« Back in black »
! Les affiches annoncent la couleur (pardon) sur tous les
murs de France et de Navarre, et le costard noir revient en
force pour un second épisode. J et K sont donc de
retour, furieusement cools, la racaille de l'univers va s'en
prendre plein les dents et le bon peuple pourra dormir
tranquille, inconscient de la vermine qui s'est
infiltrée parmi nous. Un bon film pour la campagne
sur l'insécurité...
Allons allons, restons honnêtes. Sincèrement le
film est drôle, très drôle, un cran
même au-dessus du premier si l'on envisage cette
série pour ce qu'elle est et rien d'autre : un
divertissement de qualité supérieure, un pur
pop-corn movie destiné à ameuter dans les
salles tout ce que le cinéma compte d'amateurs de
friandises, d'aliens dégénérés,
de gros flingues et de gadgets en tous genres. Et ils sont
plus nombreux qu'on pourrait le croire.
Barry Sonnenfeld et les studios n'ont pris aucun, mais alors
AUCUN risque. Tout est calculé,
chronométré au petit poil, les gags fusent
dans tous les sens et l'action non-stop remplie sans faiblir
les 1h30 du film. Débarassé des encombrantes
introductions des personnages (et par là même
de toute psychologie, mais on peut pas tout avoir), le
scénario emballe autour d'une intrigue bidon une
succession de sketches savoureux, souvent hilarants,
où Will Smith
et Tommy Lee Jones
donnent corps à l'un des meilleurs duos de
cinéma depuis L'Arme Fatale. Le blanc et le noir, le cool et le
coincé, le vieux et le jeune : la recette n'a pas
changé d'un ongle depuis vingt ans, mais puisque le
public se déplace encore, pourquoi pas ?
Allez, on pourra même reconnaître au
scénariste d'avoir voulu insuffler un peu de
profondeur à ses personnages parfaitement
définis en posant la question de leur effrayante
solitude, de leur métier qui les éloigne
chaque fois des rares personnes qu'ils rencontrent et qu'ils
doivent « neurolyser ». Will Smith,
condamné à s'effacer de la mémoire de
toutes les jeunes femmes qui l'attirent, compose même
une ou deux scènes émouvantes où,
hélas, son talent d'acteur reste inexploité.
Problème de temps, problème de minutage, dans
un film qui ne doit jamais ralentir ni laisser la place
à un peu de sentiments (la pseudo love-story entre la
fille et l'agent J est totalement ridicule, soit dit entre
nous.)
En regardant MIIB, le cinéphile fan de costumes noirs
se laisse en fait porter par la nostalgie d'un autre duo,
sans aucune fausse note celui-là, formé dans
les années 80 par John Belushi
et Dan Ackroyd
: une minute de silence s'il vous plaît en
mémoire des Blues Brothers. Ah ! les Blues Brothers,
eux ils avaient la classe, la décontraction, l'humour
noir assorti à leurs fringues et des chansons
inoubliables plein leur coffre. Manifestement les men in
black leur collent aux talons : le film de Sonnenfeld
s'oriente, et c'est très bien, vers un humour
caustique, pince sans rire, tout à fait dans l'esprit
des prédécesseurs.
Will Smith
laisse parfois au placard ses vannes et son jeu tout en
mouvements pour adopter le ton de Tommy Lee Jones : imperturbable, direct, impeccable. Lors de
la scène finale ils parviennent presque à
restituer le flegmatisme à toute épreuve que
les Blues Brothers affichaient en tout occasion, qu'ils
soient poursuivis par une centaine de voitures de police et
par une horde de nazis hystériques, ou qu'ils doivent
faire face à une Carrie Fisher
armée d'un bazooka ! De toutes façons, ils
étaient « en mission pour le Seigneur », ce
qui manque peut-être aux MIB : une réelle
motivation. Sauver la Terre ? Bof... déjà vu,
déjà fait depuis que le cinéma existe.
Mais être « en mission pour le Seigneur »,
ça c'était grandiose.
On ne peut pas en vouloir aux agents secrets d'aujourd'hui,
ils font ce qu'ils peuvent et en grande partie ils
parviennent à nous faire franchement rire. Les petits
magiciens d'ILM imposent, une fois n'est pas coutume, leur
savoir-faire oscarisable (à voir pour le croire : les
effets spéciaux donnant vie à Jeff, le ver de
terre géant, et les tentacules infinies de la
méchante Médusa), et Sonnenfeld s'offre
quelque touches d'auto-dérision fort bienvenues ainsi
qu'un caméo de Michael Jackson proprement à
tomber par terre. La séquence de
pré-générique, avec Peter Graves, en
forme de parodie du premier MIB et de toutes les
séries TV fauchées de science-fiction, est un
pur instant de magie à la Ed Wood : vous y
découvrirez Lohjana, ambassadrice extra-terrestre aux
formes à peine humaines et blonde comme un petit
soleil de midi ! Et le plus drôle, c'est que ce gag ne
peut fonctionner qu'en France... Une scène
irrésistible, qui sera elle-même
parodiée plus tard dans le courant du film. Le
scénario enchaîne ce genre de gags à
tiroirs (normal) et tous fonctionnent (ce qui est plus
rare.)
Il ne vous restera probablement aucun souvenir de la
projection une fois la lumière revenue, le rythme
infernal du film agissant sur les spectateurs comme un
neurolyser : vite consommé, vite absorbé, vite
digéré. C'est le divertissement fast-food.
Sans être péjoratif bien sûr : MIIB vaut
tout de même nettement mieux que la majorité
des films estivaux de ce genre. Mais un dernier conseil
avant d'aller casser de l'alien teigneux : les Blues
Brothers, c'était vach'ment mieux.
article de "Sylvain Tavernier"
<syltavernier@wanadoo.fr> -© août
2002
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