LA FANTASY DANS L'OEUVRE DE STEPHEN KING

GB

"L'homme en noir fuyait à travers le désert et le pistolero le poursuivait."

Le Pistolero, Postface


Stephen King est réputé pour être un des spécialistes du genre "Fantastique horrifique". Mais il a aussi écrit des oeuvres de Fantasy, d'abord peu nombreuses, mais qui se sont multipliées avec ses expériences sur La Tour Sombre. Il semble actuellement que la carrière du maître de l'horreur s'achèvera dans la fantasy, puisqu'il a prévu d'arrêter d'écrire après la publication du septième volume de la saga, en 2004. Le temps paraît venu de faire un bilan de la place que tient dans sa production le genre littéraire le plus vieux de l'humanité, le plus vieux puisque les légendes et les récits mythiques ont nourri l'imagination des hommes archaïques depuis des dizaines de millénaires.

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Allemagne

DU MERVEILLEUX À LA FANTASY.

 

Quels besoins satisfait le merveilleux?

La plupart des hommes vivent dans l'existentiel concret de leur vie ordinaire, qui demande, pour être passée dans de bonnes conditions, avant tout de la pratique, donnée par l'éducation et l'expérience. Ils ont des difficultés à appréhender l'abstrait et à mettre des significations derrière les concepts. Cette inaptitude ou inexpérience à manier l'abstraction explique que dès l'instant où ils doivent donner une substance aux concepts, ils ne peuvent le faire - faute de manipuler le langage et les outils de pensée adéquats - qu'en cherchant des analogies avec leur voie quotidienne, leur "existence". Voici un exemple de choix : que mettre derrière le concept "existence", restituant autant que possible ses joies et ses difficultés? "Vie"? Même problème que pour le concept "existence" : comment caractériser concrètement la "Vie"? L'Arbre de Vie, par exemple. Voilà une image parlante, un symbole parfait : un arbre se développe, grandit et meurt, comme un homme. L'Arbre peut devenir alors le symbole de la création toute entière, et le concept d' "ascension" s'en dégage naturellement : ascension vers le ciel (du bas vers le haut : ainsi «grimpe» l'arbre), suivie de la conception d'un «Être Supérieur»... On comprend qu'on retrouve ensuite l'Arbre dans la mystique arabe, le judéo-christianisme, l'ésotérisme et bien d'autres croyances. Dans son
Traité d'Histoire des Religions, Mircea Eliade 1 en a distingué 7, qui reprennent toutes l'idée d'un cosmos vivant en perpétuelle régénérescence. Dans cette perspective, un glissement peut s'opérer : l'Arbre du Monde devient l' "Axe du Monde" 2, dont parle sans cesse King dans ses romans de fantasy...

Les humains ont ainsi inventé les entités. Ils souffrent de la violence, de la guerre? Comment concrétiser cette situation, la rendre compréhensible pour des êtres illettrés? L'identification permettra de le faire. La guerre sera symbolisée par une entité, par exemple Arès, ou Mars dans l'Antiquité (il y a des centaines de dieux de la guerre de par le monde, chaque peuple ayant le sien). Par le jeu de l'anthropomorphisme (attitude spontanée chez les enfants, qui persiste chez les adultes), ce dieu se comporte comme un humain, avec sa générosité et ses colères. Par des cérémonies appropriées, on peut se le concilier. On lui donnera un temple. On peut ainsi diviniser les événements qui arrivent, ce qui leur donne un sens.

La peur intense, l'horreur devant le Mal se sont concrétisées par un animal féroce, un animal connu mais ayant des particularités exceptionnelles, puis à caractère symbolique comme le dragon. Un degré de plus, on obtient le démon, puis le diable. Pour les espoirs satisfaits (gains, réussite, amour), on invoquera les bons génies, la Fortune...

Pouvoirs et forces.

Si des entités, ou des êtres fantastiques comme le dragon, sont en mesure de donner sens et existence aux concepts, c'est qu'ils disposent de moyens que l'homme n'a pas : des "pouvoirs" ou des "forces". Quelquefois ils sont caractéristiques des êtres appartenant à un même groupe, souvent liés à des objets magiques : une cape ou un heaume enchantés donneront l'invisibilité. Au niveau des entités plus élevées, le concept "Lumière"est associé à Zeus, ou Jupiter, le roi des dieux, qui manie la foudre et peut donc, parce qu'il est le seul à l'avoir, vous foudroyer. Dans
La Bible, le premier acte de la création de Jahvé est de répandre la lumière : "Que la lumière soit, et la lumière fut." Dieu, divinité judéo-chrétienne, étant associé au Bien, la Lumière devint son symbole, et les ténèbres furent réservées à son ennemi le Diable...

De par le monde, il y a donc les outils nécessaires aux hommes ordinaires pour leurs actions quotidiennes, et des accessoires pourvus de propriétés particulières, exceptionnelles, soit par leur nature, soit qu'ils aient été dotés d'un "pouvoir"par un procédé ou un autre.

Toujours en fonction de désirs à satisfaire ou de craintes à éviter, les hommes ont depuis longtemps repéré parmi eux ceux d'entre eux qui réussissaient mieux que les autres. Généralisant le domaine de cette réussite, ils leur ont donné la mission d'entrer en communication avec les puissances invisibles, pour se les concilier. Le chamane est devenu peu à peu un être à part, chargé d'une fonction sociale (on dirait de nos jours un "métier", transmis par cooptation ou par recrutement des doués de groupe social. Historiquement, certains de ces chamanes devenus "magiciens", prêtres, ont parfois constitué des castes héréditaires, avec aussi des écoles particulières où s'apprenaient les pratiques magiques.

Le monde enchanté.

Les opérations mentales collectives précédentes se sont étalées sur des millénaires, et j'ai bien conscience que résumer ainsi en quelques centaines de mots l'aventure humaine comporte énormément de simplification, voire de trahison. Certains croyants se révolteront de voir ainsi leurs convictions grossièrement réduites à des mécanismes anthropologiques. Il y a des milliers de livres d'ethnologie et de sociologie, affaires de spécialistes, qui expliquent savamment tout cela. Le but de l'opération n'est pas de faire un cours exhaustif (?), mais de montrer quelles sont les racines historiques de la fantasy. Si les connaissances des hommes ont changé, ceux-ci continuent à être mûs par leurs sentiments et leurs passions. Et quelle proportion de l'humanité actuelle a une formation rationaliste suffisante pour commencer à mieux comprendre leur situation dans le monde?
3 Quelques pour cent?

Il reste à considérer une conséquence des opérations mentales historiques précédentes qui ont permis de passer du concret à une certaine abstraction verbale. Les entités étant ainsi inventées, le monde peut commencer à s'expliquer par autre chose que le visible. Manifestement, puisqu'on ne voit pas toutes ces entités et que beaucoup de choses restent cachées, c'est qu'il y a un monde "à côté", un monde invisible qui expliquerait le monde visible. Par ailleurs, le rêve peut aussi s'expliquer par un contact particulier avec ce monde invisible.

La perception du monde devient ainsi double : d'une part le concret, le quotidien, l'existence ordinaire, affreusement banals parce que faits de répétitions et de routines. Et puis l'exceptionnel : ce qui explique différemment le monde, ce qui lui donne un sens nouveau, source d'émerveillement, le monde magique, enchanté des croyances. De par leur nature, le concret et la rigueur scientifique "désenchantent" le monde...

On exagère beaucoup de nos jours les vertus de ce monde ancien, dont certains ont gardé la vision optimiste inspirée de Jean-Jacques
Rousseau 4. Pour avoir une idée de la manière dont vivaient nos ancêtres, il suffit de regarder ce qui se passe dans les pays sous-développés ou en voie de développement, où l'essentiel des croyances anciennes demeurent. On ne peut pas dire que, vivant dans l'ignorance et les superstitions, leurs habitants nagent dans un bonheur enchanté...

Mais nos contemporains protégés par leur confort et leurs sociétés protectrices (du moins pour la plupart), ont tendance à regretter ce monde enchanté, où par ailleurs ils retrouvent leur enfance. On voit dès lors la place que tiennent dans notre système social les jeux de rôle. L'enchantement est devenu artificiel, n'est plus "cru", mais momentanément vécu, paré de tous les prestiges du passé, et de choses devenues maintenant impossibles. Les joueurs appliquent les recettes du monde enchanté de naguère, avec son arsenal complet de pouvoirs, de charmes, formules et sortilèges, pour «rire», mais en excitant leur part d'inconscient collectif. Les amateurs de fantasy (au cinéma comme en littérature) permettent une évasion recherchée en revivant les anciennes pratiques magiques...

La caractéristique de ces inventions de l'Imaginaire humain est qu'elles n'ont, en dehors de leur réalité historique de croyance, aucune possibilité d'être vérifiée dans leur affirmation d'un monde invisible. Leur existence n'est que le produit de l'imagination humaine, et ne vit que par l'esprit, les traditions et les récits de ceux qui sont morts maintenant. La magie, les dieux n'ont d'existence que tant que l'Imaginaire humain le leur donne... Le propre de l'anthropologie est d'étudier ces survivances et leur survie chez nous dans l'inconscient collectif.

Pologne

DÉFINITION DE LA FANTASY.

Naissance du récit de fantasy.

Les «récit de fantasy» sont issus des premières formes de narrations connues, alors orales, les légendes et les contes, produit de l'imagination humaine à une époque où les connaissances scientifiques ne venaient pas contrarier les plus «fantaisistes» inventions. Inspirés par des légendes archaïques, ces récits mettent en scène dieux, démons, talismans, pouvoirs, charmes, fantômes, dragons ou animaux «fantastiques»
5. Leurs aventures se passent dans des contrées lointaines surprenantes, peuplées d'hommes aux savoirs étranges, et d'animaux inconnus. Les chamanes d'abord, puis les aèdes et les poètes itinérants livraient leurs récits, reproduisant la tradition 6 ou de pure invention, à des auditeurs émerveillés ou fascinés. Toutes les contrées du monde ont créé de telles légendes 7 dont les composantes fantastiques sont déterminantes. Les hommes sont de grands enfants, qui ont toujours adoré les histoires qui les faisaient rêver ou frémir.

La fantasy est restée fidèle à ces anciennes perspectives. C'est une littérature qui se déroule dans des mondes autres que ceux de la réalité quotidienne, avec une présence importante des entités et possibilités d'un monde invisible inventé. Les récits extraordinaires sont toujours aussi appréciés, ainsi la fantasy de nos jours. Son fantastique, qui ne recherche aucune explication, a toujours continué à proposer son merveilleux de mythes, de magie et de sortilèges issus des contes de fées. Alice et de Le magicien d'Oz, dont King s'inspire constamment, sont des oeuvres apparues avec le triomphe du machinisme et de la civilisation industrielle, alors que naissait, dans une autre voie plus conforme, la science-fiction, dont les récits sont imaginables (encore que parfois...) dans le cadre des données scientifiques du moment. Du moins, ils ne s'en éloignent pas de manière gênante.

Quelques définitions.

Le merveilleux des contes présente un monde imaginaire, autonome, cohérent, homogène, dissocié du réel par ces quelques mots : "Il était une fois... "La forme la plus moderne est la fantasy. Ce terme a été repris des Anglo-Saxons, qui renvoie pour eux à toute oeuvre d'imagination. Ils utilisent aussi bien ce terme pour ce que nous appelons «fantasy» que ce que nous appelons «fantastique».

Les Français, cartésiens, semblent avoir davantage d'exigences. Dans son récent essai Cartographie du merveilleux, André-François Ruaud 8 propose successivement deux définitions de la fantasy. La première est de Terri Windling 9 , écrivaine, éditrice et anthologiste : "La fantasy couvre un large champ de la littérature classique et contemporaine, celui qui contient des éléments magiques, fabuleux ou surréalistes, depuis les romans situés dans des mondes imaginaires, avec des racines dans les contes populaires et la mythologie, jusqu'aux histoires contemporaines de réalisme magique, où les éléments de fantasy sont utilisés comme des mécanismes métaphoriques pour mettre en lumière le monde que nous connaissons.".

Ruaud donne à son tour sa définition, qui servira au choix des auteurs retenus dans son essai : "La fantasy est une littérature fantastique incorporant dans son récit un élément d'irrationnel qui n'est pas traité seulement de manière horrifique, pré sente généralement un aspect mythique et est souvent incarné par l'irruption ou l'utilisation de la magie."

Silverberg 10 en propose une autre : "La Fantasy peut se définir comme une littérature qui décrit le monde au-delà de celui de la réalité quotidienne, et la lutte de l'humanité pour affirmer sa domination sur le monde." Il cite comme le plus vieux récit de fantasy qui soit parvenu jusqu'à nous la légende sumérienne du héros Gilgamesh, qui remonte à 2.700 ans avant notre ère11 .

Ce terme "Fantasy"est utilisé par les Anglo-Saxons, pour toute oeuvre d'imagination. Ils utilisent aussi bien ce terme pour ce que nous appelons «fantasy» que pour ce que nous appelons «fantastique». On comprend mieux que King pratique, comme Peter Straub, à la fois l'un et l'autre et les mêle dans
Le Talisman et Les Territoires, ce que les auteurs français ou américains de fantasy pure évitent de faire.

Merveilleux et Fantastique.

Nous cherchons en effet à distinguer le genre fantastique du genre merveilleux. Alors que l'auteur fantastique utilise l'intrusion du surnaturel dans le réel en le voyant comme une intrusion intolérable et en cherchant à le justifier, les auteurs pratiquant le merveilleux accueillent le surnaturel comme allant de soi dans leurs créations. Ils dissocient totalement le monde merveilleux du monde réel, tout en cherchant à ordonnancer leurs oeuvres pour leur donner de la cohérence. L'intention du récit merveilleux n'est pas de provoquer la terreur et d'agiter des monstres, mais de dépayser et de séduire le lecteur. Leurs histoires font plus rêver que les récits fantastiques, excitent davantage l'imagination et se terminent généralement bien.

Bref historique.

Chronologiquement, sont d'abord apparus les récits merveilleux, ceux des légendes, des contes traditionnels, des
Mille et une Nuits aux contes pour enfants ou adultes. La forme du merveilleux moderne la plus connue se rencontre avec la féerie , que l'on retrouve dans les dessins animés de Walt Disney.
La Fantasy est apparue avec ses caractéristiques depuis moins d'un siècle, avec les histoires de
Conan (1932) de Robert Howard, et a pris sa pleine extension à partir du Seigneur des Anneaux (1954) de J. R. R. Tolkien. De nombreux jeux de rôle ou vidéo reprennent actuellement les caractéristiques de la fantasy.

Une composante de la fantasy, l'heroic Fantasy (le space-opera en science fiction joue le même rôle) a ses racines dans le roman d'aventures de l'Antiquité, telle l'Odyssée homérique où Ulysse entame un long périple méditerranéen il y près de 3.000 ans. Cette randonnée du héros à travers un monde étrange, peuplé de créatures surprenantes et de magiciens, c'est symboliquement le cours de la vie terrestre jalonnée de difficultés, qui touche toutes les sensibilités et a une profonde signification psychanalytique. Revu, transformé, ce paradigme été repris comme modèle au cours des siècles, enrichissant peu à peu un immense imaginaire collectif. Devenue souvent initiatique depuis la Quête du Graal 12, la randonnée du héros le conduit à affronter les rigueurs naturelles, de multiples ennemis, un dragon, des monstres, à chevaucher une licorne, à s'allier à des elfes, à vivre dans un monde de rêves prémonitoires, de charmes et de talismans, de miracles imprévisibles dans des contrées imaginées inattendues. Le Roland Furieux d'Arioste 13, The Faerie Queen d'Edmund Spencer 14, Le Paradis Perdu de Milton 15 ont enrichi et transformé le genre, débarrassé par le roman gothique anglais du XIXème siècle de ses influences religieuses, mais tout en gardant l'essentiel.

Au début des années 70 s'est produite une déferlante qui a relancé remarquablement le genre, qui s'essoufflait. Le livre de
Tolkien16, édité en gros ouvrages reliés onéreux, avait un lectorat confidentiel. L'édition en livre de poche fut achetée par des millions de lecteurs en peu de temps (c'est à cette époque, en 1970, que King lut Tolkien), qui devinrent demandeurs de fantasy. En naquit une véritable boulimie qui ne s'est pas encore apaisée. De nombreux auteurs vieillissants furent remplacés par des auteurs plus jeunes, actuellement en pleine production. Dans une annexe, le lecteur intéressé trouvera les références utiles.


La fantasy est devenue un monde multiforme, mais y subsiste le monde des légendes traditionnelles, insérées ou non dans notre réalité. Les auteurs cherchent à nous charmer avec des héros affrontant dans des circonstances diverses le dragon ou ses substituts, et de plus en plus souvent le monstre humain métaphorique.

Caractéristiques générales du genre.

Le monde imaginaire de la fantasy est dominé par le surnaturel. Mais s'il est totalement ou partiellement dissocié du monde réel, il doit rester ordonné et cohérent, en respectant les règles et moyens que l'auteur s'est lui-même donnés.

* Au contraire du fantastique, les éléments "surnaturels" sont considérés ici comme "naturels", sont acceptés comme tels. Par contre, l'introduction du surnaturel dans le récit fantastique provoque l'inquiétude ou l'effroi. Dans le monde imaginaire de la fantasy, tout est possible. Il est admis que ce monde n'a rien à voir avec notre monde. Il s'appuie nécessairement sur les règles autres qui régissent un monde différent, d'un autre "là et maintenant", pour reprendre la formule de King (Ter, 84)
* Les auteurs créent un (ou des) univers parallèle, généralement un monde archaïsant, le plus souvent moyenâgeux. Il est imaginé, peu documenté et ne cherche pas à s'appuyer sur des références terrestres. Cet univers est généralement organisé par analogie avec les lois de la nature terrestre, ou alors les autres référentiels sont indiqués par l'auteur.
* Ce monde est généralement décrit par les auteurs avec une certaine nostalgie, celle d'un âge d'or aujourd'hui perdu. Chacun a sa place dans ce monde, vivant en symbiose avec l'univers. Cette remarque concerne surtout la tendance féerique et moins la tendance réaliste/magique. La fantasy comporte en effet deux tendances : la tendance féerique et la tendance réaliste/magique, à laquelle appartient Stephen King.
Les auteurs proposent souvent des mythologies particulières, parfois totalement inventées , le plus souvent inspirées des mythologies connues. Sont utilisées en priorité les mythologies celtiques et nordiques, à l'imitation de Tolkien, et les légendes arthuriennes des chevaliers de la Table Ronde. Les divinités connues, comme celles de l'Antiquité, sont parfois détournées. Mais la mythologie mise en place, le récit doit nécessairement s'y inscrire : l'auteur le raconte au premier degré.
* Le combat entre le Bien et le Mal est au coeur du récit, avec un héros qui s'engage, volontairement ou non, dans une quête, un voyage, nécessairement aventureux. Il y rencontre des êtres surnaturels ou particuliers (magiciens, nécromanciens), qui lui viendront en aide ou multiplieront les embûches.
* La place de la magie est un élément obligé de la fantasy, notamment de l'heroic fantasy. Comme la magie terrestre connue, elle est blanche (favorable) ou noire (défavorable). La magie tient une part considérable dans l'histoire. Presque toujours le héros, grâce à sa force physique ou à son intelligence, aidé par des alliés ou grâce à des moyens suscités par des entités favorables au Bien ou la Lumière, et surtout une bonne dose de magie blanche, parvient à battre la magie noire et les entités défavorables. À noter que le space opera, branche de la science-fiction, n'utilise évidemment pas la magie, en gardant l'essentiel de ce modèle.
* Les histoires de fantasy forment le plus souvent des cycles, certains très longs, voire repris par divers auteurs.
* L'intention des auteurs de fantasy est d'émerveiller le lecteur et de le dépayser du quotidien de sa société de consommation, avec un récit mouvementé qui le divertit et qui, contrairement aux récits fantastiques ou d'horreur, se termine généralement bien.

LES RÉCITS DE FANTASY de Stephen KING.

La mise au point du paradigme.

Ière éd. US

Le Fléau (The Stand), version abrégée. Création : 1975-78. 1ère édition 1978, trad. fr. Le Fléau, éditions Alta, Lattès, 1981. (The Stand, the Complete & Uncut Edition), version complète du roman de 1978, revu en 1988/9. Publication : 1990. Édition fr. Lattès 1991.

Un incident dans une base militaire est à l'origine de l'échappée mortifère d'un virus, qui provoque la super-grippe, à laquelle de rares habitants vont survivre. Les rescapés s'organisent entre deux pôles, celui des forces du Bien, regroupées autour de la centenaire noire Abigaël, chrétienne fervente; et celui des forces du Mal autour du démon Randall Flagg, un être maléfique qui, finalement vaincu par hasard, se retrouvera dans un autre monde à essayer une nouvelle tentative de désordre.

Randall Flagg, l'Homme Noir qui suit King depuis un poème écrit à l'Université, se retrouvera dans de nombreux romans : dans La Tour Sombre, Les yeux du Dragon, et à plusieurs reprises, sous un nom dont les premières lettres forment (R. F.), avec exceptionnellement d'autres initiales dans Bazaar.

Si la première partie du roman a un caractère dramatique, politique et sociologique à l'allure d'un récit de science-fiction stigmatisant une Amérique obsédée de technologie, désorientée moralement, aux frontières de la destruction, la plus grande partie évolue complètement, avec les références à la Lumière et aux Ténèbres, aux enjeux clairement perçus par les uns et les autres. Ils sont visités par des rêves annonciateurs ou impératifs, et reçoivent télépathiquement de nombreux messages sur la nature du mal. Prédestination, les camps sont déjà établis quand ils reçoivent leurs premiers messages, venant du Bien ou du Mal. La mission théologique est assurée par Abigaël, et le lecteur s'aperçoit vite qu'il est mené par King au Livre de l'Apocalypse, avec la fin de toutes choses.

Ière éd. US

Le Pistolero, La Tour Sombre I (The Gunslinger). Création : 1972 à 81 (idée en (1970). 5 nouvelles. Première publication en volume: 1982. Édition. fr. J'ai lu 1991.1- Le Pistolero (The Gunslinger), octobre 1978. 2- Le Relais (The Way Station), avril 1980. 3- L'Oracle et les Montagnes (The Oracle and the Mountains), février 1981. 4- Les Lents Mutants (The Slow Mutants), juillet 1981. 5- le Pistolero et l'Homme en Noir (The Gunslinger and the Dark Man), novembre 81.

Comme il le signale dans la Postface à
Le Pistolero, King utilise un matériau fourni par Robert Browning : "Le Chevalier s'en vint à la Tour Noire", phrase énigmatique dans son imprécision. Sur cette mince donnée, King a greffé la saga de Roland de Gilead, le dernier des Pistoleros17. Pour la première fois, on apprend explicitement dans Les Territoires, que depuis toujours, la mission de protéger la Tour et les Rayons a incombé à la fraternité guerrière de Gilead, dont les membres sont appelés ici, et dans d'autres mondes, les justiciers. Ils peuvent développer une force psychique capable de contrer les "Casseurs", les agents des forces destructrices. Malheureusement, il ne reste plus actuellement qu'un seul justicier Roland, qui en a formé trois autres : "S'il avait été seul, les Casseurs auraient abattu la Tour depuis longtemps. Tandis qu'à eux quatre, ils génèrent assez de force."(Territoires, 409).

Dans cette saga qui se passe à divers moments de la vie du Pistolero, le lecteur trouve, aux côtés d'une société à structure féodale, en plein déclin, des vestiges d'une civilisation à la technologie avancée. King mêle des éléments de chevalerie à une conception fantastique de divers mondes, où passé et futur se mêlent. La chronologie des différents récits n'est pas évidente à établir 18. Si la finalité de l'histoire s'est un peu éclaircie avec Territoires, il reste encore de vastes zones d'ombre.

Dans
Le Pistolero, Roland s'est lancé à la poursuite de l'Homme en Noir, un sorcier énigmatique, dans une région quasiment désertique. Par plusieurs retours en arrière, le lecteur apprend que Roland est le descendant des rois de Gilead, noble lignée liée à la Tour Sombre, dont elle protège les intérêts. Inversement, d'autres, dont l'Homme en Noir, cherchent sa chute. En ne gardant que les personnages qui se retrouveront ultérieurement dans le récit, Roland rencontre Jake, un jeune garçon dont on ne sait pas d'où il vient, qui semble mourir à la fin de ce premier tome, mais réapparaîtra dans les suivants. Sorte de réplique du Jack Sawyer du Talisman, il contribue à aider Roland à rattraper l'Homme en Noir. Tournant de sa vie dont les conséquences se manifesteront plus tard, Roland sacrifie Jack, apparemment pour obtenir de l'Homme en Noir, alias le sorcier Walter, les réponses aux questions qu'il se pose : le sens de sa quête et la signification possible de la Tour. À la fin de ce recueil, la Tour Sombre sera le lien mythique et mystique entre plusieurs ouvrages, où elle est présentée, en conformité avec d'anciennes cosmogonies terrestres, comme assurant l'équilibre du monde19.

Combinant terreur et western, suggérant des relations entre des univers multiples et des mondes parallèles, avec un organe centralisateur qui serait la Tour, axe ou moyeu des mondes, cette saga héroïque conduit à une fantasy mêlée de quête épique. On est surpris de voir comment, à partir de l'apport minimal de Browning, King ait pu être habité si longtemps, pendant des dizaines d'années, par l'aventure du Pistolero.

Ière éd. US

Les Yeux du Dragon (The Eyes of the Dragon). Première publication : 1984. Édition fr. Albin Michel 1995.

Dans un passé moyenâgeux indéterminé, profitant de la faiblesse du vieux roi de Delain, Flagg le magicien cherche à renverser l'ordre établi dans le royaume. Il en est empêché par le fils aîné du roi, Peter, mais il s'est soumis son frère Thomas, plus influençable. Flagg empoisonne le roi, accuse Peter, et le fait emprisonner. Dans une forteresse d'où toute fuite est impossible, Peter est emprisonné de longs mois, pendant lesquels il prépare son évasion, tandis que Thomas règne et que Flagg augmente ses pouvoirs. Le rapport du sujet avec Le Fléau et La Tour Sombre est évident, d'autant plus que Peter ressemble à Roland par son énergie et sa résolution.

Il était une fois : par le début de son récit, King montre qu'il est capable de s'en tenir aux règles classiques de la fantasy, de la tradition des contes oraux racontés aux enfants. Histoire d'un roi, légendaire pour avoir tué le dragon, mais qui, avec l'âge, a sombré dans l'alcoolisme; d'une reine, vraiment gentille dans la fermeté, mais dont la destinée est tragique; de princes aux sorts différents; d'un magicien éminence grise vraiment épouvantable, ce conte de fées était destiné à sa fille, mais il intéresse aussi bien les adultes. Le pays souffre en l'absence du bon prince Peter, mais tout se rétablira quand Peter triomphera. Les relations avec le monde des Territoires, celui de Roland, est évident et on sait que Thomas et Dennis se sont lancés à la poursuite de Flagg - on les a vus à Lud (Terres Perdues) -, qu'ils ont rencontré plus tard Flagg, et l'ont affronté.

Ière éd. US

Le Talisman des Territoires (The Talisman), en collaboration avec Peter Straub. Création : 1982/84. Première publication : 1984. Édition fr. Robert Laffont 1986.

Pour sauver sa mère souffrante, une ancienne actrice de cinéma, Jack Sawyer est incité par un mystérieux Noir, Speedy, à partir à la recherche d'un talisman, seul susceptible d'assurer la guérison de sa mère, en même temps - fait plus mystérieux - que celle de son "double", une reine mourant d'une mystérieuse maladie dans un ailleurs dans une autre dimension, qui est appelé les Territoires. Jack entreprend une quête qui le met en présence des pires dangers, la plupart suscités par le maléfique associé de son père, Morgan. Morgan a fait tuer son père il y a trois ans. Au cours de ce voyage, il passera, quand les circonstances le demandent, du monde terrestre pollué des Etats-Unis des années 80 à celui des Territoires, restés moyenâgeux (on saura dans le second volume
Les Territoires que le monde de Roland s'y trouve). Dans ce monde, la magie remplace la science. Le monde si bucolique des Territoires aperçu par Jack risque d'être victime à nouveau d'une catastrophe comme celle qui s'est produite jadis sur une partie de son sol, devenu un vaste lieu de désolation et de destructions, appelé Terres Brûlées".

On trouve dans ce roman la plupart des ingrédients de la Fantasy : la quête initiatique, l'objet magique à conquérir, la lutte entre les forces du Bien et du Mal, la magie et d'autres ingrédients mineurs. Le contraste entre le monde bucolique des Territoires avec la société actuelle, dégradant la planète et ne cherchant que les plaisirs et la consommation, est saisissant, de même que la fin promise à tous deux : de nouvelles "Terres Brûlées". Les influences de Mark Twain, Le Magicien d'Oz et Tolkien sont patentes. Mais le roman n'est pas de fantasy pure comme Les Yeux du Dragon. Il comporte des résonances lovecraftiennes, et cultive l'horreur dans la gamme habituelle de ses auteurs.

Ière éd. US

Les Trois Cartes, La Tour Sombre 2 (The Drawing of the Three) Création : 1985 (Postface déc. 1986). Première publication : 1987. Édition fr. J'ai lu 1991.

Roland, diminué par l'assaut de créatures marines monstrueuses (elles lui ont coupé plusieurs doigts de la main droite), contaminé et malade, trouve sur la plage une "porte", qui lui permet de parvenir dans notre monde à trois reprises, à trois époques différentes, toujours dans la ville de New-York. Il y rencontre de quoi former son "ka-tet", son groupe de combat, trois personnalités atypiques qui seront à former :
* dans les années 1980, Eddie, un junkie qui passe de la drogue pour le compte de la Mafia.
* dans les années 1960, Susannah, une jeune femme noire mutilée des jambes qui souffre d'un dédoublement de la personnalité.
* dans les années 1970, il sauve la vie de Jake, mais provoque par là même un paradoxe temporel et une crise personnelle d'où il aura des difficultés à sortir.
Roland a ramené Eddie et Susannah sur son monde. Jack est toujours sur terre. Tous trois ont à lutter contre leurs démons intérieurs et y parviennent en s'entraidant. Eddie doit surmonter sa dépendance à la drogue et régler ses problèmes affectifs qui se rapportent à la mort de son frère. Susannah doit apprendre à vivre avec ses deux personnalités qui se combattent et à les surmonter : l'une, Odetta, secourable aux défavorisés humiliés, qui vient au secours de ses frères de la race noire; la seconde , Detta, dominée par son racisme anti-blanc et psychopathe sexuelle.
Peu à peu, les deux recrutés deviennent performants, et le trio peut reprendre le chemin de la Tour en suivant le Rayon.

Ière éd. US

Ça (It). Première publication : 1986. Édition fr. Albin Michel 1988.

Cette histoire de sept adolescents qui entreprennent de lutter contre la maléfique créature Ça, utilise de multiples transpositions en correspondance avec diverses composantes :
* le mode de vie du chasseur, qui entend continuer sa petite vie faite de prédation cyclique de période de consommation de chairs et de peurs humaines, suivie de longues périodes de repos (mode de vie du serpent), sur le territoire de Derry, petite ville ordinaire, son territoire de chasse.
* l'imaginaire enfantin moderne et ses peurs, surtout constitué par la fréquentation du cinéma, de la télévision, et, marginalement, quelques livres.
* la découverte de la magie par les adolescents, qui l'inventent, la pratiquent et réussissent, avec l'appui de forces cachées, lors d'une quête initiatique particulière.

L'univers magique n'est pas littéralement lié au cycle de la Tour Sombre, ni à aucun autre roman. Sans être vraiment de la fantasy - le réalisme fantastique y tient une place importante - la fantasy a sa place, avec l'invention du monstre Ça, dont les multiples apparences vont de sa populaire apparition en clown Grippe-Sous, à l'araignée monstrueuse à la toile meurtrière.

Ière éd. US

Terres Perdues, La Tour Sombre 3 (The Waste Lands). Création : 1988/91 (Postface mars 1991). Première publication : 1991. Édition fr. J'ai Lu 1992.

La première partie décrit le parcours du ka-tet de Roland sur le chemin du rayon : Susannah abat un cyborg/ours géant, gardien fou du rayon, et Eddie parvient à faire venir Jake de la terre. Jake a dû passer dans un endroit maudit lovecraftien et traverser l'enfer pour rejoindre le monde de Roland. Lequel a péniblement retrouvé son équilibre mental, avec deux séries de souvenirs contradictoires dans son esprit : Jake tombant dans le précipice, et Jake sauvé par ses soins d'un accident de voiture, dans un inconciliable paradoxe. Après avoir traversé un moment le monde rural de Roland, le quatuor, augmenté d'Ote, un curieux animal qui parle, arrive dans une cité, Lud, où subsistent de nombreux restes d'une civilisation technologique avancée détruite. Jake est enlevé par une secte sévissant dans ces ruines, dirigée par un sbire de Flagg (le mal incarné dans
Le Fléau et ailleurs). Jake est délivré par ses compagnons, aidés des Ados, groupe rival de la secte. Ils échappent à cette cité inquiétante avec son complexe de machines du passé, dont certaines fonctionnent encore, en proie à des pratiques de banditisme archaïques. Ils utilisent pour fuir le monorail Blaine, dirigé par une intelligence artificielle à la sensibilité humaine qui a rendu son humeur suicidaire. Comme Tolkien avec ses énigmes et ses jeux de langage, Blaine propose des devinettes à résoudre qui seront le prix à payer s'ils veulent la vie sauve. La machine se flatte d'avoir en mémoire toutes les devinettes connues dans le monde.
À noter que dans ces romans de la Tour Sombre, on ne se sert pas d'autres armes que des pistolets, ce qui contribue à leur donner une allure de western particulière.

Ière éd. US

Bazaar (Needful Things). Première publication : 1991. Édition fr. Albin Michel 1992.

Un démon prospère à Castle Rock, camouflé sous les apparences d'un élégant vendeur d'un magasin d'antiquités et curiosités. Il sème le trouble d'abord, puis, très vite, le mal chez la plupart de ses habitants, tous bien préparés à le recevoir. Suscitant et cultivant habilement leurs désirs et leur besoin de consommation pour satisfaire leurs rêves, il transforme des sentiments humains médiocres en violence, haine et mort, par des procédés tortueux, mais efficaces.

Dans ce récit, où humanité et péché sont confrontés, se mêlent l'horreur, la terreur, la fantasy et la magie, dans ce subtil alliage dont King a le secret. La confrontation entre le Bien et le Mal, qui fuit, mais reste invaincu, se déroule dans un final qui amène la destruction apocalyptique de Castle Rock.

Ière éd. US

Insomnie (Insomnia). Première publication : 1994. Édition fr. Albin Michel 1995.

Ralph Roberts devient insomniaque et a des visions étranges. Le manque de sommeil est provoqué par des subalternes des "forces"de la Tour Sombre, qui ont besoin de lui pour une mission particulière. Avec l'aide de son amie Lois, il doit sauver un jeune garçon dont la mort aurait des conséquences dangereuses et assurerait le déséquilibre des mondes. Les références à la Tour Sombre sont explicites. Le Roi Pourpre (l'équivalent de Satan, créature vouée au rouge et au noir, comme son antagoniste, Dieu, est représentée par le blanc et le bleu, associés à la lumière (son spectre) et à la couleur du ciel. Le Roi Pourpre, créature maléfique aux pouvoirs considérables, maître des illusions comme le Diable, sera plusieurs fois désigné comme le responsable de tous les maux que subissent
Les Territoires.

Ralph et Lois sont devenus des guerriers - ils ont d'ailleurs rajeuni, et leur tâche est momentanément aussi importante pour la survie de la Tour que le combat de Roland de Gilead. Comme dans tout bon roman de fantasy, ils trouvent en eux des possibilités insoupçonnées de force et de pouvoir.

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Rose Madder (Rose Madder). Première publication : 1995. Édition fr. Albin Michel 1997.
Rosie est capable de passer une porte donnant sur un autre monde, grâce à un tableau médiocre trouvé chez un antiquaire, qu'elle a été irrésistiblement poussée à acheter par une force inconnue. Ce passage, emprunté à
Alice au pays des Merveilles, effectué à deux reprises, lui permet de se débarrasser de son mari tortionnaire, en échange d'un service rendu à Rose Madder, marquée par une maladie mystérieuse (qui vient peut-être des Terres Dévastées). Rose Madder, qui a quelques pouvoirs magiques, est son double, comme il en existe dans Les Territoires. Elle est en effet passée par le monde de Roland, puisque sa servante fait une allusion à la ville de Lud, de Terres Perdues.

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Désolation (Desperation). Première publication : 1996. Édition fr. Albin Michel 1996.

La partie fantasy du roman est réduite en apparence, tellement elle est intégrée dans la vision réaliste d'une bourgade minière désertée. Mais le mode d'existence de l'entité Tak, qui domine ses habitants, plonge bien cette oeuvre dans l'univers de la fantasy. Enfouie au fond d'une mine, et libérée accidentellement, l'entité s'empare des humains dont elle emprunte le corps et l'esprit pour réaliser ses desseins, dans un combat entre le Bien et le Mal qui rappelle
Le Fléau. David, l'élu de Dieu dans La Bible, et Tak ont remplacé Mère Abigaël et Flagg.

Un policier d'abord, puis d'autres habitants, sont successivement habités par cette force mystérieuse qui utilise leur énergie jusqu'à leur mort. Son action est heureusement contrecarrée par un enfant, David, néophyte en religion, qui, aidé par Dieu et ses compagnons, arrive à vaincre l'entité dangereuse. Avec Territoires, on se rend compte que Tak fait partie des créatures régentées par le Roi Pourpre.

Ière éd. US

Les Régulateurs (The Regulators) Richard Bachman. Première publication : 1996. Édition fr. Albin Michel 1996.

À nouveau l'entité maléfique Tak, rencontrée sous une autre forme et d'avec d'autres desseins dans
Désolation. L'imaginaire d'un enfant démiurge, capable de susciter une nouvelle réalité, est utilisé par le démon. Grâce à cet esprit exceptionnel, Tak, vampire psychique, réalise crimes et transformations d'un quartier de la ville, suivant ses caprices, avant tout marqué par une soumission intensive à certaines émissions de télévision populaires aux USA.

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Magie et Cristal, La Tour Sombre 4 (Wizard and Glass). Première publication : 1997. Édition fr. J'ai Lu, 1997.

Le quatuor progresse vers la Tour Sombre. Il traverse d'abord une région dévastée, sans habitants, de l'Entre-deux-Mondes, qui rappelle les Terres Brûlées par une explosion nucléaire. Puis il rencontre une "tramée", une portion de l'espace particulière qui est un effondrement des frontières qui séparent les différents mondes, les espaces-temps, que King appelle les "quand et les où". Roland croit que le monde court plus vite à sa perte qu'il le croyait.

Pause dans le cycle, mais qui fournit un éclairage intéressant, une très longue parenthèse rappelle les souvenirs de jeunesse de Roland, et ses amours de jeunesse avec Susan Delgado, en même temps que sa découverte d'une conspiration en voie de constitution pour mettre fin au pouvoir en place dirigé par les Gilead. Si les conspirateurs sont mis en état de nuire, malheureusement Susan a été la victime des habitants du lieu, mort que Roland, une fois encore, aurait pu éviter. Les compagnons de Roland comprennent alors que Roland n'hésitera pas à les sacrifier pour remplir sa mission, comme il l'a fait dans le passé pour Jake (heureusement ressuscité!). En dépit de cette constatation amère, les compagnons reprennent la route en triomphant des sortilèges du palais de cristal, inspiré du Roi d'Oz, où ils ont retrouvé Maerlin (Merlin), l'ennemi de Roland et l'inspirateur de Walter (tome 1).

US

Les Petites Soeurs d'Elurie (Little Sisters of Eluria : A Dark Tower Novella). Première publication : 1998 (recueil : Legends, The Book of Fantasy). Édition fr. Légendes, Éditions 84, 1999. Dans le recueil : Everything's is eventual, paru en mars 2002 aux USA, en cours de traduction.

La nouvelle met en scène Roland, qui, blessé, est soigné dans un hôpital bizarre par des "petites soeurs", qui se révèlent être des vampires. Le récit se situe avant la poursuite du magicien Walter, l'Homme en Noir. Aucune connaissance précise des autres ouvrages parus concernant la Tour n'est nécessaire pour suivre cette nouvelle.

Ière éd. US

Coeurs perdus en Atlantide (Hearts in Atlantis). Première publication : 1999. Édition fr. Albin Michel, 2001. 2 novellas et 3 nouvelles, formant un ensemble. Nous intéresse la nouvelle : Crapules de bas étage en manteaux jaunes (dont on trouve une vague esquisse dans un petit récit de 1960) (Low Men in Yellow Coats), qui se rattache au Cycle de la Tour Sombre.

Bobby vit avec sa mère veuve, une employée qui, pour améliorer ses revenus, loue une chambre de son logement. Comme avec David, dans
Désolation; Seth, dans Les Régulateurs, nous voici donc revenus à Le Corps et à Ça : même âge des protagonistes, mêmes problèmes avec les adultes, leurs échappatoires dans leurs loisirs et leurs sentiments d'enfants. Bien que ce type de récit kingien, si souvent traité, ait perdu toute originalité, le charme opère encore, et le lecteur est vite saisi par un récit qui oppose la difficile entente d'un jeune garçon avec sa mère veuve, et la richesse des rapports qui s'établissent avec un vieil homme, Ted, venu habiter leur logement. Avec Ted apparaissent des éléments liés à la saga de la Tour Sombre. De mystérieux êtres en jaune, aux formes changeantes comme certains êtres du monde de la Tour, utilisant des voitures voyantes, cherchent en effet à s'emparer du vieil homme, avec des allusions (le roi Pourpre, les pétales de rose) que seuls les kingiens avertis pourront comprendre. On saura dans Les Territoires que, sous ses apparences humanistes, Ted est un "Casseur"redoutable.

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Territoires (Black House). Première publication : 1991. Édition fr. Robert Laffont 2002.

Récit inclassable, composé de deux parties chacune occupant la moitié de l'ouvrage, dans des genres juxtaposés plutôt que confondus. La première partie est un thriller d'horreur, dans lequel la présence des Territoires et la désignation des véritables forces du mal n'est qu'occasionnelle. Jack, la trentaine maintenant, est un ex-policier qui s'est mis lui-même à la retraite. Il aura l'occasion de retourner à nouveau dans les Territoires, d'abord à la recherche d'un enfant enlevé par un serial-killer, puis avec un projet nettement plus ambitieux.

La mythologie des Territoires, connue par Le Talisman, refait sa réapparition. Ce monde parallèle, que Jack a parcouru pour trouver le Talisman, est une terre de type médiéval, où la magie est utilisée au lieu de la science. Entre notre planète Terre et les Territoires, des connexions sont établies. La magie tient dans le récit une place prépondérante. Jack réussit à empêcher les projets du Roi Écarlate de se réaliser : il tue ses suppôts et parvient à empêcher le "chaos" de "s'emparer des mondes".
On trouve de nombreuses longueurs, surtout dans la première moitié, qui n'est pas de la fantasy.. Par contre la seconde partie, de la pure fantasy, mâtinée de terreur, est beaucoup plus nerveuse et accrocheuse.

Bilan.

L'apport de King à la fantasy ne sera pas négligeable. Ses oeuvres ne sont pas destinées aux puristes du genre : elles sont trop mêlées aux nombreuses facettes de cet écrivain qui, voulant pratiquer le mélange des genres, n'a réussi que dans ses premières oeuvres à écrire des romans qui satisfont aux canons d'un genre particulier, le fantastique. À partir de ses recherches sur la Tour Sombre, la magie se mêle souvent aux oeuvres, qui deviennent composites.
Les Yeux du Dragon, qu'il a écrit alors pour sa fillette, Naomi; Le Pistolero; Les Petites Soeurs d'Elurie; Magie et Cristal sont les seuls récits de fantasy pure. Les autres oeuvres sont hybrides.

King a eu au moins le mérite de créer un nouvel archétype du personnage épique, dont l'objet de la quête est la sauvegarde du futur. Mais cet immense projet ne lui a jamais fait perdre de vue le temps où il vit. Ancré dans la société contemporaine, King a constamment le souci de nous montrer nos sombres obsessions, nos médiocres espoirs, nos rêves ordinaires, nos petits succès, nos échecs mal ressentis, et nos trop nombreuses frustrations, qui sont aussi les siennes. Son héros Roland de Gilead, d'abord taillé dans un roc inaltérable, a montré ses failles, et reconnu ses faiblesses. Quoi qu'il fasse, King éprouve des difficultés à sortir des difficultés de son temps, à planer pleinement dans la fantasy. Ce qui explique son besoin de constamment mêler les considérations cosmiques les plus élevées à une réalité souvent sordide.

Roland Ernould
© 2003

 Annexe :

PRINCIPAUX AUTEURS DE FANTASY - CLASSEMENT CHRONOLOLOGIQUE

Voir aussi : Légendes, récits par les maîtres de la fantasy moderne présentés par Robert Silverberg

XIIème siècle.
Chrétien de Troyes, Lancelot, le chevalier à la charrette
XVIIème siècle : Charles
Perrault, Contes de ma mère l'Oye

XIXème siècle :
Lewis
Carroll, Alice au pays des merveilles, De l'autre côté du miroir
George
McDonald, The Fairy Tales
Rudyard
Kipling, Le Livre de la jungle.


Première moitié du XXème siècle.

L. Franck
Baum, Le Livre d'Oz
James M.
Barrie, Peter Pan
Lord
Dusany, The Gods of Pegana, La fille du roi des Elfes
Edgar Rice
Burroughs, Le Cycle de Mars, Le Cycle de Pellucidar
Abraham
Merritt, La Nef d'Ishtar
Robert E.
Howard, Le Cycle de Conan
T. H.
White, Excalibur
Fritz
Leiber, Le Cycle des Épées

Seconde moitié du XXème siècle.

C. S.
Lewis, Le cycle de Narnia
J. R. R.
Tolkien, Le Seigneur des Anneaux
Leigh
Brackett, Le Livre de Mars
Philip José
Farmer, La Saga des hommes-dieux
Katherine
Kurt, Derynis
Elizabeth
McCaffrey, La Ballade de Pern
Jack
Vance, Les Maîtres des dragons, La geste des princes démons
Catherine L.
Moore, Jirel de Joiry
John
Norman, Le Cycle de Gor
Ursula
Le Guin, Le Cycle de Terremer
Roger
Zelazny, Le Cycle des Princes d'Ambre

Gene
Wolfe, Le Livre du Nouveau Soleil de Teur
Carolyn J.
Cherryh, Le Livre de Morgane, Le cycle de Chanur
Stephen R.
Donaldson, Les Chroniques de Thomas I'Incrédule
Diana Wynne
Jones, Ma soeur est une sorcière
Michael
Moorcock, La Saga d'Elric le Nécromancien, La Quête d'Erchosë, La Légende d'Hawkmoon
Terry
Goodkind, L'épée de Vérité
Lee
Tanith, Le Dit de la terre plate
Terri
Pratchett, Annales du Disque-Monde
Stephen
King, La Tour Sombre
Robert
Silverberg, Les Chroniques de Majipoor
Raymond
Feist, Les Chroniques de Krondor
Marion Zimmer
Bradley, Les Dames du lac
Orson Scott
Card, Les Chroniques d'Alvin le Faiseur
Robert
Jordan, L'invasion des ténèbres
David
Eddings, La Belgariode
Tad
Williams, L'Arcane des épées
Philipp
Pullman, À la croisée des mondes
J. K.
Rowling, Harry Potter
Robin
Hobb, L'assassin royal

 Notes :

1 Mircea Eliade, Traité d'Histoire des Religions, Préface de Georges Dumézil, Payot, 1989.

2 "Ferme soutien de l'univers, lien de toutes choses, support de toute la terre habitée, entrelacement cosmique, comprenant en soi toute la bigarrure de la société humaine. Fixé par les clous invisibles de l'Esprit pour ne pas vaciller dans son ajustement au divin; touchant le ciel du sommet de sa tête et affermissant le sol de ses pieds, et, dans l'espace intermédiaire, embrassant l'atmosphère de ses mains incommensurables."Tel est l'axe du monde décrit lyriquement au IVème siècle par le pseudo-Chrysostome, Cité par Henri de Lubac, Catholicisme, les aspects sociaux du dogme, 1941, p. 366). En remplaçant "clous invisibles"par "rayons", on retrouve la même idée chez King.

3 Qu'on ne sait d'ailleurs, faute des connaissances ou des outils nécessaires, jamais faire complètement

4 Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) est un des quatre grands écrivains-philosophes du XVIIIème siècle, auquel King ressemble. Opposé à un Voltaire rationaliste, Rousseau donne la priorité au langage du coeur et se méfie de l'intelligence et de la raison. Dans les deux Discours, il propose sa conception de l'homme bon de nature que la société corrompt. On s'est moqué en la dénaturant de cette vision du "bon sauvage"("Rousseau nous donne envie de marcher à quatre pattes", disait méchamment son ami/ennemi Voltaire), état de nature auquel Rousseau ne prétend pas retourner. Il a seulement affirmé l'ambivalence du progrès et de la civilisation, qui détruisent la morale naturelle et corrompent l'harmonie entre les hommes.

5 On remarquera la racine identique de ces deux mots, inconnus l'un comme l'autre à l'époque, où les croyances se confondaient avec les connaissances positives. Les éléments surnaturels n'étaient pas vus comme tels, étaient acceptés comme «naturels», faisant partie de l'ordre des choses.
«Fantasy» vient du grec «phantasia», «apparition», dont un mot dérivé est «phantasma», qui a donné en Français «fantasmagorie», ou «fantasme» («phantasme»), représentation imaginaire traduisant des désirs plus ou moins conscients. «Fantastique» a pour racine «phantastikos», qui concerne l'imagination. Le point commun de tous ces mots est l'importance de l'imaginaire.

6 La plus ancienne épopée est sumérienne (mésopotamienne). Elle raconte l'histoire du roi Gilgamesh, d'Uruk, il y a environ 4.500 ans. Les sagas islandaises sont aussi fort anciennes. L'Iliade et L'Odyssée, les deux épopées attribuées à Homère, ont 2.800 ans. Beowulf (dont le climat a inspiré La Tour Sombre, selon King -voir la postface de Le Pistolero) et La Chanson de Roland, datant du haut Moyen_Âge, sont les plus anciens écrits de fantasy Anglais et Français. On peut encore citer pour leurs influences Les Contes des Mille et Une nuits et le Shâh-Nam persan (Le Livre des Rois), épopée du poète persan Abou'l Quatsm Frirdousi (vers 1020).

7 La transmission des récits a d'abord été orale et l'aède devait être un homme de mémoire! Mais on devine que les histoires ont dû être modifiées dans les détails, peu à peu amplifiées, et enjolivées selon les réactions directes de l'auditoire. Ce n'est que tardivement qu'elles ont été fixées par l'écriture.

8 André-François Ruaud, Cartographie du merveilleux, éditions Denoël Folio SF, 2001, pp. 9/10.

9 Terri Windling, préface à The Year's Best Fantasy and Horror, vol.4, 1991. À lire son roman The Wood Life, 1996.

10 Robert Silverberg présente Légendes (Legends), onze récits inédits par les maîtres de la fantasy moderne, éditions 84, 1998; rééd. J'ai Lu, 2001.

11 L'épopée de Gilgamesh a été retrouvée en partie gravée sur des tablettes d'argile en écriture cunéiforme. Elle comporte 12 chants, dont le sujet essentiel est la quête de par le monde du roi légendaire d'Uruk, Gilgamesh, à la recherche de l'immortalité. Le onzième épisode présente des similitudes remarquables avec la Genèse de la Bible à laquelle il est antérieur. Les douze travaux qui inspireront la légende d'Hercule figurent dans cette épopée, où les dieux interviennent dans le vie des hommes. Monstres, rêves, et bon nombre objets magiques enrichissent le récit.

12 Les légendes du roi Arthur (roi de Galles organisant la résistance des Celtes à la conquête faite par les Angles et les Saxons, Vème-VIème siècles) et des Chevaliers de la Table Ronde ont été rédigées par divers auteurs dès le IXème siècle, notamment par les Français Marie de France (Les Lais, XIIème) et Chrétien de Troyes (vers 1135-1183). La Queste del Saint-Graal, roman allégorique et mystique, fut réécrit par un abbé de Citeaux, à partir des légendes celtiques païennes. L'abbé s'efforça de montrer l'effort du chrétien luttant contre le mal et défendant la cause de Dieu contre l'Ennemi, nom donné au Diable au Moyen-Âge, comme dans Le Fléau de Stephen King.

13 Ludovico Ariosto (1474-1533). Dans Rolando Furioso, on trouve notamment un voyage dans la Lune, avec pour monture un hippogriffe, pour ramener une fiole d'élixir qui doit guérir Roland.

14 Edmund Spenser (1552-1599), auteur de l'épopée allégorique La Reine des Fées et d'un poème pastoral Le Calendrier du berger.

15 John Milton (1608-1674), poète anglais, auteur d'oeuvres philosophiques et religieuses, connu par son long poème biblique Le Paradis Perdu, qui est un résumé de sa pensée.

16 John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973) fut un spécialiste de littérature médiévale qui adapta pour les enfants les légendes qu'il étudiait en temps qu'érudit, avec Bilbo le Hobbit (1937). Son épopée de fantasy, Le Seigneur des Anneaux, l'occupa pendant de longues années et ne fut publiée qu'en 1954-55. Un grand nombre de manuscrits et d'ébauches diverses ont été réunis par son fils et publiés après sa mort.

17 Cet ensemble de nouvelles, écrites à des dates différentes, pose problème. On sait que c'est en mars 1970 (voir Postface, 252) que King tapa, sur sa vieille Underwood, la ligne aussi célèbre pour ses fans que la première phrase de À la recherche du Temps Perdu pour les proustiens : "L'homme en noir fuyait à travers le désert et le pistolero le poursuivait."Les nouvelles ont été publiées en revue de 1978 à 1981. King affirme dans sa Postface que le dernier segment, qui contient l'essentiel de la métaphysique de la Tour, a été écrit un an et demi avant sa publication, donc en 1980. L'idée de Le Fléau est venue à King en 1975 (qui avait abandonné le roman The House on the value Street, alors qu'il se trouvait à Boulder, où il passa presque un an (épisode longuement raconté dans Anatomie de l'horreur, pp. 202 à 209). Le roman a été publié en 1978, à la date du Pistolero, mais on ne sait pas exactement à, quelle date la nouvelle fut écrite (au plus tard, alors que Le Fléau était bien avancé).

18 Voir le travail de Lou Van Hille sur ce sujet sur le site de Steve's Rag.

19 Les rapports entre la Tour, et l'axe du monde de nombreuses cosmogonies de l'histoire humaine se trouvent sur le même site.

 

Autres textes sur King et la fantasy :

 

LA FANTASY DANS L'OEUVRE DE STEPHEN KING

LA FANTASY dans Le Talisman et Les Territoires.

1. LA PLACE DE L'ÉCOLOGIE

2. LE COMBAT ENTRE LE BIEN ET LE MAL

aux saisons suivantes :

Quelques motifs de fantasy

Le mondes parallèles

Fantasy et magie

ce texte a été publié dans ma Revue trimestrielle

 différentes saisons

saison # 18 - hiver 2002

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