L'événement SF
de la rentrée n'est rien moins que le premier film en
images de synthèse ultraroyaliste de la maison
Squaresoft, Final Fantasy. Aaaaahh... Final Fantasy. Une saga devenue légendaire,
l'essence même du jeu vidéo. Qui n'en a jamais
entendu parler ? Observez le comportement d'un joueur
lorsque l'on évoque ce titre : ses yeux se mouillent,
son coeur s'emballe, il se met à bafouiller... c'est
un homme amoureux.
En tant que fan absolu de la série, ma
première réaction fut l'appréhension.
L'utilisation par Square de son titre phare apparaît
d'emblée comme l'exploitation commerciale d'une
licence qui n'a plus rien à prouver depuis dix ans.
Les rumeurs circulant sur le projet ne faisaient que
renforcer ce petit goût d'amertume : pas de Chocobos,
un scénario 100% science-fiction sans lien avec
l'héroïc-fantasy et surtout une
révolution technique tentant de masquer la
pauvreté de l'intrigue.
Il y a un peu de vrai et beaucoup d'exagération. Car
le film, quoi qu'on en dise, vaut la peine d'être vu.
L'histoire est nettement meilleure que pour beaucoup de film
traditionnels, et les auteurs ont veillé à
rassembler les thèmes majeurs qui font de Final
Fantasy une série
si personnelle pour chacun : philosophie,
spiritualité, croyance, guerre, romantisme et
ambition, dépassement, voyage... tout est là,
pour notre plus grand plaisir. Bien sur 1h30 c'est peu pour
développer un tel panel de notions, comparativement
aux 50 heures de bonheur que nous offrent les
épisodes sur console. Tout semble alors
condensé, le temps s'accélère et
l'expérience se révèle fort
différente.
Sur un plan technique, la presse s'est déjà
largement étendue : FF le film est né d'un pari
insensé, que toute l'équipe a remporté
haut les claviers. Même si la réalisation
manque parfois de panache, en particulier dans les
scènes d'action, on salue l'exploit accompli. Plus
qu'une révolution, il s'agit bien de la
première Evolution de ce millénaire.
Malheureusement les défauts sont trop nombreux pour
que l'on ferme les yeux. Si les images sont d'une
beauté digne des cinématiques de FF VIII, on a beau dire, les acteurs
virtuels n'ont pas la prestance de nos bonnes vieilles
stars. La jeune héroïne malgré tous ses
efforts garde le regard aussi vide que Loana, quant au
bellâtre qui tient lieu de héros on est en
droit de se demander pourquoi il a la tête de Ben
Affleck. Quitte à reproduire un visage existant, ils
auraient pu choisir un acteur doué d'un minimum de
charisme.
Au petit jeu des références, le film fait
illusion durant le premier quart d'heure, absolument
magnifique, en hommage à John Carpenter et New-York 1997. Ensuite, le procédé devient
plutôt gênant puisque chaque séquence
semble tirée (voire copiée) des grands noms de
la SF. On retrouve en vrac des clins d'oeils à
Terminator, Robocop,
Star
Wars évidemment,
mais le plagiat n'est jamais très loin. La limite est
atteinte avec une séquence de 20 minutes
intégralement pompée sur Aliens
Return de James
Cameron, où le couple de marines formé
par un américain et une mexicaine est retranscrit
à l'identique, jusque dans leur façon de
s'envoyer des vannes. Un procédé surprenant et
un peu honteux pour un film qui se voulait une innovation
complète.
C'est finalement au niveau des coréférences
que le spectateur averti prendra son plaisir : comprenez
qu'il faut bien connaître l'univers de Final
Fantasy pour
apprécier les différents
éléments des Créatures de
l'Esprit. La
présence de Cid en vieux scientifique,
déterminé et paternaliste, fera verser une
larme à plus d'un fan (il est en outre le personnage
le plus réussi). Les Chocobos manquent cruellement
à l'appel mais au vu de l'intrigue je vois mal quelle
place ils auraient pu prendre. Le Général est
également une excellente surprise : véritable
clone de Seifer jusque dans les attitudes et la garde-robe,
il est le "méchant" rêvé de tout
Final
Fantasy puisqu'il n'agit
pas pour s'enrichir ou par cruauté gratuite comme
dans les sentaï, il est motivé par son
idéal, il poursuit son but de la façon qu'il
juge la plus efficace, à l'image de Barret dans
FF
VII ou du colonel dans
Akira.
Sur un plan musical en revanche, la déception est de
taille. Alors que l'essence même d'un bon RPG repose
sur un scénario solide et sur ses mélodies, le
film s'est refusé les services de Nobuo
Uematsu, compositeur officiel de Final
Fantasy depuis le
premier épisode. Les personnages, qui manquaient
déjà de profondeur, ne sont même plus
identifiables par un thème musical, chose que George
Lucas avait déjà compris il
y a vingt ans et qui assure la cohésion au sein des
jeux (souvenons nous, bouleversés, de Melodies of
Life dans FF IX.) Ici l'héroïne est bien
jolie mais sans le relief que lui aurait
conféré une mélodie romantique, en
accord avec son caractère. Du coup elle ne tient pas
la comparaison avec la princesse Grenat, et encore moins
avec Aeris ou Linoa ("Eyes on me"..., on en pleure
encore.)
Rien de très positif dans tout cela. Pourtant le film
n'est pas mauvais. On le regarde bien calé dans son
fauteuil, ébloui par les somptueux effets de
lumière et bercé par cette histoire
d'énergie terrestre que chacun possède en lui,
seule Force capable de venir à bout des
fantômes : ça ne vous rappelle rien ? Les point
communs avec FF VII,
épisode ultime qui surclasse tous les autres, sont
légion : la Mako, la terre menacée,
l'écologie... Au final on ressort de la salle sans
être réellement déçu, mais chaque
joueur aura vite fait d'oublier jusqu'à l'existence
du film pour se replonger, encore et encore, dans la magie
de Final
Fantasy. Car c'est dans
les jeux seuls que la magie existe...
article de "Sylvain Tavernier"
<syltavernier@wanadoo.fr> © septembre
2001
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