Stephen King: l'homme, 2.
LES
PERSONNAGES KINGIENS
POSITIFS
"J'ai
exploré ces questions aussi bien que j'ai pu
dans les
limites de mon talent et de mon intelligence" 1.
MONOGRAPHIES DE QUELQUES PERSONNAGES
POSITIFS.
(suite)
La
nécessaire solidarité.
Résultante de composantes
personnelles et de l'éducation, l'humain est un être
social. Il a reçu, il doit donner27. Aucune raison que cet échange soit
équilibré: on peut donner plus qu'on a reçu. Ce
sera du positif social. Mais la tentation est grande de chercher
à recevoir un maximum tout en donnant un minimum.
.. du site ..
Ruth
McCausland28.
Au moment du récit, elle a cinquante ans, mais en paraît
"dix de moins -quinze les bons
jours"(p. 232). Elle a
été l'une des rares jeunes filles de son temps à
obtenir une dispense d'âge pour entrer à 17 ans à
la faculté de droit de l'Université du Maine. Elle en
sort avocate quatre ans plus tard.
Progresser dans ce qu'on fait.
En fac, elle est tombée
amoureuse d'un condisciple, Ralph, fils de policier, qui veut
l'être aussi, et même diriger un jour la police du Maine.
Il pense qu'"un homme qui
prend un métier et ne prévoit pas de progresser est
soit paresseux, soit fou"(p.
233). Elle l'épouse, vierge, deux ans plus tard: elle lui a
demandé d'attendre qu'elle possédeson diplôme
d'avocate, non pas pour travailler à son compte, mais pour
pouvoir aider son mari. Ralph a attendu: "Tout homme sain d'esprit, placé devant la
beauté intelligente et les yeux clairs de Ruth Merril aurait
accepté"(p. 233).
Bien que fertile, le couple n'a pas d'enfant: mais leur vie conjugale
est heureuse et ils préparent ensemble les dossiers de
Ralph.
Se
rendre utile.
Ruth met son temps libre
"au service du
village"de Hatlen, où
elle habite, (p. 234), sans aucune ambition personnelle. Elle remet
seule en état la bibliothèque du presbytère
méthodiste sans ménager sa peine, faisant si bien que
la bibliothèque est "élue, en 1972, Bibliothèque de
l'Année des Petits Villages du Maine"(p. 235).
Chaque année, elle collecte de l'argent pour l'American Cancer
Society. Elle va partout, parle "gentiment et sans crainte aux paysans les plus
arriérés"(p.
235), avec des résultats remarqués.
Membre actif de l'Église Méthodiste, elle
prépare les ragoûts des repas des rencontres ou les
tartes et pains briochés des ventes de charité. Elle
siège au Conseil des Écoles. Elle fait fonction de
notaire. "Les gens disaient
qu'ils ne savaient pas comment elle arrivait à tout
faire"(p. 239). Quant
à elle, Ruth pense "qu'une tâche soit ennuyeuse ou déplaisante
ne signifiait pas qu'elle soit infructueuse, ce
que la plupart des gens, semble-t-il, ne savent pas, ou veulent
ignorer (...).
Elle voulait se rendre utile,
non se poser en martyre"(p.
243).
Tout se
résume à la confiance.
Elle trouve encore le temps de lire
et collectionne les poupées -compensation à son
désir inassouvi d'avoir des enfants. Avec son mari, elle a
reconstitué une salle de classe avec ses poupées, et
bien que certaines soient "précieuses et nombre des plus anciennes
fragiles"(p. 240), elle
invite les enfants du village à jouer librement avec ses
poupées29. Les enfants cassent peu, "parce qu'ils les aiment"(p. 240). Son attitude est la même à
l'égard du village:
"Elle se disait qu'au fond, tout se résumait à la
confiance... et Hatlen ne l'avait jamais
déçue"(p.
278).
Elle n'est ni gnan-gnan, ni popotte. Elle est efficace dans des
domaines divers: par exemple, elle a une carabine dans sa voiture et
elle tue d'une balle le chien qui l'avait agressée et mordue,
craignant qu'il ait la rage et la communique à d'autres. En
toutes circonstances, elle est réfléchie et fait preuve
de sang-froid.
Le
bonheur, l'opposé de la tristesse, de l'amertume et de la
haine.
Malheureusement, son mari meurt d'un
cancer. "La mort de Ralph, si
brutale, avait été un choc, et elle avait
été bien près (...) de tuer en
Ruth ce qu'il y avait de plus ouvert et de plus
généreux"(p.
243). Mais elle se reprend, se porte candidate au poste de constable,
où elle est élue à la quasi-unanimité.
Elle met de l'ordre dans le village, un peu négligé par
son vieux prédécesseur: elle expulse un père
incestueux, des drogués installés dans une ferme, un
beau-père dont les enfants du premier lit ont des accidents
trop fréquents -le tout avec des méthodes personnelles
pas réglementaires, mais efficaces et rapides (p. 243/5). Elle
trouve une certaine forme de bonheur: "Le bonheur est l'opposé exact de la tristesse, de
l'amertume et de la haine"(p.
239).
C'est que, peut-être, la vie ne prend son sel qu'en
intégrant l'imparfait: "Ruth pensait parfois aux noueurs de tapis musulmans qui
incluaient toujours délibérément une erreur dans
leur travail pour honorer le Dieu parfait qui les avait
créés, eux, créatures
faillibles"(p. 233).
Anna
Stevenson30.
Vous
pouvez être libre si vous le voulez.
Anna, belle "bien que forte"cinquantenaire (p. 70), s'occupe depuis vingt-cinq ans,
d'un home pour femmes battues. Élégante, mais tenue
sévère -robe ou pantalon noirs, blouse blanche-, elle
tient en mains fermement «Filles et Soeurs».
"Le Comité, c'est
moi (...). «Filles et Soeurs» est une
institution fondée par mes parents, qui étaient des
gens riches (...).
C'est moi qui choisis les
personnes que nous invitons à rester et celles dont nous ne
voulons pas". Elle tient
aussi compte de la réaction aux candidatures des autres femmes
présentes: "J'en tiens
même énormément compte"(p. 74).Elle reçoit Rosie, battue pendant
quatorze ans par son mari, lui indique le travail qui l'attend et lui
dit: "Vous pouvez être
libre si vous décidez de l'être (...).Comprenez-vous? Vous pouvez être libre si vous le
décidez"(p. 77).
Anna a en horreur l'idée que "tout ce que nous faisons dépendrait de ce que les
gens nous ont fait. C'est une attitude qui nous décharge de
tout"(p. 141). Elle tient
avant tout que les gens se prennent en charge.
L'obligation morale d'aider.
Elle a certes des défauts
-désordonnée, une certaine suffisance, mais sa vie est
entièrement tournée vers les autres et son institution.
C'est une militante qui pense qu'elle est la "seule femme de sa génération
à avoir été aimée et respectée par
toutes les tendances des mouvements féministes, pourtant de
plus en plus divergentes"(p.
431).
Elle trouve un travail pour Rosie et lui signale: "Nous
vous demandons de faire du
mieux que vous pouvez, ne serait-ce que pour assurer du travail
à toutes les femmes qui viendront après
vous"(p. 77). Rappel de la
nécessaire solidarité. Plus tard, elle écrit
à Rosie qui a trouvé un appartement et quitté le
home: "Mon espérance
à moi, Rosie, est de vous revoir souvent chez
nous (...), vous avez contracté l'obligation morale
de transmettre ce que vous avez appris ici"(p. 429).
Elle sera tuée par le mari de Rosie et plus de deux mille
personnes assisteront à ses obsèques (p. 527).
Paul
Edgecombe31.
A
défaut de se faire aimer, on ne se faisait pas
détester.
Il est gardien-chef du quartier de la
prison qui a en charge le bloc des condamnés à mort. Il
a quarante ans, ses enfants sont élevés. Il aime sa
femme (3, p. 04) et a d'excellentes relations avec elle. Il ne lui a
pas "souvent
menti"(1, p. 56) et il lui
raconte les problèmes du bloc (4, p. 59). Ses relations sont
aussi bonnes avec le directeur de la prison, qui l'a jaugé
à sa valeur: "Nous nous
sommes regardés les yeux dans les yeux, pour échanger
les précieuses secondes de compréhension profonde et
nue, celle qui se passe de mots"(1, p. 64).
Il a présidé à 78 exécutions (1, p. 13)
et il fait honnêtement son travail de chef en "ces temps où la mise à mort
d'un homme soulevait moins d'émotion chez les bonnes
âmes que celle d'un chien écrasé"(2, p. 75). "On se comportait avec nos prisonniers plus comme des
psychiatres que comme des matons"(1, p. 61). Il lui paraît important de communiquer
avec ses prisonniers: "Engager
la conversation, voilà qui était au centre de notre
travail... Entamer la conversation était une
nécessité élémentaire,
vitale"(1, p.
60). "A défaut de se
faire aimer, on ne se faisait pas détester"(1, p. 61).
On est
tous responsables.
Il comprend ses condamnés
à mort: "S'il y a une
chose que j'ai apprise pendant toutes ces années comme
chef-maton, c'est de ne jamais rien refuser à un
condamné, à moins qu'il ne me demande la clé de
sa cage"(1, p. 15). Bien
qu'il sache que sa tâche se limite à "le nourrir"et "veiller sur
lui jusqu'à ce qu'il paie sa dette à la
justice"(1, p. 30), il fait
bien plus que ce qu'il doit. Il lui arrive souvent de s'asseoir et
"de bavarder avec ses
prisonniers"(2, p. 46). Il
assume sa fonction et fait confiance à ses hommes du bloc E.
Il se sent responsable et ne rejette pas les erreurs sur les autres:
"On était tous
responsables"(4, p.
86).
C'est
comme ça tous les jours, partout dans le monde.
Il ne se fait guère
d'illusions sur la société. Des constructions nouvelles
dans la prison? "Il a dû
y en avoir, du dessous-de-table, à cette occasion. Par pleines
liasses"(1, p. 36). Le
shérif du comté? Un ivrogne, "mort d'une crise cardiaque, vraisemblablement en
sautant une beauté noire de 17 printemps..., lui qui ne
sortait plus sans sa femme et ses six enfants à l'approche des
élections"parce qu'il
"fallait avant tout poser en
respectable père de famille "(1, p. 44). "Mais
les gens apprécient les faux-culs - ils se reconnaissent en
eux"(1, p. 45). La commission
d'enquête ? "Appellation
bien ronflante et impressionnante pour un truc qui se
révéla être aussi inoffensif
qu'insignifiant"(6, p.
35).
Le journaliste qui avait couvert le procès d'un
condamné innocent, Caffey? Il "aimait se présenter comme un homme
éclairé... il m'avait dit que les chiens bâtards
et les nègres étaient pareils, qu'ils pouvaient vous
mordre tout à coup, sans raison. Sauf qu'il disait
toujours vos nègres, pas les siens. Surtout pas les
siens". Et, en ce
temps-là, le Sud "grouillait"de
gens comme ce journaliste (5, p. 17). Le prisonnier Caffey?
"Épinglé"sur sa planche (1, p. 31), comme un papillon qu'on
attrape au hasard pour le fixer sur un bouchon: la
délibération du jury de Caffey a été
expédiée "le
temps d'un petit casse-croûte"(1, p. 54).
S'y
atteler même si c'est douloureux.
Quand il se rend compte que Caffey le
guérisseur pourrait peut-être sauver une
cancéreuse perdue à brève
échéance, il n'hésite pas à le faire
sortir du bloc des condamnés à mort, au risque de
perdre sa place et d'être lui-même condamné:
"Si on se faisait prendre
(...), on perdrait peut-être plus que notre
boulot (...). Il y a de fortes chances qu'on se retrouve
même au bloc A, hébergés gratos par l'Etat,
à fabriquer des portefeuilles et à prendre des douches
à deux"(4, p. 85).
Mais il ne fléchit pas: "Quand un homme a quelque chose à faire, il doit
s'y atteler, et tant pis si c'est douloureux"(4, p. 7).
On l'a
fait du mieux qu'on a pu.
Paul vit mal sa vie de gardien. Il
quitterait sans regret son emploi pour un autre, mais
"c'était la grande
crise"(1, p. 35).
"Si vous aviez la chance en ce
temps-là d'avoir du boulot, vous étiez prêt
à tout pour le garder"(2, p. 53). Il remplit sa fonction au mieux, avec
humanité, mais avec des restrictions mentales de plus en plus
importantes. Il tue légalement pour le compte de la
collectivité, avec très mauvaise conscience. Il pense
après une exécution: "Nous avions réussi une fois de plus à
détruire ce que nous étions incapables de
créer"(2, p. 42).
"Se tuer les uns les autres
par le gaz ou l'électricité, et de sang-froid? La
démence! l'horreur!"
(6, p. 71). "La vie est lourde
de prix"(2, p. 28).
Conscient du risque encouru: "Ce monde tourne, c'est tout. On peut s'accrocher et
tourner avec, ou se lever pour protester et se faire
éjecter"(2, p. 29), il
fait ce qu'il pense devoir faire, d'une façon d'autant plus
méritoire qu'il "ne
pense pas avoir une seule chance de s'en sortir"(5, p. 62). "On a fait ce qu'on devait faire et on l'a fait du mieux
qu'on a pu"(6, p. 20).
Mike
Anderson1
"Quand
toutes les options que l'on a doivent faire mal,
laquelle est la bonne?
Sur une île, un être
démoniaque apparaît, Linoge, qui cherche à
s'approprier un jeune enfant pour lui transmettre ses pouvoirs. Afin
de se faire donner l'enfant, il déchaîne une
tempête sur toute la région.
La communauté doit donc donner un de ses
enfants2. Linoge a le pouvoir de tuer, mais pas de prendre.
Comme le veut la tradition diabolique et vampirique, un accord est
nécessaire, un marché doit être conclu. Ce
marché, passé entre Linoge et les îliens se
révèle abominable: "Je veux quelqu'un -quelqu'un que
j'élèverai et à qui je dispenserai mon
enseignement; quelqu'un à qui je puisse transmettre mon
enseignement; quelqu'un à qui je puisse transmettre tout ce
que j'ai appris, tout ce que je sais; quelqu'un qui poursuivra mon
oeuvre quand je ne pourrai plus le faire
moi-même.'(385)
Abominable, et sacrilège pour le Révérend, qui
doit donner une de ses ouailles au démon, qui fera de l'enfant
son disciple. King nous l'a annoncé au début de
l'oeuvre, il n'y a pas d'athée sur l'île. C'est donc
d'un fils de Dieu qu'il s'agit. Mais le Révérend ne s'y
oppose pas, même pour la forme. Il accepte la mort humaine de
l'enfant.
Il sera aidé par le maire Robbie dans la réalisation
effective de ce don incroyable d'un enfant au diable par une
communauté de croyants. Immoral, égocentriste, menteur
et lâche -en présence de Linoge, le maire va
jusqu'à se trouver recroquevillé sous la table avec le
panneau le proclamant premier magistrat de la ville- il va s'arranger
pour trouver la solution qui arrangera tout le monde, le moindre mal.
Sauf une famille, celle qui perdra son enfant. Il lénifie:
"Je voulais simplement
dire (...) que je suis sûr que nous trouverons un
moyen de nous sortir de ce ... de cette situation... si nous
nous serrons les coudes, comme nous l'avons toujours fait sur
l'île...'(372). Se
serrer les coudes, King a fait de cette expression la devise de
l'île. Mais les mots sont les mots, et ils sont produits par la
langue, la meilleure et la pire des choses. Se serrer les coudes dans
la honte de la démission a un sens opposé à
celui de se serrer les coudes dans la lutte.
Le
résistant.
Le récit ne prend son sens
qu'avec la lutte menée par le constable, Mike, pour maintenir
l'ordre menacé par le tueur et faire simultanément face
aux éléments déchaînés. Mais il
sera seul...
Mike a obtenu beaucoup de la vie. Grand et bel homme, trente-cinq
ans, il a une femme institutrice adorable, un gentil garçon de
quatre ans. Il possède le petit supermarché de
l'île, occupe simultanément la fonction de constable:
"Ce type aime la vie, il
l'aime même beaucoup, et il y trouve toujours, à
l'ordinaire, quelque chose qui l'amuse.'(39)
Dès le début du récit, Mike s'affronte au maire,
avec lequel il a un différend de longue date. Mike s'en tient
au règlement municipal. Le maire veut l'utiliser à sa
façon. Mike sait le maire égoïste, lâche et
profiteur, avec comme seule qualité l'habileté dans les
relations humaines (le maire est assureur...). Alors que Mike
respecte les règles du droit, a une attitude
réglementaire, appelle le criminel Linoge
«monsieur», le maire, qui en a peur, souhaiterait utiliser
les grands moyens: "On devrait
le tuer. (...)
Pas besoin d'aller le crier
sur les toits ensuite. Les affaires de l'île ne regardent que
les gens de l'île.'(235) Somme toute, bafouer les principes civiques
constitutionnels pour un arrangement personnel. Une vie ne compte pas
dès l'instant où on voudrait la supprimer pour
s'éviter des histoires.
Mike n'est pas exemplaire. Linoge révèle qu'il a
triché à un examen lorsqu'il était à
l'université (194). Mais Mike a conscience de la
hiérarchie des valeurs. Tous les comportements ne sont pas
équivalents. On lui reproche de ne pas être comme les
membres de la communauté, lui dont la famille habite
l'île depuis 1735: "Nous
avons tous des choses avec lesquelles nous vivons, Mike. À
moins que toi, tu ne sois différent de nous.'Mike, touché, explique que tout n'est
pas équivalent: "Non,
je ne suis pas différent. Mais ce n'est pas la même
chose que d'essayer de vivre avec le souvenir d'un examen où
l'on a triché, ou celui d'une nuit où, parce qu'on
était saoul et dans un état d'esprit malsain, on a fait
du mal à quelqu'un. Il s'agit d'un enfant, Jack! Tu ne peux
comprendre cela?'(395)
Lors du passionnant débat qui a lieu dans la
communauté, Mike utilise divers arguments. Juridique d'abord.
Un être humain ne peut pas être donné:
"Je comprends aussi bien que
vous la réalité des menaces qu'il a
proférées. Mieux, peut-être: je suis votre
constable, vous m'avez élu pour faire respecter vos
lois. (...) On ne donne pas comme ça ses enfants
à des voyous. Comprenez-vous cela? Des enfants, ça ne
se donne pas.'(393) Refus
légal de la cession d'un être humain.
Deuxième argument, plus sentimental: "Linoge a battu Martha Clarendon à mort
avec sa canne! Il lui arraché un oeil de la tête! Nous
nous interrogeons pour savoir si nous allons ou non donner un de nos
enfants à un monstre!'(396)
Et, au-delà de la valeur universelle affirmée -le droit
de chacun à sa vie, droit humain fondamental de nos
sociétés, Mike utilise l'argument théologique:
"Ne faites pas cela, c'est la
damnation assurée.'(398) Et au révérend sans foi solide:
"Arrière de moi, Satan,
car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais
celles des hommes.'(394).
Mike, diacre de la communauté, refuse de quitter le terrain
des principes.
La solution: "Lui tenir
tête, épaule contre épaule, en serrant les rangs.
Lui dire non, d'une seule voix. Faire ce qui est écrit sur la
porte par laquelle nous sommes entrés ici: avoir confiance en
Dieu et les uns dans les autres. Et alors, peut-être qu'il s'en
ira. de la même manière que s'en vont les
tempêtes, une fois qu'elles ont épuisé leurs
forces."
(393)
Et enfin l'appel à l'esprit de la communauté:
Mes amis... si nous donnons
l'un de nos enfants... un de nos propres enfants... comment
pourrons-nous vivre les uns à côté des autres, en
admettant qu'il nous laisse vivre?"
Les
collabos.
Réplique immédiate du
maire: "Comment? Très
bien. Nous vivrons très bien.'(393/4) Car les îliens et leur maire voient le
problème avec une mentalité d'épicier qui fait
ses comptes: "Supposons un
instant que vous ayez raison et que nous soyons capables de le
renvoyer en nous ralliant tous et en lui criant non comme un seul
homme... Supposons que nous fassions cela et qu'il disparaisse,
qu'il retourne là d'où il est venu... Mais si cela ne fonctionne pas et que les
enfants meurent, "nous
dirons-nous que ces huit enfants sont morts parce que nos
étions trop bons pour sacrifier un seul d'entre
eux?'(395)
L'habileté du maire est de placer la discussion sur le terrain
de la communauté, au lieu de la placer au niveau des
principes: "Je pense qu'il
vaut mieux traiter cette affaire comme nous le ferions pour toute
autre concernant notre communauté. D'ailleurs, n'est-ce pas de
cela qu'il s'agit? D'une affaire concernant la communauté?
(391) Et le suivant sur ce
terrain, l'épouse de Mike réprimande son mari:
"Si seulement tu voulais voir
les choses comme elles sont, Mike... Ce n'est pas à nous
à prendre une décision seuls dans notre coin. C'est
toute la communauté qui est concernée!'(402)
Tous les habitants sont contre Mike et les artifices de la
procédure du choix du vote n'y changeront rien. Qui va voter
pour le don de l'enfant? Les parents seulement? Non, c'est un
problème qui concerne toute l'île. Il y a la mère
qui se résigne: "Que
Dieu nous prenne en pitié, mais il faut lui donner ce qu'il
veut. Qu'il prenne ce qu'il veut et qu'il aille son chemin. Pour moi,
ça m'est égal de mourir... mais les enfants...
même si c'est Sally. Je préfère qu'elle vive avec
un homme mauvais que... que de la voir
mourir...'(398) La
mère qui ne veut pas assumer ce choix pour sa fillette:
"Je l'ai élevée
toute seule. Je ne devrais pas être obligée de prendre
une telle décision moi-même. À qui sert une
communauté, si ce n'est pour aider les gens quand il se passe
quelque chose? Quand aucun des choix n'est
acceptable?'(399) On avance
des arguments de sophistes, avec ce propos remarquable dans la bouche
d'une mère: "Tu parles
comme s'il allait tuer l'enfant, Michael... comme s'il s'agissait
d'un sacrifice humain. Moi, je trouve que cela ressemble davantage
à une adoption.'(395)
Ou cet autre: "Et il vivra
longtemps, en plus... Si on croit ce qu'il nous a dit bien
sûr.'(396) Et
finalement c'est le point de vue de Molly, l'épouse de Mike
qui l'emporte: "En perdre un
qui restera vivant est mieux que de les perdre tous dans la mort. Je
vote oui.'(404)
Bien sûr il faudra vivre avec le fardeau de ce choix:
"Je me dirai qu'elle est morte
encore bébé. Que c'est un décès
prématuré que personne n'avait pu prévoir ni
empêcher. Et j'y croirai.'(403)
Le diabolique Linoge l'emporte, et il a le triomphe narquois:
"Vous venez de faire quelque
chose de difficile, mes amis, mais en dépit de ce que le
constable a pu vous dire, c'était aussi une bonne chose. Celle
qu'il fallait faire. La seule chose, en réalité, que
des personnes responsables et aimantes pouvaient faire, étant
donné les circonstances.'(405)
Les
principes.
Mike a clairement
dépassé le niveau de conscience morale des habitants de
l'île. Pour lui, au-delà des intérêts du
groupe local, il y a les lois, des principes universels. La
communauté, menacée, ne voit que son
intérêt de clan.
Seul Hatch, l'adjoint de Mike, voit le problème à son
véritable niveau, l'éthique: "C'est la seule chose que nous puissions faire. Sinon
quoi? Mourir pour un principe?'(402) Et en effet, c'est bien ce qui a fait l'objet du
débat depuis le début, sans que cela ait
été clairement formulé. Car Linoge, le
représentant du mal, sait bien qui est son adversaire. Avant
le vote de l'assemblée, il a dit à à Mike:
"Tant de hauteur de vue me met
la larme à l'oeil. Mais considéré dans
l'ensemble, constable Anderson, le bien est une illusion. Ce sont de
petites histoires que se racontent les gens pour pouvoir se supporter
sans hurler trop fort.
Mike: Je ne le crois pas.
Linoge: Je sais. Bon garçon jusqu'à la fin,c'est tout
à fait vous... Mais je crois que vous allez passablement en
revenir, ce coup-ci.'(366)
Vaincu sur le plan des principes, il le sera aussi par la
communauté qu'il a refusé de suivre. Lors de la
discussion, un îlien lui a dit: "Supposons que nous vivions, nous, mais que les enfants
meurent. Comment pourrons-nous nous regarder en face, dans ce
cas-là? Comment pourrons-nous vivre ensemble?'Et Jack, "le casseur de pédés'ajoute: "Et comment
pourrions-nous vivre avec toi?'(397)
Car la communauté, qu'il gêne en posant les vrais
problèmes, ceux qui lui font honte, est toute prête
à le rejeter."Il serait
peut-être bon de te rappeler que nous sommes en
démocratie, Michael Anderson, tempête ou
pas!", lui dit-on (364) Mais
peut-on appeler «démocratie» la voix de la
lâcheté et de l'abandon? Il est arrivé plus d'une
fois au cours de l'histoire que les représentants de nations
démocratiques aient cédé par peur devant la
force. C'est bien une assemblée réunie qui a
donné les pleins pouvoirs à Pétain et
livré légalement le pays à l'Allemagne en 1940.
Acceptant d'avance exactions, déportations et massacres, au
nom de la seule loi de l'occupant.
Beaucoup auraient abandonné. Hatch, l'adjoint, qui, au cours
du récit, avait eu un comportement maladroit mais plein de
bonne volonté, qui se montrait un homme positif, le freine:
"Hatch le prend par le bras et
serre. Lorsque Mike le regarde, surpris et interrogatif, Hatch a, de
la tête, un geste de dénégation presque
imperceptible. Ne bouge pas, dit ce léger mouvement; tu as
fait tout ce que tu as pu.'(398)
Et le maire, qui n'a qu'une hâte, se tirer de ce sale
pétrin, se réjouit quand Mike, ceinturé par les
îliens, brutalisé jusqu'au sang, est mis hors-jeu par la
communauté et son épouse: "Derrière son pupitre, Trobbie affiche un
indiscutable air satisfait. Nous sommes peut-être dans une sale
situation, semble dire son visage, mais au moins notre vertueux
constable, ce grand crétin, s'est rudement fait moucher, et
c'est déjà quelque chose.'(402)
Mike a résisté. L'idéal que la communauté
s'apprête à bafouer, «avoir confiance en Dieu et
les uns dans les autres» ne doit pas être un ensemble de
mots creux. Mike a confiance dans l'action des hommes soutenus par
une foi commune. Car tout n'est pas écrit: "Il pourrait aussi nous bluffer pour les
enfants. Satan est le prince des menteurs et ce type doit en
être un proche.'(396)
Une adoption d'un enfant de Dieu par le diable! La communauté
avait le choix entre le lâche acquiescement devant la
contrainte ou l'attitude de confiance en sa propre force, avec l'aide
éventuelle de la puissance divine. Envers et contre tout,
vouloir rester debout et courir sa chance. Mais elle décide de
donner l'enfant. Cette fois encore, par sa communauté veule et
médiocre, et au nom d'une démocratie
dégradée, prête à tout accepter pour
continuer sa petite vie sans grandeur, l'île a gagné. Et
Mike, le seul à avoir voté contre le don de l'enfant, a
perdu.
Le
sacrifié.
Tous se sont l'un après
l'autre laissé briser par le cours des circonstances. Mike a
été le dernier à résister, presque
jusqu'à la fin. Jusqu'à ce que, son fils ayant
été choisi pour être donné au
démon, il s'effondre à son tour: "Rendez-le moi... Je vous en
prie... je ferai tout ce que vous voudrez si vous me ramenez mon
fils... Tout ce que vous voudrez.'(422) Après les événements, il
quittera l'île, ne se reconnaissant pas dans ces individus
seulement soucieux de leurs petits intérêts. Mais aussi
avec la honte d'avoir craqué, au moment, il est vrai,
où la communauté avait déjà voté
l'abandon et où il était trop tard pour changer quoi
que ce soit. Mike n'est qu'homme, et on ne peut lui demander
d'être à son tour un monstre d'inhumanité. Le
sacrifice du saint ne marque les esprits que par son caractère
exceptionnel...
La
Tempête est ensuite
une fable allégorique de portée universelle, reprenant
une fois encore le thème de l'invasion par le mal
(l'agresseur, la peste, le démon). On y retrouve les
réactions d'une société face au fléau,
les dommages causés aux corps et aux esprits, la collaboration
lâche de la plupart, la résistance du meilleur, qui
n'empêche pas la souffrance, la mort et la déportation.
Et puis, le fléau disparu, pour les survivants le
déséquilibre ou la vie médiocre qui continue...
Dans le silence. Rien n'a changé pour la plupart.
C'est une oeuvre d'un pessimisme profond. La sympathie de King va
manifestement à Mike, et le lecteur se sent frustré par
son échec. Avec lui, King dépeint une fois de plus la
triste situation d'un homme, placé dans la situation de Job,
dont il a fait ironiquement raconter l'aventure par Mike, le diacre
qui fait la lecture de La Bible au temple: "Tu connais l'histoire de Job? Le Job de la
Bible? (...) Eh bien, je vais vous raconter la suite, parce
qu'elle n'y est pas. Une fois le concours entre Dieu et le diable
pour l'âme de Job gagné par Dieu, Job se jette à
genoux et dit: «Pourquoi m'avoir fait tout cela à moi,
Seigneur? Toute ma vie, je t'ai adoré, et cependant tu as fait
périr mes troupeaux, fait pourrir mes récoltes, fait
mourir ma femme et mes enfants, et tu m'as infligé cent
maladies horribles... tout cela parce que tu avais fait un pari
avec le démon? Bon, à la rigueur... mais ce que je
voudrais savoir, Seigneur -la seule chose que ton humble serviteur
souhaiterait savoir: Pourquoi moi?» Et il attend; et juste
à l'instant où il se dit qu'il n'aura pas de
réponse, un gros nuage se forme dans le ciel, des
éclairs le sillonnent et une grande voix l'interpelle:
«Job! Je crois qu'il y a simplement quelque chose en toi qui me
tape sur les nerfs!»'(326/27)
Mike avait obtenu beaucoup de la
vie,mais il a tout pardu: sa femme adorable et son gentil
garçon , son emploi et sa fonction de constable. Pire: ce
"type aime la vie"
voit son enfant donner au
diable le menacer. De même Ruth a beaucoup reçu:
études faciles, mariage réussi. Mais elle n'est pas de
ceux qui "se replient sur
eux-mêmes plutôt que de chercher à s'ouvrir aux
autres"32. Aussi donne-t-elle son temps, son argent -et comme
Chris, l'homme de paix (voir § 1.1), finalement la vie. Respect
des autres, recherche de leur bien, solidarité, implication
citoyenne: le tout simplement, sans forfanterie ni orgueil. Une
solidarité véritable qui lui donne simultanément
une richesse humaine considérable. De même Paul remplit
sa fonction au mieux, avec un sens constamment aiguisé de
l'altruisme. Il sert les autres, les aide quand ils le
méritent et réussit, comme Ruth, une belle
synthèse humaine: s'engager soi-même et entraîner
les autres par une attitude positive rayonnante d'énergie et
en mettant dans ses entreprises bien plus que ce qui lui est
socialement demandé.
Comme l'écrit un King désabusé: "Je crois sincèrement que nous sommes
seuls et que tout contact humain, si profond et si durable soit-il,
n'est rien de mieux qu'une illusion nécessaire- mais au moins
les sentiments que nous considérons comme «positifs»
et «constructifs» représentent-ils de notre part une
tentative pour toucher notre prochain, pour entrer en contact avec
lui et établir une sorte de communcation. L'amour et la
tendresse, la capacité d'empathie, sont tout ce que nous
connaissons de la lumière"33.
La lutte
politique contre l'arbitraire des pouvoirs
politiques.
Des rapports de forces entre
personnes ou classes préjudiciables à la
collectivité, des dessous politiques immoraux qui frustrent
gravement les citoyens et engendrent leur protestation contre les
pouvoirs (opposition individuelle aussi bien que collective); des
décisions contraires aux intérêts communs, des
menaces sur les équilibres politiques, avec leurs risques de
conflit, ou sur les équilibres naturels, avec les dangers de
pollution: c'est contre ces désordres des pouvoirs que vont
s'élever certains héros kingiens.
Stu Redman,
Frannie Goldsmith et la
Communauté du Bien de Boulder.
Et
notre foutue conscience.
Une utopie ancienne est la
construction d'une société plus juste et soucieuse
à la fois des intérêts des individus et de la
collectivité. King reprend ce thème dans THE
STAND 34. Rappelons-en rapidement les grandes lignes.
L'humanité a été pratiquement anéantie
par une super-grippe: à l'origine, une fuite de cultures
virales provenant d'un Centre de Recherches Biologiques fonctionnant
dans le cadre d'un possible conflit bactériologique. Certains
survivants essaient de construire une société
démocratique
Deux personnalités dominent le groupe: Stu, solide texan d'une
trentaine d'années, et Frannie, jeune fille enceinte avec
laquelle il vit et qui va devoir assumer un double rôle de
future mère et de citoyenne désireuse de donner
à son enfant un monde meilleur. Par exemple, quand il faut
désigner des volontaires pour espionner Randall, l'Homme Noir
(p. 713), Nick se propose d'envoyer Tom Cullen, retardé
mental. Le problème, c'est qu'il faudrait l'envoyer sous
hypnose après l'avoir «programmé», en
dépit du fait qu'il court le risque de se faire torturer par
l'autre camp.
Frannie réagit: "Vous
dites que nous avons tout à gagner et rien à
perdre (...). Et notre foutue conscience ? Peut-être
que ça ne vous dérange pas de penser qu'on flanque
des... des choses sous les ongles de Tom, qu'on lui donne des chocs
électriques. Mais moi, ça me dérange.
L'hypnotiser, pour qu'il fonctionne comme... un poulet quand on lui
met la tête dans un sac ! Tu devrais avoir
honte (...). Vous ne comprenez donc pas que ça
revient à recommencer toute cette merde
d'autrefois?"(p. 718).
Les
hommes ne sont pas des pions.
Stu se révolte contre le fait
qu'il a dû donner à Tom l'ordre de tuer:
"Je ne suis pas d'accord !...
On ne peut pas envoyer un pauvre débile se battre pour nous,
on ne peut pas pousser les gens comme des pions sur un putain
d'échiquier, on ne peut pas donner l'ordre de tuer comme un
boss de la maffia. Mais je ne sais pas quoi faire d'autre... Si nous
ne découvrons pas ce qu'ils préparent, toute la Zone
Libre risque de s'évaporer un beau jour de printemps dans un
énorme champignon atomique!"(p. 832).
Et les discussions précédant un vote se terminent de la
même façon: chacun voit bien les dangers moraux des
décisions prises, mais comment faire autrement? Le groupe ne
peut que se répéter cet argument éculé:
"Nous espérons
simplement que notre cause est plus juste que certaines de celles
pour lesquelles d'autres hommes politiques ont envoyé des gens
se faire tuer"(p.
713).
Ne pas
créer un monde fou.
Il faut bien que quelqu'un fasse par
exemple la fonction de shérif: on désigne Stu, qui
proteste: "Je n'ai pas envie
de faire ce foutu travail"(p.
796). D'autant plus que Frannie proteste: "Je vais bientôt avoir un bébé et
vous voulez que Stu joue les shérifs!"(p. 796).
Il finit par accepter d'être shérif, et essaie de se
justifier auprès de Frannie: "Je sais ce que tu veux pour le bébé... Tu
me l'as dit cent fois. Tu veux l'élever dans un monde qui ne
soit pas totalement fou. Tu veux pour lui -pour elle- un monde
sûr. C'est ce que je veux moi aussi (...). Toi et le
bébé sont les deux principales raisons qui m'ont fait
dire que j'étais d'accord"(p. 798).
Les membres du Comité sont de bonne volonté et
intègres. "Ils sont
exactement ce que les manuels d'instruction civique nous
disent qu'un bon citoyen doit être:
engagés, mais jamais fanatiques; respectueux des faits, sans
jamais vouloir les déformer à leur convenance; mal
à l'aise dans un poste de commandement, mais rarement capables
de décliner cette responsabilité si elle leur est
offerte... ou imposée. Dans une démocratie, ce sont les
meilleurs chefs, car ils ne risquent pas d'aimer le pouvoir pour le
pouvoir"(p. 630).
Mais l'un après l'autre, suivant leurs responsabilités
du moment,les membres du Comité voient apparaître un
décalage entre leurs intentions et les
nécessités. Quand le danger menace, l'éthique
s'efface. On ne peut garder les mains propres: il faut vite agir
quand le danger de mort est obsédant. Et mieux vaut dans ce
cas avoir les mains sales que de ne pas avoir de mains du
tout...
Irv
Manders35.
Lutter
contre l'arbitraire.
L'État démocratique
moderne est constitutionnel, en ce sens que son fonctionnement est
soumis à des règles explicites. Les gouvernants sont au
service de la collectivité. Tel qu'il se proclame,
l'État devrait être soumis entièrement au
contrôle des citoyens ou de leurs représentations. Mais
la sauvegarde de l'intérêt public est invoquée
pour prendre des mesures contraires à la loi et la justice -la
raison d'État-, à l'encontre en particulier des
garanties de liberté individuelle. La raison d'État est
alléguée pour justifier une action illégale ou
injuste en matière politique.
Une agence gouvernementale clandestine a mobilisé ses agents
pour capturer Charlie afin de tester ses pouvoirs pour un usage
militaire. Ils font irruption chez Irv, un petit fermier
âgé, qui se retranche derrière la loi:
"Vous êtes sur une
propriété privée, gronda-t-il. Je vous ordonne
de la quitter immédiatement (...).
Montrez-moi votre mandat, ou bien fichez le camp de ma
propriété"(p.
135). Charlie fait fuir les agents. La femme de Irv, Norma, lui
demande de ne pas continuer à se mêler de l'affaire:
"Ces hommes sont entrés
chez moi sans mandat. Ils ont voulu les emmener de chez moi
(...). Des gens que j'avais invités, comme on
le fait dans tout pays civilisé qui possède des lois
décentes. L'un de ces types m'a tiré dessus
(...). Qu'est-ce-que tu voudrais que je fasse, Norma?
que je reste assis là et que je les rende tranquillement
à la police si jamais ils retrouvent assez de courage pour
revenir ici? Tu veux que je sois un bon Allemand? (p. 142).
Faire
appliquer les lois.
Irv s'insurge contre ce monde de
l'ombre qui a un pouvoir quasi absolu, celui que les tyrans avaient
jadis sur leurs victimes. "Les
lois ne valent que par ceux qui les font appliquer", dit le fermier (424). Il vitupère
contre ces "crétins de
bureaucrates anonymes
qui prétendent agir
au nom de la sécurité nationale"(p. 387). Et il conseille à Charlie de
contacter la presse: "Un
quotidien ou un magazine anonyme auquel ils ne penseront pas. Il doit
être honnête et lu dans tout le pays. Mais par dessus
tout, il faut qu'il n'ait aucun lien avec le gouvernement, ni avec
les idées de ce gouvernement"(p. 432).
Malgré son âge,
malgré sa famille menacée, Irv s'oppose ainsi -au
désespoir de sa femme- à un pouvoir perverti qui ne dit
pas son nom et qui entraîne inévitablement la corruption
morale, un environnement dans lequel le mal est
perpétré usuellement sous le couvert de la
sécurité. Les personnages de King partent en guerre
contre les pouvoirs arbitraires qui désaisissent les citoyens
des décisions qui les concernent; ou contre les hommes
puissants qui, par leurs excès possibles de
pouvoir,entraînent la ruine des institutions. Ils ne peuvent
accepter qu'une autorité enlève aux individus leur part
de décision tout en prétendant agir en leur nom.
Même si la construction d'une démocratie est chose
difficile, comme le constateront les citiyens de la république
libre de Boulder.
Bilan.
Le lecteur intéressé
par le profil du personnage positif kingien pourra reprendre point
par point les notations affectées à chacun des
personnages analysés36, seul moyen de se rendre compte de leur richesse. Cette
sorte de portrait-robot permet d'avoir une vue d'ensemble, en
admettant évidemment qu'aucun héros kingien ne peut
cumuler une telle quantité d'éléments
favorables.
Ces personnages ne sont pas des êtres d'exception ou des
héros inaccessibles. Ce sont des hommes et des femmes
ordinaires, susceptibles d'être croisés chaque jour,
avec leurs activités, leurs problèmes quotidiens, leurs
solutions. Mais leur caractéristique commune est de se voir
aussi objectivement que possible, en prenant de la distance
vis-à-vis d'eux-mêmes. Ils ne cherchent pas à se
tromper sur leurs mobiles ou leurs intentions, à s'ennoblir
à leurs yeux et à ceux des autres par des excuses ou
des défenses plus ou moins fallacieuses.
Ouverts sur le monde, capables de donner et de recevoir, ils savent
s'affirmer en agissant sur leur entourage matériel ou social.
Ces activités de création ou de production, si modestes
soient-elles, ne leur sont pas nécessairement source de joie.
Elles leur paraissent en tous cas estimables37 et source de développement
personnel.
Mais si réussir, atteindre le but fixé, vaincre la
difficulté, dominer la situation, trouver la réponse
juste sont un besoin d'affirmation de soi qui fait partie de leur
dynamisme, ces personnages n'aspirent pas qu'à un
développement personnel ou à la réalisation de
leurs potentialités. Ils sont aussi capables d'un
véritable don de soi, d'un partage avec les autres qu'ils ne
ressentent pas comme un amenuisement, mais comme un enrichissement et
un accomplissement essentiel.
Enfin ce sont des personnages qui s'affrontent aux
réalités sans avoir peur de se salir les mains. Leurs
engagements ne restent pas formels: ils prennent en
considération les circonstances de la réalité et
agissent en conséquence, acceptant même que leur choix
puisse être imparfait, source de troubles et parfois de
souffrance. Leurs compromis peuvent se justifier à leurs yeux,
les compromissions jamais. Du moins seront-ils restés
fidèles à eux-mêmes, sans faute morale volontaire
ou transgression acceptée des règles fondamentales de
la solidarité humaine.
Au terme d'une vie qui n'a pas été facile,
Dolorès fait son bilan: "J'ai soixante-cinq ans ett j'ai su pendant au moins
cinquante de ces années qu'être un humain, ça
veut surtout dire faire des choix et payer des factures quand elles
sont dues. Certains choix sont sacrément durs, mais ce n'est
pas pour ça que vous pouvez simplement les écarter,
surtout pas quand vous avez d'autres personnes qui dépendent
de vous pour faire ce qu'elles ne peuvent faire elles-mêmes.
Dans ce genre de cas, il ne vous reste plus qu'à faire le
meilleur choix possible et ensuite à payer le
prix"38. Toute vie qui sort du rang est ainsi une succession
d'aléas, de tâtonnements, d'un grand nombre d'erreurs et
d'échecs; un petit nombre de réussites: la recherche
harassante d'un équilibre sans cesse compromis et
peut-être du bonheur.
Enfin les personnages positifs kingiens ne se font guère
d'illusions sur la société et la capacité de
changer la multitude. Comme le dit Dario Coccia en conclusion d'un de
ses articles: "Charlie, M.
Dawes et Ben sont les victimes d'une société
démente. Ce sont des hommes comme les autres, qui veulent
simplement être vrais; mais dans un monde de tromperies,
être vrai peut s'avérer être très
dangereux"39.
LES
DÉTENTEURS DE POUVOIRS.
Les caractéristiques
concernant les hommes ordinaires s'appliquent ipso facto aux
personnages positifs doués de «pouvoirs»
spéciaux40. Le cas de Danny Torrance41 sera évoqué brièvement: il
possède un pouvoir médiumnique, il «brille»,
a le don de voyance, le pouvoir de voir au-delà du visible et
d'échanger télépathiquement même à
longue distance avec d'autres personnes qui ont le même don.
Mais Danny a cinq ans et ne peut avoir que les préoccupations
d'un enfant: il aime ses deux parents et il lutte contre la
destruction de sa famille: "Le
DIVORCE
était ce que Danny redoutait le plus"(p. 36). Non qu'il sache bien ce que ce mot
signifie vraiment: mais il sait que si ses parents divorcent, il n'en
verrait plus qu'un. Son don lui permet de suivre le cheminement de
cette pensée dans l'esprit de ses parents: sa mère, qui
a de plus en plus de mal à supporter un mari ivrogne et
brutal; son père psychopathe, qui a le sentiment que son
comportement rend sa femme et son fils malheureux, parvient mal
à supporter sa dépendance et devient
possédé par la force d'Overlock. Danny, malgré
ses efforts, ne parviendra pas à éviter ce qu'il
redoute, mais vaincra Overlock.
Seront analysés plus méthodiquement deux cas, ceux
d'Andy McGee et de Johnny Smith. Ces hommes ont les mêmes
désirs et poursuivent les mêmes buts que les hommes
ordinaires. King s'efforce d'ailleurs de montrer que ce sont des
circonstances particulières (accident d'automobile, injection
d'une drogue dans le cadre d'une expérience psychique
militaire) qui ont conféré un statut particulier
à ces hommes sans particularités. Mais leurs pouvoirs
les ont placés dans des situations collectives qu'ils
déplorent, justement
parce qu'ils se rendent compte
qu'ils vont être aspirés dans la tourmente
créée par l'utilisation de leurs dons par de mauvais
pouvoirs.
Andy
McGee42.
Il y a
de bonnes mauvaises actions.
Les parents de Charlie, petite fille
de huit ans, ont participé alors qu'ils étaient
étudiants à une expérience à
l'université. Travaillant pour les Services secrets
américains, le chef du département de psychologie d'une
université a testé sur des étudiants
volontaires, mais mal informés, des "hallucinogènes à effets
modérés"qui les
ont transformés. Le père Andy est devenu
télépathe, il peut «pousser» les gens, leur
faire accomplir les actions qu'il leur suggère. Sa fille
Charlie a, entre autres dons, la pyrokinésie, la
capacité d'utiliser une énergie telle qu'elle
déclenche des combustions spontanées.
Des agents des services secrets les poursuivent, et, pour survivre,
Charlie est contrainte à voler des pièces de monnaie
dans les cabines téléphoniques. Or ses parents lui ont
appris naguère que le vol est moralement proscrit, comme les
poussées de pyrokinésie, dangereuses. Cependant Charlie
est amenée à faire l'un et l'autre. Elle ne comprend
plus. Son père lui explique.
"«Ce que je t'ai dit
auparavant tient toujours, Charlie. Quand tu as des ennuis, tu es
parfois obligée d'agir comme tu ne le ferais jamais en temps
normal».
Le visage de la fillette devint grave, attentif.
- «Comme faire sortir l'argent des téléphones?
- Oui.
- Ce n'était pas mal?
- Non. Vu les circonstances, ça n'était pas mal.
- Parce que quand tu as des ennuis, tu fais tout ce qu'il faut pour
en sortir.
-Oui, avec des exceptions»"(p. 109).
Mais Andy remet à plus tard les compléments
souhaitables. Il n'est pas facile d'expliquer à une gamine que
les règles de morale doivent être parfois
relativisées43 et que contre des pouvoirs arbitraires inhumains, les
considérations éthiques fondamentales deviennent
secondaires Et comment comprendre si jeune, à un moment
où on souhaite que des conduites claires soient
énoncées, que certaines fins seulement -et lesquelles?-
justifient n'importe quel moyen...
Faire
de son mieux.
On ne s'étendra pas sur ce qui
devient un leitmotiv: quand les conduites habituelles deviennent
insuffisantes, il faut faire ce qu'on peut. Charlie pense de son
père: "Il faisait
toujours de son mieux. S'ils avaient faim tous les deux et ne
possédaient qu'une pomme, il en prenait une bouchée et
la forçait à manger le reste. Quand il était
réveillé, il faisait toujours deson
mieux"(p. 103). De
même, Irv, le fermier que l'on a rencontré au §
1.6., dit à Charlie: "Tu feras de ton mieux quand il le faudra, c'est
tout"(p. 144).
Au nom
de la sécurité nationale.
L'utilisation
répétée de la «poussée» qu'il
est obligé d'utiliser comme moyen de défense rend Andy
malade. Il ne continue que par un effort de volonté:
"Lutter pour continuer. Pour
Charlie. Seul, il se serait flingué depuis
longtemps"(p. 27). D'autant
plus que la situation lui paraît moralement absurde:
"Il ne voyait en lui aucune
imperfection fatale à laquelle attribuer la
responsabilité de ce merdier royal, aucun péché
commis par le père que la fille devait expier. Rien de mal
dans le fait d'avoir eu besoin de deux cents dollars et de participer
à une expérience contrôlée, pas plus que
dans celui de vouloir être libre (...). Andy ne
parvenait néanmoins pas à comprendre ni à
à excuser ceux qui lui avaient infligé ça
(...). Il avait canalisé les feux de sa haine
envers les crétins de bureaucrates anonymes qui
prétendaient agir au nom de la sécurité
nationale, ou de n'importe quoi d'autre"(p. 387).
Dans cette lutte inégale, Andy mourra. Et l'ultime recours de
Charlie sera l'opinion. Comme le lui a conseillé Irv (§
1.6.), elle demande à un bibliothécaire le nom d'un
journal "lu dans tout le
pays"et sans "lien avec le gouvernement".(p. 435) auquel elle pourrait raconter son
histoire. On ne sait ce qu'il en adviendra.
Johnny
Smith44.
Ne pas
rester dans sa caverne.
A la suite d'un accident de voiture,
le jeune professeur Johnny s'est trouvé dans le coma pendant
cinquante-cinq mois. Il se réveille un jour grabataire, dans
un monde qui a changé, et doit se rééduquer au
prix d'opérations chirurgicales difficiles: "Il s'apitoyait sur son sort. On devait le
changer comme un enfant, ou comme un vieillard, quand il faisait ses
besoins. Il n'avait plus l'usage de ses membres. sa petite amie
s'était mariée. Sa mère était devenue une
hystérique de la foi. Il ne voyait dans cela aucune raison de
vivre"(p. 107).
Mais il s'est réveillé avec un pouvoir. Son cerveau
traumatisé s'est modifié, il est devenu
«toucheur»: au contact de quelqu'un, "en l'espace d'une seconde, il eut la
révélation et sut tout d'elle, tout ce qu'elle allait
dire et faire"(p. 97).
La nouvelle de son don se répand et Johnny est
sollicité de tous côtés. Il se replie sur
lui-même: "Il ne pouvait
ni répondre, ni prédire l'avenir, ni guérir. Il
ne pouvait rien sauver. Il aurait voulu le leur dire"(p. 145). Retapé, il ne souhaite plus
que vivre simplement: "Tout ce
que je demande, c'est de mener une vie normale. Je veux enterrer tout
ça"(p. 189). Son
médecin lui avait conseillé le contraire:
"Ne vous cachez pas dans une
cave 45, Johnny"(p.
196).
Le
refus d'être un fossoyeur des rêves.
Un journaliste vient le voir et lui
propose le contrat juteux d'un magazine qui tire à trois
millions d'exemplaires: en échange de son nom et de sa photo,
Johnny, lourdement endetté par son hospitalisation, touchera
une somme appréciable sans avoir rien à faire
qu'à «toucher» de temps en temps des objets -qu'il
pourra d'ailleurs garder- que lui enverront les lecteurs du magazine.
On lui écrira ses articles. La ligne du magazine?
"Nous faisons dans le
spirituel (...).
Pour un article minable, nous
en avons trois qui expliquent à nos lecteurs comment maigrir
sans souffrir, comment trouver l'harmonie sexuelle et l'entente
conjugale, comment se rapprocher de Dieu.
- Croyez-vous en Dieu, Mr Dees?
- En fait, non (...).
Nos lecteurs croient en Dieu,
ils croient aux anges, ils croient aux miracles (...). C'est une audience spirituelle. Ils croient à
toutes ces choses-là"(p. 164).
L'équipe de rédacteurs qui rédige les articles?
"De l'improvisation, rien
d'autre que de l'improvisation. Mais vous seriez surpris de voir
à quel point ces types savent deviner le truc
énorme"(p. 165).
En dépit de son besoin d'argent, Johnny le chasse avec
violence: "Je pense que vous
êtes un vampire, un fossoyeur de rêves"(p. 167). Une violente campagne de presse de
dénigrement contre Johnny sera la conséquence de son
honnêteté intellectuelle et morale.
Faire
bouger le monde.
Au lieu de gagner facilement sa vie
sans rien faire, Johnny cherche du travail. Il n'a pas
retrouvé son poste de professeur, refusé à cause
de la publicité dont il est l'objet. Il est cuisinier dans un
restaurant, puis précepteur au service du fils d'un riche
industriel qui a des difficultés de lecture. Johnny
réussit bien dans ses fonctions.
Son employeur, homme d'affaires ouvert, l'apprécie:
"Mon expérience,
Johnny, m'a prouvé que quatre-vingt-quinze pour cent des gens
étaient des larves, un pour cent des saints, un pour cent des
salopards. Les trois qui restent sont des gens qui font de leur
mieux. Je fais partie de ces trois pour cent et vous
aussi (...). Je ne suis pas défaitiste, je suis
actif; ce qui signifie que je comprends ce qui fait bouger le
monde"(p. 255).
Faire
pour le mieux.
Johnny est un homme conscient de ses
liens avec l'humanité qui l'entoure. Il est satisfait de sa
réussite avec son élève, devenu capable d'entrer
à l'Université: "Il n'avait rien ressenti de tel depuis longtemps. Si
Dieu lui avait transmis un don, c'était celui
d'enseigner"(p. 244). Comme
son père, il cherche la clarté et la lucidité
dans la vie, il est soucieux des valeurs morales. Son
élève Chuck lui écrit plus tard:
"En ce qui me concerne, j'ai
toujours eu l'impression que vous faisiez votre possible pour que les
choses aillent pour le mieux"(p. 322). De même son ex-fiancée:
"C'est toi qui m'as
donné le goût de l'homme bien, Johnny"(p. 178).
Il peut encore s'assumer humainement davantage: il doit affronter
l'homme politique dont son pouvoir lui a appris qu'il était
une menace pour la collectivité. Aussi grande que l'a
été Hitler en son temps.
Tuer
l'inhumain s'il le faut.
Mais des scrupules moraux
l'arrêtent. Le jardinier vietnamien de son employeur lui a
raconté une histoire: quand il était petit, un tigre
dévastait son village. Pour appâter le tigre, il a fallu
mettre un cadavre de vieille femme46 dans une fosse: "C'est une chose terrible que de se servir d'un
être humain fait à l'image de Dieu pour tendre un
piège"(p. 283). Pour
que disparaisse le nuisible, il fallait bien le faire.
Il examine les différentes solutions qui lui permettraient de
tuer le politicien Mais il hésite toujours: "Supposons que l'assassinat soit la seule
hypothèse à retenir, et supposons que j'arrive à
appuyer sur la gâchette, le crime est toujours odieux. Le crime
est mauvais, le crime est mauvais. Il existe peut-être une
autre solution"(p. 329). Mais
il n'y en a pas... Et en essayant de tuer Stillson, Johnny
mourra.
La première constatation est
que des caractéristiques relevées sont identiques
à celles notées pour les hommes ordinaires. Ce ne sont
pas des êtres d'exception comme l'est Roland de Giléad
dans sa quête mystique. Mais les «doués»
peuvent traiter des problèmes au niveau de la
collectivité. Ce n'est pas négligeable: ils ont les
moyens de s'opposer aux forces sociales destructrices. Si, pour
Johnny, l'adversaire est facilement repérable, la tâche
d'Andy pour protéger sa fille sera plus difficile. Il devra
s'attaquer à un pouvoir invisible socialement et
politiquement, d'autant moins facile à contrer qu'il ne se
manifeste pas à découvert. Mais tous deux se sentent
investis d'une universalité croissante, au point qu'ils
deviennent capables de donner consciemment leur vie, comme
projetés par une force transcendante, comme le seront les
agents de la Lumière.
La
troisième
partie , qui
paraîtra à l'automne, sera consacrée aux
qualités particulières des agents de la Lumière
(Abigaël, du Fléau: David Carter, de Désolation; de Ralph Roberts,
d'Insomnie),
qui doivent, avec des possibilités particulières,
réaliser les desseins divins.
Une grande place est consacrée à une vaste
synthèse, essai d'interprétation des données
rassemblées qui permettent de mieux cerner
l'homme-King.
Annexe.
RÉCAPITULATIF DES QUALITÉS
DE QUELQUES
HOMMES POSITIFS.
1.
DEVENIR ADULTE.
Sue
Snell.
Accepter la sanction
méritée.
Ne pas blesser les autres.
Ne pas se conformer aux autres.
Ne pas devenir un produit standard.
Chris
Chambers.
Ne pas se laisser tirer vers le
bas.
Faire la paix.
2. LA
MAÎTRISE DES COMPÉTENCES.
Bill
Norton.
Des types sur qui on peut
compter.
De la bonne ouvrage.
Kenny
Guilder.
Un homme bon.
Ne pas être un truand.
3. LA
CONQUÊTE DE SON DESTIN.
Sandra
Stansfield.
Se fier d'abord à
soi-même.
Ne pas se laisser aller.
Prendre sa vie en main.
Andy
Dufresne.
Continuer à vivre.
Ce dont un homme est capable, avec la volonté.
Ce n'est pas un bout de papier qui fait un homme.
Se préparer au pire.
En avoir.
Ne pas perdre de vue ses bonnes intentions.
4. LA
TÂCHE DE FORMATION.
Rita
Desjardin.
Évaluer ses actes.
Est-ce que cela vous arrive de penser?
Tenter de comprendre.
Matthew Burke.
Faire en s'y donnant tout entier.
La peur pour les autres.
Ne pas se borner à une vie intellectuelle
académique.
John
Delavan.
Admettre le compromis.
Payer ses erreurs quel qu'en soit le prix.
5. LA
NÉCESSAIRE SOLIDARITÉ.
Ruth
McCausland.
Progresser dans ce qu'on fait.
Se rendre utile.
Tout se résume à la confiance.
Le bonheur, l'opposé de la tristesse, de l'amertume et de la
haine.
Anna
Stevenson.
Vous pouvez être libre.
L'obligation morale d'aider.
Paul
Edgecombe.
A défaut de se faire aimer, on
ne se faisait pas détester.
On est tous responsables.
C'est comme ça tous les jours, partout dans le monde.
S'y atteler même si c'est douloureux.
On l'a fait du mieux qu'on a pu.
Mike
Anderson.
"Quand toutes les options que l'on a
doivent faire mal, laquelle est la bonne?"
Le résistant.
Contre les collabos.
Les principes.
Le sacrifié.
6. LA
LUTTE CONTRE L'ARBITRAIRE
DES POUVOIRS POLITIQUES.
Stu
Redman et Frannie Goldsmith.
Notre foutue conscience.
Les hommes ne sont pas des pions.
Ne pas créer un monde fou.
Irv
Manders.
Lutter contre l'arbitraire.
Faire appliquer les lois.
Andy
Mac Gee.
Il y a de bonnes mauvaises
actions.
Faire de son mieux.
Johnny
Smith.
Le refus d'être le fossoyeur
des rêves.
Faire bouger le monde.
Faire pour le mieux.
Tuer l'inhumain s'il le faut.
Roland Ernould © 1997. Armentières,
novembre 1997. Réactualisé et augmenté en mai
1999.
Notes
:
1 FOUR PAST
MIDNIGHT 1990, éd. fr.
MINUIT 2 MINUIT 4, Albin Michel 1991, 4-The
Sun Dog, Le molosse surgi du soleil, p. 250.
28 THE
TOMMYKNOCKERS 1987, éd. fr.
LES TOMMYKNOCKERS, Albin Michel 1989.
29 Alors que Mabel, propriétaire du bazar du
village, l'a agrémenté de pancartes du genre:
"Si vous me cassez, vous m'avez
acheté"(p. 240).
30 ROSE
MADDER 1995, éd. fr.
ROSE MADDER, Albin Michel 1997.
31 THE GREEN
MILE 1996, éd. fr
LA LIGNE VERTE, Librio 1996, roman-feuilleton en 6 épisodes. Le
premier chiffre est celui de l'épisode.
Réédité en un volume, Éditions 84,
1997.
1 THE STORM OF THE
CENTURY, 1999, éd.
fr. LA TEMPÊTE DU
SIÈCLE, Albin
Michel,1999.
2 La Bible accorde une place particulière au
sacrifice et au meurtre des enfants. C'est Abraham qui doit sacrifier
Isaac à son dieu qui le lui a demandé comme preuve de
son dévouement. Quand Jahvé veut frapper
l'Égypte, il envoie (c'est la «dixième
plaie») l'ange exterminateur massacrer les premiers-nés
des Égyptiens, ce qui est à l'origine de la fête
de Pâques (le mot hébreu pesah signifie le
passage,
celui de l'exterminateur qui amena le pharaon à céder
et à permettre à Moïse et aux siens de regagner
Israël). Nous continuons à vivre sur d'anciens mythes. Au
moyen-orient et en Palestine, avant et pendant l'installation
d'Israël, l'usage était de sacrifier au dieu Baal le
premier né de la famille. La loi hébraïque, en
gros progrès par rapport à la tradition, permit qu'un
animal soit substitué au petit de l'homme. Ce sujet de
l'enfant en danger marque profondément nos esprits: une des
photos les plus diffusées dans le monde est celle de la petite
fille nue blessée courant sur une route du Vietnam.
32 In PAGES
NOIRES, op. cit., p. 157.
33 In ANATOMIE DE
L'HORREUR, op. cit., p. 19.
34 THE STAND 1990 the Complete & Uncut Edition, éd. fr.
LE FLÉAU, Lattès 1991. Je ne peux que renvoyer, pour ne
pas alourdir cette étude, au numéro spécial de
Steve's Rag KING
POLITIQUE, à l'article
Les Aléas de la
Démocratie. Ce hors-série
n°3 de janvier 1997 développe la position de King face
aux problèmes politiques.
35 THE FIRESTARTER
1980, éd. fr. CHARLIE Albin Michel
1984.
36 Un tableau a été reproduit en
annexe.
37 Un exemple: les soldats que Kenny cesse de fabriquer
lors de la guerre du Viêt-nam (§ 1.3.), mise en accord
entre ses convictions et ses réalisations.
38 In DOLORES
CLAIBORNE 1993, éd. fr.
DOLORES CLAIBORNE Albin Michel 1993, p. 268.
39 In Dario Coccia, La rage
de Richard Bachman, Steve's Rag n° 16,
octobre 1997, p. 35.
40 Carrie se trouve évidemment
écartée: quelle que soit l'atténuation de sa
responsabilité (mère dévote dévorante,
condisciples du collège méprisants et odieux, aucune
compréhension de quiconque), il n'en demeure pas moins qu'elle
détruit une ville dans un élan de violence et de
destruction. Carrie n'est pas plus positive que la plupart des
êtres qui l'entourent.
41 THE
SHINING 1977, éd. fr.
SHINING L'ENFANT-LUMIERE, Lattès 1979.
42 THE FIRESTARTER
1980, éd. fr. CHARLIE Albin Michel
1984.
43 Voir la note concernant Andy, en fin du §
1.3.
44 THE DEAD
ZONE 1979, éd.
fr. L'ACCIDENT Lattès 1983. Le choix du nom de Johnny n'est pas
anodin: c'est celui du héros de 1984, de George Orwell, qui
s'appelle Winston Smith et affrontera le pouvoir de Big Brother.
C'est aussi, aux USA, l'équivalence des Dupont ou Durand en
France, le nom le plus commun qui soit. Personnage
ordinaire...
45 Le mot «cave» n'est pas adéquat. La
mère de Johnny lui a dit précédemment:
"Ne te cache pas dans une cave comme
Elijah"(p. 148): ce qui renvoie
l'épisode biblique d'Élie retiré dans une grotte
et appelé par Yaveh (I. Rois, 19.9). J'ai déjà
rencontré cette erreur à propos de l'opéra de
Steve Reich, THE CAVE, de 1993, traduit par le même mot français
alors qu'il renvoie à la caverne d'Hébron et à
trois interprétations possibles d'un épisode de la vie
d'Abraham, vu successivement par les Israéliens, les
Palestiniens et les Américains.
46 Certains Asiatiques pratiquent le culte des
ancêtres.
3ème
partie
:
LES AGENTS
DE LA LUMIÈRE.
4ème
partie
:
ESSAI
d'INTERPRÉTATION.
ce texte a
été publié dans ma Revue trimestrielle
différentes saisons
saison # 4 -
été 1999.
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