APPROCHE DU
MYTHE DE L'UN ET DU DOUBLE
DANS L'IMAGINAIRE KINGIEN
SECRET
WINDOW, SECRET GARDEN : une
novella à double tranchant
par Sylvain TAVERNIER
Séminaire de Littérature
sous la direction de Michel Arouimi
Présentation de l'intrigue
La femme de l'écrivain Morton
Rainey la quitté, et il s'est installé dans leur maison
de campagne en attendant de régler les formalités du
divorce. Isolé de sa vie sociale, de ses amis et surtout de
son épouse qu'il aime toujours, Mort souffre d'un blocage
créatif depuis la séparation, et les longues
journées à ne rien faire au bord du lac le bercent
douloureusement de leur mélancolie, à la
frontière de la dépression nerveuse.
Lors d'un après-midi d'inaction et de solitude, Morton voit se
présenter chez lui un homme nommé John Shooter, qui lui
tend le manuscrit dactylographié d'une vieille nouvelle qu'il
prétend avoir écrite : Secret window, Secret
garden. Shooter accuse Rainey de lui avoir
volé cette histoire, et il est venu chercher
réparation.
Morton va alors tenter désespérément de prouver
qu'il a écrit sa propre version, intitulée
« Sowing Season
», avant la date
mentionnée par l'étranger. Quand il découvre le
cadavre de son chat cloué au mur, Morton comprend trop tard
que le piège de Shooter est en train de se refermer et qu'il
va devoir se défendre jusqu'au bout de l'accusation de plagiat
lancée contre lui. Mais Mort est-il réellement l'auteur
de la nouvelle ? Il en est persuadé. Alors pourquoi Shooter
persiste-t-il à réclamer justice avec tant de violence
? Et pourquoi personne dans l'entourage de Mort ne semble comprendre
lorsqu'il parle du mystérieux personnage venu le harceler ? La
réalité va bientôt s'effriter aussi sournoisement
que la fêlure argentée d'une grande baie vitrée,
et Stephen King met en place une mécanique de cauchemar qui
fragmente les perceptions et nous laisse tremblants
d'admiration.
Introduction
Dans la présentation de
Secret window,
Secret Garden, Stephen King
annonce son projet d'illustrer la rupture entre la
réalité et la fiction, entre le monde concret de
l'auteur et son univers imaginaire : « Le travail de l'écrivain consiste à
regarder par cette fenêtre et à rapporter ce qu'il voit.
Mais parfois la fenêtre se fracasse. C'est cela, plus que toute
autre chose, qui constitue le moteur de cette histoire :
qu'arrive-t-il à l'observateur aux yeux
écarquillés, lorsque la fenêtre qui sépare
réel et irréel explose et que les morceaux de verre
commencent à voler en tous sens. ».1 (p.285) La frontière est bien mince selon lui,
et elle se brise sous les coups répétés d'une
violence dualiste, née de la division première du
Verbe. Le Verbe, considéré comme impulsion originelle
du monde et symbole unitaire de perfection, est assimilé par
King au principe de création littéraire, Verbe et
écriture se rejoignant alors dans une même idée
d'harmonie incarnée. Mais parfois, le Double vient rompre
l'équilibre originel : le réel et la fiction
s'effondrent l'un sur l'autre et de cette fracture est issue la
violence intrinsèque à la dualité. Comment cette
nouvelle, à travers l'histoire d'un homme devenu son propre
double, parvient-elle à retranscrire le mythe apocalyptique de
l'unité perdue ? Car l'utilisation systématique des
doublons, des antagonismes et des symboles bibliques laissent
entendre que l'emploi de cette matière est consciente et
recherchée, de même que les emprunts à
Shakespeare influencent la lecture en ce sens. Nous verrons que
l'omniprésence de l'imagerie dualiste, et la
réminiscence des motifs les plus marquants de l'Apocalypse, permettent à Stephen King de
concrétiser son désir de voir éclater la
réalité au point quelle se confonde avec l'image que
lui renvoie la fiction. Tels les personnages à l'esprit
divisé de ce récit, l'unité rompue engendre les
monstres...
Première
partie
La Parole
brisée
1
Le titre se
divise
Le titre original du texte de Stephen
King, Secret
window, Secret garden 2, expose la division fondamentale qui va s'opérer
dans le récit, tant du point de vue de la forme que du fond,
et, comme un miroir littéraire, emprunte sa structure à
un vers de Shakespeare, contenant à lui seul,
déjà, toute la violence née de la
dualité.
Cet octosyllabe formé de
quatre termes de deux syllabes chacun, est marqué d'une
césure à l'hémistiche qui sépare
irrémédiablement les deux parties, désormais
incapables de se réunir, à l'image du héros
à la double personnalité qui va bientôt faire son
entrée en scène. L'effet de symétrie est
poussé dans ses limites par le jeu numérique des six
lettres de « secret
» et des six lettres de
« window
» qui trouvent leur
équivalence dans les douze lettres réunies par la paire
« secret garden
». Nous avons donc
quatre fois six lettres, parfaitement opposées en deux paires,
et dont nous obtenons le chiffre vingt-quatre par simple
multiplication.
La remarque n'a rien de gratuit,
puisqu'il s'agit là de la première
référence à l'Apocalypse de
Jean, aux « vingt-quatre
sièges entourant le trône, sur lesquels sont assis
vingt-quatre Vieillards vêtus de blanc »
3 ,
dont nous étudierons par la suite plus en détail
l'influence déterminante sur la composition du texte.
Signalons toutefois que la résidence de Morton Rainey, le
personnage qui attend dans les coulisses le moment
d'apparaître, compte exactement vingt-quatre pièces, et
qu'une menace brûlante pèse sur cette harmonie.
Cette rupture au sein du chiffre vingt-quatre 4, symbole dans l'Apocalypse de
la perfection divine, de l'absolue souveraineté de Dieu,
marque la brisure de la parole originelle. Le Verbe, incarné
dans le principe censément unitaire du titre, qui rassemble
d'ordinaire en une formule unique les composants épars du
texte, est ici scindé, brisé, déchiré par
la violence dualiste des deux paires égales qui s'affrontent
autour de la virgule.
King se souvient du Henry V de Shakespeare, source inépuisable de doubles
confrontés à la violence de leur nature.
« Couple a gorge, that is
the word »,
déclare Pistol 5 : superbe lapsus du personnage, qui confronte en un
seul vers (un octosyllabe) le français et l'anglais, les
ennemis héréditaires, et qui vient souligner la
division du Verbe. À l'instar de Secret window, Secret garden, le vers de Shakespeare comporte vingt-quatre
lettres, tranchées elles aussi en deux, autant par la virgule
qui les sépare que par le sens des paroles. « Couple a gorge », trancher la gorge... cela ne revient-il pas
à supprimer l'organe lié au Verbe, alors même que
sa perfection est menacée dans la rupture qui frappe les
vingt-quatre lettres, chez King comme chez Shakespeare ?
Avec Secret window, l'unité est rompue avant que tout commence, et
ce principe de l'Un devenu double va se répéter
inlassablement au cours du récit : à un premier niveau,
à travers l'histoire qu'il met en place, celle d'un homme
confronté à son « jumeau » littéraire
venu exercer sa vengeance, et au second par le biais de multiples
occurrences du double, presque anodines, qui se referment pourtant
sur le héros et finissent par l'emporter dans une
complète aliénation.
Le titre Secret window, Secret garden est ainsi révélateur de la tension qui
s'affirme entre le personnage et son opposant, entre Morton Rainey et
sa moitié devenue incontrôlable, et nous verrons
à quel point la violence de leur relation se traduit dans le
texte par une utilisation constante du motif du Double.
2
Morton Rainey,
l'homme de la pluie
La symbolique des noms n'est pas
systématique chez King, mais il en use suffisamment pour que
l'on s'attache au cas de ces deux personnages, Rainey et Shooter,
dont le parcours et l'évolution semblent d'emblée
définis dans leurs appellations.
Rainey est, comme l'indique son nom,
l'homme de la pluie. King le place volontairement sous le signe de la
tristesse et de la solitude : l'action se déroule en octobre,
en pleine saison humide donc, au fin fond du Maine Occidental.
Justement condamné par son prénom, Morton
est destiné à mourir. L'alliance de la résonance
macabre avec la dimension grise et pluvieuse de «Rainey» joue nettement contre lui. La dépression qui le
gagne n'est que la première étape qui le conduira
à la folie puis à la mort. Son prénom, comme le
titre de la nouvelle, présente tous les signes de
l'unité rompue. Le double «O» de
«MOrtOn» figure un cercle violemment dédoublé
puisque qu'il s'inscrit, nous l'avons vu, dans un nom associé
à l'idée de mort. Ce cercle qui se divise au coeur du
nom affecte profondément le devenir du personnage et rejoint
le principe de l'Un brisé en deux : « Le cercle est d'abord un point étendu :
il participe de sa perfection. Aussi le point et le cercle ont-ils
des propriétés symboliques communes, perfection,
homogénéité, absence de distinction ou de
division » 6
Le cercle ne doit pas se scinder,
il ne devient pas deux ni multiple. Il est le représentant
d'une perfection achevée qui se suffit à
elle-même. Par le cercle, c'est le Verbe divin qui
s'exprime.
La présence de ces deux
cercles au sein du mot est d'autant plus grave et significative
compte tenu de la nature du personnage. Morton Rainey est
écrivain, autrement dit le détenteur de la Parole. Qui
d'autre que l'auteur peut prétendre au titre de gardien du
Verbe ? L'écrivain, à l'image de Dieu, fait acte de
création, et sa voix est le reflet intelligible de la parole
divine. Le double O déchire
l'unité originelle, renvoie à lui-même ce qui est
achevé, dans une confrontation sous le signe du macabre qui
n'aurait jamais dû se produire.
Dès lors, le blocage de
l'écriture est logique et inévitable, et bien sûr
empoisonné par la dualité. « Aujourd'hui, il avait écrit ces trois
lignes de prose immortelle durant sa séance de deux heures.
(...) C'était mauvais. Trop proche de la réalité
pour être bon. »
(p.294) Deux heures ici sont consacrées à la
rédaction d'un mauvais texte que Morton oubliera d'ailleurs de
sauvegarder. Le Verbe s'est tari et cette coupure de l'inspiration
est liée au déferlement d'éléments duels
qui vont désormais s'insérer dans le texte.
La réalité de Rainey se divise, dans tous les sens du
terme, puisque son quotidien éclate systématiquement en
deux parties, et l'arrivée de John Shooter marquera
l'apothéose de cette scission. « Trop proche de la réalité pour
être bon »,
constate-t-il. Comment la fiction, autrement dit la parole de
l'écrivain, pourrait-elle conserver sa clarté alors
quelle met en scène une réalité
éclatée ?
La fraction était sensible
dès les origines du personnage. À travers son nom
d'abord, mais aussi dans son histoire personnelle, qui le rattache
à la ville de Derry, car « c'est à Derry qu'il habitait d'habitude
à cette époque de l'année, après tout.
» (p.307) Le
choix de Derry, dans l'imaginaire kingien, n'est pas un hasard. Ville
fictive du Maine et élément majeur de l'action du roman
IT
7, Derry est double, aussi bien sur le plan
textuel que surnaturel. Son nom d'où se détache le
double « r
» renvoie à la
dualité de Morton, qui vient d'une ville en apparence
identique à mille autres mais gangrenée de
l'intérieur par un inconscient collectif monstrueux qui vit
sous la surface.
Une ville à double visage
: d'un côté sa dimension sociale, visible et
respectable, et de l'autre un pourrissement informe, double de la
précédente, qui s'insinue dans la
réalité. Nous revenons toujours au schéma du
double issu de l'Un qui met fin à l'harmonie première
et engendre la violence. À l'image du double de Rainey venu de
l'état du Mississippi, Derry est à elle seule l'indice
de la dualité fondamentale qui touche
l'écrivain.
Morton trahit donc par son seul nom et sa prose corrompue
l'unité du Verbe qui lui a été confiée,
et nous verrons comment cet élément qui lui
échappe se double d'une seconde trahison consciente envers
l'écriture, envers le Verbe, une faute qu'il ne peut expier et
qui trouvera son exutoire dans le dédoublement de
personnalité dont va naître à présent John
Shooter.
3
John Shooter,
le tireur embusqué
« Vous m'avez volé mon
histoire, déclara l'homme sur le seuil de la porte. Vous
m'avez volé mon histoire et il faut faire quelque chose. Ce
qui est juste est juste, ce qui est correct est correct, et il faut
faire quelque chose. » (p.287)
La parole de Shooter ouvre le
récit, et le personnage se manifeste d'ores et
déjà par un discours tautologique où chaque
élément est redoublé. Les quatre assertions se
répètent chacune à deux reprises dans un espace
clos, définitif, qui souligne l'enfermement des deux
personnages. Ils sont prisonniers de leur dualité, et la
relation se referme sur elle-même puisque le discours ne peut
s'élargir. Condamnés à se répéter
sans se comprendre, Rainey et Shooter dépendent
désormais l'un de l'autre et le lien qui les unit ne pourra
s'ouvrir à un tiers : « Nous n'avons pas besoin d'une tierce personne,
Monsieur Rainey. C'est strictement entre vous et moi.
» (p.290)
Double jusque dans son
phrasé, Shooter renvoie à Morton l'expression de son
unité rompue. Chacune de ses déclarations lors de la
rencontre porte l'empreinte de la gémellité.
« Je sais que vous le
pouvez, le coupa l'homme une deuxième fois (...) Je le sais
bien. » (p.289) Shooter
« coupe
» le discours de Rainey.
Il s'oppose par deux fois à l'expression du Verbe, et
s'installe à nouveau dans une mécanique de
répétition, comme un automate bloqué sur les
mêmes formules « Je
le sais bien... Je le sais bien...»
Là encore, le nom du
personnage est indissociable de son « jumeau ». De
façon encore plus violente que « Morton » précédemment, « ShOOter » cristallise la séparation de l'Un en deux, qu'il
allie au principe du meurtre. Shooter est en effet,
littéralement, « le tireur », celui qui tue. Il
rejoint par-là le personnage de Shakespeare, Pistol, que la
traduction française nomme fort justement « Pistolet » : deux images du Double reliées
à celle des armes à feu, de la mort brutale et
violente. Leurs noms amorcent l'échec de la parole dont ils se
rendent coupables. Pistol par son lapsus et Shooter par sa
répétition font violence au langage, à
l'expression même du Verbe. Morton ne manque d'ailleurs pas de
soupçonner Shooter d'être « le deuxième tireur dans l'assassinat de
Kennedy. » (p.333)
Le meurtre comme attribut du
Double, voilà qui dénote bien la violence de la
séparation unitaire.
Cela dit, King joue pour
l'instant avec la personnalité de Shooter, et parsème
le texte d'indices à l'attention du lecteur afin de lui
révéler la vérité. Shooter na pas
d'existence concrète, officielle. Il reste le fruit
littéraire de l'imagination malade de Rainey et n'est encore,
comme le remarque Roland Ernould 8 , qu'un «
double (...) gênant et pénible » pour mieux devenir ensuite « omniprésent et
persécuteur » 9 .
L'inconsistance de ce double est
frappante. Son prénom tout d'abord, « John », aussi courant et anonyme que Pierre ou Jean en
français, dans lequel nous pouvons lire deux signes de son
caractère purement fictionnel : John Smith
n'est-il pas le nom d'emprunt le plus usuel qui soit ? Que dire
également de John
Doe, le nom donné aux
cadavres non identifiés dans les morgues américaines ?
Et par association phonétique, « John » n'est-il pas déjà contenu dans le final
de « MortON »
? La première
réaction de Rainey lorsqu'il le rencontre est d'ailleurs de le
comparer à un personnage de fiction : « Cet homme na pas l'air tout à
fait réel. On dirait un personnage sorti d'un roman de William
Faulkner. »
(p.288.)
Les allusions à la
transparence de Shooter sont nombreuses, mais le véritable jeu
littéraire nous est donné par l'entremise de
l'employée de maison de Rainey qui déforme, non pas
directement le nom de John Shooter, mais son référent
syntaxique, Shooter ne pouvant être désigné
directement par une autre personne que Rainey puisqu'il n'existe pas.
« Je croyais que
c'était comment dites-vous déjà ? Un pseudomime,
ou nyme. Un nom de plume quoi. » (p.297) dit la femme en parlant du manuscrit de la
nouvelle de Shooter. Celui-ci est ainsi renvoyé à son
irréalité, à sa dimension anonyme,
celle du « nom de plume
», doublée d'un
lapsus qui le ridiculise en le comparant à un « mime », autrement dit un imitateur... un plagieur. Le mime est
bien, par définition, un muet : celui qui na pas accès
à la parole, et donc au Verbe. C'est le comble pour un
personnage qui se prétend écrivain, dont le Verbe doit
être en principe le premier signe de reconnaissance.
Une seconde fois la parole est
brisée. Shooter, double illégitime de Rainey, est un
trompe l'oeil que son insignifiance condamne à la tautologie.
Il tient un discours cyclique et impénétrable qui se
mord la queue, à l'image d'Ouroboros, et même jusque
dans ses origines. Shooter prétend venir du Mississippi ! Le
choix de cet état traduit toute sa dimension à la fois
double et perpétuelle. Les quatre voyelles « i », évidemment séparées à
intervalles symétriques par des paires de consonnes identiques
« ss », « ss
», « pp »,
maintiennent le personnage dans son principe de discours qui ne
dévie pas de sa route, qui se répète en continu,
incapable de produire autre chose qu'un doublement attendu. Comme
lors de la seconde confrontation avec Rainey, où il ne peut
sortir de limitation qu'il s'est imposé en devenant le double
perturbateur : « Laissez
tomber », dit-il d'un ton rude. « Laisser tomber ? »
demanda Shooter avec un regard de stupéfaction
embarrassée. « Laisser tomber ? Qu'est-ce que vous voulez
dire, laisser tomber ? »
(p.319)
L'accusation de plagiat pourrait
bien se retourner contre lui, tant son Verbe n'est que la
reproduction de formules creuses, vides de sens, dont il s'empare et
qu'il développe en cherchant vainement à leur donner
une signification. Car n'oublions pas qu'il est venu uniquement pour
réclamer une histoire à Rainey, en compensation de
celle qui lui a été volée. C'est ainsi qu'il
intègre le discours de Morton, dans l'attente assoiffée
qu'une substance prenne corps à force de
répétition, d'acquérir sa propre
réalité. Or Morton sait, lui, que l'obstination
à faire d'une phrase une sorte de mantra ne conduit à
rien, sinon justement à la dépouiller du peu de sens
quelle véhicule : « Mort répéta, très bien. Ted
lui demanda comment il allait. Très bien aussi. A chaque fois
que les deux mots sortaient de sa bouche, ils paraissaient un peu
plus dénués de sens. » (p.350)
La parole face à sa
division, « deux mots
» toujours incapables de
produire du sens et voués à disparaître dans leur
propre néant. Le double devient l'agent destructeur du Verbe,
car la menace incarnée par Shooter n'en est pas moins
concrète, malgré sa quête de
légitimité. Symbole du Verbe divisé, sa violence
met en péril l'écrivain Rainey et se répercute
sur chaque élément de sa réalité. Le
décor familier et les pensées de Morton vont se diviser
graduellement. Doubles dans un premier temps puis de plus en plus
fragmentées, ses habitudes de vie, sa perception du
réel, menacent désormais de se fracturer en toute
occasion.
Deuxième
Partie 10
Le cercle
s'ouvre
11
1
Double point
de vue
« Ce serait tout
de même drôle, reprit Shooter d'une voix étrange
et songeuse, si nous avions écrit la même histoire en
deux endroits et à deux moments différents. »
(p.404)
Au-delà du simple titre,
Secret window, Secret
garden, présente
en réalité une double ouverture. La première,
évidente, que nous venons d'étudier et qui introduit
l'histoire proprement dite par le discours de John Shooter. La
seconde a lieu lors de la lecture par Rainey des deux nouvelles qui
constituent l'objet de sa rivalité avec Shooter. C'est
à dire qu'au coeur du récit, King joue sur le rapport
du lecteur et des personnages à la fiction : il nous propose
une alternative à son propre incipit, et laisse entendre la
possibilité d'une seconde histoire, qu'il pourrait raconter,
et qui aborderait le même sujet mais sous un angle
différent :
« Todd Dowey estimait qu'une femme qui vous dépouillait
de votre amour alors que celui-ci était tout ce que vous
possédiez n'était pas digne du nom de femme. Il
décida donc de la tuer. Il le ferait dans l'angle mort entre
la maison et la grange, là où les deux édifices
se rejoignaient selon un profond angle aigu : il le ferait là
où elle avait son jardin. » (p.296)
« Une femme qui vous vole
votre amour lorsque votre amour est tout ce que vous possédez
n'est pas digne du nom de femme telle était du moins l'opinion
de Tommy Havelock. Il décida de la tuer. Il savait même
à quel endroit il le ferait, l'endroit exact : dans le petit
bout de jardin quelle entretenait dans l'angle très
fermé constitué par la maison et le mur de la grange.
» (p.298)
L'effet de miroir est remarquable : double ouverture possible d'une
nouvelle que King n'écrira jamais, elles illustrent la parole
de l'écrivain réel, Stephen King, et de l'auteur
fictif, Morton Rainey, qui se divise presque physiquement et renvoie
chacun deux à la contemplation de sa propre dualité.
King qui s'observe dans ce personnage double de lui-même, et
Rainey qui découvre, terrifié, sa face sombre en la
personne de Shooter.
King réalise ici l'objectif qu'il s'était fixé
dans lavant-propos à Secret window : « Alors
que ce livre (La Part des Ténèbres) était encore
à l'état de brouillon, j'ai commencé à
penser qu'il existait peut-être un moyen de raconter les deux
histoires en même temps, en abordant certains des
éléments de l'intrigue de La Part des
Ténèbres
12
d'un point de vue totalement
différent. »
(p.284) Le réel de l'auteur rejoint son univers imaginaire
lorsqu'il met en scène ses propres aspirations
d'écriture.
King pousse même la
question jusqu'à revenir à son point de départ,
en fermant le cercle en quelque sorte, par le travail sur les titres
des nouvelles respectives de Shooter et Rainey. Le double intitule
son histoire « Secret
window, Secret garden »,
et nous renvoie donc directement au titre du récit que nous
sommes en train de lire. Rainey en revanche a choisi pour titre
« Sowing Season
», comme un retour
bancal sur le titre original : deux termes de six lettres à
nouveau, et renfermant ensemble le double O si
traître de Morton et Shooter... mais où est l'autre
moitié ? Pourquoi King a-t-il escamoté la seconde
partie de l'octosyllabe ? L'unité parfaite d'origine a
été rompue une fois encore, et Shooter suggère
qu'il serait la partie manquante.
Cette nouvelle de jeunesse de
Rainey au titre divisé, qui figure le Verbe amputé
d'une partie de lui-même, est la résurgence de sa faute
première envers l'écriture. La trahison de
l'écrivain, c'est à dire la séparation la plus
violente et la plus injustifiable que l'on puisse commettre, est la
cause de la naissance de John Shooter. Morton a trahi
l'écriture, et sa carrière, son mariage, l'ensemble de
sa vie, sont bâtis sur un mensonge : s'il est bien l'auteur de
« Sowing Season
», il a néanmoins
volé à un autre sa première histoire
publiée. Ce que Shooter exige, c'est l'expiation de la faute
et le retour à l'équilibre du Verbe. Le double
malveillant n'est-il pas finalement Morton lui-même ? Et si
Shooter agit par la violence, n'est-ce pas pour retrouver
l'unité que Rainey lui a volée en se divisant ?
2
Deux
choses
« La seconde
chose, ajouta-t-il,
est la véritable raison de ma venue. » (p.324)
L'intrusion de Shooter a
réveillé la dualité qui sommeillait au creux du
nom, et Morton évolue désormais dans un milieu en
division constante. Les accessoires, les conversations, les gestes
les plus simples deviennent des agents du double au service d'une
folie grandissante. Si Morton conserve encore sa lucidité,
l'action duelle de son univers agit contre ses efforts pour maintenir
la cohésion de son être.
Sa résidence de Tashmore Glen, pâle imitation de son
foyer d'origine qu'il s'est vu contraint d'abandonner, n'est qu'un
double solitaire de sa maison de Derry : « Mort passa dans la chambre à coucher. Elle
comportait deux fenêtres, dont l'une donnait sur l'allée
et l'épaulement de la colline ((...)) Les deux fenêtres
étaient réflectorisées, ce qui signifiait qu'il
pouvait regarder dehors, mais que quiconque essaierait de regarder
à travers de l'extérieur n'y verrait que sa propre
image déformée. » (p.291-292)
Allégorie de l'enfermement
de Morton avec sa propre dualité, les « deux fenêtres
» le coupent du monde
extérieur qu'il ne peut qu'observer sans y prendre part. Et
cette observation ne lui apporte aucune satisfaction, puisque sa
tentative d'échapper à son double lui renvoie
aussitôt l'image de « deux bateaux à moteur
» (p.293) qui se
promènent sur le lac. Mort est captif d'un environnement
divisé, où tout élément possède
son jumeau opposé.
L'unité se perd au milieu
de la foule des doublons. Les « deux bateaux (...) laissant
chacun un grand sillage blanc derrière eux
» ne laissent aucun
doute sur la suprématie du Double sur l'Un. Dans
l'Apocalypse, le visage du divin est représenté par
une longue traînée de cheveux blancs, « comme de la laine blanche, comme de la
neige. »13 L'attribut caractéristique du Verbe est
morcelé, sa perfection déchirée par les deux
sillages des bateaux que Morton voit sur le lac, et tout participe
à l'entreprise de division qui l'envahit.
Ainsi les objets les plus anodins, comme des ustensiles
ménagers ou des cigarettes, fonctionnent par deux :
« Il ouvrit le
réfrigérateur, déplaça deux petits bacs
Tupperware remplis de restes impossibles à identifier(...)
» (p.295) ;
« Mort enfila la chemise
de flanelle trop grande de deux tailles qui lui servait de veste au
début de l'automne » (p.305) La chemise fait écho à la tenue
de Shooter, décrite avec précision au début de
l'histoire : « Les pans
de sa chemise disparaissaient dans des blue-jeans qui paraissaient un
peu trop grands pour lui. » (p.288)
A partir de cette description qui
pourrait sembler superflue, King tisse en fait un étroit
réseau de correspondances entre les objets et les couleurs, le
tout allant bien entendu de paire, dans un principe d'opposition
systématique. Si l'on prend note des détails
vestimentaires de Shooter, « Il était habillé d'une chemise de
travail bleue, boutonnée jusqu'à la peau flasque et
rougie par le feu du rasoir de son cou » (p.288), nous voyons apparaître un
contraste entre les couleurs rouge et bleu, le chaud et le froid, le
chthonien et le céleste, deux antagonismes réunis en un
regard d'ensemble.
Plus tard, Shooter
« tenait un paquet rouge
de Pall Mall à la main » (p.323) Les cigarettes sont un élément
crucial de la dualité Shooter/Rainey. Morton se remet
effectivement à fumer après la visite de son double, au
bout de quatre ans d'abstinence, et il retrouve un « paquet de L&M
» (p.301.) On
connaît le penchant de King pour les citations abondantes de
marques de toutes sortes qui parcourent son oeuvre, aussi pourquoi,
parmi le choix quasi-infini de marques de cigarettes, a-t-il retenu
ces deux dernières ?
Les Pall Mall ont sans doute
été choisies pour leur consonne finale
redoublée, en signe supplémentaire de la nature double
de Shooter, mais elles ont aussi déterminé la marque
que fume Rainey. Les L&M, issues du « m » et du double « l »
de Pall Mall, sont vendues dans des paquets de couleur bleue
nettement dominante. La résonance est faite avec le
« paquet rouge
» de Shooter, et nous
retrouvons le contraste rouge/bleu de la chemise, d'autant plus
frappant que « le
cendrier de la Buick était tiré, et contenait deux
mégots de cigarettes. » (p.386) Bien que la voiture est censée n'avoir
été empruntée que par un seul conducteur, on
relève ces « deux
mégots » qui
trahissent soit la profonde dualité du personnage, soit la
présence à bord d'une seconde personne. Les deux
solutions sont correctes et même complémentaires, Morton
étant bien « deux » simultanément, sur les
plans physiques et psychologiques. Il devient autre et ne peut que
constater les traces de son aliénation.
Au jeu du détail, King ne
s'en tient pas là : le Pepsi, au visuel exclusivement rouge et
bleu, est nommé comme la boisson de prédilection de
Rainey, et se cache derrière les « deux petits bacs Tupperware
» déjà
cités : « (il)
découvrit une bouteille de Pepsi et l'ouvrit tout en refermant
la porte du frigo d'un coup de hanche. » (p.295), ainsi qu'à la page 357 :
« Mort refusa la tasse de
café et demanda à Ted s'il n'avait pas plutôt un
Coke ou un Pepsi.»
La correspondance s'entretient
jusqu'au final, où Morton, sur le point d'obtenir la preuve de
son innocence, voit celle-ci condamnée par la forme sous
laquelle elle se présente. La revue contenant la date de
parution de « Sowing
Season »,
antérieure à celle de Shooter, lui parvient dans un
emballage de poste... bleu ! « Il resta un moment assis dans la Buick, le paquet
bleu sur les genoux. (...) Ellery's
Queen Mystery Magazine, lisait-on en lettres d'un rouge
éclatant. »
(p.423)
Dernière apparition des
couleurs chaudes et froides, elle brise toute possibilité de
réconciliation entre Rainey et Shooter qui n'ont pas accompli
l'alliance salvatrice du rouge et du bleu. Le violet 14 issu des opposants, couleur de sagesse et de
plénitude
15, est pour cette fois exclu de la donne. King tient
à distance lange de la quatorzième arcane du Tarot, La
Tempérance, et choisit de regarder s'affronter le chthonien et
le céleste. On ne s'étonnera donc pas que Morton, dans
sa précipitation et son excès, ne constate la
disparition des pages de sa nouvelle qu'au deuxième essai :
« Il ne remarqua pas
l'ablation au premier passage ; mais au deuxième il remarqua
que les pages 83 à 97 avaient disparu. » (p.424)
King nous incite presque à
entamer une seconde lecture avant d'avoir achever la première,
pour laisser nos yeux courir sur les indices qu'il a laissés
au plaisir des plus attentifs, et qui contiennent les clés de
la révélation finale sur l'identité de John
Shooter, à quelques pages du lever de voile.
La multiplication d'éléments quotidiens
dédoublés (cigarettes, boisson, ustensiles) perturbe la
pensée de Morton. Envahi par l'image de la dualité, il
ne peut se comporter de façon ordinaire et encore moins
écrire quelque chose de valable. Quelle résistance
opposer lorsque ce qui était familier devient le miroir de son
propre déchirement ? Rainey se réfugie dans le sommeil,
mais cette fuite de la réalité s'accompagne
malgré lui de la division, puisqu'il envisage de
« se vautrer sur le
canapé pendant deux petites heures » ! (p.326) Il ignore encore que ces
périodes de sieste, où il pense échapper pour un
temps à la pression dualiste, sont mises à profit par
son double John Shooter pour prendre le contrôle de la
situation. La mise en action du double, issu de l'écrivain
divisé, s'accompagne d'une violence tout à fait
révélatrice.
Nous avons reconnu l'aspect
tautologique du discours de Shooter. Incapable de s'exprimer
autrement que dans la répétition, ce manque
vis-à-vis du langage s'aggrave au cours du récit et se
communique petit à petit au discours de Morton. Shooter en
arrive à ne plus prononcer que des sortes d'onomatopées
qui ne mènent nulle part, comme « Ouais-ouais », ou encore «
Vous pouvez, vous pouvez » (p.405), et qui viennent corrompre la parole de Rainey :
« Oh merde ! murmura Mort
en reposant le tapuscrit. (...) Oh merde !
cria-t-il plus fort. »
(p.296), « Il n'est pas
à moi, dit-il (...) et il répéta : « Il
n'est pas à moi », avec une certaine insistance
» (p.297),
« Qu'est-ce que vous
voulez ? (...) Qu'est-ce que vous voulez ?
» (p.402)
Cette incapacité des deux
écrivains à formuler une phrase unie, qui ne soit pas
marquée d'une dualité dénuée de sens,
autre que la transcription par le langage de leur antagonisme, les
conduit fatalement à la manifestation de la violence qui les
anime. Lorsque le Verbe a échoué, empoisonné par
le Double, il cède sa place aux pulsions et l'agression vient
sceller son échec.
3
Pierre, papier...
ciseaux
« Je vous bats de deux
années,
monsieur Shooter ou Monsieur Trucmuche » (p.319)
Chaque acte de violence a lieu dans
un contexte de dualité propice à l'éclosion des
colères internes de Rainey/Shooter. Les jumeaux se rejoignent
dans le meurtre et les vagues de destructions qu'ils commettent. La
violence semble indissociable de la figure du double et compromet
tout retour à l'unité.
Le chat de Rainey nous en donne
de nombreux signes. La mort de Bump, assassiné par Shooter en
guise d'avertissement, est associée à toutes les
oppositions que King emploiera dans la suite du texte : contraste des
couleurs, objets quotidiens dédoublés(...)
rehaussés d'une extraordinaire, et sans doute inconsciente,
actualisation du mariage du blanc et du rouge que l'on rencontrait
déjà chez Chrétien de Troyes au XIIe
siècle.
Commençons d'abord par les
signes les plus évidents : « Il distinguait également l'abri à
poubelles ; il y avait quelque chose dessus. Ou plutôt, deux
quelque chose. Un truc blanc, un truc noir. (...) Le truc blanc
était une feuille de papier à machine (...) Le truc
noir, c'était Bump. Apparemment, Shooter lui avait
cassé le cou avant de le clouer sur le toit de l'abri avec un
tournevis pris dans le propre atelier de Mort. » (p.329) King place côte à
côte la classique opposition noir/blanc et la pensée
fragmentée de Morton, qui ne remarque les choses qu'en deux
temps. Comme pour les pages manquantes de la revue, deux regards lui
sont nécessaires : un premier regard pour lui-même,
l'être conscient qu'il pense avoir toujours été,
et un second destiné à Shooter, son alter ego de
l'ombre qui observe le monde par ses propres yeux. La masse noire
inerte du chat se détache visuellement du « truc blanc », qui n'est autre que la tristement
célèbre « page blanche » dont souffre
l'écrivain. L'idée de mort reste indissociable du
principe d'écriture bloquée, de la parole brisée
d'où la violence est issue.
Le « truc blanc » nous incite à considérer une seconde
occurrence de la couleur blanche, plus importante encore. Il s'agit
maintenant d'une référence qui remonte au symbolisme
médiéval, et sans doute plus avant encore dans le
temps. Nous ne prétendons pas que King a conscience du
matériau littéraire qu'il utilise, mais l'alliance du
rouge et du blanc, dans un rapport quasi-identique à celui de
Chrétien de Troyes, laisse penser qu'il s'agit de la
résurgence du symbolisme universel de la recherche unitaire.
Une harmonie que le Double vient pourfendre et laisse
inachevée...
« Il se tenait (...) les
yeux fixés sur ce pauvre Bump avec ce manche de tournevis qui
avait l'air d'avoir poussé au milieu de sa poitrine, là
où il avait une touffe de fourrure blanche son bavoir, comme
l'appelait Amy. »
(p.329) Le chat, précise King, est bien d'un pelage
entièrement noir, à l'exception de cette petite tache
blanche, qui figurait une cible parfaite pour le tueur. Et c'est
là, sur un espace bien déterminé de blancheur,
que viennent perler quelques gouttes de sang : « Il y avait un peu de sang autour de la
tige du tournevis à l'endroit où il s'enfonçait
dans la (bavette) fourrure, mais pas beaucoup. » (p.330)
Trois gouttes à peine serait-on tenté d'ajouter, tant
l'image est frappante de similitude avec celle de Chrétien de
Troyes dans Perceval ou le roman du Graal. «
Et Perceval voit à ses pieds la neige où elle s'est
posée et le sang encore apparent. Et il s'appuie dessus sa
lance afin de contempler l'aspect, du sang et de la neige ensemble.
Cette fraîche couleur lui semble celle qui est sur le visage de
son amie » écrit
Chrétien de Troyes
16.
Le poète français
faisait de cette alliance impromptue entre la violence du meurtre,
figurée par le sang, et l'innocence absolue du visage de
Blanchefleur que Perceval retrouve dans la neige, le symbole de
l'unité reformée. Par l'union du rouge et du blanc, du
sang et de la pureté, de la barbarie et de l'amour,
Chrétien reformait l'harmonie originelle au sein de son roman
double 17 : « Car devant moi, en cet endroit je voyais trois
gouttes de sang illuminer la neige blanche. Je les contemplais. Je
croyais que c'était la fraîche couleur du visage de mon
amie. Voilà pourquoi je ne pouvais m'en éloigner.
» (p.105)
King pourtant refuse à son
héros la possibilité de récupérer sa
moitié perdue. S'il utilise un symbolisme identique à
celui de Chrétien, c'est pour accentuer la perversion du geste
et de la division. Là où Perceval se perdait dans la
contemplation de la perfection, Rainey affronte encore le double. Le
cou violemment tordu du chat détruit l'harmonie que l'on
pensait retrouvée, et Morton na d'autre choix que de jeter le
corps sans vie : « Il
souleva l'un des deux couvercles qui formaient le dessus de l'abri
à poubelles (...) et déposa doucement le corps de Bump
à l'intérieur. » (p.330)
Une nuque brisée, un
cercueil improvisé à double-porte... King s'acharne
à détruire tout espoir de réunification.
L'ancienne alliance du sang et de la neige a été
évoquée pour souligner son achèvement :
désormais, il n'y a plus d'issue à la dualité,
et la violence des frères ennemis peut se manifester.
Elle envahit la source première de réconfort qu'est le
foyer, à la recherche de tout symbole de l'unité quelle
pourrait détruire. Le demeure principale de Morton à
Derry est un lieu de perfection architecturale : « je n'arrive pas à me faire
à l'idée qu'on puisse brûler une maison de
vingt-quatre pièces simplement pour se débarrasser d'un
exemplaire de revue. »
(p.345) L'incendie qui la ravage « jusqu'au plancher » met un terme à l'équilibre
idéal des «
vingt-quatre pièces » où Morton a vécu ses années de
couple.
Les vingt-quatre vieillards de
l'Apocalypse,
déjà présents dans le titre, se manifestent donc
de nouveau mais sont aussitôt réduits à
néant. Le double Shooter élimine chaque
élément susceptible de venir en aide à Rainey.
Le feu qui sabbat sur la maison le contraint à rompre
définitivement avec ses origines. Son exil temporaire de
Tashmore Glen devient alors une nécessité, un
déracinement auquel il ne peut échapper : la moindre
trace de vie passée est effacée par les flammes, par
cette longue et lugubre énumération des objets perdus
que King n'hésite pas à rendre duelle à son
tour.
« Le pire, au moins pour
Mort, se trouvait à mi-chemin de la deuxième colonne...
» (p.362) L'ironie
cinglante de King force l'écrivain à signer une liste
de deuil, où le pire l'attend « en deuxième colonne »
! Le plus éprouvant
n'est-il pas de constater que les oeuvres d'art ont
brûlé elles aussi ? Douze tableaux exactement, la
moitié du nombre de pièces de la maison :
« ils étaient de
véritables amateurs et avaient perdu douze oeuvres originales
» (p.362), comme
« Sowing Season
» n'était qu'une
moitié de titre, séparée de son ensemble.
Shooter, double monstrueux, s'impose comme la partie manquante de
Rainey, une part d'ombre qu'il refuse d'accepter et qu'il tente
vainement de combattre.
Morton appose alors son nom au bas du contrat d'assurance que le
double entache et se lie, tel Faust 18 à Méphistophélès, à
Shooter qui a engendré le désastre. « Dix minutes plus tard, c'était
terminé. Ils signèrent là où ils devaient
signer. » (p.363)
Réunis par
l'écriture et la mort, Rainey et Shooter vont s'affronter en
duel, sans témoins, liés par ce pacte avec le double
que vient de parapher Morton. Chacun de leurs affrontements alimente
le mythe de l'unité rompue, avant de s'unir finalement en un
seul corps dont le double aura pris le contrôle, renvoyant
l'esprit de Morton à la contemplation de son échec.
Shooter attaque d'abord à mains nues, mais à deux
mains. Nouveau jeu de miroir où les rivaux se font face et se
servent d'armes doubles pour s'attaquer. Ainsi, « il ne cessait de revenir aux deux mains
de Shooter qui l'agrippaient solidement aux bras
» (p.380) La force de
Shooter se développe considérablement. Celui que Morton
considérait comme un « plouc du Mississippi », dont il pourrait venir à bout
facilement, acquiert une nette consistance au fil du récit,
à mesure que Morton en revanche s'épuise et se laisse
dépasser par les événements. Il doit constater,
impuissant, que Shooter est parvenu à le blesser et non
l'inverse : « Il tendit
les bras (...) et il les aperçut : deux ecchymoses
jaunissantes... »
(p.380) Des marques jaunâtres, malsaines, tels deux petits
fruits pourris sur le corps de l'auteur.
Nous voyons se profiler la
violence du dénouement, lorsque Morton/Shooter s'en prend au
seul et véritable double de l'écrivain, celui qu'il
aimait et avec lequel il avait vécu en harmonie, son
épouse Amy.
Shooter, que son esprit a
créé, torturé par la séparation du
couple, se jette sur Amy car « une femme qui vous vole votre amour lorsque votre
amour est tout ce que vous possédez n'est pas digne du nom de
femme » (p.298) Larme
que Rainey/Shooter brandit envers elle est une paire de ciseaux.
Instrument double par excellence, les deux lames forment
« l'épée
acérée à double-tranchant »
19 qui jaillit de la bouche du Seigneur dans
l'Apocalypse.
Symbole de la toute-puissance du Verbe, elle se traduit chez King par
l'éclat de lumière qui se répercute sur la
double-lame : « il tenait
les ciseaux rangés d'habitude dans son bureau. Il les brandit.
Le soleil, qui avait percé les nuages depuis un moment,
lança un reflet aveuglant sur les lames que Mort ouvrit et
referma. » (p.433)
C'est dans un décor
justement qualifiable « d'apocalyptique » que se joue la
dernière étape de la division. Le double, par sa
violence, a aliéné l'esprit originel de Morton, qui a
laissé agir sa fureur sur l'endroit qu'il habite.
Obsédé sans limites par la dualité, il marque le
nom de Shooter à deux reprises sur la double
vitre 20 et se
retourne enfin contre l'épouse qui s'est séparée
de lui. C'est par elle que la division fondamentale s'est produite,
malgré l'obstination de Morton à nier sa
responsabilité. Shooter ne s'embarrasse pas de ces scrupules
et autorise Rainey à laisser libre cours à sa
vengeance. l'image de l'Apocalypse est encore plus présente
lorsque King fait pousser à Shooter un grand
cri21 , formidable retour sur la bouche grande ouverte du
divin par où surgit le Verbe. Le double de l'écrivain
cristallise toute sa rage et lui donne les moyens de l'exercer.
Mais la division corrompue ne
saurait s'accomplir autrement que dans son propre néant. A
l'instar du discours de Shooter qui revenait sans fin sur
lui-même, le double est porteur de sa propre contradiction, qui
le pousse à se mutiler quand il ne reste rien d'autre à
détruire. Il conduit Rainey/Shooter vers son autodestruction.
L'assassin trébuche, « les deux lames entaillèrent la page neuf
de « Vue imprenable sur jardin secret », et leur pointe se
brisa. » (p.433) Ainsi
Shooter manque son objectif et poignarde sa propre nouvelle. Il
plante son arme directement dans le lien qui l'unissait à
Morton, signant par là le mot fin de leur histoire, et les
ciseaux se brisent, petits morceaux de métal
éclatés.
Le double s'est anéanti lui-même. L'acte de violence
final ne pouvait que se retourner contre lui. Morton est bien la
première victime de son aliénation. Poignarder le
manuscrit, c'est refuser sa condition d'écrivain. Son
aveuglement, cette monstrueuse dualité illégitime, est
la cause de sa perte. En tuant à jamais l'écrivain qui
est en lui, en s'interdisant l'accès au Verbe qu'il
possédait et dont il avait fait sa vie, Morton exécute
le suicide inévitable que représentait
déjà la création de John Shooter.
L'unité originelle de
l'être, qui s'était brisée lors de la perte de
son amour et qu'il avait essayé de recréer avec
Shooter, n'avait d'autre moyen pour échapper à
l'emprise du double corrompu que de se tuer elle-même. Et la
mort physique de Morton, quelques pages plus tard, redouble la
fatalité de son retour au néant : « Je lui ai demandé de
s'arrêter, dit-il. Deux fois. » (p.442) Deux fois, bien sûr, l'une pour Morton et
la seconde pour Shooter, jumeaux indissociables jusque dans la mort,
frères de corps et de plumes. Auteurs de deux histoires
identiques dont le lecteur ne connaîtra jamais que les
premières lignes, ils se réunissent enfin dans la mort
qui leur est imposée et rassemblent les morceaux épars
d'une personnalité divisée.
Conclusion
King n'est pas un adepte
systématique du dénouement heureux, du « happy-end ». Il a longuement expliqué, dans ses
nombreux articles et introductions, que ce sont les personnages qui
lui dictent la résolution de ses histoires. En apparence,
Secret
window, par la mort de Rainey,
s'achève sur une note tragique : l'écrivain succombe,
emporté par son double auquel il na su résister.
Pourtant, dans l'optique du mythe unitaire qui est la nôtre, la
mort du personnage n'apparaît pas comme une conclusion sinistre
et définitive. Si Rimbaud exprimait la fatalité de la
mort à travers la violence des « deux trous rouges au côté droit
» de son
dormeur 22 ,
on ne retrouve chez King qu'un seul impact : « Shooter (...) jeta un regard vaguement
curieux, presque indifférent, à sa poitrine. Un petit
trou venait de s'y ouvrir. Aucun sang n'en sortait du moins pour le
moment mais le trou était bien là. Il y porta la main ;
quand il la retira, il avait l'index taché d'une goutte de
sang. On aurait dit un point de ponctuation, comme celui qui finit
une phrase. » (p.436)
Comme si Rainey et Shooter s'étaient rejoints au dernier
instant, leur unification placée sous le signe de l'harmonie
du cercle figuré par la marque de la balle. Une blessure
unique, qui saigne à peine, pour mettre un terme à la
division et renouer ce qui n'aurait jamais du être
défait. Le Verbe, que King ne manque pas de convoquer une
dernière fois par la mention du « point de ponctuation », retrouve la perfection de son origine. Morton
semble avoir accepté sa part d'ombre : son unité tout
entière est contenue dans cette blessure, « comme un point (...) qui finit une
phrase », qui l'absout
de sa faute envers l'écriture et appose le mot fin à
son histoire.
Nous avons constaté que la
dualité se manifestait depuis un point central, l'unité
de l'écriture, qui représente le Verbe incarné.
King relie comme il lavait annoncé le réel et la
fiction par l'entremise violente et destructrice du Double : issu de
l'harmonie rompue lors de la faute première à
l'encontre du Verbe, il est la manifestation physique de la lutte
interne que Rainey mène contre sa propre trahison. Sa
culpabilité se reflète dans chaque
élément dédoublé du récit, tant
sur le plan textuel proprement dit, où le texte se scinde
concrètement, comme le prouvent le titre et le discours
tautologique des personnages, que sur le plan de l'intrigue, qui voit
s'accumuler les images duelles et opposées au service d'actes
de violence. Avec cette nouvelle, King intègre à sa
mythologie personnelle la symbolique universelle de l'unité
divisée. Le mythe du Verbe devenu double envahit sa prose,
dans une utilisation très pertinente des images apocalyptiques
les plus fortes. L'épée à double-tranchant, les
vingt-quatre vieillards, tous ces symboles servent à illustrer
sa conception de l'écriture comme une source de
création puissante et dangereuse : « Écrire, me semble-t-il, est un acte secret
autant que rêver et c'était là l'un des aspects
de cet art étrange et dangereux sur lequel je ne
m'étais jamais beaucoup attardé. »
(p.284)
Il ne faut pas négliger cependant que, comme le rappelle
Roland Ernould, « si King
a montré et montre toujours davantage son intérêt
pour le conflit entre les forces de la Lumière et celles des
Ténèbres, ce n'est pas entièrement par
imprégnation spiritualiste, mais aussi par influence
littéraire. Il connaît bien La Bible, et a dû
remarquer qu'on y trouve de nombreuses situations
«théâtrales», et une remarquable mise en
scène. » 23
Les références au
Nouveau
Testament, à
Shakespeare, ou même les connections troublantes avec
Chrétien de Troyes et la littérature
médiévale, lui permettent de récréer cet
espace «
théâtral »,
scène propice à la concrétisation des fantasmes
les plus extravagants. Les apports mythologiques, s'ils sont
essentiels à la compréhension du projet global, ne sont
pas l'objectif final de Stephen King. L'Apocalypse
et ses dimensions plaisent à cet auteur féru de
situations dionysiaques, où la fiction prend des proportions
gigantesques et laisse libre cours à l'étendue d'une
imagination intarissable.
Notes
:
1 Sauf indication contraire, toutes les citations en
italique sont extraites de Secret
window, Secret garden, de Stephen King,
in Minuit Deux , trad.W.O.Desmond, éd.Albin Michel,
1991.
2 La traduction française, Vue imprenable sur Jardin Secret, ne rend malheureusement pas compte de la recherche
effectuée sur le titre.
3 Le Nouveau
Testament, Apocalypse de Jean, 3, 21,
p.756 Les éditions du Cerf, 1991.
4 « Ce nombre de 24
semble indiquer la double harmonie du ciel et de la terre, la double
plénitude sacrée (...) Par une autre voie, le Dr
Allendy découvre aussi dans le nombre 24 le symbolisme d'un
équilibre harmonieux. »
CHEVALIER Jean & GHEERBRANT Alain, Dictionnaire des Symboles
p.1020, Robert Laffont/Jupiter, coll.Bouquins, 1982.
5 SHAKESPEARE William, The
Life of Henry the Fifth, p.96,
trad.DÉPRATS Jean-Michel, éd.Folio,
coll.Théâtre bilingue, 1999.
6 CHEVALIER Jean & GHEERBRANT Alain, Dictionnaire des Symboles
p.191, Robert Laffont/Jupiter, coll.Bouquins, 1982.
7 Roman essentiel dans l'oeuvre de King, IT fait le récit
d'une lutte à mort entre un groupe de sept jeunes enfants et
une entité multiforme et sans nom, justement appelée
« Ça
», qui hante chaque recoin de la
ville de Derry et attire dans son univers de « lumières mortes » les enfants quelle capture et dévore.
D'inspiration lovecraftienne, IT
dépasse le simple cadre du roman
d'épouvante pour résumer tout un pan de la
pensée cosmogonique de King. Au-delà des manifestations
d'horreur et du nombre de morts qui jalonnent le texte,
IT
développe une philosophie pertinente de l'amitié et de
la croyance et aborde l'univers mystérieux de l'enfance avec
une justesse et une sensibilité rare qui font honneur à
King. La ville de Derry est un personnage à part
entière de l'intrigue, et ses aspects duels et cycliques
éclairent le lecteur de Secret
window, Secret garden sur la
personnalité de Rainey et Shooter, condamnés à
vivre leur opposition dans une relation fermée, qui ne sort
pas d'elle-même, comme nous allons le voir au sujet de
Shooter.
8 Certifié de lettres-histoire,
agrégé de philosophie et professeur d'Enna de
psychopédagogie, Roland Ernould a découvert Stephen
King en prenant sa retraite il y a une dizaine d'années. Il
s'est depuis spécialisé dans les littératures de
l'Imaginaire et publie régulièrement des articles dans
plusieurs revues comme Phénix ou Ténèbres. Son
site web consacré à King et à d'autres auteurs
de fantastique est actuellement le meilleur site francophone de
recherche et d'informations. Il regroupe des dizaines d'études
pointues et approfondies sur l'écrivain, et son approche
sociologique et psychologique de King, à partir d'une
exploitation systématique des textes, offre une enrichissement
certain de la connaissance de l'homme Stephen King. Roland Ernould a
publié en 2000 un essai intitulé Stephen King et le Sexe,
aux éditions Naturellement, et son prochain livre
King et le Surnaturel est en instance de parution. Certains de ses textes, en
attente sur son site, sont reproduits ici avec l'aimable autorisation
de l'auteur.
9 Le double apparu est en
surnombre, et, comme on le verra aussi dans Secret window, un
antagoniste déclaré du moi. (...) Le double en
surnombre est omniprésent, persécuteur, au mieux
gênant et pénible. Son action de harcèlement
exprime le danger de la division. » ERNOULD Roland, King et le
Surnaturel, chap.14
10 Les occurrences de la dualité dans le texte sont
nombreuses, et leur énumération serait plus fastidieuse
que significative. Nous essaierons de nous limiter à un nombre
d'exemples précis, qui traduiront l'ensemble des citations
relevées. Retenons juste que le texte de King se divise en
permanence, parfois de manière anodine, et que chaque
détail qui se rapporte au principe de division participe
à l'illustration de la schizophrénie du personnage
principal, de son unité perdue.
11 KING Stephen, The
Stand, p.11, éd.Club France
Loisirs.
12 The Dark
Half, roman jumeau de Secret window que King a
écrit simultanément, aborde en effet un thème
similaire sous un regard différent. L'écrivain Thad
Beaumont est confronté à l'incarnation physique de son
pseudonyme ayant pris corps, après que Beaumont ait
cherché à le « supprimer » en
révélant à la presse la supercherie. Georges
Stark se matérialise alors concrètement et vient exiger
de Beaumont qu'il lui écrive une nouvelle histoire.
The Dark Half est dédié avec amour à Richard
Bachman, pseudonyme de King lui-même, « mort » en
1984 lorsqu'un étudiant dévoila la
vérité. Mais Secret window
reste, des deux, le plus
crédible et le mieux abouti.
13*
*
Le Nouveau Testament, Apocalypse de Jean,
2,2,
p.751, éd.du Cerf, 1991.
14 CHEVALIER Jean & GHEERBRANT Alain, Dictionnaire des Symboles,
p.1020, éd.Robert Laffont/Jupiter, coll.Bouquins, 1982
15 Faut-il rappeler ce que l'intuition de Rimbaud avait
déjà retrouvé dans Voyelles ? « O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
» : la plénitude du violet
rattachée à la perfection du cercle(...)
16 Chrétien de Troyes, Perceval ou le roman du Graal, p.100, trad.FOUCHER Jean-Pierre & ORTAIS
André, éd.Gallimard, coll.Folio Junior, 1992.
17 Rappelons que Le roman du
Graal conte les aventures des
chevaliers Perceval et Gauvain, qui suivent chacun une quête
indépendante mais dont les actions se font écho tout le
long du récit.
18 Le Faust de Goethe comptant lui-même vingt-quatre tableaux
!
19 Le Nouveau
Testament, Apocalypse de Jean,
2,2,
p.751, éd.du Cerf, 1991.
20 « Il était
écrit deux fois sur les vitres » (p.431)
21 « Il s'étala
de toute sa longueur avec un cri de perplexité et de
colère mêlées. » (p.433)
22 RIMBAUD Arthur, Le Dormeur
du Val, in.Poésies, p.70,
éd.FORESTIER Louis, Folio, coll.Classique
23 ERNOULD Roland, dans King,
le mal et les mythes, en
préparation.
Sylvain Tavernier © mars 2003
Université du Littoral
Étudiant
en lettres modernes de vingt deux ans à
l'Université du Littoral, Sylvain Tavernier est un
fan des littératures de l'imaginaire en
général et de Stephen King en particulier. Il
écrit des nouvelles et tient la rubrique de la
filmographie de Stephen King, et la plus grande partie des
critiques du film du
mois de ce site.
Vous trouverez de Sylvain
Tavernier sur ces pages :
une nouvelle : Un truc qui gratte
une
nouvelle : Varice
une
nouvelle : Simon le boiteux
une
nouvelle : Josh le Ventru
une
nouvelle : Space fantasy
une étude : la filmographie de Stephen King
|
ce texte a
été publié dans ma Revue trimestrielle
différentes saisons
saison # 19 -
printemps 2003
.. Résumés,
accès aux
articles de la saison