Tout est fatal.
"Je suis
quelqu'un d'autre », répliqua la voix.
Je n'ai pas ri sur le coup,
mais plus tard, oui. Mr Sharpton était en effet quelqu'un
d'autre.
Sérieusement et
fatalement quelqu'un d'autre."
(Tout est fatal, 250)
Le premier personnage de King qui a eu du succès, Carrie, était un être de pouvoir. En tant qu'homme comme en tant qu'écrivain, King éprouve une attirance pour ces êtres "rares", qui disposent de dons cachés ne se révélant que dans des circonstances particulières. C'est le cas du héros de cette novella, Richard Ellery Earnshaw, 19 ans, surnommé Dinky (le gentil), qui a raté ses études et se trouve manoeuvre dans une grande surface ou livreur de pizzas. Son don a la caractéristique de ne pas dépendre, dans sa lise en scène, de facultés extrasensorielles 1 particulières supposées, comme celui de Carrie ou d'autres personnages kingiens. Il est plus étrangement lié à une pratique surnaturelle ancienne, modernisée ici, celle de l'utilisation du pantacle.
Le surdoué nul, ou mal inséré dans le tissu social, a été utilisé de nombreuses fois par King, sous des aspects divers. Dans cette nouvelle, deux perspectives sont en fait conjuguées : la place singulière du don, le premier qui soit directement lié à la magie, modernisation de procédés magiques anciens grâce à leur adaptation à des techniques modernes; la place prise par la fatalité dans le déroulement du récit. Ensuite, comme dans ses romans L'Accident 2, ou Charlie 3, King reprend le phénomène qui s'amplifie actuellement des réseaux secrets ou sectaires, dont l'essor est lié à l'effondrement des grandes idéologies et à la perte d'audience des institutions religieuses. La société mondialisée contribue au développement et à l'épanouissement de ces réseaux sectaires, grâce à ce nouveau moyen pour toucher les individus qu'est le réseau Internet 4. D'autres, comme Bernard Lempert 5, un psychothérapeute, expliquent que le phénomène sectaire prend ses sources dans le désarroi de l'institution familiale bouleversée, en perte de repères, sans perspectives véritables à offrir aux jeunes. Le développement des sectes serait aussi favorisé soit par l'indifférence parentale, soit par la maltraitance de l'enfant 6. King va combiner tous ces éléments pour en faire une nouvelle originale, la plus intéressante du recueil 7 auquel elle a donné son titre.
Les pratiques magiques sont au coeur
de cette histoire. La magie 8 est définie comme un ensemble de pratiques ayant
pour but de modifier l'ordre habituel ou prévu des choses,
pour obtenir des modifications ou des bouleversements qui permettent
les pratiques ordinaires. Il s'agit de bénéficier, par
des moyens occultes, d'avantages ou de faveurs particulières,
considérées comme ordinairement impossibles.
Le "transcréatif" qu'est Dinky utilise des pratiques de la
théurgie (ou Haute Magie), qui permettent l'utilisation de
"forces", ou la convocation des esprits et des démons pour un
usage personnel. King a utilisé les rituels de Haute-Magie
dans plusieurs nouvelles des années 1970, La presseuse 9, Cours, Jimmy, cours 10, L'homme qu'il vous faut 11.
Une approche
préscientifique.
La magie a ceci de redoutable pour les esprits simples qu'elle
procède par des démarches en apparence logiques : la
nécessité de disposer de l'ensemble des
éléments capables de susciter l'apparition d'un
phénomène, et des conditions à réunir,
pour produire nécessairement les effets souhaités. Les
pratiques d'un rituel paraissent aussi strictes que celles d'un
protocole de réalisation scientifique expérimentale en
laboratoire. Mais ces méthodes apparemment rigoureuses
s'appuient sur des faits non avérés, et dont les acquis
scientifiques ont montré le caractère erroné
12. D'abord l'affirmation que l'action sur la partie vaut
celle sur le tout, et qu'il n'y a pas de différence entre une
chose et sa représentation. Un effet peut être obtenu
sur quelqu'un par l'utilisation de rognures de ses ongles ou de ses
cheveux, comme par le moyen de sa photographie ou d'une figurine
censée le représenter. Persiste aussi la vieille
croyance que le nom est l'équivalent de la chose qu'il
désigne. La parole adéquate est
considérée comme capable d'exercer des effets magiques
et d'obtenir des résultats surnaturels. Ce qui signifie que
les démarches apparemment logiques utilisées par les
croyants aux forces occultes s'appuient sur des fondements
imaginaires. Les liaisons qu'ils prétendent trouver entre les
phénomènes n'étant pas fondées sur la
mesure, la méthode expérimentale et la
vérification, mais sur des liaisons irréelles et
irrationnelles d'ordre psychologique ou sociologique entre des
phénomènes, on ne peut considérer les
résultats proposés comme établis. Des esprits
non formés aux rigueurs de la méthode
expérimentale peuvent s'y laisser prendre.
Dans les pratiques magiques, le rituel correspond aux apparences
scientifiques, et, fait connu, les occultistes affirment que rien
n'arrive par hasard. La mise en oeuvre des agents d'une action
magique est la condition nécessaire et suffisante pour
l'obtention de la réalisation de cette action. S'ils sont
convenablement agencés, et utilisés dans les
règles, ces éléments rituels,
généralement nombreux et compliqués, le
résultat attendu doit nécessairement s'ensuivre.
Des
explications millénaires.
Mais les notions qui forment les fondements de la magie : la valeur
symbolique des mots, celle de la forme, le moment opportun
précis qui permet le succès d'une réalisation,
et l'état de préparation de l'exécutant, ne sont
pas des preuves capables de convaincre la communauté
scientifique. Pas davantage l'affirmation des occultistes que
certaines figures géométriques ou symboliques propagent
les vibrations dont elles sont porteuses par la vue ou le verbe.
Utilisées opportunément, elles protègent le
magicien ou investissent la personne à atteindre. Le temps a
une vertu magique, et une action ne peut réussir que si elle
est entreprise à un moment astrologique ou cosmique où
toutes les forces sont favorables. Enfin, seul un esprit
préparé peut exécuter une opération
mettant en oeuvre la Haute-Magie. La concentration est indispensable
pour accumuler la force mentale, et presque toujours l'état de
jeûne est préconisé.
Autre croyance, les pratiques occultes ont besoin d'un rite, d'une
préparation comme au théâtre.
L'intérêt que porte King à la magie tient en
grande partie à cette possibilité d'une mise en
scène théâtrale. Chaque chose dans le rite doit
occuper sa juste place. Déplacer un élément de
cet ensemble bien huilé, ou l'oublier, conduit à
l'échec : absence de réalisation, ou réalisation
non conforme à celle souhaitée. On comprend que
l'observation parfaite de certains rituels particulièrement
longs suppose un minimum de concentration, et qu'il est facile
d'expliquer le manque de réussite par l'absence de certains
éléments, une observation des rites insuffisamment
rigoureuse, ou un état de préparation insuffisant
13.
Le pantacle fait partie des
éléments symboliques qui facilitent l'accord entre le
magicien et les forces à mettre en oeuvre. Les pantacles sont
censés être en relation avec les puissances invisibles.
Ils peuvent servir aussi bien à susciter des désordres
terrestres ou atmosphériques (tremblements de terre,
tempêtes), qu'à lancer différents
sortilèges, qu'à provoquer l'amour ou la mort, en
captant ou en mobilisant les puissances occultes : "Le pantacle agit en accord avec les puissances
du Cosmos" 15, telle est la croyance établie chez
des partisans de l'occulte.
Un pantacle comporte des figures géométriques et des
symboles qui concentrent les forces : des triangles, des
carrés, des étoiles à 5 ou 6 branches, des
cercles. S'y ajoutent des lettres hébraïques, des
caractères kabbalistiques, ou même des mots grecs et
latins. L'étoile à cinq, ou six branches, souvent
utilisée, est le symbole de l'homme cosmique. Mais d'autres
figures se retrouvent aussi comme les diverses représentations
d'une croix. Ils peuvent être affinées avec des signes
kabbalistiques codifiés ou secrets. Ces divers pantacles,
"émetteurs
fluidiques" 16, sont tous chargés d'une
énergie vibratoire "en harmonie" disent les occultistes, avec
les divers éléments du cosmos. Les pantacles plus
récents mêlent des références aussi bien
païennes que religieuses. Les différents pantacles sont
inventoriés dans les livres ésotériques ou les
traditions sacrées, réservées aux
initiés. Le plus courant des pantacles, le premier que Dinky
dessine, sur une vitre, est appelé par les occultistes le
sceau de Salomon, un pentagramme entouré d'un cercle :
"Du bout du doigt, j'ai
dessiné deux triangles dans la poussière de la vitre.
Puis une autre forme particulière, un genre de cercle qui
reliait les triangles. Et dès que j'ai eu fait ça,
dès que le cercle s'est trouvé refermé, les
mouches (il y en avait quatre ou cinq) sont tombées raides
mortes sur l'appui de la fenêtre." (262). La tradition se trouve respectée, qui
prescrit que le pantacle doive être fabriqué par
l'utilisateur. À noter que King a suivi également la
tradition magique qui affirme qu'un cercle n'est efficace que
complètement fermé ("dès que le cercle s'est
refermé."). La moindre
interruption dans le tracé d'un cercle annule sa
fonction.
Comme Carrie, enfant, a
utilisé son don de télékinésie à
plusieurs reprises sans en avoir vraiment conscience, il est
arrivé de temps à temps à Dinky de produire
naïvement des actions du même type : "Ce n'était jamais intentionnel, je ne
les provoquais pas."
(262) Il prend la mesure de son don le jour où il
décide de mettre un terme à la vie de l'affreux chien
d'une voisine, qui aboie d'une manière effrayante quand il
passe devant la maison, et dont il a peur. Cette mort
provoquée n'a pas été réfléchie,
ni mûrie. Un matin, il s'est réveillé avec une
idée forte : "Elle
était là, nette et précise. C'était un
samedi; il était tôt et il faisait un temps splendide.
Je n'avais aucune raison de passer devant la maison de Mrs Bukowski,
mais ce jour-là je voulus m'y rendre. (...)
Le truc était aussi
clair qu'une épure dans mon esprit : des mots, avec des
triangles autour et des enjolivures au-dessus, et des cercles
spéciaux pour contenir tout le bazar... deux ou trois,
partiellement superposés pour donner plus de
force." (263) Depuis le premier pantacle qu'il a dessiné sur la
vitre de son domicile, sa science mystérieuse s'est
considérablement raffinée (trop jeune, 5 ans, il n'a
pas lu de livre, qu'il n'est pas en mesure de comprendre, et il n'a
suivi aucun enseignement particulier). Pour la
représentation du pantacle, King a repris une des nombreuses
amulettes utilisées dans la tradition hébraïque,
qui figurent dans les ouvrages spécialisés.
Comme le précédent, le pantacle est dessiné par
ses soins, sur le trottoir de la maison où se trouve le chien
aboyeur, avec une craie prise chez lui : "J'ai dessiné une forme spéciale. Je crois
qu'on appelle ça un sankofite 17. Une forme
bizarre, mais celle qu'il fallait, puisqu'elle a libéré
toutes les autres. Ma tête débordait de trucs.
C'était merveilleux, mais en même temps foutrement
effrayant tellement il y en avait. Pendant les cinq minutes
suivantes, agenouillé sur le trottoir, suant comme un porc, je
traçai frénétiquement, comme un démon
enragé, des mots que je n'avais jamais entendu prononcer,
dessinai des formes que je n'avais jamais vues : pas seulement des
sankofites, mais des japps, des fouders et des
smirks." 18 (264)
Le
nom.
Le nom est considéré comme l'un des constituants
importants d'une personne 19. Connaître le nom, c'est pouvoir appeler,
désigner, ordonner, donc manifester sa volonté.
Certains pantacles n'ont pas d'efficacité tant qu'ils ne
comportent pas le nom de celui à atteindre. Pour les
occultistes, prononcer ou écrire le nom permet de trouver la
"vibration appropriée" pour que l'effet souhaité
s'exerce, même à distance : "Le mot joue un rôle d'une prégnance
exceptionnelle, car le nom est vibration, et la vibration [est]
l'instrument qui agit sur l'immatériel, mais aussi et surtout
un acte magique : magie du son, création par le verbe
20." 21 Des explications à allure plus "modernes"
évoquent une "syntonie" énigmatique, qui place
l'utilisateur à la même "longueur d'onde" que la cible.
Dinky ressent donc une inspiration mystérieuse, l'idée
que le destinataire manque, et que son pantacle de mort ne peut, en
l'état, atteindre le chien (à noter que pour tuer les
mouches, Dinky ne les avait pas nommées, bien que le
résultat ait été efficace. Un mystère, ou
bien plutôt les obligations du suspense narratif...) :
"À la fin, je me rendis
compte que je devais rendre mon travail plus fort; pour cela il
fallait le destiner uniquement au clébard. Je ne connaissais
pas son nom, si bien que j'écrivis BOXER en lettres
capitales avec ce qui me restait de craie, entourai le mot d'un
cercle sous lequel je dessinai une flèche indiquant le reste.
La tête me tournait, le sang me battait aux tempes;
j'étais dans le même état que lorsqu'on vient de
passer un examen horriblement difficile ou qu'on reste trop longtemps
devant la télé. J'avais l'impression d'être sur
le point de dégobiller... mais je me sentais aussi totalement
fatal." (265) L'épithète "fatal" est ici de
circonstance, au sens de mortifère, puisque le chien meurt
effectivement quelque temps après, étranglé par
sa laisse.
Plus tard, il provoque la mort de son collègue, un manutentionnaire comme lui dont il était devenu le souffre-douleur dans le magasin où il travaille comme homme à tout faire. Il provoque sa mort dans un accident de voiture,après lui avoir envoyé une lettre spéciale : "Une lettre pleine de mots et de symboles dépourvus de sens, concoctée par un livreur de pizzas qui avait régulièrement obtenu deux sur vingt de moyenne en géométrie et abandonné ses études." (266). Il n'y a pas d'autres détails éclairants sur la nature de ce courrier. Le parcours est significatif : en commençant par des insectes, Dinky a fait ses gammes. Il est passé à l'animal, et maintenant à l'homme. Il est devenu un meurtrier à distance, aux mains propres.
Du pantacle
archaïque au pantacle électronique...
Comme dans Machine divine à traitement de
textes 22, où un jeune bricoleur de génie
met l'informatique au service de ses désirs meurtriers
23, l'originalité de cette nouvelle est d'utiliser
l'ordinateur comme le moyen moderne de transmettre des pantacles, ce
qui est une idée effrayante, puisque l'ouverture d'un courrier
électronique provoque la mort du destinataire
24. Payé par un mystérieux commanditaire,
Sharpton, il doit exécuter un travail qui n'a pas
été exactement précisé, mais pour lequel
on lui a donné un ordinateur, matériel qu'il manie avec
une grande facilité. Il reste quelque temps à se
demander en quoi consiste son travail. Un rêve lui apporte la
réponse, et il se réveille un matin dans la joie :
"Comme quand je m'étais
réveillé avec l'idée pour le chien de Mrs
Bukowski. Presque exactement pareil." (279) Il se sent poussé à brancher
son ordinateur "spécial" et à l'ouvrir. À
l'écran, la fenêtre marqué "outils", qui contient
un logiciel particulier, avec les symboles qu'il connaît bien :
"Cercles, triangles, japps,
smirks, rhomboïdes, bews, fouders et des centaines d'autres. Des
milliers d'autres! Peut-être même des millions.
C'était un peu comme l'avait dit Mr Sharpton : un monde
nouveau, et j'abordais les côtes de son premier
continent." (279)
Sans savoir pourquoi, il est dans un état de transe :
"J'étais remonté
au max. Hyper excité, bordel! J'avais l'impression qu'une
rivière de feu brûlait au milieu de ma tête. Je me
mis à écrire, à appeler des
symboles." (279) Il
rédige ce qu'il appelle une "lettre", une de ses compositions
plutôt spéciales, qu'il détermine, sans savoir
pourquoi, comme devant être destinée à
"un homme plutôt
qu'à une femme. J'ignore comment je le savais, mais je le
savais." (280) En
fait, son ordinateur lui demande de l'envoyer à l'animal de
compagnie d'un certain Mr Columbus, un chat, pense-t-il, Muffin. Il
modifie sa "lettre" en conséquence, change des symboles, et
surtout la personnalise en indiquant MUFFIN et une
flèche pointant vers le bas 25. Comment par l'intermédiaire de son
propriétaire un chat peut-il être touché par un
tel message? En fait, manifestement le mystérieux Mr Sharpton
propose un essai à Dinky, et lui fait reproduire la
progression qu'il a suivie la première fois : commencer par le
meurtre d'un animal avant de passer à celui d'un homme.
Sans se poser de questions, Dinky prend goût à ce qui
lui paraît être un jeu particulièrement excitant :
"Il m'arrive parfois de devoir
envoyer de vraies lettres : j'imprime les bidules que j'ai
bricolés dans NOTES
DINKY. Je glisse tout dans une
enveloppe, je lèche le timbre et je le colle, et je
l'expédie à quelqu'un quelque part." (284) À au
moins deux cents reprises, il clique sur ce que son écran
personnalisé lui indique, DINKMAIL
ENVOYER. (293)
... mais
toujours avec les anciennes règles
comportementales.
Les traditions occultistes demandaient jadis à leurs adeptes
un certain ascétisme, qui n'est évidemment plus au
goût de notre époque. Réglé sur des normes
rigides (on cite souvent les règles alimentaires minimales,
l'obligation du silence comme pour les disciples de Pythagore), leur
mode d'existence était assez proche de ceux des
ascètes, des anachorètes, ou autres saints du
désert. Le régime idéal, frugal - manger "dur",
sec et cru - ne serait pas compris des Américains,
habitués à la société de l'abondance. Si
la vie que doit mener Dinky se ressent de ces traditions d'une
société de pénurie, elle est en grande partie
adaptée aux circonstances modernes. Son alimentation est pour
le moins sans excès : "Je bouffe dehors à peu près quatre fois
par semaine, au Mickey D's, soit pour y prendre un petit
déjeuner (oeufs McMuffin, café, deux boulettes de
viande), soit pour dîner (un Quarter Pounder avec
fromage. (...)
Une fois par semaine, j'enfile
un falzar qui n'est pas un jean et une chemise boutonnée
jusqu'au cou, et je vais voir comment vit l'autre moitié des
gens : je me paie un resto chic, genre Adam's Ribs ou le Chuck Wagon.
Avec tout ça, on en arrive à peu près à
25 $." (242) On ne peut pas
dire que Dinky se ruine en nourriture : un seul repas "convenable" en
une semaine, un budget de pauvre, alors qu'il dispose de ressources
qui lui permettraient d'améliorer son régime
alimentaire. Il se souvient avec émotion d'une tarte aux
pommes qu'il a exceptionnellement mangée, en deux repas
d'ailleurs, son seul "excès" qu'il a payé d'une
indigestion... (naturelle, ou provoquée par les "nettoyeurs"
qui ont apporté la tarte, pour le dégoûter d'un
tel luxe?).
En ce qui concerne la sexualité, les occultistes sont partagés. Des courants mystiques pratiquent l'abstinence sexuelle, et manifestent de fortes réticences à l'égard du sexe. Cela semble le cas pour le mouvement qui a recruté Dinky. Il lui procure hebdomadairement ce dont il a besoin, excepté dans ce domaine : "Il peut m'arriver d'aller jusque chez les marchands de journaux et de m'acheter une revue de cul, rien de bien méchant, juste des trucs classiques genre Variations ou Penthouse. J'ai bien essayé de faire passer l'achat de ces revues sur LA LISTE HEBDO DE DINKY, mais sans succès. Je peux me les acheter, et elles ne disparaissent pas le jour du ménage ni rien, mais elles ne viennent pas toutes seules. (...) Je suppose que les nettoyeurs de cochonneries de Mr Sharpton n'aiment pas les trucs cochons (jeu de mots)." 26 (242) Dinky, qui a le téléphone, ne peut accéder aux numéros "spéciaux", et pas davantage y parvenir par le web : "Je ne peux pas non plus me brancher sur tous les trucs de cul d'Internet. J'ai essayé, mais c'est bloqué, je ne sais pas trop comment. D'habitude, on n'a pas tellement de mal à trouver comment passer - disons qu'il y a toujours moyen de contourner l'obstacle - mais là, c'est différent." (243) Les occultistes de ces courants pensent que les préoccupations sexuelles diminuent la concentration mentale, comme le font une existence désordonnée ou des relations sociales trop envahissantes. Dinky ne peut plus rencontrer son ami Pug, ni lui téléphoner (241). Sont prônés une vie régulière, un comportement réglé dont rien ne vient bouleverser le déroulement. Dinky a une voiture dont il se sert peu, ne va pas voir sa mère, et n'a que des relations sociales anonymes.
Les occultistes pratiquant des actions de Haute-Magie accordent aussi une grande importance à la pureté des lieux où l'action occulte doit s'exercer, et à celle des pratiquants. Le nettoyage ne se fait pas par hygiène, mais par nécessité, pour éloigner les ondes ou influences négatives ou contraires. Le service de nettoyage de la secte, que Dinky ne doit pas connaître (il doit quitter son logement ce jour-là) passe une fois par semaine, et procède à un nettoyage complet : "Pendant que je suis dehors, les nettoyeurs font le ménage de la maison de fond en comble; ils font la vaisselle (même si je m'en sors très bien moi-même), récurent les sols, lavent les vêtements sales, changent les draps, mettent des serviettes propres. (...) C'est comme vivre dans un hôtel qui aurait les services les plus efficaces au monde." (248) Il en est de même pour ce qui concerne la propreté corporelle : "Il n'est pas nécessaire que j'inscrive «sous-vêtements» sur le pense-bête. Toutes les cinq ou six semaines, le contenu des tiroirs de la commode disparaît et je retrouve quatre paquets de trois caleçons Hanes à la place, encore dans leur enveloppe en plastique. Double emballage pour ma protection, ha-ha. Papier-toilette, lessive, liquide à vaisselle, je n'ai jamais eu besoin de demander l'une de ces conneries : elles se renouvellent automatiquement." (247)
De plus, l'exécutant doit se
trouver dans un état de pensée primitive,
débarrassé de tous les soucis d'une vie profane. Il lui
faut éviter de se plonger dans la confusion de la vie moderne,
de céder à ses tentations, à la
publicité, et aux incessantes sollicitations du mode
d'existence occidental. Il ne doit pas être tenté par la
possession de biens matériels, qui le détourneraient de
son être intérieur, et il lui faut apprendre à
maîtriser ses sentiments et ses désirs dans un monde qui
l'agresse continuellement. Dinky perçoit hebdomadairement une
somme d'argent limitée, juste destinée à
satisfaire des besoins ordinaires. Mais il ne peut pas
économiser ce qui lui reste à la fin de la semaine,
puisqu'il doit se débarrasser de l'argent qu'il n'a pas
dépensé : "Ce
que je fais de la monnaie? Je la balance dans la grille
d'égout située devant la maison. (...)
Pour les billets, c'est plus
facile. Je les fourre dans la poubelle de la cuisine.(...)
La règle est simple :
pas un rond de côté. Tu termines ta semaine sans
un." (244)
Issu d'une famille pauvre, Dinky s'étonne bien de cet
impératif. Mais dans la mesure où il n'a plus à
penser aux petits soucis d'une vie ordinaire, la sienne étant
modestement mais parfaitement assurée sans qu'il ait à
fournir un travail déplaisant en échange, il
évacue ses questions : "Vous devez vous dire que c'est tout de même
bizarre, de balancer du fric comme ça. C'est ce que je me
disais moi aussi, au début. Mais on s'habitue à
n'importe quoi, au bout d'un moment." (244)
Les sociétés
secrètes existent depuis l'aube de l'humanité.
L'Histoire est marquée par leur existence. La version
officielle de l'histoire, dite exotérique, évoque peu
les sociétés secrètes qui demeurent dans
l'ombre, et occulte les raisons et la portée de leurs
interventions. Parallèlement à l'histoire officielle
s'est constamment renouvelée une histoire
ésotérique à laquelle il faut ici
s'intéresser. Les plus anciens documents que nous avons
retrouvés concernant les sociétés
secrètes (Sumer, Egypte, Grèce) montrent qu'elles ont
été jadis profondément liées à la
Magie. Certains évoquent des origines douteuses, la venue
d'extraterrestres ou l'existence de continents perdus : sur ces
origines, il n'existe aucune preuve 27.
Plusieurs grandes traditions secrètes sont liées
à l'édification des grands monuments de
l'Antiquité, pour laquelle il fallait avoir des connaissances
hors du commun, gardées secrètes. De la construction du
Temple de Salomon à Jérusalem par exemple, sont issus
aussi bien des ordres ésotériques juifs, que le
compagnonnage ou la symbolique de la Franc-Maçonnerie
actuelle. Les sociétés secrètes liées aux
mythes méditerranéens (Mystères d'Isis,
d'Eleusis, d'Epidaure, oracles de Delphes) ont fourni nombre
d'éléments constitutifs de l'imaginaire occidental et
nourri en secret des adeptes discrets. Il faut objectivement noter
que d'éminents penseurs grecs (Euclide, Pythagore, Aristote)
avaient été initiés aux mystères.
De nos jours, l'expression consacrée par le grand public
"sociétés secrètes" renvoie à des
réalités sociales bien différentes les unes des
autres, ce qui entraîne facilement amalgames et confusions.
À quel type de société secrète appartient
la Transcreative Corporation, l'organisme qui a recruté Dinky
pour son don? Plusieurs hypothèses se présentent, qui
sur certains points correspondent aux aspects qu'elle
présente, son organisation et ses objectifs.
Plusieurs éléments du récit incitent d'abord à penser à une secte occulte rattachée aux lointaines traditions magico-ésotériques, les sociétés du "mystère" : l'utilisation du pentacle, le symbole de l'épée, l'enseignement donné, et le mode de vie imposé à Dinky 28 .
La plupart des sociétés ésotériques n'offrent pas un exposé systématique de leur doctrine, mais proposent plutôt une série de données sur les "Grands Mystères". Ces sociétés de "mystère" ne s'éteignent pas 29 rapidement, comme certaines sociétés secrètes de nature politique qui disparaissent avec les causes qui ont suscité leur apparition (voir plus loin). Elles existent depuis les temps archaïques, et sont liées à des rites primitifs, mais toujours vivaces, de mort et de résurrection, les sujets métaphysiques qui touchent le plus les hommes 30. Elles traduisent leurs mystères par des rites et des symboles, et exercent une influence qui serait autrement "incommunicable" aux profanes, à partir desquelles le postulant doit trouver les significations cachées par la réflexion et la méditation, dans une sorte de démarche intuitive limitant le raisonnement 31. Le néophyte doit donc effectuer un travail intérieur sur lui-même pour reconstruire personnellement une philosophie qui reste à la fois identique à elle-même à travers les époques, tout en offrant à chaque époque des réponses aux interrogations du moment. Le rôle des membres de la secte consiste à proposer des éléments de connaissance, à susciter le travail intérieur et l'émulation psychique. Dans cette perspective, l'ancienneté des traditions du groupe a son importance, par le poids que cet héritage culturel représente. Ce travail sur soi rendu possible par la présence de la secte constitue l'essentiel de l'initiation.
À la sortie de son stage
d'initiation, Dinky sait comment il doit se comporter dans sa vie
courante, mais il ignore ce que la Trans attend de lui, alors que le
recruteur lui a prétendu que l'équipe du stage
était là pour améliorer son don et l'affiner :
"Je ne vois rien qu'un grand
vide blanc. Aider les gens, dites-vous. Rendre le monde meilleur.
Nous débarrasser des Skipper. Tout cela paraît
sensationnel, sauf que je ne sais comment m'y
prendre!" (277). Il
téléphone à Sharpton, qui lui renvoie le balle :
"À ce stade, je ne peux
plus vous aider, Dink, répondit-il, toujours aussi
imperturbable. Alors bon vent matelot." Il lui demande de ne pas perdre confiance. Dinky reste
huit jours à ne rien faire, avant que brusquement le processus
attendu se déclenche en lui. King brouille cependant les
pistes en suggérant qu'il a été
"programmé" par les techniciens, ce qui renvoie à
l'hypothèse d'un lavage de cerveau...
À son habitude, King propose une voie parallèle, en
insérant dans les récits quelques informations sur
celui qui se présente comme le recruteur de la trans, une
sorte de gourou 32 qui a un savoir que n'ont pas les hommes ordinaires.
Sharpton connaît ainsi tout ce que fait Dinky, ou ce que fait
sa mère, ce qu'un bon policier peut trouver sans
difficulté. Mais il sait aussi, ce que Dinky est seul à
savoir, qu'il a assassiné un collègue qui le
persécutait dans son entreprise par le moyen d'un courrier
magique. Le pouvoir de ses yeux est magnétique. Alors que
Dinky hésite à monter dans sa voiture, Sharpton se
contente de le regarder sans répondre : "Au bout de quelques secondes de ce petit jeu,
je coupai le contact de la Ford et descendis." (256) Au
téléphone, il lui a indiqué qu'il était
"quelqu'un d'autre" (250), au sens de
"différent" des autres humains.
King nous ouvre probablement une
perspective avec le motif qui orne la cravate de Mr Sharpton, qui
représente des épées brandies par une main :
"«C'est ma cravate
Fétiche. Quand je la mets, je me sens comme le roi
Arthur.» Le sourire disparut peu à peu de son visage, et
je me rendis compte qu'il ne plaisantait pas. «Arthur, le roi
qui a rassemblé les meilleurs hommes qui furent jamais. Les
chevaliers assis avec lui autour de la Table ronde pour refaire le
monde.»" (259) L'utilisation
de ce motif jouera en fin de récit un rôle
déterminant. Or l'épée est le premier des quatre
objets faisant partie des arcanes du Mage dans la tradition
ésotérique 33. Symbole guerrier, l'épée est le symbole
de la guerre sainte, et selon Jean Chevalier et
Alain Gheerbrant,
"en termes
d'alchimie", "le feu du creuset" 34. C'est l'instrument qui repousse et annihile les
énergies, à la fois arme de défense et
d'attaque. L'épée magique n'est pas une arme de
militaire, c'est une arme symbolique, dotée d'une puissance
mystérieuse dérivée de son utilisation ordinaire
comme arme de combat.
King a brouillé les pistes en suggérant que les
porteurs de dons comme celui de Dinky se rattachent à des
temps archaïques, dont ils seraient d'une certaine
manière des "fossiles". Leur don se rattacherait à des
pratiques magiques que les gens ont oubliées, mais qui se
trouvent enfouies dans leur inconscient collectif. Ainsi le pantacle
tracé par Dinky devant la maison du chien qu'il a tué
est resté une semaine sur le trottoir, avant qu'une pluie
l'efface : "Pendant ces
quelques jours, personne ne marcha dessus. Les gens (...)
contournaient mon oeuvre. Ils
n'avaient même pas l'air de s'en rendre compte. (...)
À croire qu'ils ne
voyaient pas qu'il y avait quelque chose, là. Sauf qu'une
partie d'eux-mêmes le savait bien. Sans quoi, pourquoi
auraient-ils fait le tour?"
(266)
Il ne semble cependant pas que l'hypothèse de la Trans :
société ésotérique, soit à
retenir, même si certains points sont communs, et que la Trans
ait utilisé des procés magiques anciens. Surtout, les
"secrets" des doctrines ésotériques sont
présentés comme des clés pour ouvrir les
puissances cachées dans les hommes et l'univers. À
l'opposé, ce que Dinky apprend au cours de son stage de
formation est orienté vers des buts qui ne sont pas
l'élévation spirituelle, l'augmentation des pouvoirs
humains, et le maintien des grandes traditions : "Il s'agissait de tuer des gens; voilà
à quoi destinait l'entraînement. On ne m'en parlait pas
tout le temps, mais les formateurs n'essayaient pas pour autant de me
dorer la pilule."
(272) Occultistes ou autres, les sociétés
secrètes prétendent organiser dans l'ombre les
mutations sociales à venir. Elles déplorent les
courants populaires liés au spiritisme, à la magie
noire, à la démonologie, protestant qu'on laisse le
grand public jouer avec les "sciences sacrées" du passé
: la "science" du tarot, le magnétisme, l'astrologie.
35
À côté de ces "sociétés des
mystères" existent d'autres sociétés que l'on
appelle, faute de mieux, les "sociétés du secret", et
qui ont des visées plus profanes dans leur pratique du
prosélytisme.
Le flou qui entoure ces nombreuses
sectes est commode 36, mais on sait qu'elles sont très
différentes les unes des autres. Leurs caractéristiques
communes se trouvent dans le grand rôle dévolu au
gourou; dans la soumission des adhérents qui ne peuvent plus
agir librement, placés sous le contrôle de la secte sur
ses membres, et dans la confusion concernant les buts poursuivis.
L'importance
du gourou.
L'adepte d'une secte est quelqu'un qui se lie affectivement à
un gourou, épouse sa doctrine et, sous son influence, se coupe
progressivement du monde, ce qui se produit avec Dinky. Le gourou met
en place une organisation minutieuse, conduisant à la
régression, à la dilution de la responsabilité
de l'individu : "J'avais un
plan, une liste des restaurants, l'adresse des cinémas et du
centre commercial. Tout avait été prévu en
fait." (276)
Certaines sectes plus secrètes que d'autres fonctionnent avec
une stricte hiérarchisation des pouvoirs, et elles utilisent
une structure pyramidale comme garantie du secret. Ou encore, comme
cela semble être le cas de la Trans, une structure "en
étoile" qui aboutit au même résultat : le
subordonné ne reçoit ses informations que d'un
supérieur. Le réseau ne fonctionne que dans deux sens :
du subordonné vers le supérieur, du supérieur
vers le subordonné. Pas de communication latérale,
contacts, ou échanges d'informations entre subordonnés
: "Je suis bien certain qu'il
y avait d'autres transcréatifs à Peoria pendant que je
m'y trouvais moi-même, mais le Dr Wentworth et son
équipe prenaient grand soin de nous tenir
séparés." (272)
Le gourou joue d'abord le rôle
du père auprès de personnes qui ont des
problèmes familiaux ou relationnels, comme Dinky :
"Mr Sharpton était la
seule personne qui avait été capable d'accéder
à mon être intime." (275) La Loi du "père", du gourou, ne
s'impose pas comme une doctrine, mais paraît venue d'une
structure familiale. Dinky a été abandonné par
son père, ne s'entend pas avec sa mère, et trouve en Mr
Sharpton un interlocuteur comme il en avait toujours
espéré un. Alors que sa mère le ridiculisait
pour son misérable travail de livreur de pizzas, Mr Sharpton,
le père de substitution, lui fait miroiter non la richesse
(qui n'intéresse guère Dinky, il y retrouverait
l'écho de sa mère, sans cesse dans l'attente du gain
qu'elle espère réaliser avec les loteries), mais un
avenir brillant : "Vous ne
gagnerez pas beaucoup d'argent non plus, du moins au début,
mais vous éprouverez beaucoup de satisfaction, et ce que j'ai
à vous offrir n'est que le premier barreau d'une
échelle qui peut se révéler monter très
haut." (270) Mais la richesse se montre : au pauvre Dinky, qui n'a
qu'une vieille voiture déglinguée, il offre le voyage
en jet privé au lieu de sa formation...
La
séduction.
La mise sous dépendance commence par les manoeuvres de contact
qui utilisent avant tout les sentiments. Pas de démonstrations
ou de raisonnements : il s'agit d'émouvoir le futur adepte, de
le bouleverser. À son premier contact, Mr Sharpton fait en
sorte que Dinky lui raconte un épisode de sa vie, sa
persécution par son collègue, Skipper, qu'il a
tué, ce dont il l'absout : "«Il n'a eu que ce qu'il méritait. Vous en
êtes bien conscient, n'est-ce pas?» Voilà la
réflexion, je ne sais pourquoi, qui régla la question.
Le barrage se rompit et je fondis en larmes." (267) Ensuite il
flatte cet adolescent qui a abandonné ses études, faute
de résultats : "Vous
êtes le dessus du panier, Dink. Je suis à peu
près certain que vous ne le croyez pas, mais c'est pourtant
vrai." (259) Il lui
présente ce qu'il attend de lui en le reliant à son
vécu : "Notre boulot
consiste à débarrasser le monde des Skipper
Brunningan." (269) Car
le gourou doit dissimuler ses véritables buts, relier son
action à un message facilement accessible, même s'il
n'est que mensonge, comme le constatera Dinky plus tard.
La secte cherche à couper l'adepte de son monde
antérieur, par une organisation de sa vie minutieuse qui le
conduit à la perte de contact et à la régression
sociale : "Le disciple d'une
secte emprunte une voie qui fera de lui un adepte, quelqu'un qui a
atteint le but (du latin adeptus, ayant, atteint). Il suit un
maître; mais en même temps il se coupe du reste de la
communauté humaine et devient un sectateur
isolé."
37
Le
conditionnement.
L'objectif poursuivi est de modifier le comportement d'un individu
pour l'amener à adopter des conduites qu'il n'avait pas
auparavant. Le conditionnement peut être verbal, par
explications et encouragements. L'endoctrinement se fait alors en
douceur, par un remodelage patient de la pensée, ce que fait
en partie l'éducation courante. Mais d'autres techniques sont
coercitives. Elles font partie de ce viol mental qu'est le lavage de
cerveaux (brain-washing), complété
éventuellement par un contrôle mental (mind control).
Ces méthodes ont été mises au point après
1950, après les lavages de cerveau subis par plusieurs
milliers de prisonniers américains par les Coréens du
Nord, lors de la guerre de Corée. Sous la direction de la
C.I.A., près de 200 chercheurs travaillant dans les
universités reçurent alors des crédits pour
faire des recherches 38, dans le cadre d'un programme non communiqué aux
cobayes sur la mise au point de "techniques défensives et offensives de
renseignements".
Au cours de son stage de formation, Dinky est soumis à de tels
conditionnements coercitifs. Il a l'impression qu'on veut
l'hypnotiser, et s'en ouvre par téléphone à son
gourou, qui tente de le rassurer en expliquant que cette pratique est
courante avec les... ordinateurs! "Je ne connais pas le détail de tous les examens
et de tous les protocoles, mais je les soupçonne de vous
programmer. D'installer toutes sortes de choses pratiques aux niveaux
inférieurs de votre esprit sans toucher à la partie
consciente... ce qui risquerait peut-être de bousiller votre
talent particulier. En fait, rien de différent de la
programmation d'un disque dur, et rien de plus
sinistre." (273) Le
responsable de son stage lui explique qu'ils utilisent un état
hypnotique pour donner certaines "instructions de base". Dans son
cas, "elles concernaient les
programmes des ordinateurs que j'allais utiliser à Columbia
City." (274) Ces
conditionnements ne plaisent guère à Dinky, qui se
plaint à nouveau au gourou. L'attitude utilisée dans ce
cas est le grand jeu de la confiance : "Faites-moi confiance, Dink. Faites-moi confiance, et
surtout, faites-vous confiance." (277) Le danger est évident : toute croyance
s'oppose à la réflexion et à l'analyse.
Le
contrôle.
Sont mis en place des systèmes qui entraînent la
dépendance, et l'assuétude envers la secte. Le
néophyte, maintenu sous contrainte, se trouve dans
l'impossibilité de se soustraire à un modèle
dont il ne connaît que les aspects le concernant. La coercition
s'exerce sur l'adepte, mais aussi sur les intermédiaires.
Dinky, mécontent de certains aspects de son stage de
formation, téléphone à la seule autorité
qu'il connaisse, Mr Sharpton en pleine nuit ("Vous pouvez m'appeler n'importe quand,
même à trois heures du matin." 273) pour se plaindre : "Je vais passer quelques coups de fil et le Dr
Wentworth vous parlera. Il est même possible que des excuses
vous soient dues. Si c'est le cas, Dink, soyez assuré qu'elles
vous seront présentées." (274) Le Dr Wentworth vient en effet lui
présenter des excuses : "Il n'était pas impossible que Mr Sharpton l'ait
appelé deux minutes après mon coup de fil pour lui
passer un bon savon." (274) Il est aussi
possible qu'il s'agisse d'un scénario prévu, pour
assujettir davantage Dinky à son gourou, le seul auquel il
estime pouvoir se fier.
Dans l'organisation, on ne fait
vraiment confiance à personne. Dinky sait bien que les
"nettoyeurs" qui mettent de l'ordre chez lui savent tout ce qu'il
fait, et doivent en rendre compte. Il ne peut se rendre qu'aux
endroits permis, et il doit ruser quand il prend des libertés
avec les comportements imposés. Mais bien qu'étant ses
contrôleurs, les nettoyeurs redoutent aussi le don de Dinky :
"On ne touche à rien
dans le bureau de Dinky. Peut-être que les nettoyeurs ont un
peu peur de moi, eux aussi."
(248) Dinky a aussi peur qu'eux : il n'ose même pas se
lever du siège où il retrouve à regarder
l'émission de TV obligatoire chaque vendredi, pour ne pas
savoir qui met l'enveloppe contenant l'argent de la semaine à
la même heure dans sa boîte aux lettres. Dinky craint
également ses contrôleurs : "De toute façon, je n'ai aucune envie de les voir.
D'abord, parce que ça ne servirait à rien. Et ensuite,
ils me fichent la frousse, pour tout dire." (248) Et au fond de lui-même, il sait bien
que s'il cesse de faire le travail de la Trans, et ne donne plus
satisfaction, un jour "les
nettoyeurs viendront faire une visite non prévue au programme.
Et c'est moi qui serai nettoyé." (296)
Dans la quasi-totalité des sectes, les buts cachés vont
à l'encontre de ceux qui sont annoncés ou
affichés. Dinky finit par se rendre compte, après
plusieurs centaines de meurtres, que ses victimes ne sont pas des
"Skipper", des persécuteurs, comme la Trans le lui avait
annoncé. Mais même quand il en est devenu conscient, il
est contraint de continuer à cause des conditionnements qui se
sont installés en lui : "Je le fais parce que je suis un drogué comme un
autre, exactement comme le type qui fume du crack dans une
contre-allée."
(296)
Par des journaux, lus
clandestinement, Dinky a constaté que des personnes qu'il a
tuées combattaient pour des causes
désintéressées, humanitaires. La Trans
serait-elle un service d'État secret? ou un mouvement occulte
à visées politiques?
Un service
secret d'État? 39
La première préoccupation d'un État est sa
propre sauvegarde, ce qui suppose de sa part trois types
d'activités. Deux permettent d'assurer sa
sécurité extérieure, ou de préserver le
calme à l'intérieur de ses frontières. Des
agences gouvernementales spécialisées (on ne compte
plus les services, cellules, offices, sections de renseignements et
d'opérations des armées américaines ou de la
C.I.A) assurent le renseignement, par l'espionnage ou l'envoi
d'agents à l'étranger. Pour ne pas subir les complots,
les États y participent largement, en noyautant et en
infiltrant les organismes qui leur paraissent dangereux. D'autres
s'occupent de désinformation, en utilisant les techniques de
l'occultation. Par exemple, au fur et à mesure que la science
et les techniques progressent, les puissances auraient tendance
à dissimuler les résultats présumés
dangereux. Les sciences sont devenues si pointues que ceux qui sont
capables de décoder les connaissances mathématiques,
physiques, biologiques et autres sont de moins en moins nombreux, la
science devenant une véritable cryptographie. Ce savoir
prenant une apparence de plus en plus ésotérique, s'est
développée l'idée que certaines
découvertes sont si importantes que les organismes
d'état préfèrent ne pas les divulguer. Les
services et projets secrets sont caricaturés par les
scénaristes de cinéma et de séries
télévisées, comme la célèbre
série X-Files. Lors de son stage de "formation", Dinky y pense
un moment : "Si on
était dans un roman ou dans un film (ou dans un simple
épisode de X-Files)."
(272) Mais aucun autre élément ne peut
être mis à l'actif de cette hypothèse.
Pas davantage de rapport avec les théories de la conspiration
liées à l'existence d'extraterrestres, avec lesquels le
gouvernement des États-Unis serait complice. Les services
secrets américains auraient récupéré lors
d'un atterrissage ou d'un "crash" de soucoupe volante des
extraterrestres qui auraient survécu, et seraient
protégés par les services secrets de l'armée.
Selon la rumeur concernant un certain projet Plato, Harry Truman
aurait passé un accord d'échanges de technologie avec
des extraterrestres (d'où les progrès américains
dans la technologie des engins spatiaux). Ces derniers ont des
problèmes génétiques et souhaiteraient
créer un hybride entre nos gènes et les leurs... Leurs
activités secrètes se passeraient dans des
laboratoires, responsables entre autres de virus "fous", comme le
sida, la vache folle, et sans doute bientôt de S.R.A.S.
Une
société mafieuse?
Notre époque, plus agitée et surtout davantage
informée (ou désinformée!) que celles qui nous
ont précédés au cours de l'histoire,
connaît l'influence ou l'action de réseaux qui ont pour
objectif de modifier les orientations officielles. Les historiens
savent qu'on ne peut expliquer les transformations de l'Italie du
XIXe siècle sans mettre en évidence le
rôle du carbonarisme, l'histoire de l'Irlande ou celle de la
Chine au XXe siècle, si on ne fait pas
intervenir l'activité des sociétés
secrètes révolutionnaires.
Si des associations clandestines cachent leurs fins, leur
organisation et les noms de leurs membres, elles ne sont pas pour
autant secrètes quand leurs dirigeants font connaître
les buts qu'ils se proposent d'atteindre, contrairement aux
sociétés du "mystère" qui se fondent toujours
sur le «secret initiatique», une révélation
intérieure et profonde, une influence spirituelle,
incommunicable aux profanes.
Des économistes estiment que le chiffre d'affaires le plus
important du monde moderne est celui d'une véritable
multinationale "secrète", tentaculaire, les divers groupes
clandestins pratiquant la drogue, les jeux, le crime, et le chantage,
qui forment ce qu'on appelle la Mafia. Il ne faut cependant pas
oublier que ce mot n'a pas toujours servi à désigner
des associations de criminels. Et, par certains aspects, les buts
apparemment affichés par la Trans correspondent à ceux
de la Mafia traditionnelle, la défense du petit et du
persécuté contre les forces qui l'oppriment, comme
c'est le cas pour Dinky, traqué quotidiennement sur son lieu
de travail par un tortionnaire de son âge, Skipper :
"Notre boulot consiste
à débarrasser le monde des Skipper Brannigan -les gros,
ceux qui sévissent à grande
échelle." (268), ou
encore : "Nous désirons
vous aider à affiner votre don, à l'affûter, et
à vous en servir pour l'amélioration de toute
l'humanité."
(270)
Quand la tradition de la Mafia est
née en Sicile, elle a été, dans la lignée
de Robin des Bois, rattachée à une forme romanesque de
banditisme s'appuyant sur le mythe du bandit-héros populaire.
Le nom donné à l'époque était «uomo
d'onore» (homme d'honneur). Il était l'homme de la
justice et s'opposait à la tyrannie des puissants des villages
ou les gardiens de l'ordre abusifs. On comprend qu'un tel
modèle puisse plaire à cet adolescent qu'est encore
Dinky... Le mafioso, réfugié dans des endroits
inexpugnables, symbolisait l'esprit de résistance dans le bon
droit, mais aussi dans l'illégalité non vécue
comme telle parce qu'elle était perçue comme une
révolte sociale honorable. La mafia en tant qu'organisation a
été ensuite un groupe de notables le plus souvent, sans
statut reconnu, agissant discrètement et quelquefois
agressivement dans des activités qui n'étaient pas
complètement criminelles, mais certainement pas honnêtes
ou d'intérêt public. Le sens de l'intérêt
d'une collectivité minimale contre les puissants existait
encore. Si mythiquement cette réputation peut encore jouer ici
et là, il faut bien dire que, dans nos sociétés
d'individualisme, où les structures traditionnelles
disparaissent, où le sens du bien collectif se perd, la mafia
repose maintenant sur des options qui ne sont plus depuis longtemps
celles du bandit d'honneur. L'esprit de mafia s'appuie sur la
conviction que l'on peut s'opposer à la loi pour "faire de
l'argent" ou imposer son ascension sociale. Et que tous les moyens
sont bons pour parvenir à ses fins. La Mafia est donc devenue
une sorte de confédération des syndicats du crime
organisé. Certains pensent aux États-Unis que son
rôle politique s'accroît et que la Mafia tenterait, par
hommes d'affaires et politiciens interposés, à
s'emparer de la nation. En ce sens, la Trans pourrait bien être
rattachée à un groupe mafieux : "Mr Sharpton? Vous vous rappelez, quand vous
m'avez dit que je pouvais améliorer l'état du monde en
le débarrassant des Skipper? La vérité, c'est
que c'est vous qui êtes les Skipper.»" (296)
Un mouvement
terroriste clandestin?
La terreur, en imposant un état de peur permanent, permet au
pouvoir en place de briser ceux qui lui résistent. Le
terrorisme s'inspire des mêmes méthodes en utilisant
l'initiative ponctuelle comme stratégie, et emploie
systématiquement la violence, pour impressionner ou
rançonner des individus, ou pour soumettre des populations
à un climat d'insécurité, dans un but politique.
La Trans ne semble avoir aucun but politique particulier. D'autre
part, ce qui caractérise le mouvement terroriste est que si
son organisation est masquée, ses buts politiques sont
clairement affichés, ce qui n'est pas le cas de la Trans.
Quel que soit l'organisme secret qui, sous la façade de la
Transcreative Corporation pilote Dinky, ses buts paraissent, au vu
des victimes connues de Dinky, proches de la droite radicale des USA.
À coloration religieuse intégriste souvent, ou
cultivant des idéologies totalitaires, cette droite inspire
des mouvements paramilitaires divers, des mouvements néonazis
comme le mouvement des Nations Aryennes, le Ku Klux Klan, et sucitent
des meurtres et des attentats, dont les coupables ne sont pas souvent
démasqués. Leurs idées fascisantes se propagent
dans la droite américaine, et les idées fascisantes
gagnent du terrain aussi bien parmi les possédants que chez
les laissés pour compte, exactement comme chez nous avec le
mouvement lepéniste. Soutenant l'ultralibéralisme, les
nantis croient aux vertus de la guerre pour les défendre, et
en ses possibilités régénératrices pour
rendre aux peuples chrétiens blancs leur suprématie
d'hier. 40
Républicains ou démocrates, des hommes politiques sont mouillés dans des scandales financiers de toutes sortes, étouffés le plus possible (les dégâts causés par les malversations d'une firme comme Enron sont cependant tels qu'ils ont dû être rendus publics, tant leurs conséquences se répercutent encore sur l'économie). Aucune réponse n'étant donnée aux problèmes contemporains urgents par des politiciens qui naviguent à vue, sur fond de crise économique généralisée, se cultivent aux USA des formes de paranoïa liées à la délinquance et aux trafics de toutes sortes. La France n'est pas épargnée, qui connaît les mêmes symptômes et où se répandent la délinquance, les trafics de drogue et la violence urbaine. Les périodes troublées sont favorables à l'idée d'une conspiration pour affaiblir l'Occident chrétien, montée indifféremment par les Juifs, lez Francs-Maçons, les mouvements islamistes et les étrangers en général. En tous cas, cette montée des conservatismes pourrait inspirer des mouvements clandestins aux gros moyens financiers, comme la Trans, et inspirer l'assassinat de personnalités comme celles que Dinky a exécutées : celles qui propagent des idées libérales suscitent des recherches scientifiques soupçonnées être dangereuses pour la pureté de la race (surtout biologiques, toutes celles notamment qui concernent le génome). 41 Mais celles aussi qui sont la persistance de vieilles luttes dépassées, comme celle de l'avortement légal, ou la suppression de la peine de mort. Sur ces sujets, Stephen King, qui a le coeur à gauche, s'est maintes fois exprimé, et il n'est pas étonnant qu'avec discrétion il ait choisi certains de ses personnages dans leurs rangs 42.
L'originalité de la novella
est d'abord le choix de l'arme retenue : le don extra-sensoriel qui
permet de ressusciter l'ancien pantacle en le carrossant de
numérique et d'Internet. Intéressante aussi est la
description, vécue par un adepte, des méthodes d'une
secte. Le tout sur fond de crise collective vécue par des
Américains tentés par cette droite fascisante, aux
slogans et aux pratiques radicales. Phénomène
explicable, car Dinky peut être assimilé à ces
nombreux Américains inquiets de l'avenir ou qui vivent avec un
sentiment d'insécurité. Ils ne se sentent
protégés dans leur combat que par des dirigeants qui
pratiquent l'amalgame entre leurs difficultés individuelles et
leur lutte politique nécessaire, selon eux, pour que les
forces du Bien puissent vaincre les forces du Mal (au choix :
l'ouverture des idées ou l'Islam en tant qu'idéologie
conquérante). Leur dénonciation, à partir d'une
idéologie confuse des forces du bien luttant contre le mal,
où le bien apparent n'est qu'un camouflage derrière
lequel se masque le mal, leur permet d'éliminer ou de mettre
hors-circuit ceux qui voudraient s'opposer à leur politique.
Dinky est maintenant dans le camp de ces opposants. Je n'ose demander
au lecteur qui m'a suivi quelles sont les chances (les
probabilités!) qu'il a de s'en sortir. À mon avis,
elles sont plutôt minces, dans ce pays où l'on peut
aussi bien lyncher des responsables syndicaux que conduire les
Rosenberg à la chaise électrique pour leurs opinions...
Que les USA viennent de bouder l'entrée en action de la Cour
pénale Internationale habilitée à juger des
crimes politiques ou de guerre commis dans le monde entier conforte
cette orientation, qui s'applique aussi bien à la politique
extérieure qu'à la politique extérieure.
Roland Ernould © mai
2003.
Suite de l'article : DE LA FATALITÉ À
L'ACTE LIBRE.
Rituel
pour entrer en relation avec une personne ou pour s'en
rapprocher (extraits). |
- Choisissez un endroit
isolé, silencieux et protégé. |
1 Voir mes études : L'IMPORTANCE DU MÉDIUM dans l'oeuvre de King , LA VOYANCE
2 L'Accident (The Dead Zone). Éd. fr. Lattès, 1983.
3 Charlie (The Firestarter). Édition fr. Albin Michel, 1984.
4 Voir Anne Fournier et Catherine Picard, Sectes, démocratie et mondialisation, PUF, 2002
5 Bernard Lempert, Le retour de l'intolérance, Bayard, 2003. Lempert signale notamment que les grands maîtres de la manipulation mentale du XXe siècle ont été les forces politiques, dont le nazisme et le stalinisme.
6 Bernard Lempert signale que beaucoup de gourous et leurs adeptes seraient d'anciens enfants abusés et maltraités. Rot Hubbard, le fondateur de la Scientologie, aurait ainsi voulu "rationaliser sa souffrance historique" en fondant sa secte.
7 Il en existe, fait rare, deux traductions en français, qu'il est intéressant de comparer : celle-ci et celle de Jean Daniel Brèque, Tout est éventuel, nouvelle parue dans la revue Ténèbres spécial Stephen King, #11/12, janvier 2001, pp. 98/131
8 Le mot "magie" vient du grec "majéia" et du latin "mafia". Il renvoyait pour les anciens à la religion et aux pratiques secrètes des mages perses, prêtres de Zoroastre.
9 The Mangler, 1972. Dans le recueil Danse Macabre
10 Sometimes they Come back, 1974. Dans le recueil Danse Macabre.
11 I Know What You Need, 1976. Dans le recueil Danse Macabre.
12 Voir mon livre Quatre approches de la magie, Du Rond des Sorciers à Harry Potter, L'Harmattan éd., coll. Ouverture philosophique, 2003, chapitre 1.
13 Voir en annexe l'exemple d'un rituel, accompagné d'un philtre.
14 Le Larousse en dix volumes propose quatre termes qui renvoient au substantif pantacle. En géométrie, le pentagramme (du grec "pente", "cinq"), autre nom donné au pentacle, est un polygone qui a cinq angles, donc cinq côtés, utilisé avec la même signification. Les occultistes privilégient l'usage du mot : Pantacle, en le faisant dériver du préfixe grec "pan","tout". "Pentalpha" est un autre synonyme, employé plus rarement.
15 Jean-Marques Rivière, Amulettes, talismans et pantacles dans les traditions orientales et occidentales, Payot, 1912, 11.
16 Jean-Marques Rivière, op. cit., 11.
17 Cette connaissance ne lui est pas venue de ses lectures, ou d'un quelconque apprentissage. Dans le cas de la possession d'un"don", elle est venue spontanément.
18 L'influence de Lovecraft semble manifeste, et s'ajoute chez King au plaisir de jouer avec les mots.
19 Dans La Bible, Jacob prend le nom Israël après sa lutte avec l'ange. Car, dit l'Ange, "tu as lutté contre des puissances célestes et humaines." Genèse, 32, 29. De là vient le nom de la tribu, puis de l'état d'Israël
20 Les occultistes sont fortement marquée par la
création divine telle que la relate La Bible :
"Au commencement, Dieu créa le
ciel et la terre.
Or la terre était un chaos, et il n'y avait des
ténèbres au-dessus de l'Abîme, et l'esprit de
Dieu planait au-dessus des eaux.
Dieu dit : «Que la lumière soit», et la
lumière fut." Genèse,
1.1-3.
La parole créatrice : "Dieu
dit", est
appelée : "Verbe de
Vie" dans la ère Épître de Saint
Jean, I.1; ou dans Les Psaumes :
"Par la parole de Yahvé les cieux
ont été faits/ et par le souffle de sa bouche toute
leur armée", 33.6, ou encore
"Car il dit, et ce fut,/ il commanda,
et [tout]
surgit" (33.9). trad. Osty, éd.
du Seuil.
21 Lauré Tua, Le Grand Livre des Sciences Occultes, éd. De Vecchi, 1989, 70.
22 Word Processeur of the Gonds, 1983. Dans le recueil Brume.
23 "MON FILS EST SETH
HAGSTROM.
Son doigt approcha de la touche EFFACER.
Qu'est-ce que tu fais? hurla-t-il mentalement. tu es vraiment
sérieux? Tu as vraiment l'intention d'assassiner ton fils?
(...) je ne vais pas l'assassiner. je ne vais pas... l'EFFACER.
Son doigt s'appuya sur le bouton."
Machine divine à traitement de
textes, recueil Brume, Éd. fr.
Albin Michel 1987, 351.
24 Dans le domaine du courrier, on en est encore à des moyens classiques : l'enveloppe contenant des germes nocifs, et le colis qui explose...
25 La flèche pointant vers le bas fait penser au pouce que les spectateurs des arènes romaines devaient pointer vers le bas s'ils décidaient de la mort d'un gladiateur ou d'un prisonnier défaillant.
26 Brèque donne une autre traduction : "Je crois que les nettoyeurs de Mr. Sharpton n'aiment pas acheter des saletés (gag)." Ténèbres spécial King, op. cit., 100.
27 Des kabbalistes pensent que ce sont de mystérieuses instructions de Jahvé, qui ont notamment permis à Adam de donner un nom aux êtres de la création (le nom permet de désigner l'innommé et de la faire exister). Moïse, sur le Mont Sinaï, aurait également reçu des instructions secrètes de Jahvé, en plus des tables de la Loi.
28 On ne peut pas attribuer la remise à Dinky, par la Trans, d'un CD des Weezer avant qu'il soit dans le commerce (245) à un pouvoir magique comme celui de Leland Gaunt dans Bazaar. Les coutumiers de l'édition savent que les livres sont imprimés, et les CD édités, avant leur parution. Le service de presse est souvent assuré plusieurs semaines avant la mise en vente, qui dépend d'opportunités commerciales ou financièrs des producteurs.
29 Voir les essais monumentaux de Pierre A. Riffard, L'Ésotérisme, anthologie de l'ésotérisme Occidental, Laffont Bouquins, 1016 p, 1990; et Ésotérisme d'ailleurs, Laffont Bouquins, 1242 p., 1997.
30 Parmi d'autres, les traditions des Maîtres du Monde et de leurs cités interdites (Agartha, Atlantide, Tibet, etc), ou venant de communications d'extraterrestres (OVNIS, dessins de la Cordillères des Andes, mégalithes dont Stonehenge, Pyramides et grands travaux de l'Antiquité), les secrets perdus (des pharaons, des Templiers, des alchimistes), ou venant de l'au-delà.
31 Certaines de ces sociétés secrètes imaginent que des civilisations lointaines venues jadis sur Terre avaient des sciences et des techniques si redoutables qu'il aurait été dangereux de les confier aux hommes jusqu'à présent. Pour être convenablement utilisées, elles exigent d'autres structures mentales ou morales que celles que les hommes ont témoignées jusqu'à présent. L'essentiel de cet héritage extraterrestre ne serait pas actuellement communicable, le rôle de ces sociétés est de ne donner rien d'utilisable pour les hommes actuels, les hommes n'étant pas encore suffisamment évolués. Il serait conservé par certains sous une forme ésotérique pour transmettre le flambeau à des générations plus méritantes...
32 Du hindi guru, vénérable. Maître spirituel hindou. L'éducation brahmanique était confiée au gourou pour les jeunes garçons et les étudiants appartenant aux hautes classes. Par extension, maître à penser et directeur de conscience.
33 L'épée, la baguette, la coupe ou la boule de cristal, le pantacle. King utilise fréquemment ces éléments : par exemple, dans le dernier roman paru, Les Territoires, la batte de base-ball dont se sert Jack n'est autre que l'épée des mages.
34 Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Laffont Bouquins, 19ème édition, 1997, article Épée.
35 Sur ce sujet, tout a déjà été dit dans l'ouvrage célèbre Le matin des Magiciens, de Louis Pauwels et Jacques Bergier, Gallimard, 1960. Par exemple, l'Hermetic Order of the Golden Dawn, l'Ordre Hermétique de l'Aube Dorée, est une organisation initiatique rosicrucienne fondée à Londres en 1888 par W.W.Westcott, et rendue célèbre par les excès d'Aleister Crowley. L'ordre a intéressé plusieurs écrivains, dont W.B. Yeats. Mais le mouvement a aussi passionné Adolf Hitler et les intellectuels du nazisme...
36 Voir Jean-Marie Abgrall, La mécanique des sectes, Payot Rivages, 1996.
37 Jean-Marie Abgrall, La mécanique des sectes, op. cit., 13. Essai recommandé à qui veut comprendre le mécanisme des sectes.
38 Voir les premiers chapitres de Charlie, où King décrit le comportement de ces professeurs et les raisons qui poussèrent des étudiants à servir de cobayes. Ces recherches furent en vain dénoncées par des organismes humanitaires.
39 Voir mon étude : LA RAISON D ' ÉTAT
40 Dans l'émotion qui a accompagné la guerre en Irak, Evangelisti a écrit un texte pertinent sur la situation aux USA : "Il ne faut pas oublier que le pays a été créé par des fondamentalistes chrétiens, fidèles à une lecture littérale de la Bible, y compris les livres accordant à un «peuples élu» le droit d'exterminer ses ennemis. (...) Cette pensée favorise la «diabolisation» totale de l'adversaire, aide à surmonter les obstacles à son élimination, donne à l'avancée sur des champs de bataille le caractère solennel et presque sacré d'une croisade." Valerio Evangelisti, Pulsion de mort, article paru dans Le Monde Diplomatique, mai 2003, 16.
41 Je renvoie à nouveau à Evangelisti, qui explique comment, en se protégeant derrière une idéologie du Bien on peut en arriver à tuer les opposants au lieu de s'essayer de les convaincre. Ils deviennent objectivement des ennemis "insidieux ceux qui appartiennent à la tribu du combattant, mais sont réticents à en accepter l'idéologie. Ils proposent des négociations qui peuvent seulement faire perdre du temps, en cherchant à instaurer des solidarités transversales, au-delà des limites territoriales. Impossible d'avancer sans se débarrasser de ce poids mort. Il faut les éliminer avant qu'ils n'arrivent à entraver une mission désormais perçue comme voulue par Dieu sans pitié : il vaut mieux, beaucoup mieux, des ennemis que des traîtres." Valerio Evangelisti, op. cit., 16.
42 Sur l'avortement, voir Insomnie (Insomnia, 1994).
Éd. fr. Albin Michel 1995.
Sur la peine de mort, voir La Ligne
Verte (The
Green Mile, feuilleton en six
épisodes,1996). Éd. fr. Librio 1996.
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