Il y a des
films totalement gratuits, comme ça, juste pour le
plaisir. Amélie Poulain ne coûte rien, ne
demande rien en échange : c'est la formule du
bonheur. Le p'tit bonheur provincial, les plaisirs
bêtes comme plonger les doigts dans un sac de grain.
Et donc Amélie va vous rendre heureux. Ça
tombe bien, on en avait tous besoin.
Il ne faut
rien dire, rien dévoiler, toute analyse serait en
dessous de l'expérience. On pourrait accumuler les
superlatifs : ce film est extraordinaire,
féérique, bouleversant, "pour les enfants",
époustouflant, "pour les grands", con... Oui,
Amélie Poulain c'est con comme une tarte aux
framboises, c'est du bonheur sucré. La salle se
retrouve au coeur d'une fête foraine, le samedi en fin
d'après-midi quand l'air prend l'odeur de la barbe
à papa et des pommes d'amour. Le film de Jeunet ? Une
énorme pomme d'amour.
Voilà
un homme qui a le courage de ses ambitions. Il se
lève un jour et se dit : "Je vais faire un film que
personne n'a encore jamais vu" et il s'y tient. Son style
incomparable éclate à chaque image de ce Paris
intemporel, où se croisent les sex-shop et les
cafés de quartier, les baraques à frites et
les marelles sur le trottoir. C'est un rêve de gosse
filmé en grand angle, avec un objectif aux bords
arrondis pour mieux saisir cette galerie de tronches
invraisemblables. Vous avez déjà vu un film
qui fait pleurer et rire pour un nain de jardin ? Qui donne
envie d'ouvrir grand les volets sur les collines
éclairées par le soleil de Marcel
Pagnol ? Dont on tombe amoureux
dès le générique remis en ordre par des
mains balladeuses ? Jeunet enchaîne les trouvailles et
les traits de génie à la seconde, au
centième de minute, chaque plan va plus loin que le
précédent et tout ce talent est mis au service
d'une seule cause, défendue par une petite brune aux
yeux magiques : rendre les gens heureux.
Elle ne
cherche rien d'autre Amélie. Elle vit au pays de
Cendrillon et des sept nains et elle s'imagine que Paris est
le château du prince. Le plus incroyable c'est qu'elle
parvient à nous le prouver. De sourires en cascades
de larmes Audrey Tautou va mettre la France à genoux,
à l'image de Matthieu Kassovitz qui se traîne
devant les cabines de photomatons pour collectionner les
photos ratées. Ce n'est qu'un des
éléments grotesques et pourtant
irrésistibles du Fabuleux destin d'Amélie
Poulain.
Que vous
soyez grognon, malade ou dépressif, que le monde vous
dégoûte ou que vous détestiez la vie et
tout ce qu'elle a d'inutile, ce film est fait pour vous. Et
pour tous les autres aussi après tout, pas de
quartier. On en ressort le coeur gonflé comme un
sachet de pop corn, avec l'envie de tomber amoureux de la
première jolie fille qui passe. Jeunet n'a fait que
mettre le doigt sur des détails, et tout à
coup c'est beau la France. C'est beau une fille qui sourit
en pleurant ou qui pleure en riant. C'est beau un costume de
Zorro. C'est beau une machine à malaxer la guimauve
qui malaxe la guimauve à quatre heures vingt de
l'après-midi. Amélie Poulain c'est du bonheur
en bâtonnets, rien que du bonheur on vous dit nom
d'une cuillère ! Allez hop ! Alors là vive la
France, vingt sur vingt en plein dans le mille !
(réplique bientôt culte qui va faire le tour du
monde).
Acteurs :
Audrey Tautou, Mathieu Kassovitz, Serge Merlin, Dominique
Pinon, Rufus, Yolande Moreau, Jamel Debbouze...
article de "Sylvain Tavernier"
<syltavernier@wanadoo.fr> © avril
2001
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