SEXE 2.
2.ET 2. 2.
OBJETS 2. 2.
FANTASTIQUES
chez 2. 2.
Stephen 2. 2. KING
"Steve
se revit en train de baiser Cynthia, enfoui en elle comme une
épée dans la boue brûlante,
tous deux face
à face, les lèvres retroussées en un rictus
identique
tandis qu'ils
serraient le féroce coyote de pierre entre eux comme un
mort." 1.
La littérature fantastique
décrit des transformations possibles d'êtres et de
comportements amoureux, où apparaissent d'autres
réalités sexuelles, physiques et psychologiques, avec
leur propre norme. D'autre part l'écriture peut prendre divers
aspects, d'une sensualité admise, nouvelle, mais tendre,
à une réalité pansexuelle plus
débridée. Elle peut aborder des formes extrêmes,
limites -les timides diront excessives- de la sexualité.
L'imaginaire des auteurs est ainsi conduit à mettre en
scène et à de décrire des fantasmes sexuels
correspondant à la sensibilité du moment. De
bâtir des scénarios où le lecteur est
présent comme voyeur et obtient de manière
détournée, la réalisation de désirs ou de
répulsions inconscients inavouables et informulables.
.. du site ..
La diversité sexuelle est une
des caractéristiques des êtres fantastiques. Les lois
littéraires du genre donnent à chacun ses aspects
sexuels propres, qui ne sont transgressés
qu'occasionnellement. Il en est de même des lieux ou des objets
qui ont, liés à divers pouvoirs, ont une charge
sexuelle importante. car le monde qui nous entoure nous propose de
nombreux objets, qui prêtent tous à des variations
fantastiques. On est bien obligé de constater que la gamme des
objets utilisés, liés à la sexualité, est
cependant limitée.
Une croyance millénaire, celle
des lieux ou des objets tabous et interdits, a souvent inspiré
les conteurs du temps passé. Cependant, la plupart des objets
érotiques mis en scène sont des substituts du vivant et
de l'humain, portraits, mannequins, automates, statues, marionnettes,
proches de l'esthétique féminine, le plus souvent
liés à des attitudes anthropomorphiques, dont la plus
caractéristique est Christine, la
voiture assimilée à une femme jalouse et possessive
Objets
à charge sexuelle: les statuettes.
Depuis Lovecraft,
l'utilisation des objets maléfiques est devenue une sorte de
parcours obligé. Lovecraft a accordé une place
importante à ces choses d'un autre âge. De nombreux
objets, qui vont des pierres dégrossies ou gravées aux
objets expressivement réalisés, ont des pouvoirs
prodigieusement maléfiques."À cette époque (...), les
premiers hommes avaient organisé le culte autour de petites
idoles que les Grands Anciens leur avaient
révélées. C'était des idoles
apportées en des ères indistinctes d'obscures
étoiles."4 Un exemple: "Décrire avec précision cette surface et la
forme générale de la pierre échappe aux pouvoirs
du langage. Impossible d'imaginer selon quels principes
géométriques inconnus elle avait été
taillée ( (...)
et je n'avais jamais rien vu
qui m'eût autant frappé par sa radicale
étrangeté."5.
D'autres sont réalisées
par des humains sous l'emprise des Grands Anciens: "C'était la silhouette curieusement
stylisée d'un molosse accroupi et ailé, sorte de sphinx
à la tête à demi canine, d'une gravure exquise,
suivant le style de l'ancien Orient, taillé dans un morceau de
jade vert. L'expression de ses traits, abominable au-delà de
toute description, rappelait à la fois la mort, la
bestialité et la malignité."6
L'utilisation de telles statuettes,
avec la même fonction, a été systématique
dans Désolation. Tak, l'entité qui sévit à
Désolation, utilise pour pervertir et utiliser les gens des
statuettes de pierre. Son refuge est rempli de petites statuettes de
pierre sculptées, représentant des animaux, mais aussi
"des créatures
cauchemardesques qui n'avaient jamais existé sur
terre." (546). Mais leur
caractéristique est la charge sexuelle que King leur a
donnée, et leurs effets concrètement décrits
alors que Lovecraft,
à son habitude, n'était resté qu'allusif. Et on
ne peut manquer d'être frappé par les rapports entre la
nouvelle de Clive Barker,
Rawhead
Rex7, qui a été publiée en 1984, et le
roman de King.
Comme dans Désolation, une entité Rawhead, vit sous terre, depuis des
temps immémoriaux, dans un terrain inculte que Ron, un paysan,
veut remettre en culture. Une grosse pierre le gêne; il la
déplace, libérant une espèce d'homme
gigantesque, aux deux rangées de dents dans la mâchoire,
buveur de sang, qui met le village en feu.
Pour le détruire, il y a,
inconnue et cachée dans l'autel de l'église une
boîte, que Ron cherche à découvrir :
"Elle contenait un charme,
aucun doute là-dessus; un charme qui en ce moment même
lui dressait les cheveux sur la tête, lui raidissait la bite,
le faisait douloureusement bander. Sa chair semblait en proie
à une surexcitation qui le transportait comme
l'amour.( (...)
Son érection lancinait,
les burettes lui cuisaient."
Dans la boîte, une boule de pierre, ronde comme un petit
ballon: "L'air était
toujours chargé d'électricité autour de lui. Son
sang bouillonnait toujours.
(...) Il tourna et retourna le
ballon dans la main, essayant de trouver un sens à ses creux
et à ses bosses. Cette boule était-elle censée
être quelque chose? Sa signification profonde lui
échappait-elle?"
Arrive dans l'église l'hôtelière, surprise par
l'incendie dans son sommeil, la robe de nuit déchirée :
"Elle était beaucoup
trop grosse, avait des seins tombants, un ventre qui faisait de
l'ombre à sa fente si bien que Ron doutait même qu'elle
puisse voir ses poils. Mais c'était pour ça que la bite
lui lançait, pour que sa tête lui tournait
(...)
Il eut son image dans la main. Grand Dieu, oui, elle était
là dans sa main, l'hôtelière était
l'équivalent en chair et en os de ce qu'il tenait. Une femme!
La pierre représentait la statue d'une femme, une Vénus
plus grosse que Mrs. Blatter, au ventre débordant d'enfants,
aux mamelles comme des montagnes, au sexe telle une vallée
commençant au nombril et s'ouvrant sur le monde. Tout ce
temps, sous la nappe et sous la croix, on s'était
prosterné devant une déesse." (128/30) La statuette fait reculer Rawhead:
"Plus que tout il craignait
cette pierre: la femme qui saigne et son trou béant qui
dévore la graine et recrache les enfants. C'était la
vie, ce trou; et cette femme, la fécondité infinie.
Cela le terrifiait."
(132)
A l'inverse, Tak, entité
maléfique qui vit sous terre comme Rawhead, a donné une
puissance sexuelle captatrice à ses statuettes,
dispersées autour de Désolation par ses agents, comme
les loups. La force sexuelle maléfique de Tak s'est
insinuée dans ces statuettes: il émane d'elles une
sorte de champ magnétique, diffusant "fureur, rage et sexe" (275). Les toucher donne de l'énergie,
sexuellement constatable. Mais les hommes qui les prennent passent au
service de Tak, et deviennent affligés d'une "abominable rage destructrice." (408). Enfin l'énergie se retire des
possédés en même temps que la puissance des
pierres.
Steve est avec Cynthia. Il en touche
une : "Steve avait
déjà retiré le doigt de la
pierre (...). C'était mauvais. Mais pendant un
moment, il s'était passé quelque chose, comme si un ou
plusieurs circuits vitaux dans sa tête avaient
été coupés. Sauf que (...) est-ce
qu'il n'avait pas pensé à la fille? Est-ce qu'il
n'avait pas fait quelque chose à la fille, avec la fille? Le
genre de choses que tous deux voudraient essayer mais dont ils ne
parleraient jamais à leurs amis? Une sorte
d'expérience?"
(221).
Cynthia en touche également une : "«Il m'a semblé que je me souvenais de toutes
les pires choses qui me sont arrivées dans ma
vie. ( (...)
- Oui, mais à quoi
as-tu vraiment pensé?
(...).
-Au sexe, dit-elle avec un
soupir saccadé. Pas seulement baiser. Tout. Plus
c'était sale, mieux c'était»"
Oui, pensa Steve. Plus c'était sale, mieux c'était. Des
choses qu'on peut avoir envie d'essayer mais dont on ne parlerait
jamais. des expériences."
Tous deux sont troublés, et peu à peu fascinés
par la statuette, un coyote à la langue de serpent. Cynthia
incite Steve à la retoucher. Mais Steve se méfie :
«Tu m'as dit que
c'était mauvais.» Elle lui sourit (...). «Tu veux quelque chose de mauvais? Sens un peu
ça!
Elle lui prit la main et l'inséra entre ses jambes. Elle leva
deux fois les fesses. Steve referma la main sur la sienne -assez fort
pour lui faire mal, peut-être- mais elle garda le sourire. Son
sourire s'élargit, même.
Mais qu'est-ce qu'on fait?
(...). La fente entre ses
jambes était plus proche, plus urgente. Il la sentait à
travers son jean, et elle brûlait.
Brûlait.(...)
Il penserait qu'il aimerait la
baiser et lui faire mal, aussi, une sorte d'expérience,
pourrait-on dire, à la fois plaisir et douleur, le
sucré et le salé. Bien sûr. Parce que
c'était comme ça qu'on faisait au pays des loups,
c'était comme ça qu'on faisait dans la maison des
scorpions, c'était ce qu'on prenait pour de l'amour à
Désolation."
Mais la statuette de pierre l'envoûte : "L'idée était dans son esprit
à lui aussi. Il se voyait frottant cette foutue chose hideuse
- hideuse, mais puissante - contre son pénis en
érection. Et de là il se vit avec elle en train de
baiser par terre (...), sous les
corps pendus, la pierre grise entre les dents.
Steve écarta ces images (...) Pendant ces quelques secondes, ç'avait
été mauvais, fichtrement mauvais (...). Il aurait pu la tuer. Il l'aurait tuée, s'il
n'avait pas rompu le contact physique avec elle au dernier moment. Ou
bien il supposait qu'elle aurait pu le tuer. C'était comme si
le sexe et le meurtre avaient en quelque sorte échangé
leurs rôles dans cette horrible petite ville. Sauf que le sexe
n'était pas le sexe, pas vraiment."
Les sensations précédentes ne le quittent pas :
"Steve se revit en train de
baiser Cynthia, enfoui en elle comme une épée dans la
boue brûlante, tous deux face à face, les lèvres
retroussées en un rictus identique tandis qu'ils serraient le
féroce coyote de pierre entre eux comme un
mort.(...)
«On va aller le chercher
ensemble, bien sûr. Ça te va?»
Son esprit était l'orage, maintenant, plein de vents hurlants
d'un côté à l'autre, de haut en bas, poussant les
images de ce qu'il allait lui faire, de ce qu'elle allait lui faire,
et de ce qu'ils feraient à tous ceux qui se mettraient en
travers de leur chemin.
Elle lui sourit en retour -ses joues creuses, son rictus cynique, on
aurait dit une tête de mort. (...) Elle
sortit sa langue de ce sourire et l'agita comme la langue-serpent de
la statue. Il tira sa langue et l'agita à son
intention. (...)
Ils feraient la course
jusqu'à la pierre, et ils feraient l'amour parmi les scorpions
en la tenant entre eux dans la bouche. Après, tout ce qui
pouvait arriver n'aurait plus d'importance." (269/75).
Objets et
suggestions sexuelles.
La créature maléfique
se sert souvent du sexe comme d'un moyen pour créer des
problèmes entre individus ou dans une communauté. Elle
évoque systématiquement des relations cachée,
des secrets sexuels, le plus souvent des turpitudes socialement
inacceptables, qui déstabilisent les humains
concernés.
La statue.
Les sollicitations sexuelles faites
aux humains caractérisent nombre d'êtres
maléfiques ou d'objets en rapport avec eux. Dans Rose Madder, Rosie est soumise à diverses
propositions érotiques. D'une statue : " Un chemin passait au milieu, gardé
par la statue d'un garçon doté d'un énorme
phallus en érection. Il tenait les mains au-dessus de la
tête, comme un arbitre confirmant un point au base-ball.
Lorsque Rosie passa devant elle, ses yeux sans pupilles
roulèrent dans les orbites de pierre - elle en était
convaincue.
«Hé, poulette, fit la statue dans sa tête. Tu veux
pas t'allonger? Tu ne veux pas faire la bête à deux dos
avec moi?»" (14
L'arbre.
Ou, plus singulier, quand Rosie
trouve sur son chemin un arbre arraché par une tempête :
"Elle commença à
faire un détour par la droite, là où les racines
avaient été arrachées du sol. Elle était
déjà presque déjà revenue sur le sentier,
Iorsque l'une des racines se mit soudain à tressaillir, puis
bondit et l'enlaça à hauteur de la cuisse.
«Tu veux pas te mettre à quatre pattes, Rosie? Ça
ne te plairait pas? je m'occuperais de ton derrière, je te
boufferais comme si t'étais un sandwich au fromage. À
moins que tu préfères sucer ma pine pourrie par le
sida..." (Rose Madder
286/18)
Objets
à concomittance sexuelle.
Le
masque.
Le masque, sorte
d'inspirateur maléfique, a été utilisé
par Clive Barker avant que
Stephen King s'en serve. Dans Cabale8, le psychopathe/psychiatre possède un masque aux
pouvoirs sexuels et mortifères : "Decker enfila le masque. Il avait une odeur excitante.
Dès qu'il l'inhala, il eut une trique. Pas la petite trique du
sexe, mais la belle trique de la mort; la trique du
meurtre. (...)
Le Masque ne se souciait
nullement de savoir si sa proie était féminine;
n'importe qui pouvait lui donner la trique du meurtre. Même les
vieux le mettaient en chaleur, ces vieux qui pissaient dans leur froc
en s'effondrant devant lui; parfois les filles; parfois les femmes;
même les enfants."
(125)
Dans Rose
Madder, Norman est un psychopathe
qui verra ses pouvoirs destructeurs augmenter considérablement
sous l'influence d'un masque, celui de Ferdinand le taureau, qu'il a
volé à une enfant dans des circonstances
particulières : "Le
masque de Ferdinand, le taureau pacifique du dessin animé.
Ferdinand arborait un grand sourire stupide et avait les cornes
décorées d'une guirlande de fleurs." (403) Ce masque va devenir pour Norman un
prévisionniste, un conseiller et un instigateur.
La femme de Norman, Rosie, qu'il maltraitait, a fui le domicile
conjugal et trouvé refuge dans une maison,
spécialisée pour femmes battues, dirigée par
Anna, dont il veut se venger. Anna entre dans son bureau:
"La chose qui l'avait attendue
derrière la porte n'était pas humaine. Des cornes
dépassaient de sa tête, des cornes qui paraissaient
couvertes d'excroissances étranges. C'était
(...)
«Viva ze toro», dit une voix creuse. C'est alors qu'elle
comprit qu'elle avait affaire à un homme, à un homme
portant un masque. (...)
Elle s'arracha à sa
prise et recula jusqu'au bureau. Elle sentait encore Cuir Anglais,
mais également d'autres odeurs. Le caoutchouc chaud. La sueur.
L'urine. Était-ce elle? S'était-elle fait pipi dessus?
Impossible à savoir: elle était insensible à
partir de la taille.
(...)
- Je vous avertis, ne me
touchez pas!
- Anna-Anna-bo-Banna, banana-fana-fo-Fanna», déclara la
créature masquée sur un ton de profonde
méditation, avant de repousser la porte derrière
elle. (...) La prise se resserra sur elle et elle ne
poussa qu'un gros soupir chevrotant.
Si j'étais Misery Chastain, je (...)
pensa-t-elle, sur quoi Norman se jeta sur sa gorge, enfouissant son
visage contre elle comme s'ils étaient deux ados
excités se pelotant dans un jardin public, puis des dents
furent dans sa gorge, quelque chose de chaud jaillit sur elle et elle
ne pensa plus rien."
(434)9
À mesure qu'il assure son
emprise, le masque parvient à un téléguidage
total de Norman, privé de ses propres pensées. Norman
est toujours à la recherche de son épouse :
"Il le savait parce que le
taureau le lui avait dit, et qu'il l'avait cru. (...)
Ze toro avait bien parlé d'un petit ami, non? Franchement, il
trouvait cela difficile à avaler, mais (...) «Elle
aime la manière dont il l'embrasse», lui avait dit Ferdi.
Ridicule. Jamais elle n'aurait osé (...)". Il
pénètre, en état d'hébétude, dans
la maison où se trouve Rosie : "Lorsqu'il redescendit sur terre, il venait de claquer la
porte du hall derrière lui, fonçait dans
l'obscurité et refermait les mains sur le cou du petit ami de
Rosie. Il ignorait comment il savait que cet homme était son
petit ami. (...)
Il le savait et cela lui
suffisait. Sous son crâne, ce n'était qu'une vibration
de fureur outragée. Avait-il vu ce type échanger sa
salive avec celle de Rose avant d'entrer, avait-il vu ses mains
descendre le long du dos de Rose pour venir s'arrondir sur ses
fesses? Il ne s'en souvenait pas, ne voulait pas s'en souvenir,
n'avait pas le besoin de s'en souvenir.
«Je t'avais averti!» dit le taureau. En dépit de sa
fureur, il parlait d'une voix parfaitement contrôlée.
"Je t'avais averti, non? Voilà ce que lui ont appris ses
copines:! Charmant, vraiment charmant!»
«Je vais te buter, sale enculé!» murmura-t-il au
visage de l'homme qui était l'ami de Rose. (...) Il prit Bill Steiner à la gorge et
commença à serrer ." (450/1)
L'automobile.
Divers objets ont été utilisés par King en
relation avec la sexualité. Le thème de l'automobile
possessive, qui ne vit que pour le conducteur qu'elle s'est choisi et
qui détruit ses rivales femmes est au centre de Christine.
Arnie est fasciné par une
voiture d'occasion pourrie, une Plymouth Fury 1958. Dennis, l'ami
fidèle, raconte : "Je
commençais à comprendre qu'il s'agissait d'autre chose
que du simple désir d'avoir une voiture. Car Arnie n'avait
jamais jusque-là exprimé le désir d'en
posséder une. (...)
Et ce n'était pas non
plus comme s'il avait besoin d'une voiture pour sortir. À ma
connaissance, Arnie n'avait jamais eu de rendez-vous avec une fille.
Non, c'était autre chose. C'était de l'amour, ou
quelque chose y ressemblant (...)" (23).Arnie
traite sa voiture, appelée Christine, avec affection, constate
son copain, contrairement aux usages masculins bien établis :
"Du père, on retient
les mots magiques, les talismans, les paroles chargées de
pouvoir. Si ta bagnole ne démarre pas, lance-lui une injure,
et surtout parle-lui au féminin. Vas-y, salope, par exemple.
(...) Mais Arnie, lui, n'injuria pas sa voiture. Il
se contenta de murmurer entre ses dents: «Allez, poupée!
Qu'est-ce que tu me racontes?» (43)
La petite amie d'Arnie, Leigh, n'aime
pas la voiture : "La
vérité, bien plus démente, était que
Leigh avait l'impression que Christine les surveillait. Qu'elle
était jalouse, qu'elle désapprouvait leur liaison,
qu'elle était pleine de rancoeur. Car Leigh n'avait pas, quand
elle montait dedans, l'impression qu'elle roulait dans Christine,
mais que Christine l'avalait. Et embrasser Arnie dans la voiture
devenait une perversion pire que le voyeurisme ou l'exhibitionnisme;
c'était comme vouloir faire l'amour à
l'intérieur du corps de sa rivale (...)" Le comportement d'Arnie, timide, change quand
il est dans la voiture : "Arnie semblait changer, quand il était dedans, se
transformer en un être qu'elle ne connaissait pas. Elle aimait
qu'il lui touchât les seins, les cuisses, et ses mains
amenaient un goût métallique dans sa bouche, une
sensation délicieuse de vie et d'harmonie.Mais dans la
voiture, ce n'était plus la même chose. Arnie y semblait
passionné avec moins d'honnêteté, avec plus de
concupiscence." (145/6)
Arnie a acheté une voiture
pourrie. Tous croient qu'il la répare dans son garage. Mais en
fait, la voiture maléfique se répare toute seule. Arnie
ne se souvient plus de la plupart des réparations :
"Tout ce dont il se souvenait
avec certitude, c'était qu'il avait passé à son
volant de très longs moments, hébété de
bonheur, dans le même état que lorsque Leigh lui avait
soufflé «Je t'aime.» (150)
La voiture manifeste sa jalousie en
refusant de démarrer, et surtout en tuant, ou essayant de tuer
la rivale. Arnie ressemble de plus en plus à l'ancien
propriétaire que l'on a déjà rencontré
plus haut, en évoquant les morts-vivants. Et Dennis, qui
connait les intentions d'Arnie envers Leigh, imagine leur nuit de
noces : "Elle levait le regard
dans l'obscurité d'une chambre de motel et voyait un cadavre
en décomposition ricanant au-dessus d'elle. Elle criait
pendant que Christine, encore parée des petits rubans de
crêpe blanc aux poignées de ses portières, et
avec les mots JEUNES MARIÉS inscrits au savon sur la vitre
arrière, attendait fidèlement dehors. Elle savait que
Leigh n'en aurait pas pour longtemps, et qu'elle serait là
pour la remplacer." (292)
Il y a d'autres allusions dans l'oeuvre à la relation
sexe-automobile. Une citation de Grandes roues,
où l'ancien renseigne le jeunot : "Bientôt t'auras une femme. Ensuite les
emmerdements. Pension alimentaire. Enfin tu vois. Le bonnes femmes
ça t'amène toujours à la pension alimentaire.
Les voitures, c'est bien mieux. Tiens-t'en aux voitures.
- Pas facile de baiser une voiture.
- Tu s'rais surpris, dit Rocky, et il éclata de
rire." (506)
La
presseuse.
Dans une blanchisserie, une presseuse
est devenue carnivore et happe les humains dans des circonstances
inexpliquées. Un inspecteur, Hunton, enquête. On lui
fait de curieuses révélations : "On dirait qu'il y a une malédiction.
C'est comme ça depuis que Sherry s'est coupé la main
sur un des crampons.-
Sherry? interrogea Hunton.
- Sherry Ouelette. Un joli brin de fille, tout juste sortie du
collège. Et bonne travailleuse avec ça. Mais un peu
maladroite des fois. Vous savez comme sont les jeunes
d'aujourd'hui.(...)
Elle s'est coupée au
doigt et ça saignait partout. (...) Et ce n'est
qu'à partir de là que les boulons ont commencé
à tomber. Puis Adelle a été (...),
enfin, vous savez (...), environ
une semaine après. Exactement comme si la machine avait pris
le goût du sang."
(120/1)
On n'entrera pas dans les
péripéties du récit. Un ami professeur, qui
s'intéresse aux pratiques étranges, lui signale que,
dans les traditions anciennes, un démon peut être
appelé en utilisant divers ingrédients.
"L'une des méthodes les
plus couramment employées pour rendre l'invocation efficace
est bien sûr de répandre le sang d'une
vierge. (...) Les ennuis ont commencé après
que Cherry Ouelette se fut coupée
accidentellement
(...)" (121)
La fille, consultée, leur
confirme sa virginité: "En cet instant précis, Hunton sut que tout
était vrai: un démon s'était emparé de la
masse d'acier de la presseuse, de ses rouages et de ses leviers, et
lui avait insufflé une vie propre." (126)
La boule de
cristal.
Citons encore la boule de cristal de
la sorcière Rhéa, qui lui permet, entre autres, de
suivre les divertissements de ses concitoyens : "Rhéa assista à tout cela dans la
boule de verre, ah, quelle vision intéressante, si fait,
très intéressante. Mais elle avait déjà
assisté à des parties de jambes en l'air auparavant
-parfois à trois ou quatre ou encore plus en même temps.
(...) Ils le firent deux fois avec à peine
une pause entre, pour bavasser. (...) Rhéa n'était pas le moins du monde
surprise; étant à la fleur de son âge, elle
supposait que le gamin avait assez de jute dans son sac pour lui
garantir une semaine de double ration." (TS4, 324) Il y
aurait encore à relever de nombreux détails incidents,
comme cette revue érotique dont la photo de la couverture
fanée est ornée d'une femme en bas résille
montrant sa culotte: "Pendant
que Ben regardait, la vieille/jeune femme de la couverture lui
adressa un clin d'Oil, puis tortilla des fesses en une invite
obscène.
Couvert d'une transpiration glacée, Ben détourna les
yeux." (Ça, 828)
Bilan.
On ne peut pas dire que les objets
à charge sexuelle sont nombreux chez King. D'autre part, le
traitement sexuel qui en est fait ne va pas bien loin dans la
hardiesse. Dans la mesure où l'écrivain manipule son
imaginaire dans sa création, à la fois il se projette
et se distancie. Dans son travail, il peut censurer, atténuer
ou amplifier ses projections imaginaires, en fonction de l'effet
qu'il recherche. King s'est prétendu ambitieux dans ce
domaine. On a souvent répété ce passage de
L 'Anatomie de
l'Horreur : "Je m'efforce donc de terrifier le lecteur.
Mais si je me rends compte que je n'arrive pas à le terrifier,
j'essaie alors de l'horrifier; et si ça ne marche pas non
plus. je suis bien décidé à le faire vomir. Je
n'ai aucune fierté."
(34) En fait, s'il a plutôt bien réussi dans le
domaine de l'horreur pure, il s'est montré beaucoup plus
limité quand il a abordé la sexualité en dehors
du quotidien, normal ou pathologique.
Toute création est la
manipulation d'une réalité à la fois fausse
puisqu'inventée, avec des racines vraies - puisque traduisant
les désirs et les craintes de l'auteur. Rendue vraisemblable
par le travail de l'écrivain, elle permettrait, si elle
était mise à jour, de déterminer quelles sont
les pulsions et les hantises de son créateur. Pour l'instant,
les éléments nous manquent pour faire ce travail. King,
qui craint les psychologues et psychiatres, a bien pris soin de vivre
masqué le plus possible.
Roland Ernould Armentières
© 2001
(roland.ernould@neuf.fr).
Ces opinions n'engagent que leur auteur.
Ces opinions n'engagent que leur auteur, qui reçoit avec
reconnaissance toutes les remarques qui pourraient lui être
faites.
Notes.
1
Désolation, 269.
4 Lovecraft, Oeuvres complètes, édition en 3 volumes, présentée
(introduction remarquable) et établie par Francis Lacassin,
Laffont, édition de 1995, L'Appel de Cthulhu, t.I, 74
5 Lovecraft, Celui
qui chuchotait dans les ténèbres, t.I, 311 et 277.
6 Lovecraft, Le
molosse, t.I, 41.
7 Clive Barker Books of blood,
trad. fr. Livre de
sang III, Albin Michel
1990.
8 Cabal, 1988.
Trad. fr. Cabale, Albin
Michel 1990.
9 Ce passage de quelques lignes peut donner l'occasion
d'une confrontation avec celui de Barker. Celui de Barker est
didactiquement terrifiant, mais ne va pas au-delà. Celui de
King est infiniment plus riche en associations littéraires.
D'abord une allusion mythique au minotaure, carnivore, qui mange des
victimes offertes en sacrifice. Ensuite des associations
d'idées : le taureau est connoté à la corrida et
à l'Espagne. Puis Norman/toro prononce ses onomatopées
fantaisistes d'un ton en total décalage avec leur
signification, comme le fait le flic de Désolation. Ensuite une autoallusion en forme de clin d'oeil
à la factice héroïne de Paul Sheldon,
l'écrivain victime de la psychopathe Annie, dans
Misery, l'auteur préféré
d'Anna. Le parfum préféré d'Anna se mêle
à des odeurs désagréables
déstabilisantes. Enfin l'allusion au couple d'amoureux dans un
parc est d'autant plus pertinente qu'il s'agit ici d'un couple
meurtrier/victime.
ce texte a
été publié dans ma Revue trimestrielle
différentes saisons
saison # 12 -
été 2001.
PRÉSENTATION
PRÉFACE
INTRODUCTION
TABLE DES
MATIÈRES
EXTRAITS
TABITHA KING ET LE
SEXE. : extrait de
Stephen King
et le sexe.
Comparer Tabitha à Steve est
d'autant plus facile qu'elle a, comme lui habituellement,
limité le champ d'action de ses oeuvres à un petit coin
du Maine, un monde clos, avec ses habitants souvent mesquins, au
courant de tout, son restaurant et son bar nocturne, son centre
commercial et même son lac! Univers familier à tous deux
qui facilitent les rapprochements. Il y a peu d'états
d'âme proprement sentimentaux chez Steve, proportionnellement
à la longueur de la plupart de ses oeuvres. Par contre, les
romans de Tabitha, des thrillers sentimentaux, sont consacrés
exclusivement aux échanges amoureux entre hommes et femmes, et
pratiquement l'histoire se résume à des affaires de
coeur.
ÊTRES FANTASTIQUES ET
SEXE ..
.
La diversité sexuelle est une
des caractéristiques des êtres fantastiques. Les lois
littéraires du genre donnent à chacun ses aspects
sexuels propres, qui ne sont transgressés
qu'occasionnellement. Les entités venues d'ailleurs, les
vampires, les morts-vivants s'en donnent à coeur joie. La
sexualité est également liée à des lieux
ou des objets qui ont, liés à divers pouvoirs, ont une
charge sexuelle importante.
Textes proches :
KING TRIVIAL, 1ère partie. 128 Ko
Dans toute culture, il y a des choses
«répugnantes» qui ne se font pas: elles sont
interdites. On n'en parle que négativement, pour rappeler les
commandements et stigmatiser les errements. Quand on ose les
évoquer ou en parler positivement, c'est clandestinement, dans
le secret du Necronomicon.,
avec le risque du bûcher. Il y a aussi les choses qui se font
-et même très couramment-, mais dont on ne parle pas. On
n'en parle pas parce qu'elles sont
déconsidérées, jugées vulgaires,
inconvenantes ou «répugnantes». King, comme bien
d'autres, n'a pas échappé aux condamnations pour
trivialité ou obscénité: il a été
vilipendé par les bien-pensants, interdit dans certaines
écoles, menacé par un projet de loi contre
l'obscénité. D'où la tentation, le recul du
temps aidant, et l'Ïuvre de King s'étalant maintenant sur une
durée raisonnable, de faire le point. Cette étude ne
portera que sur le trivial concernant les fonctions organiques autres
que la sexualité. Je viens de terminer un livre sur
King et le
sexe, actuellement proposé
aux éditeurs.
KING
TRIVIAL
2émepartie. 119Ko
Les conclusions de la première
partie de cette étude mettaient en évidence que les
notations triviales de King sont de deux ordres. Les unes
appartiennent à l'expression spontanée des enfants, des
adolescents ou de diverses catégories d'adultes en situation
et ont leur justification dans un désir de dépeindre
aussi exactement que possible une réalité existante.
Mais les autres dépassent les exigences de la seule
description: elles sont l'expression de caractéristiques
personnelles et la traduction du King profond qui vit masqué.
Ce sont ces deux aspects que nous allons étudier
successivement, en chaussant nos "bottes d'égoutier" sans
éviter le terrain "un peu bourbeux".Il lui a fallu trouver un
équilibre entre toutes ces influences et il y est parvenu par
l'écriture, soumise à l'opposition entre son
côté naturel dionysiaque et des influences
éducatives apolliniennes. Cet équilibre instable fait
que d'une Ïuvre l'autre, suivant que le contrôle l'emporte sur
les pulsions, le trivial occupe une place plus ou moins importante,
pour cet écrivain populaire capable d'écrire dans tous
les registres.
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