"Allez, lis dans
mes pensées, Sigmund.
Arrose-les du sperme des symboles et fais-les
grandir" 1.
"Puis fiantoit, pissoyt, rendoyt sa gorge, rottoit,
pettoyt, baisloyt, crachoyt, toussoyt, sanglotoyt, esternuoit et se
morvoyt...",
Rabelais2.
Lagarde et Michard, qui avaient repris ce passage3 dans leur célèbre manuel
littéraire, signalaient soigneusement en note pour
l'édification de générations
d'élèves: "les
détails répugnants ne déplaisent pas à
Rabelais".
C'est que dans toute culture, il y a des choses
«répugnantes» qui ne se font pas: elles sont
interdites. On n'en parle que négativement, pour rappeler les
commandements et stigmatiser les errements. Quand on ose les
évoquer ou en parler positivement, c'est clandestinement, dans
le secret du Necronomicon.,
avec le risque du bûcher. Il y a aussi les choses qui se font
-et même très couramment-, mais dont on ne parle pas. On
n'en parle pas parce qu'elles sont
déconsidérées, jugées
vulgaires4, inconvenantes ou «répugnantes», comme
Lagarde et Michard le disaient à propos de Rabelais. On ne
peut les suggérer honorablement qu'en dissimulant leur
réalité derrière un camouflage
idéalisé5.
Par exemple, dans une certaine culture chrétienne
traditionnelle, on ne baisait que dans le mariage, sacrement qui
sanctifiait et idéalisait l'acte. Et surtout, on
n'était pas censé parler de ce qui se passait la
cérémonie rituelle et le repas de noces
terminés, ou par la suite: c'était trivial. Pour les
détails sur les activités au lit, c'était
carrément obscène6.
Là se trouve sans doute la limite la plus nette entre le
trivial et l'obscène. Le trivial est parfois obscène,
mais l'obscène est toujours trivial. Ou, pour dire autrement,
l'obscène, qui concerne une certaine façon de
considérer la fonction sexuelle, est un sous-ensemble du
trivial7.
King, comme bien d'autres, n'a pas échappé aux
condamnations pour trivialité ou obscénité: il a
été vilipendé par les bien-pensants, interdit
dans certaines écoles, menacé par un projet de loi
contre l'obscénité. D'où la tentation, le recul
du temps aidant, et l'oeuvre de King s'étalant maintenant sur
une durée raisonnable, de faire le point. Cette étude
ne portera que sur le trivial concernant les fonctions organiques
autres que sexuelle. Une seconde étude sur King et le sexe est en projet.
A cinq ans, le prince Peter est
autorisé à assister pour la première fois
à un banquet royal. Sa mère, Sasha, lui rappelle
soigneusement les règles du savoir-vivre. "Elle voulait avant tout qu'il fasse preuve de
bonne éducation, et pendant tout le repas, il devrait se
débrouiller seul, car son père n'avait aucune
idée des bonnes manières" 8.
"Les banquets de la cour
n'étaient pas très collet monté, et bien des
nurses se seraient peu formalisées des bonnes ou mauvaises
manières du garçon. Voyons, cet enfant sera roi,
auraient-elles dit, un peu choquées à l'idée
d'avoir à lui donner des leçons dans un domaine aussi
trivial. Qu'importe s'il renverse le saucier? Qu'importe s'il bave
sur son col ou s'essuie les mains dessus? (...). Ce
banquet ne finira-t-il pas comme tous les banquets, avec les convives
qui se lancent de la nourriture à la
tête?" .
La reine Sasha donne donc des instructions précises à
Peter, l'observe pendant le banquet, puis lui fait des reproches:
"Tu as fait quelque chose de
mal, Peter, et je ne veux pas te voir recommencer (...). Tu ne t'es pas servi de ta serviette, dit-elle. Tu l'as
laissée pliée à côté de ton
assiette et ça m'a fait de la peine. Tu as mangé le
poulet rôti avec tes doigts, et ça, c'est bien, car
c'est ainsi que font les hommes. Mais quand tu as eu fini, tu t'es
essuyé sur la manche de ta chemise, et c'est
mal".
En deux pages du livre écrit pour sa fille Naomi, King reprend
plusieurs aspects sociologiques de la représentation mentale
que les hommes se font du trivial: on peut manger le poulet avec les
doigts, se jeter de la nourriture à la tête -c'est
l'usage, à cette époque le couvert tel qu'on le
connaît n'existe pas9, et il faut de «l'ambiance» pour qu'un repas
de fête soit réussi-, jusqu'à l'apparition d'une
sensibilité nouvelle qui imposera peu à peu une autre
appréciation des comportements, les précédents
devenant «grossiers». Par contre, il est trivial de
tracasser un futur roi avec des problèmes de bienséance
à table...
Quant à la nouvelle sensibilité concernant les usages
de la table dont fait preuve la reine, elle est annonciatrice de
changements à venir... et de nouveaux usages tout aussi
contraignants. Moins les gens ont d'éducation -quand ils ne
connaissent pas ou quand ils méprisent ces nouveaux usages-,
plus ils paraîtront proches de comportements rustres ou
socialement dépassés, et plus leurs comportements
apparaîtront triviaux à ceux dont les manières
ont évolué. L'homme «civilisé» serait
ainsi celui qui est à la pointe historique de
l'évolution de la bienséance...
La méthode pour inculquer les nouveaux principes à la
jeune génération est simple: la persuasion. A Peter qui
rétorque que ni son père, le roi, ni les nobles ne se
servent de leur serviette, Sasha répond qu'il est
"seulement un petit
garçon qui oublie les bonnes manières". Peter est un garçon
obéissant... et il y a aussi Naomi qui lit cette histoire:
"De toute façon, il
avait déjà pris la décision de ne jamais oublier
d'utiliser sa serviette. Si c'était important pour sa
mère, cela l'était pour lui aussi".
Après une comparaison douteuse entre le bien humain et le
comportement canin, la reine Sasha conclut: "A part ce détail, ta conduite a
été exemplaire. Toutes les mères du royaume
auraient été fières d'avoir un fils aussi bien
élevé, et mon coeur est plein d'admiration pour
toi (...). Tout ce que je te demande, c'est de toujours
te conduire en homme civilisé. Souviens-toi du bon
côté de ta nature, du côté
divin" (ibid. p., 20).
La règle est qu'on ne dit pas de gros mots devant les dames et
le contrevenant s'excuse, comme le shérif qui s'est
laissé aller en parlant au mari: "«Il paraissait s'en branler
complètement». Il regarda vers Liz et ajouta:
«Excusez-moi»"
10.
Car les femmes manifestent généralement à
l'égard des comportements qu'elles jugent triviaux une
répulsion mêlée d'acceptation
résignée11. Ainsi Jud aime à roter "avec satisfaction" en buvant un verre: "Il vida d'un trait la moitié de sa bière,
lâcha un rot sonore".
Mais il n'a pas l'esprit tranquille: quand sa femme est là,
elle surveille jusqu'aux propos de son vieux mari de soixante-dix
ans: "Tu serais gentil
d'éviter ce genre de langage quand je suis à
portée d'oreilles, dit Norma" 12.
On peut même se demander si la condition biologique des femmes,
socialement obligées -survivance de civilisations qui ont
longtemps considéré leur statut comme impur- de
dissimuler leurs contraintes périodiques, ne pourrait pas
être reliée à leur distance à
l'égard du trivial, comme le montre ce dialogue mental entre
Jessie et Ruth: "Elle
était formée dès dix ans et demi. C'était
peut-être là le problème. Peut-être qu'il a
flairé l'odeur du sang
(...). Peut-être que
c'est ça qui l'a rendu fou.
- La ferme! cria Jessie, presque folle elle aussi. Tais-toi, on ne
parle pas de ces choses-là!
- Tiens, à propos d'odeurs, c'est quoi, celle-là?
s'enquit sèchement Ruth (...). Cette
odeur un peu métallique, comme du sel et des vieilles
pièces de monnaie...
-On ne parle pas de ces choses-là, j'ai dit" 13.
Cette retenue féminine à l'égard du trivial
n'est pas du tout spontanée chez les filles. Eilen, sept ans,
parle à son père: "-Papa, est-ce que Papy te fait toujours autant
chier?».
Louis la regarda bouche bée.
«Mais enfin, Ellie, qu'est-ce qui te fait croire que je ... que
j'ai quelque chose contre ton grand-père?
Ellie haussa les épaules (...). «Chaque fois que tu parles de lui, ça a
l'air de te faire chier.
-Ne parle pas comme ça, tu veux. C'est
vulgaire»"
14.
En réaction, il se produit parfois chez les jeunes filles des
tentatives d'insubordination: "- Laissons chier les éléphants, dit Susan
gaiement.
C'était le genre de réflexion qui ne manquait jamais
d'irriter sa mère" 15.
Même Rachel, qui réprimandait plus haut ses enfants
quand ils disaient des gros mots, a une attitude personnelle
ambiguë à l'égard du trivial: "Rachel fut prise d'un fou-rire si violent
qu'elle en péta; Louis [son mari] fit
chorus, et ils rirent si longtemps et si bruyamment qu'ils
réveillèrent Gage qui dormait dans la chambre
voisine" 16.
On ne rit généralement pas quand on se mouche... Mais
Rachel ne cherchera évidemment pas à savoir pourquoi
elle rit ici de si bon coeur alors qu'elle blâme sa fille Eilen
de se tordre de rire avec les «prout» de Gage...
Quant à la mère actrice de Jack, c'est l'exception
libérée qui confirme la règle: "Toutes les femmes que j'ai
interprétées savaient baiser, dit-elle. Mais aucune
d'entre elles ne savait encore péter" 17.
A nouveau Eilen, toute réjouie
de donner un enseignement subversif à son petit frère
de deux ans: "«Dis merde,
Gage, lui suggéra-t-elle entre deux bouchées de
porridge.
- Merde, Gage», déclara obligeamment
l'enfant (...).
Elle se tordait comme une
petite folle.
- «Dis prout, Gage», dit-elle encore.
- «Prout-Gage», dit Gage et un sourire radieux
s'étala sur son visage barbouillé de bouillie
brunâtre. «Prout-merde», ajouta-t-il
".
La mère, qui n'apprécie pas ces échanges
éducatifs fraternels, remet de l'ordre: "«Bon, maintenant ça suffit,
dit-elle (...).
Vous avez dit assez de gros
mots 18 pour
aujourd'hui.
«Prout-merde, prout-merde, prout-merde!» psalmodia
Gage" 19.
Si la persuasion ne donne pas de résultat, il faudra bien
chercher d'autres moyens. Dans un propos à décrypter,
le sociologue Glen admoneste son chien: "Kojak, ne recommence pas à sauter (...). Maîtrise-toi. N'oublie jamais, Kojak, n'oublie
jamais que la maîtrise de soi est la marque distinctive des
classes supérieures. La maîtrise de
soi!" 20.
Contrôle et répression, c'est ce que sa mère
impose à la petite Frannie pour acquérir cette
maîtrise de soi: "Le
salon était l'endroit où il fallait tenir sa langue,
l'endroit où vous aviez envie de vous gratter sans pouvoir le
faire (...), des éternuements qu'il fallait retenir,
des toussotements qu'il fallait étouffer, et surtout des
bâillements qu'il fallait absolument
dissimuler" .
"L'un de ses plus anciens
souvenirs était d'avoir fait pipi sur le tapis gris aux roses
ternes. Elle avait peut-être trois ans, n'avait pas appris
depuis très longtemps à rester propre (...).
Elle n'avait pas pu se retenir, et la tache qui s'élargissait,
tandis que le tapis gris perle prenait une teinte ardoise
foncée autour de son derrière avait fait hurler sa
mère" .
Persuasion ou contrainte, être gosse, ça se
résume finalement à la mort du spontané ou
quelque chose qui en est proche: "peut pas, fait pas, jamais, ne pourra, ne voudra, ne
saura" 21.
Jack fréquente la meilleure
école de New York: "Les
élèves de Piper n'avaient jamais besoin d'aller
«au petit coin», de «se soulager», ni -Dieu les
garde!- de «couler un bronze». Sans doute les
considérait-on comme des êtres trop parfaits pour
souiller de leurs déjections la Grande Route de la Vie. De
temps en temps, ils demandaient la permission de «sortir
quelques instants», un point, c'est tout" 22. Ainsi sont formées les élites
bien-pensantes dans ces endroits huppés: "Piper, ce lieu où on assistait à
un raout plutôt que d'aller à la cantoche et où
on sortait parfois quelques instants mais où on ne chiait
jamais, lui semblait soudain lointain et
insignifiant".
Comment un enfant peut devenir comme les collégiens de Piper?
Charlie, jeune élève qui s'agite
désespérément sur son siège de
l'école, pourrait nous le dire.
"-Répondez, Charles,
continua vivement Melle Bird.
Avez-vous besoin d'...
(uriner, elle va dire uriner,
elle dit toujours ça)
- Oui, mademoiselle.
- Comment, oui?
- J'ai envie d'aller aux cabi...aux toilettes.
Melle Bird eut un sourire.
- Très bien, Charles. Vous pouvez aller uriner aux toilettes.
Est-ce bien ce que vous voulez faire? Uriner?
Charles baissa la tête, comme un condamné.
- Très bien, Charles. Vous pouvez y aller. Et la prochaine
fois, soyez assez gentil pour ne pas attendre qu'on vous demande ce
qui se passe"
23. Charlie va pisser sous la risée de ses
camarades et on comprend qu'il a envie de voir dévorer sa
maîtresse...
Il est question, dans une nouvelle de SKELETON
CREW, de la "femme qui se mouillerait les jambes si elle ne
s'accroupissait pas pour faire pipi." 24. King raconte à ce sujet que sur les trois
magazines américains qui ont refusé sa nouvelle, deux
l'ont fait à cause de cette allusion au fait qu'une femme se
pisserait sur les jambes si elle ne s'accroupissait pas.
"Apparemment, on a
pensé qu'aucune femme ne pissait ou on n'a pas voulu rappeler
pareille réalité", commente King ironiquement25.
Le prototype «bon chic, bon
genre» est cette femme riche impossible dont "Jim ne pensait pas que l'on pût
dire (...) que l'argent lui sortait pratiquement par le
trou de cul, parce qu'il ne croyait pas que Patricia McCardle
eût quoi que ce soit d'aussi vulgaire qu'un trou de cul, ni
même un rectum -lorsqu'elle devait se soulager, elle se livrait
probablement à un Acte d'Immaculée
Excrétion"
26.
C'est une femme semblable que rencontre dans sa fuite, Richards.
Poursuivie par les autorités, il arrête une voiture
conduite par Amélie. "Elle était vêtue de façon assez
élégante et portait de grosses lunettes à verres
mauves. Pas vilaine, pour autant qu'il pût en
juger" 27. Amélie parle avec mépris de la
femme de Richards qu'elle a vue à la télévision.
Elle se déclare une femme honnête: "Vous haïssez tous les gens honnêtes
et décents!". Et elle
dénonce les choses "répugnantes" qu'il a lui-même faites.
Richards lui répond par un argument de fond et/ou de classe:
"Je vais vous dire ce qui est
répugnant. Ce qui est répugnant, c'est d'être mis
à l'index parce que vous ne voulez plus faire pour General
Atomics un travail qui rend stérile. C'est répugnant de
savoir que le Réseau tue chaque année des millions de
personnes à cause de la pollution (...). Quand
tout ça sera terminé, vous pourrez regagner votre
luxueux duplex et allumer une Dokes en regardant scintiller
l'argenterie sur le buffet. Aucun de vos voisins ne poursuit les rats
dans les escaliers en brandissant un balai; aucun ne va chier devant
la porte parce que les toilettes sont bouchées (...). C'est assez répugnant pour vous, ça?
Qu'est-ce qui...
- Taisez-vous! cria-t-elle. Vous êtes obscène!
-Obscène, c'est le mot, dit-il (...). Toute
communication était impossible avec ces élus. Ils
vivaient dans des sphères raréfiées où
rien ne les atteignait. Il eut une soudaine envie de lui arracher ses
belles lunettes, de la jeter dehors, et de la traîner dans la
poussière, de la forcer à manger du gravier, de lui
casser plusieurs dents, puis de la violer, de lui sauter dessus
à pieds-joints (...).
Obscène,
répéta-t-il entre ses dents. C'est exactement
cela" (id. pages 167/8). Elle
ne peut que lui répliquer: "Vous pourriez vous abstenir de dire des choses
pareilles".
Plus tard, les flics tirent sur la voiture de cette dame qui, jusque
là, "aurait pu se
trouver dans son salon":
"Le masque de la bourgeoisie
bon chic, bon genre était tombé, révélant
une vérité plus brute venue du fond des cavernes. Yeux
hagards, visage agité par des tics, un petit soupçon de
bave aux lèvres"
(Ibid. p., 174). Et plus tard encore, "la jolie bourgeoise pleine d'assurance, avec ses
lunettes mauves et ses manières distinguées, avait bel
et bien disparu" (Ibid. p.,
196).
King s'aventure ici très loin dans cette région
mystérieuse que l'homme ou la femme «bien
élevés» n'ont ni la volonté, ni les moyens
d'explorer: eux-mêmes et leur authenticité. Au fond de
leur être gronde aussi un torrent de réactions
spontanément grossières, triviales, primitives, que les
constructions de comportements stéréotypés ou
imposés ont bien du mal à endiguer, mais qui les
protègent d'eux-mêmes. Par ailleurs, les bonnes
manières, les mots qu'il ne faut pas "dire", les bienséances sont un luxe auquel tiennent
certains privilégiés, qui se différencient des
autres par ce moyen, qui les confirme dans leur
supériorité. Mais que surviennent les
difficultés, et réapparaît la bête humaine
dissimulée sous un vernis social.
Thomas a l'occasion d'observer son
père, le roi, seul le soir dans son salon. Son père se
saoûle de bière, urine dans la cheminée,
pète, farfouille dans son nez, etc. "Thomas découvrait le mépris, car les gens
donnent rarement le meilleur d'eux-mêmes quand ils sont seuls.
Ils abandonnent généralement leur masque de politesse
ou de bonnes manières. Qu'y a-t-il en dessous? Quelque monstre
boutonneux? Un être répugnant qui ferait fuir tout le
monde en hurlant? Parfois, peut-être, mais en
général, il n'y a rien de mauvais. Les gens se
contenteraient de rire s'ils nous voyaient sous nos masques; de rire
ou de prendre une mine dégoûtée, ou les deux
à la fois"
28.
Pendant un temps on encourage les enfants qui deviennent propres en
feignant de s'extasier sur la qualité de leurs
excrétions. Mais vient ensuite le temps de la honte et de la
production solitaire. Ce qui était bien devient inconvenant et
les parents incitent leurs enfants à des comportements de plus
en plus intimes. Ce qu'on exposait triomphalement devient l'objet du
dégoût: "Dans les
toilettes, c'est toujours pareil, on dirait un 747 en train de
décoller. J'ai toujours eu en horreur de tirer sur cette
maudite poignée. On entend sûrement tout dans la classe
à côté, et tout le monde pense: Encore un
chargement qui s'en va! J'ai toujours pensé qu'on devrait
être seul avec ce que ma mère voulait que j'appelle de
la limonade ou du chocolat quand j'étais petit. Les toilettes,
ça devrait être une sorte de confessionnal. Mais elles
vous trahissent. Elles vous trahissent toujours. On ne peut
même pas se moucher sans que tout le monde soit au courant. Il
faut toujours que quelqu'un sache, que quelqu'un vous
espionne" 29.
Eliminer le trivial ou la situation triviale, n'est-ce pas le moyen
pour l'humain d'exorciser le fait qu'il est un animal?
Parmi les divers moyens
utilisés pour obtenir chez l'enfant le comportement
aseptisé désiré, certains sont spectaculaires.
Une mère rappelle à son fils adulte: "Je crois que la pire chose que je t'aie jamais
vu faire, c'est d'écrire un gros mot dans le
couloir (...).
Tu te
souviens?
- Il se souvenait. Elle avait
écrit ce même mot sur son front avec une craie et
l'avait fait tourner trois fois avec elle autour du pâté
de maisons. Il n'avait plus jamais écrit ce gros mot, nulle
part, ni un autre ailleurs, plus jamais" 30.
Beaucoup de peine et de peines pour un résultat souvent
douteux. Les plus débrouillards anticipent.
Danny, cinq ans, se voit réprimander par sa mère.
"- Il ne faut pas dire
«foutu». C'est vulgaire.
- Qu'est-ce que c'est, «vulgaire»?
- Etre vulgaire, c'est se curer le nez à table ou faire pipi
en laissant la porte du W.C. ouverte. Et c'est dire certains mots,
comme «foutu». C'est un mot vulgaire que les gens bien
élevés ne disent pas.
- Papa le dit bien, lui
(...). Est-ce que papa n'est
pas bien élevé?
(...).
- Mais si, il est bien
élevé. Seulement, lui, c'est un adulte. Il sait qu'il
ne peut pas dire certaines choses devant n'importe qui
(...).
- Je pourrai parler comme
ça quand je serai grand?
- Je pense que tu le feras, que je le veuille ou non.
- A quel âge je pourrais commencer?
- Qu'est-ce que tu dirais de vingt ans?" 31.
Sauver les apparences, maintenir sa place sociale, ne pas dire ou
faire certaines choses devant n'importe qui, tel est le but
éducatif poursuivi: d'abord strictement interdire, et laisser
ensuite le temps relativiser.
Certains en sont durablement
traumatisés, même si leur comportement habituel n'est
guère modifié. Un gosse de douze ans se réveille
d'un cauchemar effrayant: "Ne
le laissez pas me prendre! bredouillait Vern. Je jure que je serai
sage, que je ne ferai rien de mal, je relèverai le
siège
32 avant de pisser,
je...je...(...). Je promets
que je ne piquerai plus de bouquins cochons chez
Delhie! (...).
Je ne dirai plus de gros
mots!" 33. Sans doute s'il devient flic tiendra-t-il
alors des propos pourtant entre hommes aussi précis que
bégayants à un jardinier qui voit Pan sur sa pelouse:
"Vous affirmez qu'il est
complètement nu? Vous êtes en mesure d'apercevoir...
euh, ses organes génitaux et tout ça?"
34. Ou, comme ce père de famille marqué par
l'éducation maternelle, il hésitera sans cesse quand il
parle, annonçant le mot trivial par sa première
syllabe, pour se reprendre et le remplacer par un vocable neutre:
"Une fois,
elle [sa mère]
m'a fait asseoir pour me
prévenir des maladies qu'on risque d'attraper si on va avec
une fille de ..., une prostituée. Elle m'a expliqué
qu'un jour on avait un petit bouton sur la bi..., sur le
pénis, et le lendemain il était tout
pourri" 35.
On peut aussi faire faire le chemin à l'envers et
réapprendre le vocabulaire idoine, comme le pratique, par
l'interphone de la classe, le lycéen révolté
avec le psychologue de l'établissement. La classe, prise en
otage sous la menace d'un revolver, est à l'écoute:
"- Depuis combien de temps
es-tu psychiatre?
- Cinq ans.
- As-tu brouté ta bonne femme? 36
- Qu...(Une longue pause terrifiée). Je ne comprends pas ce
que tu veux dire.
- Bon, je reformule la question. T'es-tu déjà
engagé dans des pratiques bucco-génitales avec ta
femme?
- Je ne répondrai pas à cette question. Tu n'as aucun
droit...(...)
- Alors, t'as déjà brouté ta femme?
- Non!
- Tu mens! Tu as dit que tu ne savais pas ce que cela signifiait.
- Tu m'as expliqué!" 37.
Entretien pitoyable,
marqué par l'hypocrisie latente, les inhibitions et les
blocages mentaux d'un psy, dont la fonction devrait être
apparemment de lever ceux de ses patients...
Après cet inventaire, on s'aperçoit que King n'a pas
dû négliger beaucoup d'aspects psychologiques et
sociologiques de l'apparition, de l'utilisation et de la
répression du trivial. Le trivial n'est pas une
réalité en soi, un absolu38, mais toujours un produit culturel daté, un
gommage de ces réalités que le bon ton doit passer sous
silence. Encore conviendrait-il mieux de parler d'une perception
intuitive du trivial ou de l'obscène, accompagnée des
sentiments individuels39 ou sociaux appropriés. Produit temporaire,
utilisé par une sensibilité de classe qui veut
étaler la supériorité de comportements
nouvellements codés40, rejeté ou copié par ceux qui veulent
montrer leur différence avec leur propre milieu, ce jeu
d'apparences est fragile et vite remis en question dès que les
masques tombent et que l'animal réapparaît.
L'ambiguïté est permanente, comme le montre ce dernier
exemple emprunté à deux jeunes enfants qui contemplent
Christine en disant à Arnie:
"- Ma maman, elle dit que
votre voiture, elle est dégoûtante...
- Oui, pipi-caca, ajouta la petite soeur" 41.
On peut ainsi faire la constatation que le sale, le
dégoûtant, et en même temps l'interdit,
deviennent, à partir d'un certain âge,
irrémédiablement et inconsciemment liés à
des productions organiques. L'homme appartient "fréquemment à la caverne fruste
et mal dégrossie de l'homme à l'Âge de
pierre" et "notre personnalité socialement
acceptable et plaisamment éclairée" 42 ne peut qu'être le résultat d'une
conquête.
Il n'est pas question de recenser
exhaustivement ou de faire un quelconque total des trivialités
dans King. Pour deux motifs. Des raisons psycho-sociologiques
d'abord: comme on l'a vu il y a quelques instants, le trivial se
définit par une perception individuelle -ou groupale- de ce
qui est choquant. Au mieux pourrait-on constituer un inventaire qui
pourrait s'intituler «le trivial kingien, tel qu'il est ressenti
subjectivement par l'auteur de cet article». Le
référentiel - et il reste encore bien vague- sera ici
ce qu'un adolescent peut écrire en 1997 dans une composition
française43 au collège ou au lycée sans encourir la
mention vulg. ou pop., voire la promesse d'ennuis plus graves.
La deuxième raison est la quantité considérable
de «gros mots44» et de descriptions triviales que contiennent
beaucoup d'oeuvres de King: il y en a trop45 pour qu'un inventaire soit complet. Ne sera donc repris
ici et ordonné qu'une sorte d'échantillonnage de
passages choisis parmi les plus représentatifs. Seront
laissés de côté les gros mots, les allusions
courtes ou peu significatives, les invitations équivoques qui
ne comportent que quelques mots ou qui sont d'usage courant. Enfin il
faut bien avoir conscience des limites de cette étude: elle
s'appuie sur des traductions diverses: le langage de la rue ou le
populaire, la langue verte américaine passent au travers du
filtre mental des traducteurs, qui ont leur propre conception du
trivial46, qui en retranchent... ou en ajoutent...
Sans compter l'évolution extrêmement rapide des langages
parallèles, qui sont liés à des
phénomènes d'actualité ou de mode: en quelques
années les mots branchés deviennent obsolètes et
sont remplacés par des vocables ou expressions nouvelles
(aussi bien en américain qu'en français) et les
traducteurs ont parfois des années de retard47.
Comme l'éducation commence par le contrôle des
sphincters, on ne sera pas surpris qu'une grande partie du trivial se
rapporte aux fonctions d'excrétions, nez et bouche compris. A
quoi il faut ajouter les sécrétions: oreilles, glandes
sudoripares...
C'est une des préoccupations
de King depuis longtemps. Il a neuf ans quand ses camarades et lui
trouvent un chat mort. "On a
fait le cercle autour du chat mort. Puis Nicky a dit soudain:
«Et si on lui lâche une brique sur le cul, est-ce qu'il va
chier?». S'ensuivit un long débat sur ce point de
biologie
post-mortem. Il fut finalement
décidé de procéder à l'expérience.
On trouva une brique. On débattit sur le fait de savoir qui
allait la lâcher sur le chat mort. Le problème fut
résolu de façon traditionnelle. Le rite d'un
am-stram-gram fut célébré. Ce fut Nicky qui
gagna. La brique fut lâchée.
Le chat mort ne chia pas.
Déduction: «quand on est mort, on ne chie pas si
quelqu'un vous lâche une brique sur le
cul»" 49.
Il semble que le jeune Steve ait tiré divers enseignements de
ces leçons de choses. Concernant la régularité
d'abord. "La chiée la
plus rapide de ma vie, annonça-t-il (...). Je n'ai
jamais pu rester très longtemps sans chier. Y a des gars,
quoi, ils chient une fois par semaine. Moi, je suis un type de tous
les jours. Si je ne pose pas ma pêche un jour, je prends un
laxatif" 50. En cas de besoin, il aurait pu demander
conseil à un spécialiste: "Excellent pour le transit intestinal, ces biscuits
à la figue, expliqua Bateman" 51.
Pour encore plus d'efficacité, la purge. Un employé
plaisantin met un laxatif dans la boisson au chocolat de son patron:
"Ce jour-là, il avait
propulsé dans son pantalon l'équivalent d'une bombe A
de merde. La bombe A -ou la bombe M si vous préférez-
avait explosé au moment où il était en train de
préparer de la viande dans le rayon des produits frais du
supermarché"
52.
On peut l'utiliser dans le cadre d'une relation sado-masochiste,
comme la patronne de Dolorès, grabataire, qui tous les jeudis,
chie dans ses couches: "La
vieille peau avait un compte-épargne de merde (...).
Elle remontait sa vieille usine à purée et son compte
à merde commençait à verser des
dividendes". Ensuite, par
méchanceté, elle en jette partout dans la chambre:
"Je savais qu'elle retenait
une véritable bombe à merde, et je savais que ça
serait l'enfer si je n'arrivais pas à mettre le bassin avant
qu'elle commence"
53.
Nous n'entrerons pas dans le domaine des torche-culs
("Coincé dans les
latrines avec la chiasse et pas d'épi de maïs"
) ou des modes d'emploi
("Son papa se demandait
parfois comment elle savait se torcher sans un manuel
explicatif" 54), où, aussi riche que soit son
imagination, King est bien loin derrière Rabelais qui y a
consacré tout un chapitre55.
On terminera par une recette culinaire: "Exactement comme si on était venu foutre un gros
colombin sur la table de ta salle à manger et que tu avais
appelé quelqu'un en qui tu avais confiance pour
lui demander quoi faire, et que le type t'ait répondu:
«C'est pas un problème. T'as qu'à mettre un peu de
ketchup dessus»"
56.
"Je lui ai dit qu'il pouvait chier dans ses
godasses" 58. Ce qui peut arriver sur la route:
"Nerveusement, il
déboucha sa ceinture, s'arrêta et puis, en
grimaçant, baissa son pantalon, sa main tenue devant ses
organes génitaux, et s'accroupit (...). Il se
releva, chancela sur la route et clopina tant bien que mal en tenant
son pantalon, et laissant une partie de lui-même qui fumait
dans la nuit"
59.
La campagne attire: "Les
crampes avaient de nouveau tiré la chasse d'eau dans ses
intestins et il avait dû se précipiter dans les
buissons, lancé dans une course pour voir s'il arriverait
à baisser son pantalon à temps, ou s'il le
remplirait" 60.
Parfois des complications surviennent. Ainsi Eddie, qui a subi une
première exploration rectale au commissariat par un policier
à la recherche de drogue61, en subit, résigné, une seconde pour le
même motif, cette fois par un truand explorateur:
"Claudio Andolini
récupéra sa main. Ses doigts firent un floc en s'extirpant
du trou du cul
d'Eddie (...).
- Grouille-toi, Jack. J'ai de
sa merde de junkie plein la pogne.
- Si j'avais su que tu allais enquêter de ce côté,
Claudio, je me serais soigneusement récuré le derche
avec un barreau de chaise la dernière fois que j'ai
coulé un bronze. Ta main serait ressortie parfaitement nette
et je n'aurais pas eu l'impression de m'être fait violer par un
taureau" 62.
Pour les moins téméraires, les choses sont mieux
emballées. Voici l'armoire à pharmacie d'un
allumé des médicaments: "Ex-Lax, les petites pilules Carter. Ces deux-là
permettent de faire passer le courrier. A côté
cependant, s'alignent le Kaopectate, le Pepto-Bismol et la
préparation H, au cas où ledit courrier s'emballerait,
ainsi que quelques Tucks sous couvercle à vis, simplement pour
mettre de l'ordre une fois le courrier passé, que celui-ci
soit réduit à une simple circulaire ou à un bon
vieux paquet par porteur spécial" 63.
Confessionnal ou pas, les
vécés semblent le local le plus ordinaire pour
évacuer les tensions. Parfois, tout va bien: "J'étais juste sur le point de passer
dans mon vieux merdatorium, pour procéder à ma petite
cérémonie habituelle. Réguliers comme une
horloge, mes intestins"
64. On peut même y emporter une lecture de
circonstance, comme "Blagues
dans les gogues"
65. Mais ce n'est pas toujours aussi simple.
A la campagne, il subsiste encore des chiottes de jardin de jadis:
"Il fallait y faire ses
commissions le plus vite possible, l'été, à
cause des guêpes toujours en train de tourbillonner en-dessous,
entre la manne et les deux trous (lesquels étaient pour elle
le ciel d'où tombait la manne), et qui pouvaient
décider de planter leur dard dans l'une de vos tendres joues
inférieures; mais il fallait aussi se presser l'hiver, parce
que sinon, les mêmes tendres petites joues inférieures
risquaient de se pétrifier de glace" 66.
En ville, bien que lieu d'aisance(s), le vécé peut
mettre mal à l'aise: "L'odeur avait de quoi faire tourner de l'oeil: un
mélange d'urine, de merde, de vomi et de désinfectant.
Bien sûr, les portes des W..C. avaient toutes été
arrachées (...).
Dans un des urinoirs, il y
avait un gros tas d'excréments, sur lequel se promenaient
quelques mouches paresseuses"
67.
Mais il faut bien y aller: "Il
alla aux toilettes et s'assit sur le siège; aussitôt il
expulsa une masse de selles liquides et explosives. Les
matières tombèrent dans l'eau avec une succession
saccadée de gargouillements et de flocs qui lui
donnèrent le mal de mer (...). Il urina sans se lever, la
tête entre les mains, entouré de l'odeur pestilentielle
du produit de sa digestion. Il tira la chasse d'eau" 68.
Le vécé peut prendre des dimensions
insoupçonnées, comme celui -heureusement imagé-
d'un paysan à son interlocutrice notable: "M. Moran l'informa que si Madame
La-Toute-Puissante-Ruth McCarland avait la conviction qu'elle
était la Reine-Crotte-de-la-Colline-de-Merde, elle ne
tarderait pas à découvrir qu'il y avait une autre
petite crotte qui flottait dans les Grandes Chiottes de la Vie. M.
Moran ajouta que, dans ce cas particulier, il avait la main sur la
chasse d'eau de ce grandiose dispositif d'évacuation et qu'il
avait la ferme intention de tirer dessus" 69.
Dans tout vécé qui se respecte, il y a des accessoires.
Le révérend Lester annonce à une paroissienne
qui l'a appelé par son surnom que la prochaine fois que cela
se produira, il lui enfoncera "le débouche-chiotte des pissotières du
presbytère dans le vagin jusqu'au cerveau... si vous ne n'avez
pas déjà recraché, votre
cerveau" 70.
On peut enfin noter l'utilisation d'éléments
fantastiques liés à l'excrétion et aux
vécés: le point faible du démon Tak, qui occupe
le corps de Seth. Il a horreur d'être dans Seth quand son
hôte "se soulage les
boyaux", acte qu'il trouve
"dégoûtant". "Dans les
toilettes adjacentes à la cuisine, il entend le garçon.
Le garçon émet des grognements porcins que Tak en est
venu à associer avec la fonction d'excrétion; pour lui,
même ces bruits sont révoltants et l'acte lui-même
avec ses contractions et ses sensations de glissement, d'expulsion
incontrôlable est hideux" 71.
Ici encore, suivant la même
procédure, seront négligées les injures de
toutes sortes, comme "face de
pet" 72 ou autres; seront évacuées de
la même manière toutes sortes de qualifications de pets,
jusqu'au "pet
moisi" 73 pour ne retenir, à titre de
curiosité, que l'existence, inconnue jusqu'ici, de
"pets mentaux" 74. Cela peut s'expliquer par le fait qu'à
l'université, haut lieu de culture, on pète aussi,
comme le signale un professeur qui évoque un collègue
partant à la retraite:"Plus de vingt ans que je l'entendais lâcher des
pets fracassants dans le bureau
d'à-côté"
75.
Il y a bien sûr les constatations habituelles sur l'ingestion
des haricots, dont même Zoltan le corbeau connaît les
effets: "Haricots, haricots,
fruits musicaux, déclama le corbeau inspiré. Plus t'en
manges et plus tu joues du pipeau" 76. Ça se chante: "Fayots, fayots, fruits des poètes! Plus t'en
bouffes et plus tu pètes! Et plus tu pètes, plus
ça fait du bien! T'es alors prêt à rebouffer,
petit vaurien!"
77. On en a même une explication scientifique
donnée par un enfant à l'esprit formé à
la méthode expérimentale: il "expliqua que le taux élevé de soufre
contenu dans les pets expliquait que mon père
pétât tellement à l'église, tous les
dimanches matin. «Mais il les lâche la plupart du temps en
silence (...) ou alors il attend le moment des hymnes pour
expédier une vraie détonation»" 78.
C'est qu'avec King, on a affaire à un technicien du son,
capable d'apprécier les nuances du bruit d'un pet, du
"monumental" 79 ffff
au pitoyable º: "Il
lâcha un vent...un long bruit stérile qui n'avait aucun
rapport avec un bon gros pet honnête" 80. Ou l'instrument de musique suggéré:
"Sa mère ronflait
encore dans son lit en lâchant des pets fréquents, longs
et langoureux comme un son de cornet" 81.
Par ailleurs, un pet royal peut être vaporeux, comme ceux du
roi Roland: "La plupart du
temps, il se levait et urinait dans la cheminée, souvent
même il en profitait pour péter de gros nuages de vapeur
malodorante"
82. Voilà qui a dû bien faire rire la petite
Noami, pour qui le livre a été écrit...
Elle n'est pas allée sans doute jusqu'à imaginer ce que
l'on peut faire de ces nuages. Certains gosses de la campagne le
savent: "Art Baker leur
raconta qu'ils avaient organisé, par chez lui, à qui
allumerait le plus gros pet, et un gros con au cul velu
(...) s'était brûlé tous les
poils du cul jusqu'au creux des reins" 83.
Sont aussi décrites, bien sûr, les répercussions
sociales du pet: "Une
embarrassante attaque de météorisme qui démarra
autour de quatre heures et se prolongea jusqu'à la fin de la
soirée. Linda s'enfuit de la salle de télé au
beau milieu du journal de vingt heures en annonçant qu'elle ne
reviendrait que si quelqu'un se décidait à distribuer
des masques à gaz. Billy se contenta de sourire d'un air
penaud. Son expérience des flatuosités lui avait
enseigné qu'il n'aurait servi à rien d'aller faire un
tour pour évacuer ces coupables émanations. Ces maudits
pets vous collent au corps, comme attachés par des
élastiques invisibles. Il n'y a pas moyen de les
semer" 84.
A signaler aussi les préoccupés du pet, comme le vieux
facteur Georges: il "leva une
jambe recouverte de l'uniforme bleu-gris des Postes et lâcha un
pet. Cela lui arrivait fréquemment ces derniers temps et
commençait à l'inquiéter. Apparemment ce qu'il
mangeait n'entrait pas en ligne de compte" comme nous le montre l'inventaire qu'il fait des
nourritures ingérées. "Il avait consulté l'Encyclopédie
Médicale en douze volumes (...). A la
rubrique FLATULENCES, Georges n'avait rien découvert de
très encourageant. Il pouvait s'agir de troubles gastriques.
D'un petit ulcère à l'estomac. Ce pouvait aussi
être un problème intestinal ou même le
cancer (...). D'une certaine façon, la pensée
de vivre ses soixante et soixante-dix ans en pétaradant comme
une vieille fusée défectueuse ne collait pas avec
l'idée qu'il se faisait de l'âge d'or de la
retraite" 85.
Une pensée enfin pour les infortunés ceux qui doivent
se retenir jusqu'à ce que l'autorisation conjugale leur en
soit donnée, comme l'épouse de ce gardien de
prison: "Même si elle
avait bouffé un wagon de laxatifs, elle n'oserait pas
péter sans [sa]
permission" 86.
Pisser n'est peut-être pas si
éloigné qu'on le pense d'une activité
intellectuelle: "Pisser et
penser ont beaucoup de points communs, songea-t-il tandis qu'il
sortait de la voiture et ouvrait sa braguette. On peut les repousser,
mais pas éternellement" 87.
Quand on s'est retenu, ce n'est toujours aisé, comme
l'éprouve ce campeur de 9 ans apeuré: "Je suis allé vers les bosquets et j'ai
essayé. Au début, ça n'arrivait pas à
sortir. J'avais comme un balle de plomb dans le ventre. Je n'avais
plus qu'un petit zizi long comme le bout de doigt, le froid l'avait
tout racorni. Ça a fini par venir et ça s'est mis
à couler à flots" 88.
Pour d'autres garçons qui ont la technique, c'est
manifestement plus facile: "Jack était là, debout, son pénis
à la main, la peau légèrement pincée
entre le pouce et l'index, à regarder la lune. Un nouveau jet
d'urine jaillit de lui"
89.
Il y a les timides mathématiciens: "Il faisait partie de ces hommes qui ne peuvent uriner
que quand le besoin est réellement pressant, et sont
incapables d'y parvenir dans les toilettes publiques dès qu'il
y a un peu de monde; l'idée de tous ces hommes attendant leur
tour derrière lui le paralysait complètement. Il se mit
donc à faire ce qu'il faisait presque toujours dans les
quelques secondes qui séparaient la mise en batterie de
l'instrument et l'ouverture du feu: il récita, dans sa
tête, la série des nombres premiers" 90.
Des militaires visent avec précision: il "s'était écroulé contre le
mur, entre deux urinoirs, et un type en uniforme de l'armée
pissait à environ quatre centimètres de son oreille
droite" 91. D'autres compliquent leur affaire:
"Un type d'âge
mûr (...)
était debout, pas
très frais, devant l'un des urinoirs remplis de
glaçons, une main appuyée sur le mur, et l'autre
brandissant un énorme pénis non circoncis. Une plaque
de dégueulis fumait entre ses pataugas
souillés"
92.
Une forme originale d'utilisation de l'urine comme arme de choc est
mise au point par la gigantesque lutteuse Gertie, qui vient de
terrasser le mari de Rose, qu'il martyrisait en la frappant notamment
sur les reins. Elle s'est assise dessus: "De la main, elle souleva un peu plus la robe fendue,
révélant une vaste culotte en coton
bleu. (...) «Y a des amateurs de jambes, des amateurs
de culs, des amateurs de nichons, et il y a des gars pas nets, des
trous du cul comme toi, Norman, qui n'aiment que les reins. (...)
Rosie n'est pas ici, dit-elle en continuant à se tortiller,
mais elle t'a laissé un petit message de ses reins, par
l'intermédiaire des miens. J'espère que tu es
prêt, parce qu'il arrive.»
Elle avança encore d'un genou, se mit en position au-dessus de
la figure de Norman et se laissa aller. Ah, délicieux
soulagement.
Norman ne parut pas se rendre compte sur le coup de ce qui se
passait. Pus il comprit. Il poussa un hurlement et essaya de la
renverser. Gert se servit de ses fesses comme d'un marteau-pilon pour
le clouer de nouveau au sol.
(...)
«Non, on ne bouge pas,
mon bonhomme», dit-elle, continuant de soulager sa vessie. Il ne
risquait pas de se noyer, mais elle n'avait jamais vu visage humain
afficher une telle expression de colère."93
Les plus âgés font ce qu'ils peuvent, ainsi mère
Abigaël qui, rurale, utilise la cabane dans le jardin à
108 ans! "Elle entra, ferma
bien la porte, mit le crochet
(...). Un moment plus tard,
elle se mit à uriner et soupira de contentement. Encore une de
ces choses de la vieillesse
(...), on ne sait plus quand
on a envie de faire pipi. Comme si on ne sentait plus rien dans la
vessie. Et si on ne fait pas attention, on fait pipi dans sa culotte
sans même s'en rendre compte. Elle n'aimait pas du tout se
salir. Alors elle venait s'asseoir au cabinet six à sept fois
par jour" 94. Et il n'y a pas de raison pour que les
hommes échappent à cette difficulté, pour eux
prostatique.
En 1994, King a fait un long périple de plus de 7.000 kms sur
sa Harley-Davidson pour promotionner les libraires
indépendants. Il a utilisé ce voyage dans
DESPERATION, où l'écrivain Marinville pisse
un très grand nombre de fois en se préoccupant
constamment de sa prostate: "Il sortit son stylo d'origine pour pisser dans le
désert une copie anonyme (...). Il avait
une envie pressante, mais pendant une minute, il ne se passa rien
tandis qu'il restait debout avec sa bite sèche à la
main.
Puis enfin, l'urine décrivit un arc et teinta les feuilles
sèches et poussièreuses de mesquite d'un vert sombre et
luisant.
«Merci mon Dieu! Loué soit le seigneur! »
hurla-t-il (...).
Il écarta un peu les
jambes, se pencha légèrement et lâcha son
pénis pour se masser les reins. On lui avait dit que ce geste
aidait à faire passer le flux un peu plus
longtemps (...).
Il était clair que sa
prostate ne lui rendait plus les services d'antan (...). Il devait consulter et il le savait (...).
Il avait peur que le docteur lui trouve une prostate aussi
noire 95 qu'un
potiron pourri"
96.
Il y a aussi des curiosités zoologiques: "Larry se réveilla (...) avec un sale goût dans la bouche -comme si un
bébé dragon venait d'y faire ses petits
besoins" 97. Ou cette autre: "Et s'il voulait jouer à qui pisserait le plus
loin, il leur montrerait qu'il pouvait pisser comme un putois qui
vient de boire un tonneau de bière" 98.
Le fantastique a sa part: on garde un souvenir flamboyant d'un
vampire invisible qui pisse dans un urinoir: "Un liquide rougeâtre qui heurtait la
porcelaine de l'urinoir du milieu et s'écoulait avec des
tourbillons par les trous de l'évacuation.
Aucun filet d'urine dans l'air; il ne devenait visible que lorsqu'il
touchait la porcelaine.
C'est alors qu'il se matérialisait (...). Il songea
qu'il allait le voir jusqu'à la fin de ses
jours" 99.
De toute façon, vampire ou pas, quoi qu'on fasse, même
en secouant "sans hâte
la petite goutte"
100: "Secoue-la tant que tu veux, Oscar, la dernière
goutte est pour le falzar"
101.
On rote souvent chez King, avec des
conséquences variables suivant la société
où l'on se trouve, mais il n'y a pas de longs
développements littéraires particuliers. Des notations
d'odeur -de bière le plus souvent- et d' intensité
:"Un rot aussi violent qu'un
coup de feu"
102.Volontaire ou non: "Son estomac protesta contre le choc par un rot
retentissant"
103. Ou naturaliste, tel Huggins le Roteur qui
tient son surnom de son talent pour lâcher des "rots retentissants et d'une longueur
stupéfiante -croisement de cris de crapaud-buffle et de
crissement de cigales dans ses meilleurs jours" 104 .
Le rot permet aussi d'évaluer la précision du souvenir:
"Il découvrit un
arrière-goût sucré insolite dans son rot qui lui
rappela quelque chose... quelque chose qui datait sans doute de
longtemps" 105.
A signaler l'existence du"rot
mental" 106, cousin inconnu du "pet mental"
relevé précédemment.
Seront négligés les
monstres et créatures fantastiques diverses qui crachent
toutes sortes de choses à caractère liquide, en
même temps que l'invraisemblable quantité de vers
habituels.
Le crachat peut être accidentel: "Il se cassa en deux, secoué par une terrible
quinte de toux qui lui fit projeter autour de lui une
véritable pluie de salive et de
mucosités"
107.
Ce crachat habituellement
fonctionnel: "une
quantité étonnante de mucosités jaunâtres
qui firent une flaque par terre" 108, peut servir à d'autres usages.
La riposte: "Elle cracha et un
énorme glaviot visqueux s'écrasa sur la joue de Billy.
Un filet de glaire tiède lui coula sur les lèvres. Elle
avait le goût salé des larmes (...). Son
crachat, humide et visqueux, coulait le long de la joue de
Billy" 109.
Car ça peut se consommer: "Il se racla la gorge, baissa la vitre et propulsa un
énorme glaviot vert-jaune dans l'air pluvieux (...). Celui qui va le choper n'aura pas besoin de chewing-gum
pendant une semaine, commenta-t-il" 110.
Ou encore: il
"cracha un énorme
mollard verdâtre sur le visage (...) d'Eddie.
«T'es pas obligé de tout bouffer tout de suite
(...). Tu peux en garder une partie pour le
dessert»"
111.
Charlie a "l'estomac pourri": "J'ai ouvert la
bouche pour dire que je ne me sentais pas bien et j'ai tout vomi par
terre. Il y en a un peu qui est tombé sur la jambe d'Annmarie.
Si vous aviez vu sa tête! Vous pouvez pas
imaginer (...).
Ils ont tous essayé de
prendre ça à la rigolade et ils se sont essuyés.
Du genre, je laisse toujours mes petis copains me vomir dessus la
première fois, ah, ah!" 112.
Tout le monde n'a pas cette
indulgence: "Putain de Dieu,
il détestait les gens qui dégueulent. Ça lui
donnait envie de vomir lui aussi. et quand il perçut cette
odeur de gruyère plus tout à fait frais dans la salle
de bains, il sentit son estomac chavirer. Rita était assise en
tailleur sur le carrelage bleu pervenche, la tête au-dessus de
la cuvette des W.C."
113.
Dans une voiture, les conséquences sont durables:
"On ne peut enlever l'odeur de
vomi de la tapisserie d'une Mercury bleue. Ça reste pendant
des semaines, des mois, des années
peut-être"
114.
La rue pose moins de problèmes: "Elle heurta un lampadaire, s'y retint, se pencha et
vomit. Elle sentait ses entrailles se déchirer. Elle rendit
longtemps, cracha de la bile, hoqueta. Elle dut se raccrocher au
lampadaire pour ne pas tomber
(...). Elle cracha deux fois
pour se débarrasser de l'amertume au fond de sa
gorge" 115.
Quand on le peut, le procédé le plus hygiénique
est le vécé ou le lavabo: "Il se pencha dessus et tout le contenu de son estomac
gicla en une cataracte puante, rejaillissant en partie sur son visage
et en grumeaux brunâtres sur le miroir. Il eut juste le temps
de sentir les relents du poulet créole qu'il avait
mangé (...) avant de
vomir de nouveau avec un horrible bruit râpeux de machine
emballée sur le point de déclarer
forfait" 116.
Enfin, pour les contemporains nostalgiques du célèbre
vomissement de L'EXORCISTE, qui
sera évoqué plus loin (§ 4.6.), il y a la
possibilité du souvenir des boutiques de plage:
"Des imitations de vomissures
en plastique (On jurerait des vraies! Essayez sur votre
femme!)" 117 ou
du "vomi en plastique
(très réaliste!)" 118 vendu même dans le
désert.
Il y a peu de trivial dans
THE EYES OF THE
DRAGON , livre destiné à la petite
Noami. Mais, témoignage que King est plus restrictif dans ses
actes que dans sa pensée, le trivial ne concerne pratiquement
que le pet... et le contenu du nez, sans doute les deux projets
éducatifs du moment.
Ainsi le fils du roi: "Thomas
vit que son père, qu'il avait aimé et craint, qui lui
avait semblé être le meilleur être du monde,
fouillait souvent dans son nez quand il était seul. Il
pêchait dans une
narine et ensuite dans l'autre
jusqu'à ce qu'il attrape une crotte verdâtre. Il la
regardait ensuite avec une sorte de satisfaction solennelle, la
retournait dans tous les sens à la lumière, comme un
joaillier admirant une précieuse émeraude. La plupart
du temps, il se frottait le doigt sous le siège sur lequel il
était assis. D'autres fois, j'ai le regret de le dire, il
fourrait la crotte dans sa bouche et croquait, une expression
réjouie sur le
visage" 119.
Avoir le nez assaini semble être une préoccupation
importante dans le royaume: "Le garde de la tour de ronde s'arrêta juste en
face de la poterne (...).
Il resta là un moment
à fouiller dans son nez avec son petit doigt, puis se pencha
pour moucher un flot de morve entre ses mains". Le garde continue à se curer le nez:
"Il en sortit une croûte
toute verte, l'examina soigneusement et la jeta sur le mur.
Splatch! (...).
Le garde ne semblait pas avoir
la moindre intention de partir. Il venait de trouver un filon dans sa
narine gauche et tenait absolument à
l'exploiter"
120.
Le doigt doit être adéquat et pas maladroit au point de
"provoquer un saignement de
nez chez son propriétaire s'il [a] le malheur
de vouloir se débarrasser d'une crotte de nez" 121. "Bon
sang, y avait des jours, tu rentrais ton doigt tellement loin que
c'est un miracle que tu t'es pas troué le cerveau. Et pourquoi
tu rougis? J'ai jamais vu un gosse qui aime pas se tirer un peu d'or
vert des naseaux de temps en temps" 122.
Inspiré, le curage de nez peut s'approfondir jusqu'à
devenir une oeuvre littéraire. Le poète Gardener est en
prison: "Un flic était
assis devant sa cellule et lisait le magazine Crazy en se curant le nez (...). Il avait
contemplé la grosse crotte verte qu'il venait d'extraire de
son nez et l'avait essuyée sur la semelle de sa chaussure et
avec un plaisir non dissimulé, l'écrasant et
l'étalant sur la sombre crasse accumulée là.
Gardener n'avait pu détacher les yeux de cette
opération; un an plus tard, il lui consacrait un
poème"
123.
"Un petit con de docteur de merde
qui serait même pas capable de voir par où il
chie" 124. Ou "Une foutue écrevisse restait une foutue
écrevisse quel que soit son nom, et il aurait bouffé de
la merde au cul d'un cochon plutôt que de foutre l'une de ces
saloperies d'écrevisses dans sa bouche" 125: le chapelet est cette enfilade de
trivialités mêlant généralement de
l'obscène126 à la scatologie. Le chapelet, par sa
longueur qui peut être considérable, sert à
libérer les tensions émotionnelles, sous forme de
propos dévalorisants, de provocations ou d'injures, comme le
fait de manière bien anodine le capitaine Haddock dans
TINTIN 127.
Ainsi ce tract prétendument signé par «Les bons
Catholiques de Castle Rock" au révérend Rose:
"Si tu ne sors pas vite ton
pif de tête de noeud de nos affaires, on va tellement te
couvrir de merde, toi et tes trous du cul de paroissiens, que tu vas
puer pour le reste de ta vie"
128.
Surprennent davantage les chapelets dévidés par des
malades atteints du cancer du cerveau ou des mourants, d'autant plus
que les intéressés en bonne santé ont eu
habituellement plus de tenue. "Foutue merde de pute de bordel de nnn trou de merde!
avait hurlé son fils du fond de son lit d'hôpital tout
blanc. Saloperie de pute de lécheuse de cons de branleuses de
bite d'enculée mal torchée...!" 129.
Il faudrait encore citer les autres excrétions ou sécrétions: les règles, objet de multiples allusions et quelquefois élément important du récit130; la morve; le"magnifique bouchon brun de cérumen" dans l'oreille131 ou sur un écouteur dans un avion132; la sueur; l'odeur. Leur recensement serait considérable, mais de moindre importance.
Parler des intestins n'est pas
trivial en soi, ça peut même être drôle.
Comme l'éprouvait l'écrivain Morton qui connaissait
"l'expression «Rire
à s'en faire péter la sous-ventrière» et il
comprenait que c'était bien ça: il avait l'impression,
s'il ne s'arrêtait pas rapidement, que son ventre
éclaterait et que ses intestins se répandraient sur le
sol" 133.
Mais en fait, chez King, c'est presque toujours tragique. Il signale
dans DANSE
MACABRE un film de 1972
qui a retenu particulièrement son attention, dans lequel une
scène présentait le découpage d'une femme
à la scie: "La
caméra s'attardait langoureusement sur ses intestins tombant
en masse sur le sol"
134. On peut ainsi relever plusieurs descriptions
obsessionnelles d'intestins en difficulté à l'air
libre, qu'il prend plaisir à développer, comme la
"pelote
d'intestins", le
"cordage emmêlé
et gluant" ou
le "magma
d'intestins" de Nettie
éventrée135. Il arrive à provoquer un certain
écoeurement qui n'est pas loin du trivial.
"Les intestins d'Olson, comme
des serpents blancs, glissaient lentement entre ses doigts. Ils
pendaient, tel un chapelet de saucisses devant ses organes
génitaux, ballotant d'une façon obscène. Il
s'arrêta, se pencha comme pour les
récupérer (...)
et vomit un grand caillot de
sang et de bile"
136
Ou: "Ses pauvres intestins se
dépliaient et traînaient jusqu'à ses pieds
(...). Ils étaient emmêlés dans
tous les sens (...).
Il plongea dans l'office, ses
intestins pendant autour de lui comme des guirlandes.
Stupéfiant qu'il y en ait tant. Si ronds, si fermes, si
compacts" 137.
Ou encore ce personnage qui rêve d'un hara-kiri:
"ses tripes se
répandant en accordéon sur la banquette comme une
platée de ragoût de boeuf (...), allongé dans son propre sang dans les saucisses
fumantes de ses intestins"
138.
Quel bilan peut-on faire arrivé à la fin de cette
accumulation, qui, rappelons-le, ne constitue qu'un
échantillon réduit du trivial kingien? Si on analyse
ces diverses citations, on s'aperçoit qu'elles sont de deux
ordres. Les unes appartiennent effectivement à l'expression
spontanée des enfants, des adolescents139 ou de diverses catégories d'adultes en
situation et ont leur justification dans un désir de
dépeindre aussi exactement que possible une
réalité existante. Mais les autres dépassent les
exigences de la seule description: elles sont l'expression de
caractéristiques personnelles et la traduction du King profond
qui vit masqué. Ce sont ces deux aspects que nous allons
étudier successivement, en chaussant nos "bottes d'égoutier" sans éviter le terrain
"un peu
bourbeux" 140.
Roland Ernould © 1997.
1 In RAGE 1977, Richard Bachman, éd. fr. Albin Michel 1990, p. 100.
2 In François Rabelais Gargantua, chap. 21. Cet ouvrage est "un des ramas des plus impertinentes et des plus grossières ordures qu'on puisse vomir", selon Voltaire...
3 Qu'ils avaient déjà largement censuré en supprimant: "fiantoit", "pissoyt" et "pettoyt". Ce que les collégiens peu curieux n'ont jamais su, les auteurs ayant poussé la réserve jusqu'à ne pas signaler les mots honnis par des parenthèses ou des points de suspension. Voir XVIè Siècle, Bordas éd., p.43.
4 Le terme «vulgaire» devrait plutôt être réservé à la non-observation des usages sociaux, du «bon ton» et règles du savoir-vivre (pour lesquels il existe des manuels spéciaux...)
5 Et quand on les écrit (si on les écrit), c'est avec un curieux alphabet réduit où le point joue un rôle déconsidéré: «sale c..., tas de m...».
6 En me relisant, bien que les temps aient beaucoup changé, je me demande s'il faut utiliser des verbes au passé, notamment pour ce qui se rapporte aux conversations familiales...
7 Les «gros mots» concerneraient le trivial, les «mots gras» l'obscène.
8 THE EYES OF THE DRAGON 1984, éd. fr. LES YEUX DU DRAGON, Albin Michel 1995. Les citations qui suivent sont extraites des pages 15 à 20.
9 "Rien dans les manières de table ne «va de soi», rien ne peut être considéré comme un sentiment de gêne naturel. Ni la cuiller, ni la fourchette, ni la serviette n'ont été inventées un jour, comme un outil technique, avec une finalité précise et un mode d'emploi détaillé: leur fonction s'est précisée peu à peu à travers les âges (...). in Norbert Elias, ÜBER DEN PROZESS DER ZIVILISATION, éd. fr. LA CIVILISATION DES MOEURS, Calmann-Lévy, édition 1991, p., 175. Voir aussi la monumentale HISTOIRE DE LA VIE PRIVÉE, ouvrage collectif en 5 tomes, éd. du Seuil, 1985-87.
10 In THE DARK HALF 1989, éd. fr. LA PART DES TÉNÈBRES, Albin Michel 1990, p., 201.
11 Le trivial est évidemment sexué: c'est non seulement pour les garçons le moyen le plus facile pour s'affirmer parmi ses pairs et contester les institutions, mais encore une occasion de parader devant les filles: les gros mots utilisés par les garçons déclenchent conditionnellement des réactions de rire ou de gêne chez les filles.
12 In PET SEMATARY 1983, éd. fr. SIMETIERRE, Albin Michel 1984, pages 36 et 185. Voir aussi IT 1986, éd. fr. ÇA, Albin Michel 1988, p., 342.
13 In GERALD'S GAME 1992, éd. fr. JESSIE, Albin Michel 1993, p., 90.
14 In PET SEMATARY, op. cit., p., 353.
15 In 'SALEM'S LOT 1975, éd. fr. SALEM, Lattès 1981, p., 34.
16 In PET SEMATARY, op. cit., p., 35. Le rot, suivi du pet, semble être un rituel dans certains couples, par exemple dans THE TOMMYKNOCKERS 1987, éd. fr. LES TOMMYKNOCKERS, Albin Michel 1989, pages 141 et 170. Et on en rit toujours...
17 In THE TALISMAN 1984, Stephen King & Peter Straub, éd. fr. LE TALISMAN DES TERRITOIRES, Robert Laffont 1986, ch. 42, 8.
18 Pour certaines mères, il y a même les "Très Gros Mots", in IT, op. cit., p., 243.
19 In PET SEMATARY, op. cit., p., 210.
20 In THE STAND 1990, the Complete & Uncut Edition, éd. fr. LE FLÉAU, Lattès 1991, p., 334. Les citations suivantes sont extraites des pages 96 et 98.
21 In DIFFERENT SEASONS 1982, éd. fr DIFFÉRENTES SAISONS, Albin Michel 1986, in The Body, Le Corps, p., 422.
22 In THE DARK TOWER, 3. THE WASTELANDS 1991, éd. fr. TERRES PERDUES, J'ai Lu 1992, II, la clé et la rose.
23 In SKELETON CREW 1985, éd. fr. BRUME, Albin Michel 1987, Here They BeTygers, p., 166. King nous dit par ailleurs que sa première institutrice à Stradford, dans le Connecticut, était "drôlement impressionnante" et que si un tigre "était venu la boulotter", il n'aurait "pas été contre" (id. p., 639).
24 In SKELETON CREW, op. cit., Mrs Todd's Shortcut, p., 246.
26 In THE TOMMYKNOCKERS, op. cit., p., 68.
27 In THE RUNNING MAN 1982, Richard Bachman, éd. fr. RUNNING MAN, Albin Michel 1988, p., 164.
28 In THE EYES OF THE DRAGON, op. cit., p., 97.
30 In THE STAND, op.cit., p., 92.
31 In THE SHINING 1977, éd. fr. SHINING L'ENFANT-LUMIERE, Lattès 1979, pages 22/23.
32 La lunette des vécés à lever ou à rabattre constitue un enjeu symbolique de l'autorité, difficile à ne pas contester par les enfants (voir § 1.7.) ou les adultes mâles, incités de diverses manières à "rabaisser le couvercle", in NIGHTMARES AND DREAMSCAPES, 1993, éd. fr. RÊVES ET CAUCHEMARS Albin Michel 1994, The Moving Finger, p., 255. Certains sont si bien dressés par leur épouse, qu'ils pensent, comme Pete, qu'il "neigerait en août le jour où il irait pisser sans rabattre la lunette ensuite" , in NEEDFUL THINGS, 1991, éd. fr. BAZAAR, Albin Michel 1992, p., 138.
33 In DIFFERENT SEASONS, op. cit., The Body, p., 401.
34 In NIGHT SHIFT 1978, éd. fr. DANSE MACABRE, Lattès 1980, The Lawnmover Man, p., 267.
35 In NIGHT SHIFT, op. cit., The Boogeyman, p., 145.
36 Exemple à caractère sexuel: je n'en ai pas trouvé d'autre montrant le blocage mental d'un psy qui n'est plus isolé dans son cabinet, mais qui, comme son patient, doit se livrer à un regard extérieur, ici les élèves, auxquels, pris en groupe, on peut difficilement la faire.
38 Le petit frère d'Ellie (§1.1.) est dans un état de totale innocence avant d'enregistrer les leçons de sa soeur.
39 La mort même peut être considérée comme triviale (voir § 3.3.): ainsi Rachel, pour qui "la mort était un secret, un affreux tabou dont il fallait à tout prix protéger les enfants, et accessoirement aussi les adultes; sur ce plan, l'attitude de Rachel évoquait fortement celle que les bourgeois victoriens avaient adoptée vis-à-vis des relations sexuelles et des mystérieux égouts de la libido", in PET SEMATARY, op. cit., p., 223. De même pendant longtemps, on n'a pas utilisé dans les journaux le mot «cancer»: on ne pouvait pâtir que d'une «longue maladie».
40 "Je n'imagine pas une personne souffrant de malnutrition se plonger dans un livre tel que I'M OK-YOU'RE OK, in DANSE MACABRE 1981, éd. fr. tome.1. ANATOMIE DE L'HORREUR , éd. du Rocher 1995, p., 58. Allusion à un livre classique d'analyse transactionnelle: I'M OK-YOU'RE OK, de Thomas Harris, Pan 1973, trad. fr. D'ACCORD AVEC SOI ET LES AUTRES, EPI éd., 1974, repris par Desclée de Brouwerw, éd., 1984.
41 In CHRISTINE 1983, éd. fr. Albin Michel 1984, p., 49.
42 In ANATOMIE..., op. cit., p., 10.
43 La rédaction ou la composition française sont des genres convenus et les professeurs de lettres sont particulièrement chatouilleux à cet égard. Les enseignants connaissent pourtant bien les mots et expressions utilisés par les élèves lors des récréations ou dans les couloirs... mais ils ont des oreilles très sélectives. Heureusement d'ailleurs pour les chahutés, qui ont souvent l'occasion d'avoir directement le contact avec ce répertoire...
44 On lira avec intérêt le récent Que-sais-je? de Catherine Rouayrenc, portant ce titre. Professeur de linguistique à l'université de Toulouse, Catherine Rouayrenc limite honnêtement son étude: "le gros mot est certes l'affaire du linguiste puisqu'il est d'abord signe linguistique, mais celle aussi du psychologue et du sociologue, voire de l'anthropologue. En dépit de cela, faute de compétences dans ces divers domaines, je n'envisagerai le gros mot que sous son aspect linguistique", in LES GROS MOTS, n° 1597, P.U.F. 1996, p., 6. Comme on peut le constater en consultant la bibliographie p., 126, en dehors des dictionnaires spécialisés, il n'existe pratiquement rien sur la question.
45 J'avais d'abord commencé un relevé statistique: les dix pages suivant les centaines, de la p., 100 à la p., 110 par exemple. Mais cette méthode ne donne rien, le trivial n'étant pas systématique: King peut accumuler les trivialités en cataractes, comme il peut ne plus en écrire pendant des dizaines de pages.
46 Un «sale crachat» n'a pas la même charge émotive qu'un «mollard dégueulasse»...
47 Il y aurait un travail intéressant à faire pour un jeune angliciste sur l'évolution des mots et expressions triviales utilisées par King pendant presque trente ans, en parallèle avec les mots français correspondants. Jean-Pierre Goudailler a publié un intéressant dictionnaire du français contemporain des cités, COMMENT TU TCHATCHES!, Maisonneuve et Larose éd., 1997, préfacé par Claude Hagège, titulaire de la Chaire de Théorie Linguistique au Collège de France.
48 Les citations du livre I, GARGANTUA, de Rabelais comporte le n° du chapitre.
49 In ANATOMIE..., op. cit., p., 229.
50 In THE LONG WALK 1979, Richard Bachman, éd. fr. MARCHE OU CRÈVE, Albin Michel 1989, p., 144.
51 In THE STAND, op. cit., p., 335.
52 In THE TOMMYKNOCKERS, op. cit., p., 198.
53 In DOLORES CLAIBORNE 1993, éd. fr. DOLORES CLAIBORNE Albin Michel 1993, pages 37 et 43.
54 In THE TOMMYKNOCKERS, op. cit., pages 311 et 196.
55 Voir dans GARGANTUA le chapitre 13: Comment Grandgousier congneut l'esperit merveilleux de Gargantua à l'invention d'un torche-cul.
56 In THE DARK HALF, op. cit., p., 223.
57 Il semble y avoir en ce moment un certain déblocage concernant ces sujets habituellement considérés comme triviaux: voir Martin Monestier, HISTOIRE ET BIZARRERIES SOCIALES: DES EXCRÉMENTS DES ORIGINES À NOS JOURS, éd. Le Cherche-Midi, 1997; Roger-Henri Guerrand, LES LIEUX, HISTOIRE DES COMMODITÉS, éd. La Découverte/Poche, 1997.
58 In THE RUNNING MAN, op. cit., p., 107.
59 In THE LONG WALK, op. cit., p., 227.
60 In NEEDFUL THINGS, op.cit., p., 147.
61 "Puis je me suis penché pour laisser l'un d'entre vous m'introduire dans le cul le doigt le plus long du monde. Putain, si on parle de toucher rectal pour un examen de la prostate, là c'était un tringlage en règle. J'avais peur de baisser les yeux: je me disais que j'allais voir un ongle me sortir par le trou de pine", in THE DARK TOWER, 2 -THE DRAWING OF THE THREE , éd. fr. 2 -LES TROIS CARTES, J'ai lu 1991, I, 4.
63 In IT 1986, éd. fr. ÇA, Albin Michel 1988, p., 92.
64 In FOUR PAST MIDNIGHT 1990, éd. fr. MINUIT 2 MINUIT 4, Albin Michel 1991, Secret Window, Secret Garden, p., 390.
65 In FOUR PAST MIDNIGHT, op. cit., The Library Policeman, p., 20.
66 In FOUR PAST MIDNIGHT, op. cit., The Sun Dog, p., 274.
67 In THE RUNNING MAN, op. cit., p., 87. Dans THE STAND, King ironise sur la pub à la télé: "Deux bouteilles de produits désinfectants (...) dansaient au-dessus de la cuvette de W.C.", op. cit., p., 27. La publicité des produits d'hygiène est à analyser pour les précautions de style prises pour faire passer, à mots couverts ou avec des images décalées, les choses «choquantes» dont on ne parle normalement pas. A noter aussi comment elle s'enhardit peu à peu quand l'évolution des moeurs décharge de leur charge émotive les sujets considérés naguère comme triviaux.
68 In ROADWORK 1981, Richard Bachman, éd. fr. CHANTIER, Albin Michel 1987, p., 214.
69 In THE TOMMYKNOCKERS, op. cit., p., 237.
70 In THE TOMMYKNOCKERS, op. cit., p., 328.
71 In THE REGULATORS 1996, Richard Bachman, éd. fr. LES RÉGULATEURS Albin Michel 1996, pages 351, 354 et 355. Un commentaire a été fait sur cet handicap de Tak, qui est à l'origine de son insuccès, dans Steve's Rag n°14, avril-juin 1997, p., 22.
72 In CARRIE 1974, éd. fr. Albin Michel 1994, p., 34.
75 In THE DARK HALF, op. cit., p., 304.
76 In THE DARK TOWER, op. cit., 1- THE GUNSLINGER 1982, éd. fr. LE PISTOLERO, J'ai lu 1991, I. 1.
78 In NIGHTMARES AND DREAMSCAPES, op. cit., The End of the Whole Mess, p., 80.
80 In THE LONG WALK, op. cit., p., 314.
82 In THE EYES OF THE DRAGON, op. cit., p., 98.
83 In THE LONG WALK, op. cit., p., 93. Dans IT, il y a une longue description circonstanciée d'une scène identique, vue par une fille, op. cit., pages 775 à 780.
84 In THINNER 1984, Richard Bachman, éd. fr. LA PEAU SUR LES OS, Albin Michel 1987, p., 45.
85 In CUJO 1981, éd. fr. Albin Michel 1982, pages 227/8.
86 In DIFFERENT SEASONS, op. cit., Rita Hayworth and Shawshank Redemption, p., 48.
87 In FOUR PAST MIDNIGHT, op. cit., Secret Window, Secret Garden, p., 364.
89 In THE TALISMAN, op. cit., p., 269.
90 In NIGHTMARES AND DREAMSCAPES, op. cit., The Moving Finger, p., 259.
91 In 'SALEM'S LOT 1975, op. cit., p., 131.
92 In THE TALISMAN, op. cit., p., 153.
93 In ROSE MADDER, op. cit., p., 392/3.
94 In THE STAND, op. cit., p., 486.
95 Il se représente sa prostate comme "un organe gonflé et crénelé ressemblant à un cerveau géant cuit aux radiations dans un film d'horreur", in THE REGULATORS 1996, Richard Bachman, éd. fr. LES RÉGULATEURS Albin Michel 1996, p., 67. Dans THE GREEN MILE, le gardien-chef a également des problèmes avec sa vessie et il est guéri par Caffey, in THE GREEN MILE 1996, éd. fr LA LIGNE VERTE, Librio 1996, I, p., 36, II, p., 78.
96 In THE REGULATORS , op. cit. pages 66/68. Où -avec l'âge, nouvelle obsession kingienne?- il y a au moins une demi-douzaine de notations sur la prostate -pages 65, 66, 243, 450, 456, 461- et un contremaître qui a un cancer de la prostate et qui pisse le sang. De même, dans INSOMNIA, Ralph est réveillé par "une prostate un peu plus grosse que la normale", 1994, éd. fr. INSOMNIE, Albin Michel 1995, pages 43 et 59.
97 In THE STAND, op. cit., p., 82.
98 In SKELETON CREW, op. cit., Uncle Otto's Truck, p., 487.
99 In NIGHTMARES AND DREAMSCAPES, op. cit., The Night Flier, pages 143 à 145.
100 In 'SALEM'S LOT, op. cit., p., 128.
103 In ROADWORK, op. cit., p., 63.
105 In FOUR PAST MIDNIGHT, op. cit., The Library Policeman, p., 22.
106 In NIGHTMARES AND DREAMSCAPES, op. cit., The Moving Finger, p., 257.
107 In THE STAND, op. cit., p., 199.
108 In THE STAND, op. cit., p., 27.
109 In THINNER, op. cit., pages 229/30.
112 In RAGE, op. cit. , p., 135.
113 In THE STAND, op. cit., p., 299.
114 In RAGE, op. cit. , p., 135.
115 In THE DEAD ZONE 1979, éd. fr. L'ACCIDENT Lattès 1983, p., 42.
116 In NIGHTMARES AND DREAMSCAPES, op. cit., The Night Flier, p., 142.
117 In NIGHT SHIFT, op. cit., p., 93.
118 In NIGHTMARES AND DREAMSCAPES, op. cit., Chattery Teeth, p., 179.
119 In THE EYES OF THE DRAGON, op. cit., p., 97.
121 In FOUR PAST MIDNIGHT, op. cit., The Sun Dog, p., 280.
122 In DOLORES CLAIBORNE, op. cit., p., 15.
123 In THE TOMMYKNOCKERS 1987, éd. fr. LES TOMMYKNOCKERS, Albin Michel 1989, p., 96.
124 In THE STAND, op. cit., p., 69.
125 In THE DARK HALF 1989, éd. fr. LA PART DES TÉNÈBRES Albin Michel 1990, p., 72.
126 Quelquefois intégralement sexuel, sans éléments d'un autre ordre: "Si tu veux baiser quelqu'un, sors ta biroute et approche-toi, fantôme de mes deux. On verra qui baisera l'autre", in PET SEMATARY , op. cit., p., 442.
127 Le spécialiste kingien type semble être dans ce domaine le Kid, dans THE STAND, op. cit., chapitre 48. Dans son Introduction, King regrette d'avoir dû renoncer en partie au développement prévu pour le Kid...
128 In NEEDFUL THINGS, op. cit., p., 322. Citons aussi le chapelet réussi d'Arnie/LeBay dans CHRISTINE 1983, éd. fr. Albin Michel 1984, p., 228.
129 In ROADWORK, op. cit., p., 240.
130 Notamment dans CARRIE et à un degré moindre THE TOMMYKNOCKERS. Rappelons que ce sang a simultanément un caractère sacré et trivial. La publicité pour l'hygiène féminine à la télé est un bon exemple des précautions de style à prendre sur ce sujet.
131 In THE STAND, op. cit., p., 390.
132 In FOUR PAST MIDNIGHT, op. cit, The Langoliers, p., 22.
133 In FOUR PAST MIDNIGHT, op. cit., Secret Window, Secret Garden, p., 274.
134 In ANATOMIE..., op. cit., p., 156.
135 In NEEDFUL THINGS, op. cit., pages 282 et 283.
136 In THE LONG WALK, op. cit., p., 213.
137 In THE RUNNING MAN, op. cit., pages 253 et 254.
138 In ROADWORK, op. cit. p., 213.
139 Les psychologues freudiens relient le goût des enfants pour les gros mots au stade anal. Sa persistance chez les adolescents proviendrait d'un besoin d'affirmation et exprimerait symboliquement le refus agressif des dressages subis. Pour l'adulte, ils parlent d'une fixation au stade anal pour ceux qui manifestent un goût particulier pour la scatologie et la grossièreté. Comme ils ajoutent que le désir d'accumuler des biens matériels provient de la même origine, leur diagnostic pour Steve serait vite fait... Mais Steve s'est vacciné: à de nombreuses reprises, il a mis en garde ses lecteurs contre de telles interprétations: "Toute cette démonstration est bien intentionnée, mais c'est quand même de la connerie pure, et on ne me fera jamais prendre des vessies pour des lanternes (...). Les écrivains de fantastique et d'horreur doivent fréquemment encaisser ce genre de conneries... le plus souvent du fait de personnes qui considèrent, ouvertement ou en secret, que les écrivains d'horreur ne sont pas tout à fait sains d'esprit. A leurs yeux, les romans d'horreur ne sont que des tests de Rorschach qui finront par leur révéler les fixations anales, orales ou génitales de leurs auteurs (...). L'écrivain d'horreur, lui, est toujours invité à s'allonger sur un divan", in PAGES NOIRES, op. cit., p., 150.
140 En prenant le contrepied de King dans DANSE MACABRE: "En d'autres termes, dès que le terrain commencera à être un peu bourbeux, j'ai l'intention de l'éviter plutôt que de chausser des bottes d'égoutier à la manière d'un prof de lettres", in ANATOMIE..., op. cit., p., 164.
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