Une fois encore, le
problème se pose de présenter un film
surmédiatisé. Incassable est partout, sur toutes les
chaînes, à la radio, sur les affiches
géantes placardées sur tous les murs de
France... mais au bout du compte, pourquoi ne pas le
replacer dans son juste milieu : la salle de cinéma.
Incassable ne se raconte
pas, il ne s'analyse pas. Personne ne peut en parler au
risque de trop en dire, de dévoiler un détail
de l'intrigue qui gacherait le plaisir des millions de fans
du Sixième Sens. Tiens ? Le mot est laché -Sixième
Sens- et la comparaison
s'impose. Night Shyamalan a instauré un genre bien
particulier, beaucoup copié l'année
dernière mais avec moins de maitrise : le thriller
fantastique à rebondissement de dernière
minute. Incassable est construit sur un schéma
identique. Une intrigue claire, captivante, qui tient
à faire réfléchir le spectateur sans le
gaver de virtuosités techniques et de mise en
scène tape à l'oeil. Sans renier le
cinéma d'action (beaucoup d'esbrouffe, gros moyens)
qui offre un bon divertissement mais laisse un souvenir un
peu embrouillé d'explosions et de psychologie fine,
les films de Shyamalan se dévoilent lentement, en
nuance. Il plaira autant aux détracteurs qu'aux
amoureux du cinéma dit "américain".
Les défauts mineurs
du film précédents ont disparu. En cherchant
à tout prix à se mettre en retrait et à
laisser le boulot aux acteurs, le réalisateur du
Sixième Sens n'avait su éviter quelques longueurs et
une légère faiblesse du scénario qui
s'essoufflait vers la fin de la projection. Ici l'intrigue
est réellement originale, riche en scène
fortes, elle maintient en éveil malgré la
durée (environ deux heures.) La mise en scène
se fait plus énergique et sert les acteurs aux mieux
de leur talent. L'enfant, d'ordinaire insupportable dans les
films de ce genre, trouve le ton juste et constitue un
pendant idéal au talent de plus en plus certain de
Bruce Willis
[photo].
Cet homme est un cas. Il
véhicule depuis quinze ans la même image du mec
cool, chaleureux, le genre de gars qu'on aimerait avoir
comme meilleur ami, et ce quelque soit son rôle. Au
contraire des gros muscles des années 80, il est
tranquillement passé du cinéma d'action pure
(et qu'on aime toujours autant) à des films tels que
Incassable, où il s'efface presque en provoquant
l'adhésion. On ne voit plus le personnage Willis
à l'écran, il a quitté provisoirement
le marcel du sergent McClan pour ce type banal, agent de
sécurité d'un stade. L'idée de l'avoir
choisi lui, le Die Hard, pour incarner ce super héros
de bande dessinée est un trait lumineux. A croire
qu'il est pour de bon invincible, dans la vie comme au
box-office.
Mais l'histoire ?
direz-vous. Est-ce un bon film ? Oui, c'est vraiment un
grand moment dans la mesure où il se diffère
des autres, tant par la forme que le fond. De tous les films
qui sortiront cette année 2001 il figurera parmi les
dix plus captivants et cérébraux. On y savoure
autant la manière dont le scénario se
dévoile de manière très
égoïste que le jeu des acteurs. Le duo
Willis/Jackson se retrouve avec plaisir. Si leur relation
est plus ambigüe et moins rythmée qu'en 95 lors
du célèbre Die Hard 3, la confrontation fera date. Jackson figure
parmi les plus grands acteurs du moments, sa composition en
fanatique de comics atteint de
dégénérescence osseuse (comprenez qu'il
se casse le squelette au moindre choc) fera date. Il est
à la fois fascinant et dérangeant,
mystérieux et sympathique. C'est ce genre de
personnage que le cinéma devra nous montrer à
l'avenir pour tenir la distance avec des auteurs de la
trempe de Shyamalan. Allez voir Incassable et puis si vous
n'aimez pas, il reste toujours Charlie et ses drôles
de Dames.
article de "Sylvain Tavernier"
<syltavernier@wanadoo.fr> © janvier
2001
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