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Koko
1988, Laffont 1990. Rééd.
Laffont 2001
Un long mystère concernant un
épisode de la guerre dont la résolution est pour le
moins ambiguë : que s'est-il passé naguère dans
cette grotte du village vietnamien de Ia Thuc où le lieutenant
Harry Beevers a tué trente enfants au moment
précisément où atterrissaient des
hélicoptères avec des journalistes? Quel a
été le rôle de certains soldats de sa section
dans ce massacre? Et comment va se sortir de ce pétrin
médiatique le Lt Beevers, surgi de la grotte excité et
hagard, comme on l'a vu sur la une de Time et de Newsweek? Et comment
cet épisode sera-t-il vécu par les hommes de la
section? Combinant les horreurs de la guerre du Vietnam avec la
fiction, Koko est l'histoire d'une injustice de temps de guerre qui
resurgit vingt ans après par l'intermédiaire d'un tueur
en série. Il tue en spécialiste les journalistes
étrangers et américains qui ont couvert ces
atrocités. Car vingt ans après, liée au
sentiment d'une faute toujours vivace, cette affaire n'est pas
réglée, comme s'en rendent compte quelques
vétérans responsables. Ils se sont réunis pour
chercher quel est l'homme issu de leurs rangs qui est devenu le
serial-killer signant en Asie ses crimes d'une carte à jouer
militaire de leur régiment, portant l'image de
l'éléphant cabré, et le nom Koko signé au
travers, carte mise dans la bouche des victimes. Ces
vétérans sont aussi différents les uns des
autres que des hommes peuvent être, mais il leur est difficile
d'être liés par un secret et de rester inactifs. Ils
décident d'aller en Asie voir ce qui s'y passe. L'assassin
est-il l'écrivain Till Underhill, qui ne s'est pas toujours
comporté en écrivain responsable? Ou Spitalny, disparu?
Ce ne peut être Dengler, qui passe pour mort. À moins
que...
Cette intrigue policière permettra à
Straub de nous
promener en Asie (Bangkok et Singapore), et aux USA (notamment
à New York, dans Chinatown). Ceci pour l'enquête du
thriller qui, s'il ne comporte pas de fantastique, réserve, on
l'imagine, bien des surprises. L'astuce a été
d'utiliser comme meurtrier un revenant en quelque sorte, dont la
piste ne pouvait être détectée puisqu'il
s'agissait d'un faux mort. On sait que Straub raffole des
fantômes au sens littéraire, et de tout ce qui y
ressemble : doubles variés, morts qui ne le sont pas, les
supposés morts (ceux de Ghost Story, de Mr. X ou de
Mystery
n'ont rien de commun). On pourrait aussi chercher le revenant
symbolique, le passé qui resurgit, le regret qui persiste,
l'action qui ne se pardonne pas, le remords qui
réapparaît. Car d'une certaine manière,
Koko
est le roman de la mémoire : mémoire aussi bien de
l'enfant qui subit et revit son passé, que mémoire
coupable du groupe de soldats de la malheureuse section du Lt
Beevers, qui se suicidera en fin de roman, ce qu'il aurait dû
faire depuis longtemps.
Koko est le surnom du tueur objectif et en
même temps un symbole, celui du malaise éthique des
vétérans, dont le médecin Michael Poole est
l'exemple le plus éclairé. La culpabilité
latente est le détendeur dont ils avaient besoin pour
entreprendre de résoudre un problème senti comme la
conséquence d'une affaire qui n'a pas été
résolue sur le plan de la justice et de la
légalité. Co-responsables de guerre blanchis, ils sont
aussi responsables de l'existence de Koko (son rôle symbolique
est d'ailleurs tel qu'il passe successivement pour trois responsables
supposés différents, qui auraient pu tout aussi bien
convenir comme criminels), comme ils sont toujours co-responsables,
à leur grand regret, du Lt Beevers, qu'ils haïssent tout
en coopérant avec lui non sans rechigner. À noter que
Beevers est le seul à ne pas vouloir se sentir coupable,
refoulant sans cesse les éléments qui lui prouvent sa
médiocrité et ses insuffisances, qu'il lie à son
enfance (voir la nouvelle Blue
Rose) et aux circonstances. Sa seule
culpabilité, à ses yeux, est sans doute d'avoir eu une
mère juive...
Le livre fermé, le lecteur
s'aperçoit que l'intrigue a été le moyen de
diriger l'action dans trois directions. Deux ont des
résonances humaines et sont traumatisantes. À coup
sûr, le souvenir refoulé de la triste aventure de la
guerre du Vietnam est devenu un sujet ordinaire aux USA comme le
devient l'Algérie actuellement chez nous, avec ses exactions
et ses excuses. Les traces de ces conflits ne sont pas près
d'être effacées dans les consciences. Roman de la
mémoire collective responsable, Koko est aussi celui de la
mémoire individuelle malheureuse, les empreintes
psychologiques perturbatrices qui rendent
déséquilibré l'adulte si l'enfance n'a pas
été heureuse ou si elle a subi des influences
traumatisantes.
Comme l'enfance de ce tueur, dont le nom vulgaire
et orthographié de façon insolite ne parvient pas
à éveiller des souvenirs précis chez les
enquêteurs. En tout cas, ce qui est certain, c'est que des
traumatismes particulièrement lourds ont affecté un
enfant au passé pénible, dont la mère a
été assassinée, qui a été
recueilli par un boucher pédophile et brutal, ignoble,
prédicateur fou qui a créé sa propre
Église, couvert par son épouse. Enfant
déséquilibré, paraissant anormal à ses
camarades, il se révèle soldat modèle au Vietnam
quand il est sorti de ce milieu éducatif destructeur. Mais les
tendances mauvaises n'ont pu que retrouver le sens de leur pente
quand s'y sont joints les traumatismes identiques de la guerre, les
exactions d'un officier sexuellement excité par le crime,
tuant des enfants, et boucher à sa façon.
Ce qui explique que le même symbole peut
correspondre à des clés qui ouvrent des portes
différentes, les unes adultes, les autres enfantines.
L'éléphant vient aussi bien de l'univers de Babar, dont
le livre a été le seul compagnon d'enfance de Koko, que
des cartes à jouer des adultes du régiment (le livre de
Babar est d'ailleurs un de ces autres liens dont le roman est
tissé, lien avec le médecin humanitaire qui a perdu son
jeune fils, et qui fait don de ses Babar à une petite fille de
l'hôpital). Le nom de Koko vient aussi bien du titre d'un air
de jazz que du nom (Coco) se trouvant dans l'histoire de Babar, dont
le «ripopo», fredonné par le tueur, est la chanson
des éléphants roses...
Prenant, mais foisonnant, un peu touffu,
inégal, ce roman a une sensibilité humaine et une
crédibilité absente de nombreux thrillers.
King aime citer
le mot de Straub, qu'il reprend à plusieurs endroits :
"Le monstre, c'est
nous-mêmes." Dans ce roman et les
autres de la série, il n'y aura ainsi que des monstres
métaphoriques. Le Mal ne s'incarne pas dans des êtes
fabuleux ou des forces surnaturelles, mais dans les troubles
psychologiques aberrants. Les psychopathes aux agissements criminels
sont d'ailleurs aussi nombreux dans l'oeuvre de King, et, comme dans
Straub, se
manifestent dans leur comportement monstrueux et leur violence
destructrice. Enfin il faut signaler, bien que cet aspect ne
manifestera son importance que dans les autres romans de la
série, la place accordée au personnage de romancier,
comme dans certains romans de King. Nous est en effet
décrit un écrivain atypique, auquel Straub a donné certains
de ses traits, et même attribué certaines de ses
oeuvres...
La
quatrième de couverture :
La guerre avait
éveillé en lui le monstre. Maintenant il tuait pour
cacher ses crimes... mais toujours avec le même plaisir. Le mot
"Koko" gribouillé sur une carte à jouer... C'est la
signature du tueur. Un mot qui va projeter quinze ans en
arrière, en plein cauchemar du Vietnam. Koko, ils le savent,
est l'un des leurs, un des participants à ce terrible massacre
d'un village qu'aucun d'eux n'a pu oublier. Ils décident donc
de retrouver Koko avant la police, non seulement pour
l'empêcher de commettre de nouveaux crimes mais aussi dans
l'espoir de l'arracher à la folie. Ce qui risque bien de
s'avérer une mission impossible...
|
l'auteur : Peter Straub est né
à Milwaukee, dans le Wisconsin, le 2 mars 1943. Il
est l'aîné d'une fratrie de 3 garçons.
Son père était commerçant, sa
mère infirmière. Le père voulait qu'il
devienne un athlète, la mère un docteur ou un
ministre Luthérien. Lui voulait était lire et
apprendre, et il leur fit espérer un métier de
professeur. Études à l'université de
Wisconsin, Colombia University, et au University College de
Dublin. A résidé pendant trois ans en Irlande,
à Dublin (1969-1972) et sept ans en Angleterre
à Londres (1972-1979), puis aux USA dans le
Connecticut, où sa femme Susan était
née. Il habite aujourd'hui New York (3 enfants). Il a
écrit à ce jour 14 romans, 2 recueils de
nouvelles, des nouvelles et de la poésie. Nombreuses
récompenses littéraires. En particulier,
Mr. X a reçu le Bram Stoker Award. Le plus
littéraire des romanciers de terreur attire à
la fois les amateurs du fantastique et les inconditionnels
du polar . Le nouveau Talisman 2,
écrit en collaboration avec Stephen King, Black House, est sorti en Octobre 2001. infos
|
voir sa
bibliographie américaine, les traductions françaises et
mes notes de lecture.
Roland Ernould , juin 2001
En janvier 2001, site
sélectionné «Excellence» par Francité
International..
En janvier 2001, selon les
critères de la revue Ténèbres, ce site a
été classé en première position des sites
Stephen King.
En octobre 2000, ce site a
été sélectionné par les internautes
d'AUTEURS.NET, le meilleur du Web littéraire.
En juillet 2000, ce site a été
sélectionné comme l'un des meilleurs du mois par
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