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Le club de l'enfer

2. 2. 2.

 

Plon, 2000.

On peut trouver partiellement dans Le Club de l'enfer l'atmosphère particulière du thriller racontant une vie de tueur psychopathe identique aux assassins de Thomas Harris, et, toutes proportions gardées, on trouve des points communs entre Hannibal et les plus sombres régions de l'enfer de Dick Dart, le criminel pervers, qui kidnappe à deux reprises Nora Chancel, l'héroïne du roman. On peut aussi trouver le motif du livre-culte, celui qui bouleverse la vie d'un écrivain, celle d'un éditeur, et enchante celle des lecteurs, d'autant plus que ce livre suscite des réminiscences chez les amateurs de Tolkien et de fantasy du monde entier. Il y a surtout le parcours d'une femme, qui, à l'approche de la ménopause, peut faire état déjà d'une large expérience (elle a notamment fait la guerre du Vietnam comme infirmière où elle s'est, souvenir mémorable, fait violer : écho de Blue Rose), et paraît avoir réussi socialement. Mais simultanément sa vie a quelque chose d'irréalisé, d'inaccompli à ses yeux. Nora devra donc traverser diverses épreuves initiatiques et affronter le Mal humain, activement et non plus passivement, afin de pouvoir faire face de manière positive au reste de sa vie.

Si un Club de l'Enfer existe bien, un bar branché et très particulier (certains habitués ne le quitteraient jamais!), sa fonction dans le roman est accessoire. Par contre est sans cesse évoqué
Le Voyage dans la nuit, un livre brillant, un ancêtre du Seigneur des Anneaux, attribué à Hugo Driver dans la fin des années trente : "Ça se passe entièrement dans l'obscurité. Pratiquement tout se déroule dans des grottes ou des souterrains. Tous les personnages mémorables sont des monstres." (205) Un manuscrit obtenu dans des circonstances morbides excite toujours l'imagination. Or un mystère plane sur ce roman-culte de fantasy, best-seller sans discontinuer depuis cette époque. Certains prétendent qu'il n'aurait pas été écrit par Driver, maintenant mort, mais par une jeune femme que Driver aurait assassinée, avec la complicité de son éditeur. Car Driver n'a jamais plus été capable d'écrire rien de valable. Depuis l'édition de ce livre, la maison d'édition Chancel House vit de ce pactole, augmenté de divers droits (cinéma, TV et autres) qui sont venus conforter ce juteux patrimoine.
Nora a épousé le fils Davey, employé de son père Allen, président de la maison d'édition Chancel. Davey est étouffé par la personnalité de son père, patriarche macho et dictatorial. Nora se sent délaissée par son mari, frustrée par sa famille, remise en question par son âge. Arrêtée par erreur pour le meurtre d'une amie, elle est enlevée par son assassin, un serial-killer amateur de femmes mûres qui la prend en otage. Dick Dart, au nom qui fait dresser l'oreille d'un psychanalyste, est un personnage d'une extrême séduction, doué de multiples talents. Les qualificatifs dépravé et satanique semblent dérisoires pour caractériser cet amateur et metteur en scène esthétique des dames, poète, tueur sans état d'âme mais non sans philosophie, intellectuel aussi érudit qu'Hannibal. Un Hannibal qui aurait le goût de la chair au figuré, et non réellement. Dart fait partie du cabinet d'avocats de son père, avec lequel il est entré en conflit à propos des affaires Chancel. Et on rejoint le manuscrit : Dart veut, contre son père, arriver à prouver que le manuscrit du
Voyage dans la nuit a bien été écrit par Driver, rechercher les preuves susceptibles de nuire à sa réputation et éventuellement supprimer tous ceux qui sont susceptibles de nuire à sa légende. Être intelligent, mais ignoble, violeur tranquille de Dora, il mène avec elle une enquête compliquée pour connaître la vérité, et pour l'effacer si elle n'est pas celle attendue. Ils découvrent une gigantesque propriété devenue musée, où des écrivains se tenaient en séminaires et séjours de travail avant la guerre. Difficile d'aller plus loin dans le récit : l'intrigue est foisonnante, comme toujours chez Straub, avec rebondissements, poursuites, tension qui ne baisse jamais.

Nora, projetée dans les méandres du sordide, doit à la fois lutter contre les siens et Dart, feindre sans l'accepter d'être une victime sans défense, se préparer, comme elle le fera, à tuer le tueur tout en feignant d'être un élément passif. L'histoire terminée, elle pourrait tirer profit du succès médiatique d'avoir été celle qui a permis l'arrestation du criminel de son exploit : des contrats pour des articles, des livres, etc. Elle pourrait se réconcilier avec son beau-père, son mari. Jacques Baudou a bien raison de signaler que ce roman est à la fois un thriller et un récit de fantasy : il est finalement le parcours initiatique de cette fille de fondeur syndicaliste, qui rêve depuis le Vietnam de "démons ricanants" surgissant dans les ténèbres, qui en a assez de la richesse si elle doit s'accompagner d'un mari falot et dépassé, d'une belle-mère alcoolique, d'un grand-père abusif, et d'un beau-père brutal et sans scrupules. Regardant les rayons d'une bibliothèque, elle devine les goûts de sa propriétaire à voir les couvertures des King, des Barker, des Rice, "des histoires de vampires, de membres tranchés, de monstres tentaculeux ayant mauvaise haleine, de cannibalisme, de tueurs psychotiques et de violence aveugle, dégradante. Voilà une lectrice qui recherchait la peur, mais une peur sans danger, tout juste bonne pour l'angoisse." (52) Elle a affronté la vraie peur, en est sortie grandie. Dans cet univers à la Dallas, les monstres ne sont pas là où on les attend, et le tueur Dart n'est pas le plus dangereux dans sa visibilité. L'histoire d'une famille honorable peut être encore plus tortueuse, meurtrière et sordide.

Semblable à lui même, Straub empile quantité de faits et d'événements dont la nécessité n'est pas évidente à première vue, même si la fonction et l'utilisation se font plus ou moins tard au prix d'un exercice qui tient de la corde raide, et qui paraît toujours sur le point de ne pas tenir. Rien de forcé, cependant. Mais le lecteur avance à petits pas, suivant assemblage après assemblage, attendant patiemment que le mécano se monte. Straub ne nous fait pas de cadeau : alors que les auteurs du genre prennent généralement soin de laisser une longueur d'avance à leurs lecteurs, lui procède à l'inverse, jouant sur l'incertitude et les nerfs de ses lecteurs. Et, comme pour ses autres romans, impossible de se séparer du livre avant d'avoir terminé la lecture.

La quatrième de couverture :

Elles se font assassiner les unes après les autres. Des femmes dans la force de l'âge, fortunées, résidentes d'une banlieue huppée du Connecticut. Et le meurtrier court toujours. Nora Chancel, épouse de I'héritier de Chancel House, une prestigieuse maison d'édition, a peur d'être la prochaine agressée. N'a-t-elle pas toute sa vie été marquée comme une victime ? C'est alors que Davey, son mari, lui parle du Club de l'Enfer où, des années auparavant, il a rencontré une fan du best-seller de l'éditeur, Le Voyage dans la nuit, un roman-culte dont l'histoire n'est pas moins étrange. Et soudain, Nora se retrouve au coeur de la tourmente. C'est elle qui doit se défendre contre des accusations invraisemblables, tandis que le tueur est toujours tapi dans l'ombre, attendant son heure. Lorsqu'il fond enfin sur elle, elle va s'embarquer pour son propre voyage dans la nuit. Mais une chose est sûre: qu'elle survive ou pas, plus jamais elle n'acceptera le rôle de la victime consentante.

 

l'auteur : Peter Straub est né à Milwaukee, dans le Wisconsin, le 2 mars 1943. Il est l'aîné d'une fratrie de 3 garçons. Son père était commerçant, sa mère infirmière. Le père voulait qu'il devienne un athlète, la mère un docteur ou un ministre Luthérien. Lui voulait était lire et apprendre, et il leur fit espérer un métier de professeur. Études à l'université de Wisconsin, Colombia University, et au University College de Dublin. A résidé pendant trois ans en Irlande, à Dublin (1969-1972) et sept ans en Angleterre à Londres (1972-1979), puis aux USA dans le Connecticut, où sa femme Susan était née. Il habite aujourd'hui New York (3 enfants). Il a écrit à ce jour 14 romans, 2 recueils de nouvelles, des nouvelles et de la poésie. Nombreuses récompenses littéraires. En particulier, Mr. X a reçu le Bram Stoker Award. Le plus littéraire des romanciers de terreur attire à la fois les amateurs du fantastique et les inconditionnels du polar . Le nouveau Talisman 2, écrit en collaboration avec Stephen King, Black House, est sorti en Octobre 2001. infos

Roland Ernould, mai 2001.

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