Le plus dur est
d'éviter tous les clichés journalistiques tels
que : "dix ans après, Hannibal ressert le couvert" ou
encore cette tradition détestable qui fait suivre le
nom du Dr Lecter d'un (miam miam !) entre
parenthèses. Alors que le plus simple est encore de
parler du film, qui ne doit à aucun prix être
vu en comparaison avec le Silence des Agneaux.
Ridley Scott filme Hannibal à la manière de Gladiator. C'est un choix, autant l'accepter.
Son film prend ainsi une ampleur colossale, il en fait une
sorte de grandiose opéra flamboyant, où la
moindre scène de dialogue est filmée comme
l'affrontement final de tout bon film d'action. Si son art
impressionne, au bout du compte et de deux heures quinze de
projection on en ressort un peu gavé : un visuel
extrémement riche, des personnages à la limite
de la caricature sortis droit d'une tragédie
shakespearienne, et un dénouement grand-guignol
invraisemblable qui laisse la part belle au gore
débridé. Selon la formule de Milos
Forman
dans Amadeus,
il y a... "un peu trop de notes."
Et pourtant ça
marche. Malgré cet aspect abracadabrantesque,
l'histoire tient la route et reste, en majorité,
captivante. A l'exception de quelques longueurs malvenues en
plein coeur de l'intrigue, le suspens est bien
présent. En particulier dans la première
moitié, où Hopkins
savoure de retrouver le Dr Lecter (miam miam !). Le
psychiatre distingué est d'une prestence, d'une
carrure inimitable. Installé à Florence il est
en passe de devenir conservateur : on se régale
à chaque apparition. Florence, ville des Arts et de
la Beauté où l'on brûlait les
chrétiens lui convient à merveille : Hannibal
est l'ignoble psychopate si fascinant qui se cache
derrière le masque du respectacle homme de
musée. Il a une connaissance absolue du Bien et du
Mal et se joue en permanence de la séparation
traditionnelle que l'on en fait. Le charisme du cannibal est
sans égal, il n'a rien perdu de son pouvoir
d'attraction depuis la fin machiavélique du
Silence
des Agneaux.
Après les
défauts deviennent flagrants. Hannibal est trop
présent, il n'agit plus dans l'ombre mais en plein
jour, et surtout il bavarde ! Le Docteur se laisse aller
à d'improbables dissertations sur la pluie et le beau
temps, alors que sa force résidait dans sa
causticité. Logiquement quand Hannibal parle,
ça fait mouche. Il ne dit jamais un mot sans avoir
calculé tout le mal qu'il pourra occasionner. Ici on
est presque un peu gêné de l'entendre discourir
à tout va, comme s'il remplissait les cases d'un
scénario assez inconsistant. Le bel édifice de
la première heure tombe en lambeaux le temps de deux
trois scènes, et il faut attendre l'affrontement
final pour que la sauce reprenne.
Parlons-en de duel
psychologique, puisque les scénaristes ont
visiblement ignoré la question. La relation
Starling-Lecter repose sur une fascination réciproque
et l'agent du FBI doit lutter contre les assauts du
médecin qui cherche à la briser pour la
posséder ensuite. Avec Hannibal, leurs rapports se
résument à une course poursuite efficace mais
fort classique. Le spectateur attend, en vain, que la
tension monte et que Clarice tienne tête à
Hannibal lors d'une joute verbale dantesque. Seulement le
film s'achève juste quand ça commençait
à devenir intéressant. Pour un
troisième film peut-être ?
article de "Sylvain Tavernier"
<syltavernier@wanadoo.fr> © mars
2001
note de
lecture sur le roman
Hannibal.
l'opinion de King sur le roman
à sa publication.
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