un expert. (...)
Voir mon étude KING ENFANT ET LE
CINÉMA dans Ça
Une partie de l'esprit de Jonesy
faisait repasser le traitement subi par le cadavre de Freddy Miles
dans Monsieur
Ripley - dans le roman de
Patricia Highsmith
21" De
multiples scènes de meurtres se succèdent ainsi,
donnant à Mr Gray une vue très originale sur les
goûts profonds des humains, au point que Jonesy en
a "le tournis.
(...) Ce n'était pas le pire cependant. Avec
l'aide de Jonesy, ce surdoué de Mr Gray venait de
découvrir quelque chose qui lui procurait plus de plaisir que
le bacon bien grillé, plus encore que de se régaler
d'une crise de rage.
Il venait de découvrir les joies de
l'assassinat." (523)
Jonesy se rend compte que Mr Gray veut changer de véhicule, au
prix d'un meurtre éventuellement, ce qui "n'était pas un problème pour cet
envahisseur de plus en plus humain." (525). et poussant sa réflexion plus loin,
il se rend compte qu'il a participé au meurtre
précédent, qui a fait disparaître
momentanément sa fatigue "à grandes giclées
d'endomorphines". Participant
obligé, mais responsable : "Pas seulement du fait de son savoir-faire en
matière de dissimulations sanguinaires du Ça, sous le
glaçage caramélisé du «c'est pas
vrai». (...)
C'était lui le
moteur.
Nous méritons peut-être d'être annihilés,
pensa Jonesy. (...)
Peut-être
méritons-nous d'être transformés en un nuage de
spores emportés par le vent. Ce serait peut-être un
mieux." (523/4)
Réflexion d'autant plus juste que Mr Gray, à la
réflexion, juge son maître trop peu avancé dans
l' "humain".
L'apprenti
sorcier.
Bénéficiant de la mémoire de Jonesy et en
faisant le tour à la vitesse de la lumière, Mr Gray
estime que Jonesy n'est pas un humain en forme pour un homme de son
âge : "Cela tenait en
partie à son accident, mais aussi à son travail.
C'était un «intellectuel»". Il semble à Mr Gray, décidément
fort tenté par les joies terrestres, qu'il a largement
ignoré les aspects les plus physiques de la vie, ce que
déplore ce débutant prometteur : "Ces créatures étaient
composées à soixante pour cent d'émotions,
à trente pour cent de sensations, et à dix pour cent de
pensées (et en disant dix pour cent, Mr Gray s'estimait
généreux). Ignorer son corps comme l'avait fait Jonesy,
voilà qui relevait de l'entêtement, sinon de la
bêtise, aux yeux de Mr Gray. Mais évidemment, ce
n'était pas son problème. Ni celui de Jonesy,
d'ailleurs. Ou ne l'était plus. Jonesy
bénéficiait maintenant, en apparence, de ce qu'il avait
toujours voulu: être un pur esprit. À en juger par ses
réactions, ce n'était pas un état qui
l'inspirait beaucoup depuis qu'il y était
parvenu." (562) (L'ancien Jonesy n'habite plus son corps, sa
personnalité s'étant réfugiée dans une
partie de son esprit où elle ne vit que par son
imaginaire).
Mr Gray se rend compte qu'il est affligé lui aussi d'un virus,
du "byrus" propre à la Terre, qui commence par des
émotions, puis l'éveil des sens : "Le goût de la nourriture, le plaisir
sauvage et incontestable qu'il avait pris à obliger le tropper
à se cogner la tête contre le mur des toilettes, ce son
creux, beum-beum, pour arriver à de que Jonesy appelait la
pensée supérieure. C'était une plaisanterie, du
point de vue de Mr Gray, dans le même esprit qu'appeler la
merde «nourriture recyclée» et un génocide
«nettoyage ethnique». Et néanmoins, la pensée
avait des attraits pour un être qui avait toujours
existé en tant que partie d'un esprit végétatif,
une sorte de non-conscience hautement intelligente." (598)
Par intérêt personnel, solution d'attente, Jonesy lui a
suggéré à diverses reprises d'abandonner sa
mission et de se contenter de jouir de son nouvel état
d'être humain. Mr Gray découvre maintenant que ce
désir lui est devenu personnel, qu'il l'a
intégré. Son ancien esprit était harmonieux,
mais il commence "à se
fragmenter, à se transformer en un choeur de voix
discordantes, certaines voulant A, d'autres B, d'autres Q au
carré et divisé par Z. Il aurait cru une telle
cacophonie horrible, une recette pour devenir fou. Au lieu de cela,
il se rendait compte qu'il y prenait plaisir.
Il y avait le bacon. Il y avait « faire l'amour avec Carla
», ce qui, dans l'esprit de Jonesy, était se livrer
à une activité superlativement jouissive, une
fête des sens accompagnée d'émotions intenses. Il
y avait le plaisir de conduire vite, etc." (598)
Mr Gray redécouvre le sens du choix humain, le partage entre
le plaisir et le devoir. Il peut suivre la suggestion de Jonesy, qui
n'est pas sans attraits. Mais il y a aussi sa mission, ensemencer un
monde nouveau. Il peut l'abandonner, et se contenter de jouir de la
vie sur terre. D'autant plus que son esprit est constamment
balayé par des formules dont il a trouvé le sens dans
la mémoire de Jonesy : "Un «slogan». Les slogans étaient des
formules simples, allant directement à l'essentiel. La plus
récente était : LE BACON
N'EST QUE LE COMMENCEMENT. Et Mr
Gray était sûr que c'était vrai :
(...) Il avait compris
que la vie, ici-bas, était tout à fait
délicieuse. Mais l'impératif qui le poussait
était profond et définitif: il devait ensemencer ce
monde et mourir. Et s'il se tapait un peu de bacon en cours de route,
tant mieux pour lui."
(564)
Le contact de ceux de son monde, celui du byrum du chien à
côté de lui qui en est atteint ne lui donne plus de
satisfaction : "Il
n'éprouvait aucun plaisir à rencontrer cet esprit, il
ne ressentait rien de la chaleur qui naît de la rencontre du
même avec le même. L'esprit du byrum lui donnait une
impression de froid... de rance." (599)
Mais conditionné par sa mission, Mr Gray la poursuit dans la
contrariété, ralentissant son cours par la
dualité qu'il doit satisfaire en lui, à défaut
de pouvoir la surmonter. Son cas cornélien doit être
unique, pour un extraterrestre, dans les annales de la
science-fiction.
Avec ce roman, King ajoute un
élément au vaste catalogue des êtres venus
d'ailleurs, celui du Gris qui passe de la rationalité au
dionysiaque exercice des dispositions humaines. Mr Gray
découvre avec ravissement ce qui est objet de tentation pour
King depuis son enfance. Une bonne partie de sa vie, King a
vécu dans l'excès, mangeant beaucoup, buvant trop,
fumant sans pouvoir s'arrêter. Sa convivialité
s'appuiyait sur le pack de bouteilles de bière... Il a
maintenant su renoncer ou modérer ses plaisirs, et on devine
avec quels regrets. Mais son amour de la vie se traduit par le
désir dionysiaque de peindre intensément les divers
aspects les plus jouissifs de l'existence : "Ces sous-diacres autopromus de l'Église
de la Littérature américaine réformée
semblent considérer la générosité avec
suspicion, la matière charnue avec
dégoût"
écrit-il dans l'introduction de Rêves et Cauchemars
22. Nul doute que ces critiques apprécieront
à sa juste valeur le festival de pets, de rots et d'odeurs qui
parfument le livre...
Ce roman est aussi révélateur de sa défiance
à l'égard de la rationalité, jugée
réductrice, au profit du vécu, du senti et de l'humain,
dont il déplore les excès. La lucidité de King
à l'égard des malheurs du monde le conduit à une
ambiguïté qui se révèle plus riche en
possibilités que le manichéisme simpliste dont il a
fait longtemps preuve. La conduite de l'extraterrestre et du
militaire Kurt sont du même ordre : tuer pour remplir sa
mission. Mais là où un extraterrestre se montre
sensible aux plaisirs humains, un bourreau psychopathe comme Kurt ne
veut satisfaire que son sadisme et sa volonté de puissance,
sans goûter à la vie. Finalement, l'extraterrestre est
dans ce roman comme le monstre dans d'autres oeuvres : un
révélateur de notre propre nature.
Il a fallu à King, sortant
d'un accident qui a mis son talent en péril, une audace
remarquable pour reprendre bon nombre des notions et des effets les
plus éculés de la science-fiction, ainsi que beaucoup
d'idées qu'il avait déjà mises en scène
antérieurement, et pour réussir, avec ces
éléments, à faire un récit qui se lit
sans lassitude, en dépit de sa longueur. Mêlant
fantastique et science-fiction, ce roman attrape-rêves s'amuse
avec brio à manier les codes du genre, parfois rigolard devant
l'abondance des références d'un cerveau encombré
de références romanesques et cinématographiques
qui a son équivalent dans celui de Jonesy. Mêlant aussi
les séquelles de l'accident, de l'hôpital, de la
tentation du suicide, de sa hargne contre l'agression, de la place de
l'amitié, et beaucoup de tendresse pour l'exclusion, ce
récit causera des difficultés aux spécialistes
qui auront bien du mal à le classer. D'autant qu'il
témoignait, en plus, quand il a été écrit
juste après son accident (de novembre 1999 à mai 2001),
d'une singulière prescience de la mentalité qui serait
celle des Américains après les attentats de septembre
2001, ce qui explique le succès du livre. King nous annonce
dans son roman d'autres malheurs possibles, en s'appuyant sur nos
peurs d'aujourd'hui pour anticiper les peurs de demain
23. Que la vie serait belle si la part des
ténèbres était moins exigeante...
Roland Ernould © mars
2002.
Notes :
1 Dreamcatcher
(Dreamcatcher). Première
publication : 2001. Édition fr. Albin Michel 2002.
2 8 nouvelles parues dans le fanzine publié par
King lui-même et son copain de classe Chris Chesley, à
sa propre «maison d'édition» : Triad Publishing
Company, 1960. Il a alors 13 ans. King aurait retrouvé une
autre nouvelle de cette époque, publiée dans les
mêmes conditions en 1964, Stars
Invaders.
3 Une sale
grippe (Night Surf).
Première publication : 1969. Texte revu : 1974. Dans le
recueil Danse Macabre. Comme une
passerelle (I am the Doorway).
Première publication : mars 1971. Dans le recueil
Danse Macabre (Night
Shift).
4 Le
Fléau. Création : 1975/8,
Première publication : 1978. Première édition.
fr. Alta, 1981. The Stand, the Complete
& Uncut Edition, version
complète revue 1988/9. Postface oct. 1989. Publication : 1990.
Édition. fr. Lattès 1991.
5 Les
Tommyknockers (The Tommyknockers).
Première publication : 1987. Édition fr. Albin Michel
1989.
6 Question : pourquoi débarquer en plein hiver, et
non en été? "Les
grisâtres ont de gros problèmes sur notre
planète. C'est sans doute pour cette raison qu'ils ont attendu
aussi longtemps - un demi-siècle - avant de se décider
à agir." (406)
7 Matière
grise (Gray Matter).Première publication : 1973. Fait partie du
recueil Danse macabre (Night
Shift), 20 nouvelles. Première
publication : 1978. Édition fr. Alta, 1980.
8 The Blob, réalisateur : Irvin S. Yeaworth, 1958;
Beware! The Blob, réalisateur : Lary Harry Hagman, 1972. Il
arrive que le blob soit carnivore (Anatomie de l'horreur,
240).
9 Mais surtout pas astronègres... L'armée
se propose de les exterminer, mais le règlement militaire
interdit l'injure raciste : "L'emploi
d'épithètes inappropriées, que ce soit pour des
raisons raciales, ethniques ou de genre, est contre-productif pour le
moral des troupes et est contraire au protocole du service
armé. Quand leur usage est avéré, leur
utilisateur passera immédiatement en cour martiale ou sera
puni sur-le-champ par l'autorité responsab1e des
opérations." 341.
10 King donne l'exemple de bactéries qui vivent
dans notre système digestif, dans nos intestins par exemple,
et que nous renouvelons lorsque "nous en
avalons délibérément lorsque nous consommons des
produits laitiers, laits caillés ou yaourts, par
exemple." (404).
11 J'ai en préparation une étude sur la
télépathie chez King.
12 Ça vient aussi d'un lointain espace, et son
avatar "araignée" pond des oeufs. Ça (It). Première
publication : 1986. Édition fr. Albin Michel 1988.
13 Ce nom a été donné au roman devant
l'hostilité de l'épouse de King, Tabitha, au premier
titre, Cancer.
14 La possession» sera utilisée plusieurs fois
momentanément par Mr Gray : un militaire conduisant un
véhicule, un serveur qui prête sa voiture, un policier
qui se frappe la tête contre un mur.
15 Dans le film Rencontres du
3ème type (1977), le
réalisateur Steven Spielberg, propose un extraterrestre qui
veut établir un contact avec les hommes et les avertir qu'ils
sont sur le point de se suicider collectivement. Il souhaiterait les
sauver de cette perspective en leur faisant profiter de ses
connaissances scientifiques (le messager venu du ciel est un
symbolisme biblique évident).
16 Les
Régulateurs (The Regulators) Richard
Bachman. Première publication : 1996. Édition fr. Albin
Michel 1996.
17 Je me propose de revenir sur ce sujet en
réalisant ultérieurement une étude sur la mise
en scène particulière que fait King de l'imaginaire, en
m'appuyant sur Les
Régulateurs et Dreamcatcher.
18 Du titre d'André Gide, Les Nourritures Terrestres, hymne à la joie et au plaisir qui fit scandale
au début du XXème siècle.
19 Une indication incidente supplémentaire du sort
qui aurait été d'abord celui des humains habités
par les extraterrestres.
20 Désolation
(Desperation). Première publication : 1996. Édition
fr. Albin Michel 1996.
21 King est beau joueur, en citant ainsi une concurrente
dans les chiffres de vente de livres que King a sans cesse dans le
collimateur et qui lui servent à se rassurer...
22 Rêves et cauchemars
(Nightmares and
Dreamscapes). Première
publication : 1993. Édition fr. Albin Michel 1994, introduction, 13.
23 " Nous mourons toujours,
nous survivons toujours" dit Mr Gray.
"Nous perdons toujours et nous
l'emportons toujours. Que cela vous plaise ou non, Jonesy, nous
sommes l'avenir" .(329)
article
précédent : LES EXTRATERRESTRES dans
l'oeuvre de King avant
Dreamcatcher
ce texte a
été publié dans ma Revue trimestrielle
différentes saisons
saison # 15 -
printemps 2002.
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