Stephen King
politique :
LES ALÉAS D'UNE DÉMOCRATIE
Un des mythes porteurs de notre
époque, actuellement en perte de vitesse, a été
la construction d'une société plus juste et soucieuse
à la fois des intérêts des individus et de la
collectivité. L'utopie est ancienne, mais pour la
première fois dans l'histoire, il a été possible
à notre époque de faire vivre des millions d'hommes
dans l'espérance de la construction d'une
société politiquement meilleure, permettant
l'épanouissement d'un homme nouveau.
Il paraîtra insolite d'étudier l'oeuvre de King dans
cette perspective. Mais il y a des éléments tellement
intéressants dans The Stand
1[Le
Fléau
2], qu'il serait dommage, au moment où les
élections aux U.S.A. attirent l'attention du grand public sur
la situation politique de cette démocratie, de négliger
le sociologique de l'oeuvre au seul profit de l'action et du conflit
entre les forces du bien et celles du mal.
.. du site ..
MISE EN
SITUATION HISTORIQUE DU PROBLÈME POLITIQUE.
Influence
directe
:
Stewart.
King a été
influencé3 par un roman de Georges R. Stewart4 :l'humanité détruite par une
épidémie de peste, les survivants s'orientent vers un
mode de vie pastoral et écologique.
King reprend ce thème. L'humanité a été
pratiquement anéantie par une super-grippe: à
l'origine, une fuite de cultures virales provenant d'un Centre de
Recherches Biologiques fonctionnant dans le cadre d'un possible
conflit bactériologique. Tous les moyens matériels de
la civilisation sont pratiquement intacts. Les survivants vont
reconstruire leurs sociétés5.
King va donc être amené à décrire la
réorientation politique de ces sociétés face aux
bouleversements intervenus. Certains survivants essaient de
construire une société démocratique (2è
partie); d'autres subissent une tyrannie (3è partie).
Influence indirecte :
J.J. Rousseau.
La situation dans laquelle King place
les survivants est celle d'un Rousseau moderne à l'orée
du XXIè siècle.Les hommes primitifs décrits par
Rousseau6 vivaient simplement des produits de la nature,
suivaient leurs seuls instincts et leur conservation, sans aucune
servitude. S'associant entre eux librement par familles, ils
subvenaient personnellement à leurs besoins dans
l'indépendance et l'autonomie. L'invention de l'agriculture et
de la métallurgie a entraîné la division du
travail, la hiérarchie, et les inégalités
économiques, à la suite de l'appropriation par certains
des richesses produites. La propriété privée est
ainsi née à la fois de l'inégalité des
rendements individuels et des rapports de force dans la
répartition des biens.
Les puissants imposèrent une législation
destinée à maintenir leurs privilèges et
à protéger leurs richesses: le pouvoir civil fut
organisé à leur profit et créa un fossé
entre les peuples et leurs dirigeants. L'avènement d'un
pouvoir autoritaire maintint et aggrava l'injustice sociale par
l'oppression politique et le despotisme, assujettissant
désormais les hommes au travail, à la servitude et
à la misère.
Cette thèse de Rousseau est à l'origine d'une bonne
partie de la pensée sociale du XVIIIè au XXè s.
Elle a inspiré aussi bien les socialismes, les communismes
(comment créer une organisation sociale meilleure?), que les
écologismes (comment vivre au mieux avec le milieu
naturel?).
Similitudes et
différences.
Matériellement, la situation
est la même, nonobstant les différences de nature des
biens (les uns naturels, les autres artificiels en grande partie):
d'un côté les produits de la nature à
disposition; de l'autre, les magasins, les entrepôts et les
habitations bourrés de produits qu'il n'y a qu'à
ramasser.
De même, politiquement, dans cette société de
1990, tous sont théoriquement égaux: il n'y a plus de
structures sociales, pas de hiérarchie, il ne faut pas
travailler et les biens sont à la disposition de tous.
La différence entre la situation des hommes imaginés
par Rousseau et les survivants de King est que les premières
sociétés se sont constituées en une
évolution historique très lente; nos contemporains vont
agir poussés par la pression et l'urgence d'un conflit.
Apollon et
Dionysos.
En effet, la société
apollinienne (ainsi nommée par King)7, installée à Boulder, Colorado,
va essayer d'instituer un régime démocratique, avec des
hommes d'action de bonne volonté, aidés par un
sociologue averti.
Cette société à venir n'est pas libre de ses
choix: elle ne pourra pas se bâtir dans l'utopie, mais devra
s'établir sous la pression des événements.
Elle est en effet menacée par le camp
dionysiaque8, installé à Las Vegas, Névada, qui
va chercher à la détruire.
UN GROUPE
APOLLINIEN S'ESSAIE À LA DÉMOCRATIE.
Mise en place
des institutions.
Le
regroupement.
Les survivants de Boulder se
sont regroupés autour de Mère Abigaël.
"La vieille femme était
un pôle d'attraction autour duquel les autres peu à peu
se regroupaient (p.
642)9. Ils se trouvent dans une situation d'anarchie, peuple
sans gouvernement. Dans cet état de vie sans contraintes
sociales, sans lois et sans organismes chargés de les faire
respecter, que va devenir la communauté, qui grossit
lentement, de plusieurs centaines à plusieurs milliers
d'individus?
"Une société va
se former (...).
De quel genre ? Impossible de
le savoir"(p. 643).
"J'aime à croire que la
plupart des gens sont bons"(p. 647).
"Les gens avaient
changé. La société qui s'était
formée dans cette petite ville ne ressemblait en rien à
celles qui avaient existé avant (...). Hommes et
femmes vivaient en couple, sans désir apparent d'instituer
à nouveau la cérémonie du mariage. Des groupes
de personnes habitaient ensemble en petites sous-communautés,
comme des communes. Les disputes étaient rares. Tout le monde
semblait s'entendre
(...). Boulder avait fait
table rase"(p. 685).
Certains travaillent, d'autres pas: "le problème des travailleurs, c'est qu'ils
travaillaient tous sans méthode, quand l'envie leur en prenait
(...). Plutôt bordeliques"(p. 688). "Les gens étaient pleins de bonne volonté;
ce qu'il leur fallait, c'est quelqu'un pour coordonner leurs
activités, pour leur dire quoi faire"(p. 688).
Le danger.
L'autre groupe, dirigé
par Randall, est une menace mortelle. Comment faire face à
cette menace? "C'est le bordel
ici (...). On ne peut pas rester comme ça sans
rien foutre...Au risque de se réveiller un beau matin et de
voir débouler ce type à la tête d'une colonne de
tanks"(p. 648).
La
riposte.
Un petit noyau d'hommes et de femmes résolus, constitué
autour d'Abigaël, va essayer d'organiser la communauté
: "recréer
l'Amérique. Notre petite Amérique"(p. 648). "Nous ne sommes plus qu'une bande de survivants, sans
aucun gouvernement. Un méli-mélo de groupes
d'âges, de groupes religieux, de groupes de classe, de groupes
ethniques" (p. 649).
Abandonnés à eux-mêmes, que vont-ils devenir?
"Au bout de quelque temps, ils
vont commencer à réagir avec leurs tripes...Nous devons
les prendre en mains avant qu'ils ne se réveillent et fassent
des bétises"(p.
649).
Les
intentions.
Les rescapés sont
fatigués, ont peur, ne savent pas ce qui va arriver. En
l'absence d'institutions, tout est possible. "Si quelqu'un se levait.(...) et
proposait de donner le pouvoir absolu à Mère
Abigaël, avec vous et moi comme conseillers, (...)
la proposition serait adoptée à l'unanimité.
Personne ne se rendrait compte que nous viendrions de voter la
première dictature américaine"(649).Il faudrait créer
une "démocratie
directe"comme "au début de la colonisation"(p. 649). Tout est à faire.
"Le gouvernement est une
idée...Rien de plus, une fois que vous supprimez
les fonctionnaires10. (...) C'est une
doctrine, rien d'autre qu'un sentier que l'habitude a gravé
dans nos mémoires"(p.
649).
"Il faut donner la
"priorité absolue à l'organisation et au
gouvernement"(p. 648).
"Nous sommes des hommes
politiques, les pionniers d'une nouvelle
époque"(p.
713). "Autorité,
organisation. Comme ces deux mots allaient bien
ensemble", pense Nick, et
comme il "n'aimait pas ces
deux mots"(p. 668).
Les moyens
d'action.
"Nous avons un atout:
l'inertie culturelle. La plupart des gens qui sont ici croient encore
au gouvernement représentatif, à la république -
ce qu'ils pensent être la démocratie. Mais l'inertie
culturelle ne dure jamais longtemps"(p. 649).Il est décidé que, lors d'une
assemblée générale, le noyau organisateur fera
ratifier l'esprit de
l'ancienne société (p. 649) par un "scrutin à mains
levées"(p. 648),
expression de la démocratie directe.
C'est ainsi que se verront ratifiées la Déclaration
d'Indépendance, la Constitution et la Déclaration des
Droits du Citoyen11. Sont également nommés dans la
foulée les "représentants de la Zone Libre"de Boulder
(p. 649).
"En attendant, il fallait
faire un tri. Jeter ce qui ne servait plus. Faire une liste de tout
ce qui fonctionnait encore
(...). Il y a quelque chose de
maladivement terrifiant dans la facilité - presque la
volonté - qu'ont les choses de vouloir sauter en l'air. Le
plus difficile est de remettre de l'ordre"(p. 672).
La fin et les
moyens : la magouille, déplorée, mais
acceptée...
En bonne démocratie, une
société se fait par l'établissement d'un
consensus à un contrat social où la loi est, dans la
clarté et la vérité, l'expression de la
volonté générale majoritaire12. Dans cette perspective, le contrat est le
consentement éclairé sur la réglementation de la
vie sociale et son observance.
Par tous
les moyens...
Mais on est pressé: "Si
nous commençons tout de suite, nous aurons le gouvernement que
nous voulons. Si nous attendons que la population triple, nous aurons
des problèmes"(p.
648). Face à l'adversaire, il faut recréer
l'Amérique "par tous
les moyens, bons ou mauvais"(p. 648).
"Nous ferons en sorte que les
représentants élus soient les mêmes que les
membres du Comité organisateur. Nous ne perdrons pas de temps,
et nous passerons au vote avant que les gens aient eu le temps de
penser à leurs petits copains. Nous choisirons
nous-mêmes ceux qui proposeront leurs candidatures et la
proposition passera comme une lettre à la
poste"(p. 650).
Et, malheureusement pour la démocratie naissante, en situation
de guerre, tout n'est pas bon à dire. Le Comité doit
faire face au parti adverse: "sa véritable mission secrète consiste
à savoir comment faire face à cette force connue sous
le nom de l'Homme Noir"(p.
712).
Et les
restrictions sont multipliées:
- "ne pas parler des questions
théologiques, religieuses ou surnaturelles concernant
l'Adversaire"durant les
séances du Comité (p. 712);
- ne pas évoquer ce problème, pourtant de
fond, à l'Assemblée Générale, le
Comité jugeant
"nécessaire de garder le secret"sur ces questions (p. 712);
- on retarde une Assemblée Générale
pour que les gens "ne parlent
pas publiquement de ce qui se passe à l'Ouest"(p. 852);
- on va utiliser, dans les réunions publiques,
tous les petits procédés des bateleurs d'estrade qui
bafouent les principes démocratiques
élémentaires13;
- un objecteur se manifeste (des objections
éventuelles avaient été demandées), mais
il dérange Stu, qui fait "semblant de ne pas le voir"(p. 764);
- des applaudissements sont provoqués:
"le coup avait
été arrangé"(p. 759);
- un intervenant se produit à un moment convenu:
"des éclats de rire
saluèrent son intervention (...). Glen14 souriait. Il
avait passé le mot à Rich une demi-heure avant
l'assemblée, et Rich s'en était admirablement
tiré. Le vieux prof avait raison sur un point (...); dans une grande réunion, il est souvent utile
d'avoir étudié la sociologie"(p. 925);
- on reporte le remplacement d'un dirigeant parce que
celui qui se présente est un incapable: "je suppose que les autres voudraient avoir le
temps de réfléchir"(p. 923).
Un exemple
: la salubrité publique.
"Il faut remettre de
l'ordre dans tout ce bordel"(p. 712): c'est tout le problème du mode
d'exercice de l'autorité, de ses champs et modalités
d'application qui s'est imposé aux Représentants.
Tout a commencé avec l'élimination des cadavres. On a
créé un Comité des inhumations, dont la mission
est de faire disparaître les milliers de cadavres qui sont
restés dans les maisons et qui vont bientôt pourrir
à la saison des pluies.
Mais "afin de ne pas provoquer
de panique", il ne faut pas
présenter ces inhumations comme un moyen de supprimer
"un danger pour la
santé publique".
L'argument avancé pour entraîner l'adhésion de
l'Assemblée sera de présenter ces inhumations
"comme une chose plus
convenable"(p. 710).
Ce qui est formulé ainsi lors de l'Assemblée
Générale qui vote la constitution d'un Comité
des Inhumations: "le mandat
sera de donner une sépulture décente aux personnes
mortes de la super-grippe"(p.
757). Quand il faut des volontaires supplémentaires, le
responsable ajoute que "c'était par simple décence qu'on enterrait
les morts, que personne ne se sentirait complètement en paix
tant que ça ne serait pas fait. Et si on pouvait terminer
avant l'automne et la saison pluvieuse, tant mieux"(p. 850). Langue de bois...
En fait de sépulture décente, on en est réduit
à charger les cadavres dans des camions et à les benner
dans un trou: "les cadavres
culbutaient...comme une grotesque pluie humaine"(p. 802).
Les "habitants de Boulder ne
sauraient jamais à quel point le danger d'une nouvelle
épidémie - une épidémie contre laquelle
ils n'auraient pas été immunisés - avait
été réel"(p. 800).
L'érosion lucide, mais pénible des
consciences.
"Nos intentions sont
pures", dit un membre du
Comité (p. 755). "L'enfer en est pavé", ajoute quelqu'un. "De bonnes intentions, oui. Et comme nous semblons tous
nous méfier tellement de nos intentions, nous sommes
sûrement en route pour le paradis"(p. 755).
Mais l'un après l'autre, suivant leurs responsabilités
du moment, les membres du Comité voient apparaître le
décalage entre leurs intentions et les
nécessités, et leur belle conscience morale
s'effriter.
-
Frannie.
Il faut désigner des volontaires pour espionner Randall,
l'Homme Noir (p. 713). Nick se propose d'envoyer Tom Cullen,
retardé mental. Le problème, c'est qu'il faudrait
l'envoyer sous hypnose après l'avoir "programmé,
même s'il court le risque de se faire torturer par l'autre
camp
Frannie réagit : "Vous
dites que nous avons tout à gagner et rien à
perdre (...). Et notre foutue conscience ? Peut-être
que ça ne vous dérange pas de penser qu'on flanque
des...des choses sous les ongles de Tom, qu'on lui donne des chocs
électriques. Mais moi, ça me dérange.
L'hypnotiser, pour qu'il fonctionne comme... un poulet quand on lui
met la tête dans un sac ! Tu devrais avoir
honte"(...). "Vous ne comprenez donc pas que ça
revient à recommencer toute cette merde
d'autrefois? (p. 718).
Après avoir voté non, et après discussion,
Frannie finit par revenir sur son vote...
-
Stu. Stu se révolte
contre le fait qu'il a dû donner à Tom l'ordre de tuer:
"je ne suis pas d'accord
!...on ne peut pas envoyer un pauvre débile se battre pour
nous, on ne peut pas pousser les gens comme des pions sur un putain
d'échiquer, on ne peut pas donner l'ordre de tuer comme un
boss de la maffia. Mais je ne sais pas quoi faire d'autre... Si nous
ne découvrons pas ce qu'ils préparent, toute la Zone
Libre risque de s'évaporer un beau jour de printemps dans un
énorme champignon atomique ! (p. 832).
-
Larry.
Il est obligé,lui
aussi, de faire le contraire de ce que lui dicte se conscience.
"Vous voulez que je vous parle
franchement? Je trouve que cette idée pue tellement que j'ai
l'impression de me retrouver dans une vieille
pissotière"(p. 719).
Mais il finit par voter comme les autres.
Il avait déjà dû transiger sur un autre point:
"je n'aime pas tellement les
mystères, les petits trucs en-dessous (...). Cette catastrophe (...) est
arrivée parce qu'un tas de petits malins voulaient faire leurs
petites affaires en-dessous.
(...) De la pure connerie
humaine"(p. 706). Mais quand
Mère Abigaël dit que rien ne sera terminé tant
qu'un des deux camps n'aura pas été battu, il
déplore: "J'espère qu'elle ne raconte pas ça
à tout le monde"(p.
706).
-
Sue.
Pour éviter
"de voir vingt petits copains
présenter la candidature de leurs vingt petits copains, ce qui
pourrait tout foutre par terre" il faut bien que quelqu'un présente à
l'Assemblée les candidatures du Comité.
"Nous ne pouvons pas le faire
entre nous, évidemment - nous ne voulons pas donner
l'impression d'être une mafia". Elle propose à chacun "de trouver quelqu'un pour
présenter [sa]
candidature et un autre
bonhomme pour l'appuyer"(p.
755).
"Ça sent la
combine", dit Sue.
Évidemment, faire soi-même ce que l'on craint que les
autres fassent...
Et chaque discussion précédant un vote se termine de la
même façon: chacun voit bien les dangers moraux de leurs
décisions, mais comment faire autrement? Quand le danger
menace, l'éthique s'efface...On ne peut garder les mains
pures: il faut agir, le péril de mort est obsédant. Et
mieux vaut dans ce cas avoir les mains sales que de ne pas avoir de
mains du tout...
On ne peut que se répéter cet argument
éculé: "nous
espérons simplement que notre cause est plus juste que
certaines de celles pour lesquelles d'autres hommes politiques ont
envoyé des gens se faire tuer"(p. 713).
Et l'histoire
recommence...
La création d'un
Service de la Sûreté Publique montre bien ce qui risque
de se passer (p. 713).
Il y a des désordres à Boulder. Un jeune sans permis
fonce à toute allure dans la rue et se blesse (p. 714): il
aurait pu tuer quelqu'un. Un ivrogne casse des vitrines (p. 795):
inutile et on risque de se blesser sur le verre. Un cocu
démolit son rival et sa partenaire (p. 795): on ne peut
laisser s'intaller les voies de fait. Mais il n'y a personne pour
faire régner l'ordre.
Il faut bien que quelqu'un fasse ce travail: on désigne Stu,
qui proteste: "Je n'ai pas
envie de faire ce foutu travail"(p. 796). Frannie, qui vit avec lui, intervient:
"Je voudrais poser une
question. Et si quelqu'un décide de lui faire sauter la
tête? - Stu : "je ne pense pas..."- Frannie : "non, tu ne
penses pas. C'est vrai. Mais qu'est-ce que Nick aura
à me répondre si tu te trompes complètement?
"Oh, je suis désolé, Fran!"C'est ça qu'il va me
dire? "Ton mec est au palais de justice. Il a un gros trou dans la
tête. J'ai bien peur que nous ayons commis une erreur" (...). Je vais bientôt avoir un bébé et vous voulez que Stu joue les
shérifs!"(p. 796).
Il finit par accepter d'être shérif, et essaie de se
justifier auprès de Frannie: "Je sais ce que tu veux pour le bébé...Tu
me l'as dit cent fois. Tu veux l'élever dans un monde qui ne
soit pas totalement fou. Tu veux pour lui - pour elle - un monde
sûr. C'est ce que je veux moi aussi (...). Toi et le
bébé sont les deux principales raisons qui m'ont fait
dire que j'étais d'accord"(p. 798).
Stu a beau essayer de se rassurer: "Je ne vois pas pourquoi nous aurions beaucoup de
difficultés. Pour moi, le travail du shérif consiste
surtout à empêcher les gens de se faire du
mal"(p. 848), Nick est plus
clairvoyant: quand l'électricité sera remise en marche,
combien faudra-t-il "de temps
avant que quelqu'un (...)
demande de bricoler une chaise
électrique? (p.
884).
Et on en prend vite le chemin: quelques mois plus tard, un nouveau
shérif a fait campagne pour obtenir son poste. Il était
"convaincu que la loi
apportait la réponse finale à tous les
problèmes"(p. 1174).
il a dix-sept hommes sous ses ordres et en demande toujours davantage
à chaque séance du Comité. Il obtient
"l'autorisation d'armer ses
hommes"(p. 1178).
"Et ensuite? Quelle est la
suite logique? (...)
Vous leur donnez de plus gros
calibres. Et des voitures de police"(p. 1175).
"L'éternel combat entre
la loi et la liberté individuelle venait de
reprendre"(p. 1178).
Passons sur les créations d'un système judiciaire (p.
797); d'un Comité des Règles Démocratiques (p.
848): les problèmes seront les mêmes à chaque
fois: "La loi, la loi,
qu'est-ce que nous allons en faire? Peine capitale. Charmante
idée"(p. 884).
"La boîte de
Pandore?
(...). Nous sommes tous en
train de l'ouvrir"(p.
832).
Les citoyens
de la zone libre de Boulder.
Des
réactions surtout émotives.
Lors de la première
Assemblée Générale, "Tout le monde se mit debout et les applaudissements
grondèrent comme une averse torrentielle (...) Stu leva les bras, mais la foule en délire ne
voulut pas s'arrêter; au contraire, le bruit redoubla
d'intensité"(p. 759).
Des hommes et des femmes pleurent (p. 760). On chante l'hymne
national avec émotion, on applaudit les décisions avec
enthousiasme (p. 764).
Mais quelques semaines plus tard, "on commença par chanter l'hymne national, mais la
plupart des yeux restèrent secs; l'hymne n'était plus
qu'une partie de ce qui allait être bientôt un rituel.
Dans une indifférence générale, on décida
de constituer un comité de recensement"(p. 847).
Sur des questions importantes, comme le choix des
représentants de la Communauté, "beaucoup s'étaient
abstenus15, comme si la
question ne les intéressait pas"(p. 923). Quand on leur demande des idées, ils
font des "propositions
extravagantes"(p. 848). On
discute: "Pour parler, ils le
firent pendant les trois heures qui suivirent (...).
Rien de bien concret ne sortit de la réunion. Quelques
propositions plutôt folles (...). Très peu d'idées
pratiques"(p. 926).
Après un attentat qui a fait des victimes, le climat change
encore. On réclame vengeance. "Et ce sont les bons? Ils sont
déchaînés, ils ont soif de sang, ils ne pensent
qu'à attraper"les assassins "pour les pendre"(p. 921).
Stu, qui se proposait de convaincre sans contrainte, se voit
obligé de parler de prison et de sanctions: on organisera
"un procès,
c'est-à-dire qu'ils pourront donner leur version de
l'histoire...Nous sommes censés être les bons. Nous
savons tous où sont les méchants. Si nous sommes les
bons, nous devons nous comporter comme des gens
civilisés"(p.
921).
Mais il ne voit autour de lui "que de l'étonnement, de la
colère"(p. 921). On n'est pas loin du lynchage...
Un
comportement ambigu à l'égard du
travail.
S'il y a des volontaires
quand le comité le demande, la plupart des habitants ne font
rien: "Une équipe
composée essentiellement de femmes s'occupait de
dégager la rue. Une petite foule les regardait
faire"(p. 805).
De toute façon, le rendement des volontaires laisse à
désirer: "le
problème, c'est qu'ils travaillaient tous sans méthode
quand l'envie leur en prenait"(p. 688). "Comme
pour notre travail à la centrale électrique. Nous
n'avançons pas vite parce que nous ne sommes pas
organisés"(p. 756). La
recherche d'Abigaël disparue se fait dans le désordre,
"dans une confusion
indescriptible"(p. 744).
Mais petit à petit les choses s'organisent. "Ils étaient prêts à
relever un défi"(p.
926). Si tous ne travaillent pas, les volontaires le font dans la
compréhension de la tâche et dans la satisfaction.
Certains prennent conscience que c'est pour eux qu'ils travaillent:
"Je crois qu'il est plus
facile de faire un sale boulot pour soi que pour quelqu'un d'autre.
Certains de ces types, c'est la première fois qu'ils
travaillent pour eux-mêmes"(p. 865).
Les volontaires se trouvent facilement (p. 895). Ils déneigent
les routes l'hiver, ils montent sérieusement la garde (p.
1160). "Il y avait des
centaines de projets en route et d'innombrables volontaires pour lui
donner un coup de main"(p.
1174).
A noter qu'il n'y a pratiquement pas d'opposants, et que les quelques
récalcitrants sont mis au pas ou rejoignent le camp adverse.
Mais combien de temps cela durera-t-il?
Ainsi va, cahin-caha, en balbutiant, la fragile démocratie de
Boulder...
L'ADVERSAIRE
DIONYSIAQUE OU LA DICTATURE.
Le dessein de Randall FLAGG, l'homme
Noir, "homme heureux dans la
haine"(p. 180), est de
réunir "autour de lui
une armée (...)
qui allait balayer tout
l'ouest du pays, réduire en esclavage tous les survivants,
d'abord en Amérique, puis dans le reste du
monde"(p. 558).
Ses forces
humaines.
Son pouvoir s'appuie essentiellement
sur des délinquants choisis, des exclus, des aigris, des
esprits négatifs et des techniciens.
- des
délinquants.
Il a ses hommes à lui,
hommes de main, assassins, qu'il fascine. Un prisonnier qu'il vient
libérer sentait "une
sorte d'extase religieuse. Un immense plaisir. Le plaisir d'avoir
été choisi, élu"(p. 365).
Le style d'une séance de recrutement? A un prisonnier, futur
condamné à mort: "Tu voudrais te venger des types qui t'ont laissé
moisir ici, pas vrai?...Pas seulement ceux-là d'ailleurs, mais
tous ceux qui pourraient être capables de faire une chose
pareille?(...).
Pour ces gens-là, un
homme comme toi est une ordure. Parce qu'ils ont le pouvoir. Pour
eux, un type comme toi n'a pas le droit de vivre"(p. 364).
- des
exclus.
"Il y avait toute une
armée d'exclus de l'autre côté des montagnes. Et
lorsque suffisamment d'exclus se réunissent au même
endroit, une osmose mystique se produit et vous devenez membre du
groupe. Du groupe où il fait chaud. Ce n'est qu'une petite
chose, d'être à l'intérieur d'un groupe où
il fait chaud, mais en réalité c'est une très
grande chose. Peut-être la plus importante au
monde"(p. 938).
"Je suis comme cette
bestiole", pense un
rejeté pyromane, objet de la raillerie et des vexations de son
entourage; et il se demande: "Quel était ce monde où Dieu vous laissait
tomber dans un sale merdier comme une bestiole dans une flaque
(...) et vous laissait là vous
débattre pendant des heures, peut-être pendant des
jours...ou même, dans son cas, pendant des années. Un
monde qui méritait bien de brûler"(p. 289). Quand le pyromane arrive dans le
fief de Randall, il est bien accueilli: "Aussi loin qu'il pouvait se souvenir, c'était la
première fois de sa vie que quelqu'un lui tendait la main. Il
était arrivé. Il était accepté. Enfin il
n'était plus rejeté comme il l'avait toujours
été"(p.
604).
- des
aigris.
On connaissait bien Flagg
chez "les
révolutionnaires professionnels et ceux qui ont si bien appris
la haine que la haine déforme leur visage (...), que personne ne veut d'eux si ce n'est leurs semblables,
qui les accueillent dans des chambres minables et
décorées de slogans et de posters, dans des sous-sols
où l'on serre des bouts de tuyaux dans des étaux aux
mors rembourrés pour les remplir d'explosifs"(p. 181).
Flagg dispose de réseaux clandestins, qui lui procurent les
faux-papiers, les voitures volées, l'argent dont il peut avoir
besoin. "Quand il arrivait au
beau milieu d'une réunion,les bavardages hystériques
cessaient tout à coup - les commérages, les
récriminations, les accusations, la rhétorique
idéologique"(p. 181).
Il les regardait, "le visage
flamboyant"(p. 266), et quand
la conversation reprenait, "elle était désormais rationnelle et
disciplinée - mais rationnelle et disciplinée comme le
pouvaient les fous. Et c'est alors qu'on décidait les
choses"(p. 181).
- des
réfléchis négatifs.
Comme ce
stirnerien16, qui
écrit dans son journal: "On dit que les deux grands péchés de
l'homme sont l'orgueil et la haine (...). Je
préfère y voir les deux grandes vertus de l'homme.
Renoncer à l'orgueil et la haine, c'est dire que vous voulez
changer pour le bien d'autrui. Les cultiver, leur donner libre cours,
est cent fois plus noble, car c'est dire que le monde doit changer
pour votre bien à vous"(p. 882).
- des
techniciens.
"La plupart des
techniciens vont se retrouver dans son camp (...). Les techniciens aiment travailler dans une
atmosphère très disciplinée, avec des buts bien
précis"(...). Car si,
à Boulder, c'est la confusion, dans le camp de Flagg,
"tout le monde marche au pas
de l'oie". "Les techniciens sont des hommes comme les
autres, ils vont aller là où ils se sentiront chez eux.
Notre adversaire veut qu'ils soient aussi nombreux que
possible"(p. 647).
Des hommes capables de s'occuper des silos de missiles, des tanks,des
hélicoptères, des bombardiers...
- des
soumis.
"La plupart des gens
étaient gentils,pas tellement différents de ceux de
Boulder"(...),
mais "parfois
d'étranges silences s'installaient parmi eux (...).
Ils obéissaient aux ordres sans poser de
questions"(p. 1018).
Ce qui frappe dans ce recensement, c'est la diversité des
motivations. Ceux qui se sont rassemblés autour de Flagg n'ont
pas les mêmes perspectives. S'ils restent obéissants et,
en apparence, unis, la raison en est la terreur que Flagg leur
inspire.
Le mode de
gouvernement.
"Pendant que vous méditez sur les beautés
de l'ordre constitutionnel, prenez quelques instants pour
méditer sur Randall Flagg, l'homme de l'ouest. Je doute
beaucoup qu'il ait du temps à perdre avec des niaiseries comme
les assemblées publiques, les ratifications et les
discussions.au sens démocratique et libéral. Au lieu de
perdre son temps, il s'intéresse à l'essentiel, un
monde selon Darwin"(...):
"les petits sont
bouffés par les gros"(p. 839).
Flagg s'est en effet proclamé Chef du Peuple et Premier
Citoyen (p. 626). Il a appelé son régime la
"Société du
Peuple", en "l'An Un, année de
l'épidémie"(p.
1106). Ses hommes de main le suivent sans hésiter: il est le
gagnant. "Il va faire
disparaître vos gens de la surface de la terre"(p. 972).
Si ceux de la Zone de Boulder ont des délicatesses et des
scrupules, il n'en est pas de même pour ceux de Flagg:
"l'idée qu'ils puissent
avoir besoin de tribunaux, de prisons, (...) peut-être même d'un
bourreau"tracasse les gens de
Boulder. Mais "l'homme noir ne
s'embarrasserait sans doute pas de tribunaux ou de prisons. Son
châtiment serait rapide, sûr, brutal. Il n'avait pas
besoin de prisons pour faire peur aux gens, quand les cadavres
s'aligneraient le long de l'autoroute 15, crucifiés sur des
poteaux de téléphone, offerts aux
oiseaux"(p. 667).
La vie dans le
société du peuple.
L'électricité fonctionnait, les rues étaient
dégagées, plus une trace des dégâts
laissés par les vandales. "Glen avait raison, dit-il. Avec lui [Flagg], les trains arrivent à l'heure. Mais je me
demande si c'est la bonne manière"(p. 1091).
Dans l'autobus, allant au travail, "des hommes et des femmes montaient. On ne parlait pas
beaucoup Et le trajet du retour (...) se fit dans
un silence qui [l']
étonna (...).
Pas de bousculade, presque pas de conversations, rien des habituelles
taquineries entre la vingtaine de femmes et la trentaine d'hommes qui
composaient le groupe. Tous semblaient s'être enfermés
dans un monde de silence"(p.
622).
Les gens "travaillaient
beaucoup plus dur que ceux de la Zone. Dans la Zone libre, vous
pouviez voir des hommes et des femmes flâner dans les parcs
à toutes les heures de la journée, d'autres prendre
trois bonnes heures pour déjeuner. Ici, il n'en était
pas question. De huit heures du matin à cinq heures de
l'après-midi, tout le
monde
travaillait"(p. 928).
Le travail est fait, mais pas dans la joie. Flagg "continuait à les terroriser. S'ils
salopaient le boulot et qu'il s'en aperçut, ils n'auraient
plus qu'à faire leurs prières"(p. 947).
Les gens sont obligés d'assister à la crucifixion d'un
condamné. "La foule
resta là près d'une heure, chacun craignant
d'être le premier à partir. Le dégoût se
lisait sur de nombreux visages, une sorte d'excitation
hébétée sur de nombreux autres (...),
mais s'il existait un dénominateur commun, c'était la
peur"(p. 627).
Pas de problème de drogue à l'ouest. Tous savaient
quelle était la sanction: "Le châtiment pour ceux qui
désobéissaient à ses ordres était la
crucifixion"(p.
950). Celui qui était
coupable d'avoir consommé de la drogue était
crucifié "pour le bien de la Société du Peuple,
en guise d'avertissement solennel"(p. 627).
La
décomposition du système.
"Les gens étaient
plutôt gentils, mais ils n'avaient pas beaucoup d'amour. Ils
n'avaient pas le temps, parce qu'ils avaient trop peur. L'amour ne
pousse pas très bien dans un endroit où il fait
toujours noir"(p. 1039).
"Ce qui l'effrayait le plus,
c'était la façon qu'avaient les gens de
s'éloigner quand vous mentionniez le nom de Flagg, comme s'ils
n'avaient pas entendu. Certains se signaient furtivement ou faisaient
le signe qui éloigne le mauvais 'il. Il était le grand
«Celui qui est sans être»"(p. 962). Mais "s'il vous fait peur, c'est peut-être qu'il n'a
rien d'autre à vous donner"(p. 973), leur dit un espion de Boulder, qui pense:
"L'Allemagne de
193817. Les nazis? Oh,
ils sont charmants. Très sportifs. Ils ne fréquentent
pas les boîtes de nuit"(p. 968).
Avec la faiblesse fondamentale des régimes totalitaires.
"Si c'est un vrai dictateur,
alors il
[Flagg] est peut-être la
seule chose qui les unit. S'il n'est plus là, ils commenceront
peut-être à se chamailler et à se battre. S'il
meurt, leur organisation s'effondrera peut-être tout
seul"(p. 854).
Les choses n'iront pas jusque là. Dès que Flagg commet
des erreurs et montre des signes de défaillance, les rats
fuient le navire en péril. "Ils abandonnent leur poste et s'enfuient... Vingt hommes
partent au travail, ils reviennent dix-huit. Les
gardes-frontières désertent. Ils ont peur que la
balance du pouvoir bascule... Ceux qui restent ne lèveront pas
le petit doigt lorsque ceux de l'est viendront t'achever une fois
pour toutes"(p. 1038).
Des exécutions tournent mal. Les gens s'en vont
"de plus en plus tous les
jours"(p. 1051). Flagg est
mis en cause par une foule qui se rebelle.
On ne saura pas ce que serait devenu ce régime en voie de
destruction: un accident nucléaire provoqué par un
sbire trop zélé fait disparaître la Cité
du Peuple (p. 1108).
En guide de conclusion : Dionysos chez
Apollon.
La société dionysiaque
axée sur la compétition,la violence, l'agression et
l'asservissement est évidemment insupportable : ce
régime qui valorise les comportements extrêmes de
certains dans l'oppression des autres, ce système
«militaire»,comme l'appelait Spengler18, ne peut devenir l'aboutissement de nos
sociétés humaines; du moins, c'est à
espérer.
On voit bien en effet que King prend plaisir à montrer,
même à accumuler tous les germes de dégradation
qui menacent la société apollinienne de Boulder. Car
les membres du Comité sont de bonne volonté et
intègres. "Ils sont
exactement ce que les manuels d'instruction civique nous disent qu'un
bon citoyen doit être : engagés, mais jamais fanatiques;
respectueux des faits, sans jamais vouloir les déformer
à leur convenance; mal à l'aise dans un poste de
commandement, mais rarement capables de décliner cette
responsabilité si elle leur est offerte...ou imposée.
Dans une démocratie, ce sont les meilleurs chefs, car ils ne
risquent pas d'aimer le pouvoir pour le pouvoir"(p. 630).
Si les membres du Comité ressemblent bien à cette
description, ils sont cependant sensibles au fait que tout pourrait
très vite basculer dans l'oligarchie. "C'est incroyable comme les gens acceptent vos
petits secrets. Ça me fait un peu peur (...).Si nous le voulions, nous pourrions devenir des rois"
(p. 896).
La démocratie naissante paraît bien compromise...
La Zone Libre de Boulder va maintenant grandir: comment faire
face?
"La démocratie directe
- et c'est exactement ce que nous faisons (...) va
très bien fonctionner pendant quelque temps (...).
Mais ensuite nous serons trop nombreux, la plupart des gens qui
viendront aux assemblées viendront pour régler leurs
petites affaires à eux, leurs intérêts personnels
(...). A mon avis, nous devrions
réfléchir très sérieusement à la
manière de transformer Boulder en
république"(p.
794).
Une piste: "retarder autant
que possible l'organisation. Car c'est l'organisation qui semblait
toujours être la cause des problèmes (...).
Nous pourrions gagner du temps (...). Suffisamment de temps pour que cette pauvre terre se
recycle un peu. Une saison de repos" (p. 1179).
Une autre piste : peut-être en insistant sur
l'éducation?
"Frannie,...crois-tu que les
gens apprennent? (...).
Je ne sais pas, dit-elle
enfin.
Je ne sais pas"(p. 1179).
Roland Ernould ©
Armentières, novembre 1996, révisé mai 2000.
s.
Notes:
1 THE STAND
, écrit en plusieurs
années, a été publié dans une version
"allégée"en 1978, et dans la monumentale
rédaction d'origine en 1990. Cette oeuvre est à la
jonction du roman de science-fiction et du roman d'épouvante.
Cette étude va complètement négliger l'aspect
épouvante.
2 Traduction fr. éd. Jean-Claude Lattès,
1991. Les références de cette étude sont celles
de l'éd. Lattès-Grand Livre du Mois en un vol.
3 Voir King , DANSE MACABRE 1981, trad. fr. ANATOMIE DE L'HORREUR, tome 2 PAGES
NOIRES , p. 204.
4 EARTH ABIDES,
1948. 1è éd.
fr. sous le titre LE PONT DE
L'ABÎME , Hachette
1951; 2è éd.fr. LA TERRE DEMEURE
, Laffont, Ailleurs et Demain, 1980. Signalons à la fin du
livre une étude de Rémi Maure,UN APRÈS LES CENDRES, QUEL PHÉNIX?
sur les auteurs ayant
traité ce thème. Malheureusement, elle s'arrête
en 1978, et King n'y figure donc pas.
5 Cette situation n'est pas sans rappeler les
problèmes apparus à la fin de la 2ème guerre
mondiale et à laLibération, où il fallait
reconstruire et où se posait la question des moyens (entre
autres : Anouilh ANTIGONE,1944;
Sartre LES MAINS SALES,
1948).
6 Voir DISCOURS
SUR L'ORIGINE ET LES FONDEMENTS DE L'INÉGALITÉ ENTRE
LES HOMMES, 1755;
LE CONTRAT SOCIAL OU PRINCIPES
DU DROIT POLITIQUE
,1762.
7 Voir DANSE MACABRE , tr. fr. ANATOMIE DE L'HORREUR , t.2 PAGES NOIRES
1996 , 207. A lire de 202
à 210, pages où King expose certains aspects de
l'élaboration de THE
STAND .
8 Ces distinctions ont été faites par Ruth
Fulton BENEDICT (Ý 1948), dans PATTERNS OF CULTURE , Boston, 1934, tr. fr. ECHANTILLONS DE CIVILISATIONS , Gallimard 1950.Les sociétés
apolliniennes.tendent vers la recherche d'un bonheur
équilibré et raisonnablement régulé
(Apollon est le dieu du soleil, de la beauté et de
l'harmonie). Les sociétés dionysiaques (Dionysos
représente l'instinct et la violence) sont axées sur la
compétition et tendent à promouvoir une
personnalité agressive. Le psychisme des individus a des
corrélations avec le choix de tel ou tel type de
société : ce qui permettrait d'expliquer, dans le
roman, le choix des survivants pour tel ou tel camp.
9 Le chiffre (-) indique la p. de l'édition
Lattès.
10 AnatoleFrance disait aussi : "Nous n'avons point
d'État. Nous n'avons que des administrations", L'ANNEAU D'AMETHYSTE, 1892, chap. 5.
11 King affirme :
"he was proud to be an American who believed in the «Declaration
of Independance, the Constitution, and even the Articles of
Confederation", George Beahm,
op.cit., p. 64. Ce qui explique sans doute que le premier souci des
pionniers de Boulder est de faire approuver ces textes par leur
première assemblée générale
12 Rousseau CONTRAT
SOCIAL. op.cit.
13 A l'Université du Maine, King a pu suivre
quelques séances de ce genre. Dans PAGES NOIRES ,
op.cit. , pages 108/109, il raconte que lors d'une réunion en
1968, ayant fait une objection qui lui paraissait pertinente
àdes militants Blacks Panthers, il s'était vu tout
simplement prié de "s'asseoir et de la boucler". (...). "Ce
n'était pas une sensation agréable".
14 Le sociologue du groupe.
15 On connaît la faible participation des citoyens
américains aux élections; plus de 50 % n'ont pas
voté le 5 novembre 1996.
16 Voir Max Stirner Ý1856, contemporain de Marx,
L'UNIQUE ET SA
PROPRIÉTÉ , 1844.
17 Dans son inteview à Playboy de1983, King
s'inquiète de ce qu'il aurait pu faire sous
Hitler: "so, yes, if I had
been in Germany in the early thirties, I suppose I might have been
attracted to Nazism"
cité dans le livre de Georges Beahm THE STEPHEN KING COMPANION .p. 60.
18 Oswald Spengler, Ý 1936, LE DÉCLIN DE
L'OCCIDENT ,1918, où
il appelle les jeunes générations à abandonner
toute rêverie sur le passé et à se vouer
joyeusement à l'avenir technique, militaire et
césarien, qui est désormais l'avenir de
l'Occident.
Mes autres
études sur King politique :
LA
RAISON D ' ÉTAT
KING ET LA
CENSURE
LES
ELECTIONS DU BICENTENAIRE
1ère partie
:
...KING CONTRE LA GUERRE DU
VIETNAM :
l'homme et le conflit.
2ème partie
:
KING ET LA GUERRE DU
VIETNAM
: l'utilisation
littéraire du Vietnam.
.. .. .. .. .. ..
.. .. .. .. dans
Désolation
et Coeurs perdus en
Atlantide.
..
ce texte a
été publié dans ma Revue trimestrielle
différentes saisons
saison # 8 -
été 2000.
Contenu de ce site
Stephen King et littératures de l'imaginaire :
.. du site Imaginaire
.. ... .
.. du site
Stephen King
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