KING, JOB et DIEU

4ème partie : La condition humaine

William Blake Le livre de Job

Le monde est ce qu'il est. On peut bien sûr se révolter verbalement, voire nier Dieu. Mais ce monde, on peut aussi l'accepter en refusant d'ajouter à son malheur, éventuellement même en acceptant de souffrir pour diminuer le mal des hommes. L'exemple vient de la centenaire Abigaël, du Fléau, qui continue à s'activer malgré son âge: "Elle se contentait de la réponse que Dieu avait donnée à Moïse devant le buisson ardent quand Moïse avait cru bon lui poser la question. Qui êtes-vous? demande Moïse, et Dieu lui répond tranquillement du buisson: Je suis qui JE SUIS. Autrement dit, Moïse, arrête de tourner autour de ce buisson et remue un peu ton vieux derrière" (478).
Si des hommes ont la volonté de relever le défi, le grand silence de Dieu, à défaut d'être encourageant, peut être au moins stimulant. À condition de ne pas se laisser écraser.

..

Cette étude fait partie d'une série de quatre, qu'il vaut mieux lire dans l'ordre suivant :

LA PLAINTE DES HOMMES

.LE LIIVRE DE JOB

DIEU EN QUESTION

LA CONDITION HUMAINE

 

 L'homme écrasé.

Il n'y a peut-être qu'une différence de nature entre l'absurde sans Dieu de Camus et certains aspects de l'absurde du monde de Dieu. Balazar a pour passe-temps de bâtir des châteaux de cartes en philosophant: "«Tu vois ça, Cimi? Eh bien dis-toi qu'à chaque mère maudissant Dieu d'avoir laissé son enfant se faire écraser sur la route, qu'à chaque père maudissant celui qui le chasse de l'usine et le prive de travail, qu'à chaque enfant né pour souffrir et qui demande pourquoi, telle est la réponse. Nos vies sont comme ces choses que je construis. Elles peuvent avoir une raison de s'effondrer comme n'en avoir aucune.»" (Tour Sombre, II, le prisonnier, 5).

L'exemple de la mouche manipulée par un enfant cruel ou de l'animal prisonnier proposé au spectacle apparaît encore: "
Je suis comme cette bestiole-là, se dit-il, et il se demanda quel était ce monde où Dieu vous laissait tomber dans un sale merdier comme une bestiole dans une flaque d'essence, et vous laissait là vous débattre pendant des heures, peut-être pendant des jours... ou même, dans son cas, pendant des années" (Fléau, 289). Ou: "Peut-être qu'on était tous des souris de cirque, courant partout en ne sachant même pas, ou si peu, que Dieu et Ses hôtes célestes46 nous observaient dans nos petites maisons de bakélite à travers nos fenêtres de mica." (Ligne verte, 239) Avec pour seule perspective la mort inéluctable: "Son père avait eu un proverbe qui, traduit dans leur langue d'adoption, donnait à peu près ceci: «Dieu te pisse chaque jour sur la nuque mais ne te noie qu'une fois», et tout en n'étant pas vraiment sûr qu'il fallût voir la preuve que Dieu était somme toute un brave." (Tour Sombre 2, id., le sicilien Balazar).

Cette vision des choses peut amener la passivité, ramenée ici à une formule: "
Tandis qu'il montait dans sa voiture, il remarqua l'autocollant, sur le pare-chocs de la Datsun de Naomi.
LAISSEZ FAIRE ET LAISSEZ DIEU FAIRE."
(Policier, 101) Ou, plus grave, être utilisée pour fuir ses responsabilités comme le fait le révérend Lowe, qui a compris qu'il se transformait en loup-garou, mais n'a aucun souvenir des méfaits qu'il commet: "Je suis un homme de Dieu, songe-t-il,- et je ne me suiciderai pas. Je fais oeuvre de charité ici, et même s'il peut m'arriver de faire le mal aussi, je ne serai pas le premier à y avoir succombé. En somme, le mal sert aussi les desseins du Tout-Puissant, du moins c'est ce que le livre de Job nous enseigne47. Si c'est le malin qui guide mon bras, Dieu saura bien le retenir au moment où il le faudra. Car tout en ce bas monde sert les desseins de la Divinité." (Nuit du L-G, 93) Le révérend commet un nouveau meurtre, qu'il connaît par la presse. Il n'en est pas particulièrement affecté et songe "dévotement: C'était un méchant homme. Tout en ce monde contribue à l'oeuvre de Dieu." Le révérend sait aussi que quelqu'un est sur sa piste: "Si Dieu le veut, je le retrouverai. Et je le ferai taire. À tout jamais." (Id., 95) Comme le dit King (et non pas un personnage) dans un aparté du Fléau: "Rien n'est plus réconfortant pour un esprit abattu ou pour un crâne fêlé qu'une bonne dose de «que Ta volonté soit faite»." (619)

Relever la tête.

On peut bien sûr courber la tête, et fuir la réalité, dans le divertissement par exemple. Dans Rose Madder, Anna apprécie les romans de Sheldon, mais sans être dupe: "«J'ai en horreur l'idée que tout ce que nous faisons dépendrait de ce que des gens nous ont fait, reprit Anna d'un ton songeur. C'est une attitude qui nous décharge de tout, qui ne tient compte en rien du saint ou du démon qui se dévoile fugitivement au fond de nous ; plus grave encore, je trouve que ça ne sonne pas juste. C'est bon dans les livres de Paul Sheldon, cependant. C'est réconfortant. Cela vous permet de croire, au moins pendant un petit moment, que Dieu est sain d'esprit et qu'il n'arrivera rien de bien méchant aux personnages du livre que vous aimez." (141)
Mais on peut aussi accepter le défi.

Certains esprits religieux ont cru pouvoir le relever en modifiant les perspectives. L'ingénieuse transformation de Satan a été inventée pour délivrer Dieu de la responsabilité du mal. Désormais le Créateur n'a plus dispensé que le bien, a envoyé le Christ pour racheter l'humanité. C'est le démon, Satan, et ses suppôts qui sont devenus responsables de tous les maux qui éprouvent le mortel. Cette conception de la théologie sauvait Dieu en le plaçant dans la situation plus valorisante de coordonnateur du monde. Elle éliminait le terrible Yahvé, conducteur d'un peuple élu, souvent défaillant. Pendant 2000 ans, les chrétiens ont vécu dans cette perspective. Mais de nos jours, le combat se déplace: du Satan des traditionalistes à l'idée que le mal est en nous pour les modernes. Avec nécessairement un combat qui ne se mène pas sur le même terrain, puisque les discuteurs ne partent pas des mêmes bases. C'est ce que Nick prétend à propos du maléfique homme noir du
Fléau et de ses partisans: "Peut-être qu'il nous force à nous débarrasser de ce que nous avons de mauvais. Peut-être que nous rêvons à des choses que nous avons envie de faire.

Ralph fronçait les sourcils en le lisant, mais Abby comprit aussitôt ce que Nick voulait dire. Et ce qu'il disait n'était pas tellement différent de la parole des prédicateurs qui sillonnaient le pays depuis vingt ans. Satan n'existait pas vraiment, voilà ce qu'ils disaient. Le mal existait, et il venait sans doute du péché originel, mais il était enraciné en chacun de nous, et l'extirper était tout aussi impossible que de faire sortir l'oeuf de sa coquille sans le casser. Selon ces prédicateurs, Satan était comme un puzzle -et chaque homme, chaque femme, chaque enfant sur terre ajoutait sa petite pièce qui constituait l'ensemble. Oui, toutes ces idées modernes étaient bien jolies; le problème, c'est qu'elles n'étaient pas vraies"
(512/3).

King a consacré de longs développements à ce sujet dans
Le Fléau, et surtout dans Salem, insistant sur le fait que, de cosmique, le mal devient social, et le combat flou. Le père Donald Callahan regrette l'évolution contemporaine qui dilue l'action directe contre les forces suprêmes du Mal: "C'était surtout la marche inexorable de cette machine qu'était l'Église, faisant éternellement la navette entre le ciel et la terre, avec son fardeau de petits péchés. C'était la reconnaissance rituelle du mal par une Église à présent essentiellement préoccupée des maux de la société. C'était la présence réelle de ce mal dans le confessionnal, aussi réelle que l'odeur du vieux velours. Un mal stupide, pour lequel il n'y avait ni pardon ni sursis. Le poing s'écrasant sur la figure du bébé, le pneu ouvert à coups de canif, la rixe dans un bar, la lame de rasoir glissée dans une pomme, le jour de Halloween et tous les palliatifs insipides que l'esprit humain, dans ses replis tortueux, était capable d'inventer."

Callahan déplore que le mal soit considéré dans cette perspective comme une maladie, et non plus le signe d'une faute cosmique. Il parodie le politicien soucieux de mettre en place les dispositifs d'une lutte efficace, qui n'a plus rien à voir avec les grands principes religieux: "
Messieurs, de meilleures prisons48 vont remédier à tout cela. Une meilleure police. De meilleures institutions sociales. Un meilleur contrôle des naissances. De meilleures techniques de stérilisation. De meilleurs avortements. Messieurs, si nous arrachons ce foetus des entrailles de sa mère, dans un magma sanglant de bras et de jambes informes, il ne grandira pas et n'ira pas tuer une vieille dame à coups de marteau. Mesdames, si nous attachons cet homme sur une chaise munie d'un dispositif électrique adéquat et si nous le faisons frire comme une côtelette de porc, il n'aura plus jamais l'occasion de torturer des petits garçons jusqu'à ce que mort s'ensuive. Mes chers compatriotes, si ce projet de loi relatif à l'eugénisme est voté, je peux vous garantir que plus jamais...
Merde."


Ce combat pour une amélioration de la vie quotidienne, dépourvu de perspectives religieuses profondes paraît sans grande portée à Callahan. On est bien loin ici du
Libre de Job, avec ses problèmes fondamentaux de la justice divine et la validité de la souffrance humaine, qui avait alors la spiritualité comme seule perspective. Job ne se plaint pas de ce que Yahvé lui ait ôté ses biens. Il souffre de l'injustice possible du Seigneur. Sa douleur est une douleur intellectuelle, parce qu'elle dévalorise à ses yeux l'idée qu'il se fait de Dieu. Notre époque est loin de telles pensées, à proprement parler inimaginables à concevoir pour le grand nombre: "Les jeunes prêtres avaient leurs luttes, l'élimination du racisme, la libération des femmes, voire la libération des homosexuels; ils défendaient les pauvres, les fous, les criminels. Tout cela le mettait mal à l'aise. Les seuls prêtres dont l'action politique ne l'avait pas indisposé, c'étaient ceux qui avaient milité contre la guerre au Vietnam. Maintenant que leur cause était périmée, ils passaient leur temps à évoquer les marches et les rallyes, comme les vieux couples évoquent leur lune de miel ou leur premier voyage en train."

Ce que veut Callahan, c'est retrouver les chemins spirituels perdus, et se battre: "
Mais dans quelle armée? Dieu, le bien, la bonté, ces noms désignaient tous la même chose. Et contre qui? Contre le MAL. Ça, c'était une cause qui en valait la peine; au diable les distributions de tracts dans le froid, devant les supermarchés, pour expliquer la nécessité de boycotter le raisin ou la salade. Il voulait voir le MAL dépouillé de ses voiles trompeurs, chaque trait de son visage clairement visible. Il voulait lutter corps à corps avec le MAL, comme Mohammed Ali contre Joe Frazier ou Jacob contre l'Ange. Il voulait que le combat soit pur, sans que la politique s'en mêlât comme d'habitude. (...) Seulement voilà, il n'y avait pas de combat. Il n'y avait que des escarmouches à l'issue douteuse. Le MAL n'avait pas un visage, mais plusieurs et ces visages étaient des visages absents. Sa conclusion, c'était que le MAL n'existait pas; il n'y avait que le mal pour ne pas dire (le mal)49. Quelquefois, il se demandait si Hitler avait été autre chose qu'un bureaucrate débordé et Satan lui-même n'était pas simplement un malade mental, avec un sens de l'humour un peu fruste -le genre qui considère comme merveilleusement drôle de mettre des pétards dans le pain donné aux mouettes.
Les grandes batailles sociales, morales et spirituelles de l'époque se réduisaient à Sandy McDougall envoyant en douce une tarte à son moutard, qui lui-même grandirait pour en envoyer une au sien et ainsi de suite, jusqu'à la fin des temps, alléluia. Je vous salue, Marie, pleine de grâces
50, aidez-moi à être le plus fort dans cette course de stock-cars.
C'était plus que sinistre, c'était terrifiant, pour peu qu'on veuille donner un sens à la vie et peut-être à la mort. Et que trouverait-on au ciel? Une éternité de fêtes paroissiales, de virées dans les foires, de séances de strip-tease de travestis?"
(Salem, 155/6)

Cette longue confession (insolite dans un roman consacré aux vampires! en plus écrit par un jeune auteur qui prend des risques!) vient des profondeurs. Des profondeurs de King comme de Callahan. La quasi-totalité des formations ou des imprégnations religieuses remontent au jeune âge. Ensuite, la plupart oublient le Dieu de leurs jeunes années. Ce n'est pas le cas de King.
King n'est pas un religieux professionnel ou militant. S'il regrette nostalgiquement le Dieu de son enfance, celui qui imprègne toute son oeuvre, c'est par poésie plus que par conviction religieuse.
La Bible de son enfance avait une autre dimension, une autre allure que ces seuls misérables problèmes humains, et offrait de bien plus vastes perspectives. King continue à être passionné par ces aspects essentiels de notre destinée.
À quelles conclusions arrive-t-il? Elles me paraissent de deux ordres. L'une est liée à l'action sur notre terre, dans un monde qui n'a plus les mêmes perspectives. L'autre est de nature littéraire: ces prodigieuses images de
La Bible, ces combats contre des forces, il pourra en faire une bonne partie de la matière première d'une oeuvre.

Faire ce que l'on peut.

On se rappelle le grand-père de Clive tenant des propos amers sur la divinité: "Clive attendait de voir, d'un instant à l'autre, son grand-père foudroyé par le Tout-Puissant. C'était inévitable, après un tel blasphème. Personne ne pouvait se permettre impunément de traiter Dieu de bougre d'enfant de salaud, ni de suggérer que l'Être qui avait conçu l'univers ne valait pas mieux qu'un morpion de cours élémentaire qui prend son pied en épinglant des mouches.
Clive, nerveux, s'éloigna d'un pas du personnage en salopette, lequel avait cessé d'être son grand-père pour se transformer en paratonnerre. A tout instant, un éclair pouvait jaillir du ciel tout bleu, griller Grand-père à mort et transformer les pommiers en torches pour faire connaître à tout un chacun la sentence de damnation du vieil homme.
(...)
Il ne se passa rien.
Clive attendit, sentant sa terrible certitude vaciller, et il comprit qu'il n'y aurait pas d'éclair. Et à l'instant précis où il en prit conscience, un changement infime mais fondamental se produisit dans la vie de Clive Banning. Le blasphème resté sans punition de son Grand-père n'allait pas faire de lui un criminel ou un voyou, ni même ce qu'on appelait un «enfant à problèmes» (expression à la mode depuis quelque temps), le nord véritable de ses convictions allait simplement se déplacer de quelques degrés dans son esprit."
(421) Clive a compris que l'homme est seul.

Dans cette perspective, la seule solution est de s'appuyer sur ses propres forces, comme Bill, qui a perdu son fils de 17 ans au Vietnam, reçoit, comme Job, la consolation d'un ami: "
Hannibal a dit: " Que Dieu te vienne en aide, Bill."
«Bill lui a répondu: «Dieu ne m'a jamais aidé. Je me suis aidé moi-même."
(Simetierre, 313) Inutile dès lors de tenir des propos contestataires sur la divinité: "- Jamais, répéta-t-elle avec force.
- Ne dis pas ça, bout de chou, intervint Manders. Tu ne peux pas te braquer comme ça. Tu feras de ton mieux, quand il le faudra. C'est tout. Je crois que la chose que le Dieu de ce monde préfère entre toutes, c'est de mener la vie dure à ceux qui disent «jamais», tu comprends?"
(Charlie, 144) "Tu feras de ton mieux": pour King, tout est là. Il n'y a rien à attendre de Dieu, il ne faut compter que sur soi-même, en assumant au mieux son destin. "Je crois que nous voulons tous défier ces ténèbres malgré ces corps brinquebalants que Dieu nous a donnés, à nous pauvres humains. Non... pas malgré ces corps mais grâce à eux." (Corps, 375)

En inventant sa morale, puisqu'il n'y a pas de morale toute faite: "
Les autres étaient jeunes, ils ne comprenaient rien à rien, sauf le bien tout blanc et le mal tout noir." (Fléau, 480).Cette idée est souvent reprise: "En ma qualité de policier, (...) je suis bien placé pour savoir qu'il n'existe pas de mal absolu ou de bien absolu. Rien n'est tout à fait blanc ni tout à fait noir; il n'y a qu'une infinie variété de gris, qui vont du plus clair au plus foncé." (Peau, 146) En fait, l'homme de bonne volonté doit se fier à ses intuitions. Comme dit Peter, parlant à sa fille de sa femme intransigeante et à l'esprit étroit: "C'est moi qui argumente avec mon coeur, et elle avec les cadres de morale." (Fléau, 59) Se dégagent ainsi, dans une perspective toute différente du Livre de Job, qui acceptait son sort comme venant de Dieu, des profils d'hommes positifs, qui dans le silence de Dieu font ce qu'ils peuvent.

Le lecteur intéressé par le profil du personnage positif kingien pourra se reporter à mon étude sur
Les personnages kingiens positifs et relever les notations affectées à chacun des personnages analysés51, seul moyen de se rendre compte de leur richesse. Une sorte de portrait-robot permet d'avoir une vue d'ensemble, en admettant évidemment qu'aucun héros kingien ne peut cumuler une telle quantité d'éléments favorables.

Ces personnages ne sont pas des êtres d'exception ou des héros inaccessibles. Ce sont des hommes et des femmes ordinaires, susceptibles d'être croisés chaque jour, avec leurs activités, leurs problèmes quotidiens, leurs solutions. Certains sont profondément croyants, avec un Dieu qui n'est plus pour eux une force d'action, mais une force de motivation. Leur caractéristique commune est de se voir aussi objectivement que possible, en prenant de la distance vis-à-vis d'eux-mêmes. Ils ne cherchent pas à se tromper sur leurs mobiles ou leurs intentions, à s'ennoblir à leurs yeux et à ceux des autres par des excuses ou des défenses plus ou moins fallacieuses. Ouverts sur le monde, capables de donner et de recevoir, ils savent s'affirmer en agissant sur leur entourage matériel ou social. Ces activités de création ou de production, si modestes soient-elles, ne leur sont pas nécessairement source de joie. Elles leur paraissent en tous cas estimables
52 et source de développement personnel.

Mais si réussir, atteindre le but fixé, vaincre la difficulté, dominer la situation, trouver la réponse juste sont un besoin d'affirmation de soi qui fait partie de leur dynamisme, ces personnages n'aspirent pas qu'à un développement personnel ou à la réalisation de leurs potentialités. Ils sont aussi capables d'un véritable don de soi, d'un partage avec les autres qu'ils ne ressentent pas comme un amenuisement, mais comme un enrichissement et un accomplissement essentiel.
Enfin ce sont des personnages qui s'affrontent aux réalités sans avoir peur de se salir les mains. Leurs engagements ne restent pas formels: ils prennent en considération les circonstances de la réalité et agissent en conséquence, acceptant même que leur choix puisse être imparfait, source de troubles et parfois de souffrance. Leurs compromis peuvent se justifier à leurs yeux, les compromissions jamais. Du moins seront-ils restés fidèles à eux-mêmes, sans faute morale volontaire ou transgression acceptée des règles fondamentales de la solidarité humaine.

Par exemple, au terme d'une vie qui n'a pas été facile, Dolorès fait son bilan: "
J'ai soixante-cinq ans et j'ai su pendant au moins cinquante de ces années qu'être un humain, ça veut surtout dire faire des choix et payer des factures quand elles sont dues. Certains choix sont sacrément durs, mais ce n'est pas pour ça que vous pouvez simplement les écarter, surtout pas quand vous avez d'autres personnes qui dépendent de vous pour faire ce qu'elles ne peuvent faire elles-mêmes. Dans ce genre de cas, il ne vous reste plus qu'à faire le meilleur choix possible et ensuite à payer le prix." (266) Sans illusions: "Aux hommes de construire des choses, paisan, à Dieu de les détruire. N'es-tu pas d'accord?" (Tour Sombre II, le prisonnier, 5). Toute vie qui sort du rang est ainsi une succession d'aléas, de tâtonnements, d'un grand nombre d'erreurs et d'échecs; un petit nombre de réussites: la recherche harassante d'un équilibre sans cesse compromis et peut-être du bonheur.

Le Livre de Job de King.

King a écrit son propre Livre de Job, avec Le mendiant et le diamant53. Introduisant des personnages bibliques, Dieu et l'archange Uriel, dans une parabole hindoue concernant Ramu, un mendiant maigre, couvert de plaies, poursuivi par les chiens, lapidé par des enfants, qui se traîne sur une route, aidé de son bâton. Uriel est attristé de sa situation, son coeur est rempli "de ténèbres.
- Les ténèbres n'y sont pas admises et je dois donc prendre des mesures pour changer ce qui les a fait descendre en ton coeur."
Et Dieu décide d'intervenir, action rare puisqu'il vient de reprocher à Uriel sa faiblesse.

Il laisse tomber du ciel un gros diamant sur la route: "
Le diamant était si gros et si lourd que Ramu l'aurait sans doute entendu frapper le sol, s'il avait été plus jeune; mais son ouïe avait beaucoup baissé au cours des dernières années, et il avait les poumons, le dos et les reins douloureux. Seule sa vue était aussi perçante que lorsqu'il avait vingt ans." Pris par une quinte de toux, Ramu, qui n'a pas pu entendre le diamant tomber, s'appuie des deux mains sur son bâton, qui casse en deux et l'envoie rouler dans la poussière.
"
Il resta là, gisant, se demandant pourquoi Dieu était aussi cruel.
«J'ai survécu à tous ceux que j'aimais, pensa-t-il, mais pas à ceux que je hais. Je suis devenu si vieux et si laid que les chiens aboient derrière moi et que les enfants me jettent des cailloux. je n'ai eu que des rebuts de nourriture depuis trois mois, et cela fait dix ans, sinon davantage, que je n'ai pris un repas correct avec de la famille ou des amis. Je suis un vagabond sur le dos de la Terre.
(...) Je suis couvert de plaies, mon dos est douloureux, et quand je rends de l'eau, il y a du sang là où il ne devrait pas s'en trouver. Mon coeur est aussi vide que ma sébile. (...) Seigneur, je n'ai pas de chance. Je ne T'en veux pas, mais tout me dit que Tu n'es pas mon ami, ni l'ami d'aucun homme.» Et, reprenant son chemin sans son bâton, "il commença à se reprocher d'avoir prononcé une prière aussi ingrate.

«Car j'ai tout de même quelques raisons d'éprouver de la gratitude, raisonna-t-il. La journée est extraordinairement belle, déjà, et si mon ouïe, mes poumons et mon dos me trahissent, ma vue est restée perçante. Comme il serait terrible d'être aveugle!»"
Et pour éprouver cette vérité, Ramu ferme les yeux et titube sur la route: "«C'est exactement ainsi que tu peux te guérir de ton ingratitude, vieux compagnon! se dit-il. Tu passeras le reste de la journée à te rappeler que, si tu es un mendiant, au moins tu n'es pas un mendiant aveugle, et tu seras heureux.»" Il continue son chemin les yeux fermés, et passe à côté du diamant.

"
Une trentaine de mètres plus loin, Ramu ouvrit de nouveau les yeux. La lumière resplendissante de l'été l'éblouit et parut aussi envahir son esprit. (...) «Que Dieu soit loué pour nous avoir donné la vue! s'exclama-t-il. Que Dieu soit loué pour cela, au moins. Elle me permettra peut-être de voir quelque chose de valeur sur la route, ne serait-ce qu'une vieille bouteille que je pourrais revendre au bazar, ou une petite pièce; mais même si je ne découvre rien, je regarderai tout mon soûl. Dieu soit loué de nous avoir donné la vue."
Et Dieu, récupérant son diamant, laisse tomber sur la route une branche de bois de fer, qui servira de bâton à Ramu pour le reste de sa vie.

Outre la morale du récit, il y a plusieurs aspects intéressants dans cette parabole. Dieu connaît les misères des hommes: "
«Sur la Terre? demanda Dieu avec le sourire. Oh! Ils ne sont pas à court de malheurs. Allons tout de même voir.»" "Tout de même" implique que les malheurs des hommes, c'est de l'histoire ancienne, bien connue de Dieu, et qui ne mérite pas qu'Il s'y intéresse particulièrement. "Sur la Terre? paraît impliquer qu'il y a bien d'autres mondes que la Terre, pas si passionnante après tout.
Ramu est aussi exemplaire que Job. Quand les chiens le poursuivent, il ne les frappe pas de son bâton. Il supporte son triste sort sans maudire Dieu. Mais surtout, il est vivant alors que ses proches ont disparu: et cette survie, avec la vue intacte, est en elle-même un prodigieux bonheur. On a quitté le
Livre de Job pour l'Ecclésiaste, ou pour la présence poétique au monde dans le bonheur absurde de Camus54.

Peut-être du bonheur.

On peut imaginer, avec Camus, qu'il est possible de trouver un certain bonheur à assumer ainsi seul sa destinée: "Il faut imaginer Sisyphe heureux."55 En fait, King se trouve au carrefour de plusieurs influences: d'Albert Camus, qu'il a cité plusieurs fois, mais de façon allusive, et dont on ne sait pas bien quelle a été l'influence possible. Mais surtout de l'Ecclésiaste, autre livre de La Bible, plusieurs fois cité également: "«Je suis assez d'accord avec l'Ecclésiaste, vous savez. Moi aussi, je crois qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Oh, bien sûr, la pilule est enrobée de diverses sortes de dorure, mais le fond reste le même. On n'a jamais rien tenté qui n'ait déjà été tenté auparavant... et qui jadis aussi... et naguère déjà... »" (Simetierre, 307)

Car, après le
Livre de Job, King en est arrivé à la doctrine de l'Ecclésiaste, qui rirelativise l'idée que la crainte de Dieu et la pratique du bien amènent le bonheur, tandis que la méchanceté est punie. Pour l'Ecclésiaste, cette formule est en contradiction avec les faits et l'expérience. L'homme passe inexorablement et il cherche en vain la satisfaction dans les biens terrestres56. Tout aboutit au mystère. La science est de peu de secours, car elle augmente des angoisses et les douleurs puisque le désir de tout connaître ne sera jamais satisfait. Puisque la sagesse divine est incommunicable, celle relative de l'homme ne peut être acquise que par l'expérience. On ne connait pas les raisons divines de l'existence de l'injustice terrestre. Dans le monde règnent l'agitation et la vanité, qui rendent l'importance de chaque chose très relative. Comme perspective sûre pour les hommes, il n'y a que la mort inéluctable, précédée de son cortège de souffrances, puis l'oubli. Et enfin, conséquence du conflit entre Job et Yahvé, Dieu est devenu distant, éloigné des préoccupations quotidiennes des hommes. Dès lors, à la lumière de ce Dieu, dont la toute-puissance est acceptée, l'homme n'a comme unique appréciation que sa seule existence, avec ses limites et ses insuffisances. Le seul problème qui vaille est de savoir comment l'homme doit-il agir en ce monde pour vivre heureux et paisible. Cette existence est un don du Créateur, et la créature doit assumer sa place dans sa liberté et la joie. Un certain épicurisme dans le scepticisme.

C'est dans cette perspective que le héros kingien positif prend son sens, et ce personnage ressemble beaucoup à King. Il est lucide sur le mal qui l'entoure, qu'il accepte comme condition de la nature humaine. Il mesure les limites de son action, en s'efforçant de faire ce qu'il peut dans le monde. Sa morale est une morale vivante, loin de la morale figée et abstraite des doctrinaires
57. Puisque sa conscience déplore que le monde soit mauvais, il fera ce qu'il peut pour l'améliorer. Le mal est un scandale que ni le coeur, ni la raison ne peuvent justifier. Mais l'homme positif peut au moins ne pas ajouter de mal à ce monde. Le projet est aussi modeste qu'ambitieux: améliorer la nature, réparer dans la création ce qui peut l'être. Mais il lui faut accepter que, s'il peut diminuer le mal, il ne peut pas le vaincre. À supposer qu'un jour les conflits et les guerres cessent, que la technique et les médecins diminuent les servitudes humaines, injustice et souffrances persisteront58, d'autres peut-être apparaîtront. Comme Sisyphe, les hommes de bonne volonté auront toujours un rocher à hisser en haut de la montagne.


Ainsi, les apports du
Livre de Job sont importants métaphysiquement et moralement pour qui examine l'oeuvre de King sous cet éclairage. On ne peut cependant ignorer que King est aussi -et surtout- un écrivain. On ne reprendra pas ce qui a été observé du comportement des personnages positifs, révélateur du King profond. Mais on peut considérer aussi la pratique quotidienne de King.

Manifestement, certains de ses personnages positifs lui plaisent. Lui-même fait beaucoup pour de multiples oeuvres sociales ou humanitaires. Il n'hésite jamais quand il peut apporter son aide à quelqu'un, les jeunes écrivains, les libraires, les étudiants. Il n'en demeure pas moins qu'il est un homme de bureau, peu engagé directement dans l'action directe. On peut tricher en se masquant derrière son ordinateur, en se plaignant de ces heures passées au travail, dans les difficultés de la création. Le bureau défend surtout contre l'angoisse cosmique, la difficulté d'être au monde. Mais en même temps le bureau isole du monde. Or les personnages de King sont des hommes d'action, qui ne s'engagent pas avec des mots, mais par des initiatives dans lesquelles ils laissent inévitablement beaucoup, parfois la vie, pour le peu de satisfaction d'avoir fait ce qu'il fallait faire. Mais pour King, le problème premier n'est pas l'action militante. Car que deviendrait-il sans son oeuvre, à faire comme un fonctionnaire, dans la peine comme un tâcheron? L'action, il ne peut que la vivre au travers de ses personnages.
Il est déjà grand, pour un écrivain, d'être authentique. S'il se joue beaucoup en public, les attitudes profondes de King se révèlent les mêmes de livre en livre. Il fait son métier, en étant honnête dans ce métier. Ce en quoi, une fois encore il rejoint Camus: "
Mais il faut cependant que je vous dise: il n'y a pas d'héroïsme dans cela. Il s'agit d'honnêteté. Car c'est une idée qui peut faire rire, mais la seule façon de lutter contre la peste,c'est l'honnêteté.
- Qu'est-ce que l'honnêteté, dit Rambert d'un air soudain sérieux.
- Je ne sais pas ce qu'elle est en général. Mais dans mon cas, elle consiste à faire son métier."
(La Peste, Pléiade, 1352)
King pratique cette modestie, reconnaissant humblement ses faiblesses et ses limites.

Un deuxième aspect apparaît, qui est le contenu de sa création. L'oeuvre de fiction autorise une correction du monde par le romancier, dans sa recherche d'un chemin personnel. Le créateur fixe un univers, qu'il axe sur son imaginaire. Or l'imaginaire de King semble focalisé, dans ses romans cosmiques, sur des solutions «bibliques» pour résoudre les difficultés de ses personnages. Sous les appellations les plus variées, c'est Dieu qui en dernier ressort intervient. Directement, en favorisant les circonstances. Indirectement, en inspirant le héros. C'est ce qui explique, dans certaines de ses oeuvres
59, les messies, nommément désignés, les prophètes, les apparitions, les miracles. King en est resté aux livres de l'Ancien Testament, où l'émerveillement devant la puissance et l'ingéniosité du créateur devaient éblouir les Hébreux qui écoutaient ses thuriféraires. L'esprit gamin de King a dû beaucoup s'amuser en «jouant» lui-même avec ce Dieu et en en faisant un de ses personnages, et pas le plus simple. Ce qui résulte de cette imprégnation dans l'oeuvre de King indispose d'ailleurs certains: "Avec Le Fléau, un cran de plus a été franchi; au discours moralisateur s'ajoute désormais le sermon évangélique. Dieu devient le vrai héros de l'histoire, c'est lui qui résout tout, quand l'auteur ne sait plus comment terminer son récit."60

C'est vrai que si le Dieu de l'
Ancien Testament - et plus particulièrement le Livre de Job - a mobilisé chez lui l'énergie révoltée sur un plan idéologique, l'exploitation qu'il en a faite littérairement est plus contestable. C'est que ce dieu est spectaculairement exploitable dans une oeuvre orientée en grande partie par le combat entre la Lumière et les Ténèbres, et qu'il est tentant de le faire intervenir pour résoudre artificlellement une difficulté au lieu de faire un effort d'imagination. Du silence de ce Dieu vindicatif, jaloux, arbitraire, le héros en perdition dans un combat difficile ne sait jamais ce qui sortira, pas davantage que le lecteur, et si une épreuve supplémentaire ne lui sera pas infligée avant une hypothétique aide au dernier moment. C'est pour cette raison que King a ignoré jusqu'à présent le Nouveau Testament, tentative pour adoucir la figure de Yahvé en faisant apparaître un intercesseur entre ce Dieu devenu père, et les hommes61. Le Christ a pris en charge la souffrance et la mort, qu'il a comprises puisque lui-même souffrit et mourut. Et son cri de panique sur la croix a une portée nouvelle considérable, celle d'une humanité qui trouve enfin un avocat contre le procureur, ce que demandait obscurément Job à Yahvé, sans pouvoir nettement formuler sa demande. Mais le Christ, qui ne prête guère aux effets éclatants, n'a été que peu utilisé par un King-démiurge, grand enfant qui préfère faire peur avec un croque-mitaine divin omnipotent et joueur, métamorphosé à son caprice...


Dans une optique plus particulière, on peut se demander comment King réagira quand il sera remis de son accident de la route de juin 1999, qui a toutes les caractéristiques qu'on prête à l'absurde. Le lecteur y a peut-être pensé en relevant certains propos de King dans ce texte: "
Il n'y a pas à discuter le fait que quelque catastrophe ou maladie ou quelqu'autre affliction est toujours prête à me tomber dessus." L'accident qui a frappé King relève complètement de la problématique de Job, celle qui "tombe du ciel comme la foudre."... King n'a participé en rien à ce qui lui est arrivé62. Pas plus que Job, il ne se sent responsable. Les restrictions qu'il s'est naguère péniblement imposées pour ne pas souffrir dans sa chair (moins boire, ne plus fumer) n'ont en rien changé sa destinée. Quelles réactions seront les siennes dans l'avenir? Car enfin il serait étonnant qu'il reste sans voix -ou sans réaction- devant un tel événement. Prendra -t-il les choses avec sérénité et stoïcisme? Se dira-t-il, comme le mendiant Ramu: "J'ai tout de même des raisons d'éprouver de la gratitude", en songeant qu'il aurait pu se retrouver dans le coma, le cerveau endommagé, se rendant à peine compte que le roi du fantastique était devenu un légume? Ou les souffrances dues à ses côtes enfoncées et à son collapsus pulmonaire, qui l'ont fait beaucoup souffrir, l'amèneront-elles à penser derechef que décidément "Dieu doit être un bougre d'enfant de salaud pour avoir fait que les seuls moments où le temps n'en finit pas pour un adulte soient ceux où il souffre, comme lorsqu'il a les côtes cassées." (Petit Poney, 420, cité plus haut). S'il connaît les circonstances de la mort identiquement absurde de Camus63, au moins peut-il se consoler en pensant qu'il a échappé de peu à la même destinée. Et que, comme le disait Jules Renard, "Dieu ne donne pas beaucoup de signes de vie, mais plutôt des signes de mort."

Roland Ernould
© 2003.
(roland.ernould@neuf.fr).
Site web Stephen King:
http://rernould.perso.neuf.fr

 L'auteur des peintures et dessins illustrant cette étude :

William Blake (1757-1827) est un peintre, graveur et poète visionnaire anglais, auteur des Chants d'innocence (1789, 1794) et des Chants d'expérience (1794), essentiellement des sujets religieux, comme en témoignent ses illustrations des ouvrages de John Milton ou celles de John Bunyan, comme le Voyage du pèlerin ou bien encore vingt et une illustrations du Livre de Job pour la Bible (années 1820). Ses recueils de poèmes illustrés, d'un genre unique dans la littérature occidentale, préfigurent le romantisme.

L'ouvrage, dont la reproduction de la couverture figure en tête de cette étude est : Blake's Job : William Blake's Illustrations of The Book of Job de William Blake, sous la direction de), Samuel Foster Damon, University Press of New England éditeur.

Notes :

46 Dans La Bible, Yahvé est toujours entouré de sa cour d'archanges, d'anges, etc. suivant une hiérarchie et un rituel très élaborés, copiés sur les cours royales des Grands Empires de l'époque.

47 Ce n'est pas ce que le Livre de Job implique. Ce point de vue, exposé par un ami de Job pour l'aider à supporter ses malheurs, n'est à aucun moment accepté par Job. Par contre, il est vrai que c'est ce que beaucoup d'utilisateurs professionnels de La Bible ont voulu retenir et ont enseigné du Livre de Job, en n'ayant pas bien compris les implications de l'oeuvre. Pour une réflexion complémentaire, voir le chapitre 10 de l'essai de Jack Miles, Dieu, une biographie, op. cit. Miles propose l'idée que c'est à partir de l'instant où le cas de Job lui a fait prendre conscience de son côté pernicieux, voire diabolique, que Yahvé s'est tu, et n'a plus donné d'instructions directes aux hommes.

48 King est méthodiste non pratiquant. Les méthodistes préfèrent voir construire des églises que des prisons.

49 À comprendre visuellement: le mal mis entre parenthèses. Note de l'auteur.

50 Traduction. Ce mot s'emploie ordinairement au singulier, au sens de miséricorde.

51 N° spécial de Steve's Rag # 17, mars 1998.

52 Un exemple: les soldats que Kenny, le bricoleur, cesse de fabriquer pour les enfants lors de la guerre du Viêt-nam (§ 1.3.),pour mettre en accord entre ses convictions et ses réalisations.

53 Rêves et Cauchemars, 699-702.

54 L'accord poétique au monde est un aspect de l'absurde pour Camus le méditerranéen: "Nous rendons à chaque être, à chaque objet sa valeur de miracle. Une femme qui danse sans y penser, une bouteille sur une table aperçue derrière un rideau." (Amour de vivre, dans L'envers et l'endroit). Ou: "Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes. (...) A certaines heures, la campagne est noire de soleil. Les yeux tentent vainement de saisir autre chose que des gouttes de lumière et de couleurs qui tremblent au bord des cils." (Noces à Tipasa) Comme en répons: "Ramu ouvrit de nouveau les yeux. La lumière resplendissante de l'été l'éblouit et parut aussi envahir son esprit. Il tourna les yeux vers le ciel d'un bleu poussiéreux, vers les champs d'un jaune poussiéreux, vers le sentier sur lequel il marchait. Il observa un oiseau qui volait d'un arbre à l'autre et éclata de rire, et bien qu'il ne se retournât pas une fois vers le diamant posé sur le sol si près de lui, il oublia un instant ses plaies et son dos douloureux."

55 Sisyphe a été condamné par les dieux à rouler sans cesse en haut d'une montagne un rocher, qui retombe ensuite par son propre poids. "On retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers.(...) Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un coeur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux." (Pléiade, 198)

56 King vit de manière plutôt modeste, sans rapport avec sa richesse. Mais comme tout bon puritain, il se montre âpre en affaires... Voir la longue note concernant l'activité des puritains chapitre 18 de King et les mythes.

57 Dans de nombreux romans de King on rencontre de tels doctrinaires, aux idées toutes faites, en opposition avec le personnage positif. Ils ne sont pas méchants par penchant, mais par étroitesse d'esprit.

58 Camus reprend souvent, comme exemple du mal scandaleux et intolérable, la mort des enfants, idée déjà rencontré chez Dostoïevski.

59 Voir les chapitres 16/7.

60 Serge Brussolo, Stephen King ou la lumière perdue, Les Dossiers de Phénix 2, éd. Lefrancq, 1995, 59.

61 Voir une note qui précise sa position sur ce point, à la fin de la conclusion de King et les mythes.

62 Il marchait sur le bord d'une route, un livre à la main, quand le conducteur d'une camionnette a été gêné par son chien qui s'était délié. Le chauffeur a réagi de façon réflexe en donnant un coup de volant, et il a fauché King. Le conducteur n'allait pas vite et n'avait pas bu. L'absurde total.

63 Le 4 janvier 1960, alors qu'il projetait de prendre le train, Camus fut invité à profiter de la voiture de son éditeur Gallimard. La voiture roulait vite, selon un témoin, mais la route était parfaitement droite. La voiture dérapa, heurta un platane et rebondit sur le suivant, le dernier de la rangée, contre lequel elle s'arrêta, coupée en deux. La première chose que l'on trouva dans la poche de Camus fut son billet de train inutilisé... Camus avait 47 ans.

ce texte a été publié dans ma Revue trimestrielle

différentes saisons

 # 21  automne 2003

   

Contenu de ce site Littératures de l'imaginaire :

.. pages Stephen King

Sa vie

Ses oeuvres

Ouvrages récents DE King

Ouvrages SUR King

Cinéma

Revue trimestrielle

différentes saisons

Notes de lectures

Revues fantastique et SF

Dossiers

 

 .. liste des auteurs

.. mes dossiers sur les auteurs. . .. . ..

.. . .. . ..