fantastique ou insolite

BS1mØne de Andrew Niccol :

Les sorcières d'Hollywood...

Son sourire façon Julia Roberts n'est sans doute pas un hasard, tout comme ses jambes, son parfum (oui, oui !), la courbe infinie de ses cils et son grain de peau aussi lisse qu'une petite coupe de fruits. Tout est faux chez elle mais y a rien à jeter, et Andrew Niccol l'a bien compris en écrivant cette histoire d'idole virtuelle que le monde entier cherche à s'approprier.

Conte philosophique de facture assez classique,
S1mone traite des grands thèmes que Niccol avait developpés dans le scénario de The Truman Show puis en réalisant Bienvenue à Gattaca : manipulation des images (et donc de la réalité) et course à la perfection. Son nouveau film brasse un grand nombre de réflexions éthiques sur l'obsession du paraître, l'adoration des foules envers une icône commerciale et la soif de reconnaissance des artistes par un système qu'ils s'acharnent pourtant à dénoncer. Le tout sur un ton léger, résolument comique, qui permet d'aborder des questions dites sensibles en détournant l'attention du spectateur pour l'inviter à y réfléchir ensuite.

Dans la peau du réalisateur Victor Taranski,
Al Pacino interprète un nouveau Frankenstein dépassé par la popularité de sa créature, qui se retrouve acculé au mensonge et à tous les stratagèmes de dissimulation qu'il implique. Victor découvre la possibilité de mettre en scène sa propre vie, puisqu'il se dévoue jour et nuit à faire de Simone une star «réelle.» L'euphorie d'une telle réussite laisse comme toujours place à l'amertume de rester dans l'ombre, de ne pas connaître le frisson de la célébrité auquel inspire chaque artiste, même s'ils ne l'avouent pas.

Le personnage de
Pacino rejoint ici celui de Dustin Hoffman dans Des Hommes d'Influence, un producteur-réalisateur qui mettait en scène une fausse guerre en Albanie afin de détourner l'attention du public des frasques présidentielles. Hoffman, obnubilé par la qualité de son oeuvre, ne pouvait évidemment pas faire connaître au monde la supercherie. Et si Victor ne l'avoue pas de façon directe, ce qui l'anime, tout ce qui canalise son énergie et sa motivation, c'est le besoin d'estime. Le créateur reste toujours seul, éclipsé par le rayonnement d'une oeuvre qui n'a plus besoin de lui pour exister : Simone EST réelle aux yeux du public, et cela suffit à la rendre indépendante. Mary Shelley, Bram Stoker, Maurice Leblanc et d'autres artistes ont également connu le poids d'un personnage devenu incontrôlable, plus vivant pour la foule que celui qui l'anime.

Les films de
Niccol, qu'il les écrive ou les mette en scène, sont fortement marqués par la symbolique de la mer si chère à Baudelaire, en tant que promesse de liberté et de découverte mais aussi miroir de l'enfermement qu'éprouve le personnage. Dans Bienvenue à Gattaca, Ethan Hawke trouvait en elle une alliée qui lui permettait de se surpasser malgré sa naissance naturelle, c'est à dire sans perfectionnement génétique. Jim Carrey à son tour doit vaincre sa phobie de la mer dans The Truman Show pour accéder à la porte du monde réel. Franchir cette issue c'est renoncer au monde inhumain mais sécurisant qu'il a toujours connu pour s'aventurer « de l'autre côté de la mer ». Là où vivent les monstres, autrement dit. Truman se heurte littéralement à un mur de ciel bleu et affronte la voix de son propre Dieu.

C'est ce personnage de manipulateur d'images, d'existence, qui est au centre de
Simone. Victor fait sa propre expérience de l'enfermement : la maison solitaire qu'il habite, au bord de l'océan, le renvoie sans cesse au vide d'une vie qu'il ne consacre plus qu'à une créature virtuelle. Obsédé par cette actrice faussement réelle, il est dépossédé de sa propre personnalité, le public attribuant bien sûr à Simone chaque parole que Victor lui fait prononcer. L'image récurrente d'Al Pacino fixant les vagues nous attire sur son immense solitude : à l'inverse de Truman dont l'authenticité (la sincérité) était unique et qui ne cherchait que le courage de partir, Victor est prisonnier d'un rôle factice dans un univers entièrement virtuel. Sa vie devient, comme celle de Truman, un spectacle organisé, mais la conscience de cette tricherie qu'il a lui-même mise en place le ronge et l'isole encore plus. Et lorsqu'il tente de révéler la vérité, personne ne peut le croire. Evidemment. Plutôt s'accrocher à la réalité de Simone que de reconnaître l'illusion dont on s'est bercée.

L'angle de la comédie rend plus digeste tout ce questionnement, qu'un éclairage dramatique aurait étouffé. Andrew
Niccol s'est avant tout fait plaisir en laissant s'exprimer Al Pacino et la délicieuse inconnue qui interprète Simone, presque irréelle, au point que la confusion a longtemps subsisté aux Etas-Unis lors de la sortie du film : Simone était-elle une véritable actrice, ou Pacino donnait-il «réellement» la réplique à une suite de 1 et de 0 ? On peut dire sans se tromper qu'aucun logiciel n'aurait pu à ce point reproduire le côté artificiel de la belle.

La finesse du film le rend particulièrement drôle. L'humour ne repose que sur un comique de caractère et non de situation : chaque spectateur réagira aux scènes de façon différente, selon sa sensibilité, son rapport à l'image et à la manipulation. A travers les métrages absurdes du réalisateur Victor,
Niccol égratigne avec une méchanceté savoureuse le cinéma d'Art et Essai dit « d'intellos », à savoir tous ces films qui relèvent plus de la masturbation intellectuelle que d'un quelconque talent, et que personne n'est en droit de critiquer sous peine de passer pour un ringard. Simone nous venge de tous les ciné-clubs passés et à venir, en affirmant que oui, les films serbo-croates muets en noir et blanc sont chiants comme un trottoir de rue et que le véritable cinéma indépendant qui fourmille de talent est trop souvent confondu avec cette catégorie malfaisante. Un petit bonheur de cinéphile.

Malgré une réalisation un peu moins riche que celle de
Bienvenue à Gattaca, S1mone porte bien les couleurs de son Créateur et redonne un peu de Juvamine à une programmation du moment bien molassone. Frais, drôle et revigorant. Un très bon film qui pose les bonnes questions, et qui fait rire en attendant le retour de Spielberg et la résurrection de Philippe K.Dick.

article de "Sylvain Tavernier" <syltavernier@wanadoo.fr> -© 23 septembre 2002

Réalisateur et scénario d'Andrew Niccol, avec Al Pacino, Catherine Keener, Evan Rachel Wood, Jay Mohr, Rachel Roberts. Studio/Distributeur : New Line Cinema (U. S. 2001). Comédie. Durée : 1h 55mn

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