Stephen King: l'homme, 2.

LES PERSONNAGES KINGIENS

POSITIFS

"J'ai exploré ces questions aussi bien que j'ai pu

dans les limites de mon talent et de mon intelligence" 1.

 

MONOGRAPHIES DE QUELQUES PERSONNAGES POSITIFS.

(suite)

La nécessaire solidarité.

Résultante de composantes personnelles et de l'éducation, l'humain est un être social. Il a reçu, il doit donner27. Aucune raison que cet échange soit équilibré: on peut donner plus qu'on a reçu. Ce sera du positif social. Mais la tentation est grande de chercher à recevoir un maximum tout en donnant un minimum.

.. du site ..

1ère partie.

 

3ème partie :

LES AGENTS DE LA LUMIÈRE.

4ème partie :

ESSAI d'INTERPRÉTATION.

 

Ruth McCausland28.

Au moment du récit, elle a cinquante ans, mais en paraît "
dix de moins -quinze les bons jours"(p. 232). Elle a été l'une des rares jeunes filles de son temps à obtenir une dispense d'âge pour entrer à 17 ans à la faculté de droit de l'Université du Maine. Elle en sort avocate quatre ans plus tard.

Progresser dans ce qu'on fait.

En fac, elle est tombée amoureuse d'un condisciple, Ralph, fils de policier, qui veut l'être aussi, et même diriger un jour la police du Maine. Il pense qu'"un homme qui prend un métier et ne prévoit pas de progresser est soit paresseux, soit fou"(p. 233). Elle l'épouse, vierge, deux ans plus tard: elle lui a demandé d'attendre qu'elle possédeson diplôme d'avocate, non pas pour travailler à son compte, mais pour pouvoir aider son mari. Ralph a attendu: "Tout homme sain d'esprit, placé devant la beauté intelligente et les yeux clairs de Ruth Merril aurait accepté"(p. 233).
Bien que fertile, le couple n'a pas d'enfant: mais leur vie conjugale est heureuse et ils préparent ensemble les dossiers de Ralph.

Se rendre utile.

Ruth met son temps libre "au service du village"de Hatlen, où elle habite, (p. 234), sans aucune ambition personnelle. Elle remet seule en état la bibliothèque du presbytère méthodiste sans ménager sa peine, faisant si bien que la bibliothèque est "élue, en 1972, Bibliothèque de l'Année des Petits Villages du Maine"(p. 235).
Chaque année, elle collecte de l'argent pour l'American Cancer Society. Elle va partout, parle
"gentiment et sans crainte aux paysans les plus arriérés"(p. 235), avec des résultats remarqués.
Membre actif de l'Église Méthodiste, elle prépare les ragoûts des repas des rencontres ou les tartes et pains briochés des ventes de charité. Elle siège au Conseil des Écoles. Elle fait fonction de notaire. "
Les gens disaient qu'ils ne savaient pas comment elle arrivait à tout faire"(p. 239). Quant à elle, Ruth pense "qu'une tâche soit ennuyeuse ou déplaisante ne signifiait pas qu'elle soit infructueuse, ce que la plupart des gens, semble-t-il, ne savent pas, ou veulent ignorer (...). Elle voulait se rendre utile, non se poser en martyre"(p. 243).

Tout se résume à la confiance.

Elle trouve encore le temps de lire et collectionne les poupées -compensation à son désir inassouvi d'avoir des enfants. Avec son mari, elle a reconstitué une salle de classe avec ses poupées, et bien que certaines soient "précieuses et nombre des plus anciennes fragiles"(p. 240), elle invite les enfants du village à jouer librement avec ses poupées29. Les enfants cassent peu, "parce qu'ils les aiment"(p. 240). Son attitude est la même à l'égard du village: "Elle se disait qu'au fond, tout se résumait à la confiance... et Hatlen ne l'avait jamais déçue"(p. 278).
Elle n'est ni gnan-gnan, ni popotte. Elle est efficace dans des domaines divers: par exemple, elle a une carabine dans sa voiture et elle tue d'une balle le chien qui l'avait agressée et mordue, craignant qu'il ait la rage et la communique à d'autres. En toutes circonstances, elle est réfléchie et fait preuve de sang-froid.

Le bonheur, l'opposé de la tristesse, de l'amertume et de la haine.

Malheureusement, son mari meurt d'un cancer. "La mort de Ralph, si brutale, avait été un choc, et elle avait été bien près (...) de tuer en Ruth ce qu'il y avait de plus ouvert et de plus généreux"(p. 243). Mais elle se reprend, se porte candidate au poste de constable, où elle est élue à la quasi-unanimité. Elle met de l'ordre dans le village, un peu négligé par son vieux prédécesseur: elle expulse un père incestueux, des drogués installés dans une ferme, un beau-père dont les enfants du premier lit ont des accidents trop fréquents -le tout avec des méthodes personnelles pas réglementaires, mais efficaces et rapides (p. 243/5). Elle trouve une certaine forme de bonheur: "Le bonheur est l'opposé exact de la tristesse, de l'amertume et de la haine"(p. 239).
C'est que, peut-être, la vie ne prend son sel qu'en intégrant l'imparfait: "
Ruth pensait parfois aux noueurs de tapis musulmans qui incluaient toujours délibérément une erreur dans leur travail pour honorer le Dieu parfait qui les avait créés, eux, créatures faillibles"(p. 233).

Anna Stevenson30.

Vous pouvez être libre si vous le voulez.

Anna, belle "bien que forte"cinquantenaire (p. 70), s'occupe depuis vingt-cinq ans, d'un home pour femmes battues. Élégante, mais tenue sévère -robe ou pantalon noirs, blouse blanche-, elle tient en mains fermement «Filles et Soeurs». "Le Comité, c'est moi (...). «Filles et Soeurs» est une institution fondée par mes parents, qui étaient des gens riches (...). C'est moi qui choisis les personnes que nous invitons à rester et celles dont nous ne voulons pas". Elle tient aussi compte de la réaction aux candidatures des autres femmes présentes: "J'en tiens même énormément compte"(p. 74).Elle reçoit Rosie, battue pendant quatorze ans par son mari, lui indique le travail qui l'attend et lui dit: "Vous pouvez être libre si vous décidez de l'être (...).Comprenez-vous? Vous pouvez être libre si vous le décidez"(p. 77).
Anna a en horreur l'idée que "
tout ce que nous faisons dépendrait de ce que les gens nous ont fait. C'est une attitude qui nous décharge de tout"(p. 141). Elle tient avant tout que les gens se prennent en charge.

L'obligation morale d'aider.

Elle a certes des défauts -désordonnée, une certaine suffisance, mais sa vie est entièrement tournée vers les autres et son institution. C'est une militante qui pense qu'elle est la "seule femme de sa génération à avoir été aimée et respectée par toutes les tendances des mouvements féministes, pourtant de plus en plus divergentes"(p. 431).
Elle trouve un travail pour Rosie et lui signale: "
Nous vous demandons de faire du mieux que vous pouvez, ne serait-ce que pour assurer du travail à toutes les femmes qui viendront après vous"(p. 77). Rappel de la nécessaire solidarité. Plus tard, elle écrit à Rosie qui a trouvé un appartement et quitté le home: "Mon espérance à moi, Rosie, est de vous revoir souvent chez nous (...), vous avez contracté l'obligation morale de transmettre ce que vous avez appris ici"(p. 429).
Elle sera tuée par le mari de Rosie et plus de deux mille personnes assisteront à ses obsèques (p. 527).

 

Paul Edgecombe31.

A défaut de se faire aimer, on ne se faisait pas détester.

Il est gardien-chef du quartier de la prison qui a en charge le bloc des condamnés à mort. Il a quarante ans, ses enfants sont élevés. Il aime sa femme (3, p. 04) et a d'excellentes relations avec elle. Il ne lui a pas "souvent menti"(1, p. 56) et il lui raconte les problèmes du bloc (4, p. 59). Ses relations sont aussi bonnes avec le directeur de la prison, qui l'a jaugé à sa valeur: "Nous nous sommes regardés les yeux dans les yeux, pour échanger les précieuses secondes de compréhension profonde et nue, celle qui se passe de mots"(1, p. 64).
Il a présidé à 78 exécutions (1, p. 13) et il fait honnêtement son travail de chef en
"ces temps où la mise à mort d'un homme soulevait moins d'émotion chez les bonnes âmes que celle d'un chien écrasé"(2, p. 75). "On se comportait avec nos prisonniers plus comme des psychiatres que comme des matons"(1, p. 61). Il lui paraît important de communiquer avec ses prisonniers: "Engager la conversation, voilà qui était au centre de notre travail... Entamer la conversation était une nécessité élémentaire, vitale"(1, p. 60). "A défaut de se faire aimer, on ne se faisait pas détester"(1, p. 61).

On est tous responsables.

Il comprend ses condamnés à mort: "S'il y a une chose que j'ai apprise pendant toutes ces années comme chef-maton, c'est de ne jamais rien refuser à un condamné, à moins qu'il ne me demande la clé de sa cage"(1, p. 15). Bien qu'il sache que sa tâche se limite à "le nourrir"et "veiller sur lui jusqu'à ce qu'il paie sa dette à la justice"(1, p. 30), il fait bien plus que ce qu'il doit. Il lui arrive souvent de s'asseoir et "de bavarder avec ses prisonniers"(2, p. 46). Il assume sa fonction et fait confiance à ses hommes du bloc E. Il se sent responsable et ne rejette pas les erreurs sur les autres: "On était tous responsables"(4, p. 86).

C'est comme ça tous les jours, partout dans le monde.

Il ne se fait guère d'illusions sur la société. Des constructions nouvelles dans la prison? "Il a dû y en avoir, du dessous-de-table, à cette occasion. Par pleines liasses"(1, p. 36). Le shérif du comté? Un ivrogne, "mort d'une crise cardiaque, vraisemblablement en sautant une beauté noire de 17 printemps..., lui qui ne sortait plus sans sa femme et ses six enfants à l'approche des élections"parce qu'il "fallait avant tout poser en respectable père de famille "(1, p. 44). "Mais les gens apprécient les faux-culs - ils se reconnaissent en eux"(1, p. 45). La commission d'enquête ? "Appellation bien ronflante et impressionnante pour un truc qui se révéla être aussi inoffensif qu'insignifiant"(6, p. 35).
Le journaliste qui avait couvert le procès d'un condamné innocent, Caffey? Il "
aimait se présenter comme un homme éclairé... il m'avait dit que les chiens bâtards et les nègres étaient pareils, qu'ils pouvaient vous mordre tout à coup, sans raison. Sauf qu'il disait toujours vos nègres, pas les siens. Surtout pas les siens". Et, en ce temps-là, le Sud "grouillait"de gens comme ce journaliste (5, p. 17). Le prisonnier Caffey? "Épinglé"sur sa planche (1, p. 31), comme un papillon qu'on attrape au hasard pour le fixer sur un bouchon: la délibération du jury de Caffey a été expédiée "le temps d'un petit casse-croûte"(1, p. 54).

S'y atteler même si c'est douloureux.

Quand il se rend compte que Caffey le guérisseur pourrait peut-être sauver une cancéreuse perdue à brève échéance, il n'hésite pas à le faire sortir du bloc des condamnés à mort, au risque de perdre sa place et d'être lui-même condamné: "Si on se faisait prendre (...), on perdrait peut-être plus que notre boulot (...). Il y a de fortes chances qu'on se retrouve même au bloc A, hébergés gratos par l'Etat, à fabriquer des portefeuilles et à prendre des douches à deux"(4, p. 85). Mais il ne fléchit pas: "Quand un homme a quelque chose à faire, il doit s'y atteler, et tant pis si c'est douloureux"(4, p. 7).

On l'a fait du mieux qu'on a pu.

Paul vit mal sa vie de gardien. Il quitterait sans regret son emploi pour un autre, mais "c'était la grande crise"(1, p. 35). "Si vous aviez la chance en ce temps-là d'avoir du boulot, vous étiez prêt à tout pour le garder"(2, p. 53). Il remplit sa fonction au mieux, avec humanité, mais avec des restrictions mentales de plus en plus importantes. Il tue légalement pour le compte de la collectivité, avec très mauvaise conscience. Il pense après une exécution: "Nous avions réussi une fois de plus à détruire ce que nous étions incapables de créer"(2, p. 42). "Se tuer les uns les autres par le gaz ou l'électricité, et de sang-froid? La démence! l'horreur!" (6, p. 71). "La vie est lourde de prix"(2, p. 28).
Conscient du risque encouru: "
Ce monde tourne, c'est tout. On peut s'accrocher et tourner avec, ou se lever pour protester et se faire éjecter"(2, p. 29), il fait ce qu'il pense devoir faire, d'une façon d'autant plus méritoire qu'il "ne pense pas avoir une seule chance de s'en sortir"(5, p. 62). "On a fait ce qu'on devait faire et on l'a fait du mieux qu'on a pu"(6, p. 20).

Mike Anderson1

"Quand toutes les options que l'on a doivent faire mal,
laquelle est la bonne?

 

Sur une île, un être démoniaque apparaît, Linoge, qui cherche à s'approprier un jeune enfant pour lui transmettre ses pouvoirs. Afin de se faire donner l'enfant, il déchaîne une tempête sur toute la région.
La communauté doit donc donner un de ses enfants
2. Linoge a le pouvoir de tuer, mais pas de prendre. Comme le veut la tradition diabolique et vampirique, un accord est nécessaire, un marché doit être conclu. Ce marché, passé entre Linoge et les îliens se révèle abominable: "Je veux quelqu'un -quelqu'un que j'élèverai et à qui je dispenserai mon enseignement; quelqu'un à qui je puisse transmettre mon enseignement; quelqu'un à qui je puisse transmettre tout ce que j'ai appris, tout ce que je sais; quelqu'un qui poursuivra mon oeuvre quand je ne pourrai plus le faire moi-même.'(385) Abominable, et sacrilège pour le Révérend, qui doit donner une de ses ouailles au démon, qui fera de l'enfant son disciple. King nous l'a annoncé au début de l'oeuvre, il n'y a pas d'athée sur l'île. C'est donc d'un fils de Dieu qu'il s'agit. Mais le Révérend ne s'y oppose pas, même pour la forme. Il accepte la mort humaine de l'enfant.
Il sera aidé par le maire Robbie dans la réalisation effective de ce don incroyable d'un enfant au diable par une communauté de croyants. Immoral, égocentriste, menteur et lâche -en présence de Linoge, le maire va jusqu'à se trouver recroquevillé sous la table avec le panneau le proclamant premier magistrat de la ville- il va s'arranger pour trouver la solution qui arrangera tout le monde, le moindre mal. Sauf une famille, celle qui perdra son enfant. Il lénifie: "
Je voulais simplement dire (...) que je suis sûr que nous trouverons un moyen de nous sortir de ce ... de cette situation... si nous nous serrons les coudes, comme nous l'avons toujours fait sur l'île...'(372). Se serrer les coudes, King a fait de cette expression la devise de l'île. Mais les mots sont les mots, et ils sont produits par la langue, la meilleure et la pire des choses. Se serrer les coudes dans la honte de la démission a un sens opposé à celui de se serrer les coudes dans la lutte.

Le résistant.

Le récit ne prend son sens qu'avec la lutte menée par le constable, Mike, pour maintenir l'ordre menacé par le tueur et faire simultanément face aux éléments déchaînés. Mais il sera seul...
Mike a obtenu beaucoup de la vie. Grand et bel homme, trente-cinq ans, il a une femme institutrice adorable, un gentil garçon de quatre ans. Il possède le petit supermarché de l'île, occupe simultanément la fonction de constable: "
Ce type aime la vie, il l'aime même beaucoup, et il y trouve toujours, à l'ordinaire, quelque chose qui l'amuse.'(39)
Dès le début du récit, Mike s'affronte au maire, avec lequel il a un différend de longue date. Mike s'en tient au règlement municipal. Le maire veut l'utiliser à sa façon. Mike sait le maire égoïste, lâche et profiteur, avec comme seule qualité l'habileté dans les relations humaines (le maire est assureur...). Alors que Mike respecte les règles du droit, a une attitude réglementaire, appelle le criminel Linoge «monsieur», le maire, qui en a peur, souhaiterait utiliser les grands moyens: "
On devrait le tuer. (...) Pas besoin d'aller le crier sur les toits ensuite. Les affaires de l'île ne regardent que les gens de l'île.'(235) Somme toute, bafouer les principes civiques constitutionnels pour un arrangement personnel. Une vie ne compte pas dès l'instant où on voudrait la supprimer pour s'éviter des histoires.
Mike n'est pas exemplaire. Linoge révèle qu'il a triché à un examen lorsqu'il était à l'université (194). Mais Mike a conscience de la hiérarchie des valeurs. Tous les comportements ne sont pas équivalents. On lui reproche de ne pas être comme les membres de la communauté, lui dont la famille habite l'île depuis 1735: "
Nous avons tous des choses avec lesquelles nous vivons, Mike. À moins que toi, tu ne sois différent de nous.'Mike, touché, explique que tout n'est pas équivalent: "Non, je ne suis pas différent. Mais ce n'est pas la même chose que d'essayer de vivre avec le souvenir d'un examen où l'on a triché, ou celui d'une nuit où, parce qu'on était saoul et dans un état d'esprit malsain, on a fait du mal à quelqu'un. Il s'agit d'un enfant, Jack! Tu ne peux comprendre cela?'(395)
Lors du passionnant débat qui a lieu dans la communauté, Mike utilise divers arguments. Juridique d'abord. Un être humain ne peut pas être donné: "
Je comprends aussi bien que vous la réalité des menaces qu'il a proférées. Mieux, peut-être: je suis votre constable, vous m'avez élu pour faire respecter vos lois. (...) On ne donne pas comme ça ses enfants à des voyous. Comprenez-vous cela? Des enfants, ça ne se donne pas.'(393) Refus légal de la cession d'un être humain.
Deuxième argument, plus sentimental: "
Linoge a battu Martha Clarendon à mort avec sa canne! Il lui arraché un oeil de la tête! Nous nous interrogeons pour savoir si nous allons ou non donner un de nos enfants à un monstre!'(396)
Et, au-delà de la valeur universelle affirmée -le droit de chacun à sa vie, droit humain fondamental de nos sociétés, Mike utilise l'argument théologique: "
Ne faites pas cela, c'est la damnation assurée.'(398) Et au révérend sans foi solide: "Arrière de moi, Satan, car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes.'(394). Mike, diacre de la communauté, refuse de quitter le terrain des principes.
La solution: "
Lui tenir tête, épaule contre épaule, en serrant les rangs. Lui dire non, d'une seule voix. Faire ce qui est écrit sur la porte par laquelle nous sommes entrés ici: avoir confiance en Dieu et les uns dans les autres. Et alors, peut-être qu'il s'en ira. de la même manière que s'en vont les tempêtes, une fois qu'elles ont épuisé leurs forces."
(393)
Et enfin l'appel à l'esprit de la communauté:
Mes amis... si nous donnons l'un de nos enfants... un de nos propres enfants... comment pourrons-nous vivre les uns à côté des autres, en admettant qu'il nous laisse vivre?"

Les collabos.

Réplique immédiate du maire: "Comment? Très bien. Nous vivrons très bien.'(393/4) Car les îliens et leur maire voient le problème avec une mentalité d'épicier qui fait ses comptes: "Supposons un instant que vous ayez raison et que nous soyons capables de le renvoyer en nous ralliant tous et en lui criant non comme un seul homme... Supposons que nous fassions cela et qu'il disparaisse, qu'il retourne là d'où il est venu... Mais si cela ne fonctionne pas et que les enfants meurent, "nous dirons-nous que ces huit enfants sont morts parce que nos étions trop bons pour sacrifier un seul d'entre eux?'(395)
L'habileté du maire est de placer la discussion sur le terrain de la communauté, au lieu de la placer au niveau des principes: "
Je pense qu'il vaut mieux traiter cette affaire comme nous le ferions pour toute autre concernant notre communauté. D'ailleurs, n'est-ce pas de cela qu'il s'agit? D'une affaire concernant la communauté? (391) Et le suivant sur ce terrain, l'épouse de Mike réprimande son mari: "Si seulement tu voulais voir les choses comme elles sont, Mike... Ce n'est pas à nous à prendre une décision seuls dans notre coin. C'est toute la communauté qui est concernée!'(402)
Tous les habitants sont contre Mike et les artifices de la procédure du choix du vote n'y changeront rien. Qui va voter pour le don de l'enfant? Les parents seulement? Non, c'est un problème qui concerne toute l'île. Il y a la mère qui se résigne: "
Que Dieu nous prenne en pitié, mais il faut lui donner ce qu'il veut. Qu'il prenne ce qu'il veut et qu'il aille son chemin. Pour moi, ça m'est égal de mourir... mais les enfants... même si c'est Sally. Je préfère qu'elle vive avec un homme mauvais que... que de la voir mourir...'(398) La mère qui ne veut pas assumer ce choix pour sa fillette: "Je l'ai élevée toute seule. Je ne devrais pas être obligée de prendre une telle décision moi-même. À qui sert une communauté, si ce n'est pour aider les gens quand il se passe quelque chose? Quand aucun des choix n'est acceptable?'(399) On avance des arguments de sophistes, avec ce propos remarquable dans la bouche d'une mère: "Tu parles comme s'il allait tuer l'enfant, Michael... comme s'il s'agissait d'un sacrifice humain. Moi, je trouve que cela ressemble davantage à une adoption.'(395) Ou cet autre: "Et il vivra longtemps, en plus... Si on croit ce qu'il nous a dit bien sûr.'(396) Et finalement c'est le point de vue de Molly, l'épouse de Mike qui l'emporte: "En perdre un qui restera vivant est mieux que de les perdre tous dans la mort. Je vote oui.'(404)
Bien sûr il faudra vivre avec le fardeau de ce choix: "
Je me dirai qu'elle est morte encore bébé. Que c'est un décès prématuré que personne n'avait pu prévoir ni empêcher. Et j'y croirai.'(403)

Le diabolique Linoge l'emporte, et il a le triomphe narquois: "
Vous venez de faire quelque chose de difficile, mes amis, mais en dépit de ce que le constable a pu vous dire, c'était aussi une bonne chose. Celle qu'il fallait faire. La seule chose, en réalité, que des personnes responsables et aimantes pouvaient faire, étant donné les circonstances.'(405)

Les principes.

Mike a clairement dépassé le niveau de conscience morale des habitants de l'île. Pour lui, au-delà des intérêts du groupe local, il y a les lois, des principes universels. La communauté, menacée, ne voit que son intérêt de clan.
Seul Hatch, l'adjoint de Mike, voit le problème à son véritable niveau, l'éthique: "
C'est la seule chose que nous puissions faire. Sinon quoi? Mourir pour un principe?'(402) Et en effet, c'est bien ce qui a fait l'objet du débat depuis le début, sans que cela ait été clairement formulé. Car Linoge, le représentant du mal, sait bien qui est son adversaire. Avant le vote de l'assemblée, il a dit à à Mike: "Tant de hauteur de vue me met la larme à l'oeil. Mais considéré dans l'ensemble, constable Anderson, le bien est une illusion. Ce sont de petites histoires que se racontent les gens pour pouvoir se supporter sans hurler trop fort.
Mike: Je ne le crois pas.
Linoge: Je sais. Bon garçon jusqu'à la fin,c'est tout à fait vous... Mais je crois que vous allez passablement en revenir, ce coup-ci.'
(366)
Vaincu sur le plan des principes, il le sera aussi par la communauté qu'il a refusé de suivre. Lors de la discussion, un îlien lui a dit: "
Supposons que nous vivions, nous, mais que les enfants meurent. Comment pourrons-nous nous regarder en face, dans ce cas-là? Comment pourrons-nous vivre ensemble?'Et Jack, "le casseur de pédés'ajoute: "Et comment pourrions-nous vivre avec toi?'(397)
Car la communauté, qu'il gêne en posant les vrais problèmes, ceux qui lui font honte, est toute prête à le rejeter."
Il serait peut-être bon de te rappeler que nous sommes en démocratie, Michael Anderson, tempête ou pas!", lui dit-on (364) Mais peut-on appeler «démocratie» la voix de la lâcheté et de l'abandon? Il est arrivé plus d'une fois au cours de l'histoire que les représentants de nations démocratiques aient cédé par peur devant la force. C'est bien une assemblée réunie qui a donné les pleins pouvoirs à Pétain et livré légalement le pays à l'Allemagne en 1940. Acceptant d'avance exactions, déportations et massacres, au nom de la seule loi de l'occupant.
Beaucoup auraient abandonné. Hatch, l'adjoint, qui, au cours du récit, avait eu un comportement maladroit mais plein de bonne volonté, qui se montrait un homme positif, le freine: "
Hatch le prend par le bras et serre. Lorsque Mike le regarde, surpris et interrogatif, Hatch a, de la tête, un geste de dénégation presque imperceptible. Ne bouge pas, dit ce léger mouvement; tu as fait tout ce que tu as pu.'(398)
Et le maire, qui n'a qu'une hâte, se tirer de ce sale pétrin, se réjouit quand Mike, ceinturé par les îliens, brutalisé jusqu'au sang, est mis hors-jeu par la communauté et son épouse:
"Derrière son pupitre, Trobbie affiche un indiscutable air satisfait. Nous sommes peut-être dans une sale situation, semble dire son visage, mais au moins notre vertueux constable, ce grand crétin, s'est rudement fait moucher, et c'est déjà quelque chose.'(402)

Mike a résisté. L'idéal que la communauté s'apprête à bafouer, «avoir confiance en Dieu et les uns dans les autres» ne doit pas être un ensemble de mots creux. Mike a confiance dans l'action des hommes soutenus par une foi commune. Car tout n'est pas écrit: "
Il pourrait aussi nous bluffer pour les enfants. Satan est le prince des menteurs et ce type doit en être un proche.'(396)
Une adoption d'un enfant de Dieu par le diable! La communauté avait le choix entre le lâche acquiescement devant la contrainte ou l'attitude de confiance en sa propre force, avec l'aide éventuelle de la puissance divine. Envers et contre tout, vouloir rester debout et courir sa chance. Mais elle décide de donner l'enfant. Cette fois encore, par sa communauté veule et médiocre, et au nom d'une démocratie dégradée, prête à tout accepter pour continuer sa petite vie sans grandeur, l'île a gagné. Et Mike, le seul à avoir voté contre le don de l'enfant, a perdu.

Le sacrifié.

Tous se sont l'un après l'autre laissé briser par le cours des circonstances. Mike a été le dernier à résister, presque jusqu'à la fin. Jusqu'à ce que, son fils ayant été choisi pour être donné au démon, il s'effondre à son tour: "Rendez-le moi... Je vous en prie... je ferai tout ce que vous voudrez si vous me ramenez mon fils... Tout ce que vous voudrez.'(422) Après les événements, il quittera l'île, ne se reconnaissant pas dans ces individus seulement soucieux de leurs petits intérêts. Mais aussi avec la honte d'avoir craqué, au moment, il est vrai, où la communauté avait déjà voté l'abandon et où il était trop tard pour changer quoi que ce soit. Mike n'est qu'homme, et on ne peut lui demander d'être à son tour un monstre d'inhumanité. Le sacrifice du saint ne marque les esprits que par son caractère exceptionnel...
La Tempête est ensuite une fable allégorique de portée universelle, reprenant une fois encore le thème de l'invasion par le mal (l'agresseur, la peste, le démon). On y retrouve les réactions d'une société face au fléau, les dommages causés aux corps et aux esprits, la collaboration lâche de la plupart, la résistance du meilleur, qui n'empêche pas la souffrance, la mort et la déportation. Et puis, le fléau disparu, pour les survivants le déséquilibre ou la vie médiocre qui continue... Dans le silence. Rien n'a changé pour la plupart.
C'est une oeuvre d'un pessimisme profond. La sympathie de King va manifestement à Mike, et le lecteur se sent frustré par son échec. Avec lui, King dépeint une fois de plus la triste situation d'un homme, placé dans la situation de Job, dont il a fait ironiquement raconter l'aventure par Mike, le diacre qui fait la lecture de La Bible au temple: "
Tu connais l'histoire de Job? Le Job de la Bible? (...) Eh bien, je vais vous raconter la suite, parce qu'elle n'y est pas. Une fois le concours entre Dieu et le diable pour l'âme de Job gagné par Dieu, Job se jette à genoux et dit: «Pourquoi m'avoir fait tout cela à moi, Seigneur? Toute ma vie, je t'ai adoré, et cependant tu as fait périr mes troupeaux, fait pourrir mes récoltes, fait mourir ma femme et mes enfants, et tu m'as infligé cent maladies horribles... tout cela parce que tu avais fait un pari avec le démon? Bon, à la rigueur... mais ce que je voudrais savoir, Seigneur -la seule chose que ton humble serviteur souhaiterait savoir: Pourquoi moi?» Et il attend; et juste à l'instant où il se dit qu'il n'aura pas de réponse, un gros nuage se forme dans le ciel, des éclairs le sillonnent et une grande voix l'interpelle: «Job! Je crois qu'il y a simplement quelque chose en toi qui me tape sur les nerfs!»'(326/27)

 

Mike avait obtenu beaucoup de la vie,mais il a tout pardu: sa femme adorable et son gentil garçon , son emploi et sa fonction de constable. Pire: ce "type aime la vie" voit son enfant donner au diable le menacer. De même Ruth a beaucoup reçu: études faciles, mariage réussi. Mais elle n'est pas de ceux qui "se replient sur eux-mêmes plutôt que de chercher à s'ouvrir aux autres"32. Aussi donne-t-elle son temps, son argent -et comme Chris, l'homme de paix (voir § 1.1), finalement la vie. Respect des autres, recherche de leur bien, solidarité, implication citoyenne: le tout simplement, sans forfanterie ni orgueil. Une solidarité véritable qui lui donne simultanément une richesse humaine considérable. De même Paul remplit sa fonction au mieux, avec un sens constamment aiguisé de l'altruisme. Il sert les autres, les aide quand ils le méritent et réussit, comme Ruth, une belle synthèse humaine: s'engager soi-même et entraîner les autres par une attitude positive rayonnante d'énergie et en mettant dans ses entreprises bien plus que ce qui lui est socialement demandé.
Comme l'écrit un King désabusé:
"Je crois sincèrement que nous sommes seuls et que tout contact humain, si profond et si durable soit-il, n'est rien de mieux qu'une illusion nécessaire- mais au moins les sentiments que nous considérons comme «positifs» et «constructifs» représentent-ils de notre part une tentative pour toucher notre prochain, pour entrer en contact avec lui et établir une sorte de communcation. L'amour et la tendresse, la capacité d'empathie, sont tout ce que nous connaissons de la lumière"33.

 

La lutte politique contre l'arbitraire des pouvoirs politiques.

 

Des rapports de forces entre personnes ou classes préjudiciables à la collectivité, des dessous politiques immoraux qui frustrent gravement les citoyens et engendrent leur protestation contre les pouvoirs (opposition individuelle aussi bien que collective); des décisions contraires aux intérêts communs, des menaces sur les équilibres politiques, avec leurs risques de conflit, ou sur les équilibres naturels, avec les dangers de pollution: c'est contre ces désordres des pouvoirs que vont s'élever certains héros kingiens.

 

Stu Redman, Frannie Goldsmith et la Communauté du Bien de Boulder.

Et notre foutue conscience.

Une utopie ancienne est la construction d'une société plus juste et soucieuse à la fois des intérêts des individus et de la collectivité. King reprend ce thème dans THE STAND 34. Rappelons-en rapidement les grandes lignes. L'humanité a été pratiquement anéantie par une super-grippe: à l'origine, une fuite de cultures virales provenant d'un Centre de Recherches Biologiques fonctionnant dans le cadre d'un possible conflit bactériologique. Certains survivants essaient de construire une société démocratique
Deux personnalités dominent le groupe: Stu, solide texan d'une trentaine d'années, et Frannie, jeune fille enceinte avec laquelle il vit et qui va devoir assumer un double rôle de future mère et de citoyenne désireuse de donner à son enfant un monde meilleur. Par exemple, quand il faut désigner des volontaires pour espionner Randall, l'Homme Noir (p. 713), Nick se propose d'envoyer Tom Cullen, retardé mental. Le problème, c'est qu'il faudrait l'envoyer sous hypnose après l'avoir «programmé», en dépit du fait qu'il court le risque de se faire torturer par l'autre camp.
Frannie réagit: "
Vous dites que nous avons tout à gagner et rien à perdre (...). Et notre foutue conscience ? Peut-être que ça ne vous dérange pas de penser qu'on flanque des... des choses sous les ongles de Tom, qu'on lui donne des chocs électriques. Mais moi, ça me dérange. L'hypnotiser, pour qu'il fonctionne comme... un poulet quand on lui met la tête dans un sac ! Tu devrais avoir honte (...). Vous ne comprenez donc pas que ça revient à recommencer toute cette merde d'autrefois?"(p. 718).

Les hommes ne sont pas des pions.

Stu se révolte contre le fait qu'il a dû donner à Tom l'ordre de tuer: "Je ne suis pas d'accord !... On ne peut pas envoyer un pauvre débile se battre pour nous, on ne peut pas pousser les gens comme des pions sur un putain d'échiquier, on ne peut pas donner l'ordre de tuer comme un boss de la maffia. Mais je ne sais pas quoi faire d'autre... Si nous ne découvrons pas ce qu'ils préparent, toute la Zone Libre risque de s'évaporer un beau jour de printemps dans un énorme champignon atomique!"(p. 832).
Et les discussions précédant un vote se terminent de la même façon: chacun voit bien les dangers moraux des décisions prises, mais comment faire autrement? Le groupe ne peut que se répéter cet argument éculé: "
Nous espérons simplement que notre cause est plus juste que certaines de celles pour lesquelles d'autres hommes politiques ont envoyé des gens se faire tuer"(p. 713).

Ne pas créer un monde fou.

Il faut bien que quelqu'un fasse par exemple la fonction de shérif: on désigne Stu, qui proteste: "Je n'ai pas envie de faire ce foutu travail"(p. 796). D'autant plus que Frannie proteste: "Je vais bientôt avoir un bébé et vous voulez que Stu joue les shérifs!"(p. 796).
Il finit par accepter d'être shérif, et essaie de se justifier auprès de Frannie: "
Je sais ce que tu veux pour le bébé... Tu me l'as dit cent fois. Tu veux l'élever dans un monde qui ne soit pas totalement fou. Tu veux pour lui -pour elle- un monde sûr. C'est ce que je veux moi aussi (...). Toi et le bébé sont les deux principales raisons qui m'ont fait dire que j'étais d'accord"(p. 798).
Les membres du Comité sont de bonne volonté et intègres. "
Ils sont exactement ce que les manuels d'instruction civique nous disent qu'un bon citoyen doit être: engagés, mais jamais fanatiques; respectueux des faits, sans jamais vouloir les déformer à leur convenance; mal à l'aise dans un poste de commandement, mais rarement capables de décliner cette responsabilité si elle leur est offerte... ou imposée. Dans une démocratie, ce sont les meilleurs chefs, car ils ne risquent pas d'aimer le pouvoir pour le pouvoir"(p. 630).
Mais l'un après l'autre, suivant leurs responsabilités du moment,les membres du Comité voient apparaître un décalage entre leurs intentions et les nécessités. Quand le danger menace, l'éthique s'efface. On ne peut garder les mains propres: il faut vite agir quand le danger de mort est obsédant. Et mieux vaut dans ce cas avoir les mains sales que de ne pas avoir de mains du tout...

Irv Manders35.

Lutter contre l'arbitraire.

L'État démocratique moderne est constitutionnel, en ce sens que son fonctionnement est soumis à des règles explicites. Les gouvernants sont au service de la collectivité. Tel qu'il se proclame, l'État devrait être soumis entièrement au contrôle des citoyens ou de leurs représentations. Mais la sauvegarde de l'intérêt public est invoquée pour prendre des mesures contraires à la loi et la justice -la raison d'État-, à l'encontre en particulier des garanties de liberté individuelle. La raison d'État est alléguée pour justifier une action illégale ou injuste en matière politique.
Une agence gouvernementale clandestine a mobilisé ses agents pour capturer Charlie afin de tester ses pouvoirs pour un usage militaire. Ils font irruption chez Irv, un petit fermier âgé, qui se retranche derrière la loi: "
Vous êtes sur une propriété privée, gronda-t-il. Je vous ordonne de la quitter immédiatement (...). Montrez-moi votre mandat, ou bien fichez le camp de ma propriété"(p. 135). Charlie fait fuir les agents. La femme de Irv, Norma, lui demande de ne pas continuer à se mêler de l'affaire: "Ces hommes sont entrés chez moi sans mandat. Ils ont voulu les emmener de chez moi (...). Des gens que j'avais invités, comme on le fait dans tout pays civilisé qui possède des lois décentes. L'un de ces types m'a tiré dessus (...). Qu'est-ce-que tu voudrais que je fasse, Norma? que je reste assis là et que je les rende tranquillement à la police si jamais ils retrouvent assez de courage pour revenir ici? Tu veux que je sois un bon Allemand? (p. 142).

Faire appliquer les lois.

Irv s'insurge contre ce monde de l'ombre qui a un pouvoir quasi absolu, celui que les tyrans avaient jadis sur leurs victimes. "Les lois ne valent que par ceux qui les font appliquer", dit le fermier (424). Il vitupère contre ces "crétins de bureaucrates anonymes qui prétendent agir au nom de la sécurité nationale"(p. 387). Et il conseille à Charlie de contacter la presse: "Un quotidien ou un magazine anonyme auquel ils ne penseront pas. Il doit être honnête et lu dans tout le pays. Mais par dessus tout, il faut qu'il n'ait aucun lien avec le gouvernement, ni avec les idées de ce gouvernement"(p. 432).

Malgré son âge, malgré sa famille menacée, Irv s'oppose ainsi -au désespoir de sa femme- à un pouvoir perverti qui ne dit pas son nom et qui entraîne inévitablement la corruption morale, un environnement dans lequel le mal est perpétré usuellement sous le couvert de la sécurité. Les personnages de King partent en guerre contre les pouvoirs arbitraires qui désaisissent les citoyens des décisions qui les concernent; ou contre les hommes puissants qui, par leurs excès possibles de pouvoir,entraînent la ruine des institutions. Ils ne peuvent accepter qu'une autorité enlève aux individus leur part de décision tout en prétendant agir en leur nom. Même si la construction d'une démocratie est chose difficile, comme le constateront les citiyens de la république libre de Boulder.

Bilan.

Le lecteur intéressé par le profil du personnage positif kingien pourra reprendre point par point les notations affectées à chacun des personnages analysés36, seul moyen de se rendre compte de leur richesse. Cette sorte de portrait-robot permet d'avoir une vue d'ensemble, en admettant évidemment qu'aucun héros kingien ne peut cumuler une telle quantité d'éléments favorables.
Ces personnages ne sont pas des êtres d'exception ou des héros inaccessibles. Ce sont des hommes et des femmes ordinaires, susceptibles d'être croisés chaque jour, avec leurs activités, leurs problèmes quotidiens, leurs solutions. Mais leur caractéristique commune est de se voir aussi objectivement que possible, en prenant de la distance vis-à-vis d'eux-mêmes. Ils ne cherchent pas à se tromper sur leurs mobiles ou leurs intentions, à s'ennoblir à leurs yeux et à ceux des autres par des excuses ou des défenses plus ou moins fallacieuses.
Ouverts sur le monde, capables de donner et de recevoir, ils savent s'affirmer en agissant sur leur entourage matériel ou social. Ces activités de création ou de production, si modestes soient-elles, ne leur sont pas nécessairement source de joie. Elles leur paraissent en tous cas estimables
37 et source de développement personnel.
Mais si réussir, atteindre le but fixé, vaincre la difficulté, dominer la situation, trouver la réponse juste sont un besoin d'affirmation de soi qui fait partie de leur dynamisme, ces personnages n'aspirent pas qu'à un développement personnel ou à la réalisation de leurs potentialités. Ils sont aussi capables d'un véritable don de soi, d'un partage avec les autres qu'ils ne ressentent pas comme un amenuisement, mais comme un enrichissement et un accomplissement essentiel.
Enfin ce sont des personnages qui s'affrontent aux réalités sans avoir peur de se salir les mains. Leurs engagements ne restent pas formels: ils prennent en considération les circonstances de la réalité et agissent en conséquence, acceptant même que leur choix puisse être imparfait, source de troubles et parfois de souffrance. Leurs compromis peuvent se justifier à leurs yeux, les compromissions jamais. Du moins seront-ils restés fidèles à eux-mêmes, sans faute morale volontaire ou transgression acceptée des règles fondamentales de la solidarité humaine.
Au terme d'une vie qui n'a pas été facile, Dolorès fait son bilan: "
J'ai soixante-cinq ans ett j'ai su pendant au moins cinquante de ces années qu'être un humain, ça veut surtout dire faire des choix et payer des factures quand elles sont dues. Certains choix sont sacrément durs, mais ce n'est pas pour ça que vous pouvez simplement les écarter, surtout pas quand vous avez d'autres personnes qui dépendent de vous pour faire ce qu'elles ne peuvent faire elles-mêmes. Dans ce genre de cas, il ne vous reste plus qu'à faire le meilleur choix possible et ensuite à payer le prix"38. Toute vie qui sort du rang est ainsi une succession d'aléas, de tâtonnements, d'un grand nombre d'erreurs et d'échecs; un petit nombre de réussites: la recherche harassante d'un équilibre sans cesse compromis et peut-être du bonheur.
Enfin les personnages positifs kingiens ne se font guère d'illusions sur la société et la capacité de changer la multitude. Comme le dit Dario Coccia en conclusion d'un de ses articles: "
Charlie, M. Dawes et Ben sont les victimes d'une société démente. Ce sont des hommes comme les autres, qui veulent simplement être vrais; mais dans un monde de tromperies, être vrai peut s'avérer être très dangereux"39.

 

LES DÉTENTEURS DE POUVOIRS.

 

Les caractéristiques concernant les hommes ordinaires s'appliquent ipso facto aux personnages positifs doués de «pouvoirs» spéciaux40. Le cas de Danny Torrance41 sera évoqué brièvement: il possède un pouvoir médiumnique, il «brille», a le don de voyance, le pouvoir de voir au-delà du visible et d'échanger télépathiquement même à longue distance avec d'autres personnes qui ont le même don. Mais Danny a cinq ans et ne peut avoir que les préoccupations d'un enfant: il aime ses deux parents et il lutte contre la destruction de sa famille: "Le DIVORCE était ce que Danny redoutait le plus"(p. 36). Non qu'il sache bien ce que ce mot signifie vraiment: mais il sait que si ses parents divorcent, il n'en verrait plus qu'un. Son don lui permet de suivre le cheminement de cette pensée dans l'esprit de ses parents: sa mère, qui a de plus en plus de mal à supporter un mari ivrogne et brutal; son père psychopathe, qui a le sentiment que son comportement rend sa femme et son fils malheureux, parvient mal à supporter sa dépendance et devient possédé par la force d'Overlock. Danny, malgré ses efforts, ne parviendra pas à éviter ce qu'il redoute, mais vaincra Overlock.
Seront analysés plus méthodiquement deux cas, ceux d'Andy McGee et de Johnny Smith. Ces hommes ont les mêmes désirs et poursuivent les mêmes buts que les hommes ordinaires. King s'efforce d'ailleurs de montrer que ce sont des circonstances particulières (accident d'automobile, injection d'une drogue dans le cadre d'une expérience psychique militaire) qui ont conféré un statut particulier à ces hommes sans particularités. Mais leurs pouvoirs les ont placés dans des situations collectives qu'ils déplorent, justement
parce qu'ils se rendent compte qu'ils vont être aspirés dans la tourmente créée par l'utilisation de leurs dons par de mauvais pouvoirs.

Andy McGee42.

Il y a de bonnes mauvaises actions.

Les parents de Charlie, petite fille de huit ans, ont participé alors qu'ils étaient étudiants à une expérience à l'université. Travaillant pour les Services secrets américains, le chef du département de psychologie d'une université a testé sur des étudiants volontaires, mais mal informés, des "hallucinogènes à effets modérés"qui les ont transformés. Le père Andy est devenu télépathe, il peut «pousser» les gens, leur faire accomplir les actions qu'il leur suggère. Sa fille Charlie a, entre autres dons, la pyrokinésie, la capacité d'utiliser une énergie telle qu'elle déclenche des combustions spontanées.
Des agents des services secrets les poursuivent, et, pour survivre, Charlie est contrainte à voler des pièces de monnaie dans les cabines téléphoniques. Or ses parents lui ont appris naguère que le vol est moralement proscrit, comme les poussées de pyrokinésie, dangereuses. Cependant Charlie est amenée à faire l'un et l'autre. Elle ne comprend plus. Son père lui explique.
Ce que je t'ai dit auparavant tient toujours, Charlie. Quand tu as des ennuis, tu es parfois obligée d'agir comme tu ne le ferais jamais en temps normal».
Le visage de la fillette devint grave, attentif.
- «Comme faire sortir l'argent des téléphones?
- Oui.
- Ce n'était pas mal?
- Non. Vu les circonstances, ça n'était pas mal.
- Parce que quand tu as des ennuis, tu fais tout ce qu'il faut pour en sortir.
-Oui, avec des exceptions»"
(p. 109).
Mais Andy remet à plus tard les compléments souhaitables. Il n'est pas facile d'expliquer à une gamine que les règles de morale doivent être parfois relativisées
43 et que contre des pouvoirs arbitraires inhumains, les considérations éthiques fondamentales deviennent secondaires Et comment comprendre si jeune, à un moment où on souhaite que des conduites claires soient énoncées, que certaines fins seulement -et lesquelles?- justifient n'importe quel moyen...

Faire de son mieux.

On ne s'étendra pas sur ce qui devient un leitmotiv: quand les conduites habituelles deviennent insuffisantes, il faut faire ce qu'on peut. Charlie pense de son père: "Il faisait toujours de son mieux. S'ils avaient faim tous les deux et ne possédaient qu'une pomme, il en prenait une bouchée et la forçait à manger le reste. Quand il était réveillé, il faisait toujours deson mieux"(p. 103). De même, Irv, le fermier que l'on a rencontré au § 1.6., dit à Charlie: "Tu feras de ton mieux quand il le faudra, c'est tout"(p. 144).

Au nom de la sécurité nationale.

L'utilisation répétée de la «poussée» qu'il est obligé d'utiliser comme moyen de défense rend Andy malade. Il ne continue que par un effort de volonté: "Lutter pour continuer. Pour Charlie. Seul, il se serait flingué depuis longtemps"(p. 27). D'autant plus que la situation lui paraît moralement absurde: "Il ne voyait en lui aucune imperfection fatale à laquelle attribuer la responsabilité de ce merdier royal, aucun péché commis par le père que la fille devait expier. Rien de mal dans le fait d'avoir eu besoin de deux cents dollars et de participer à une expérience contrôlée, pas plus que dans celui de vouloir être libre (...). Andy ne parvenait néanmoins pas à comprendre ni à à excuser ceux qui lui avaient infligé ça (...). Il avait canalisé les feux de sa haine envers les crétins de bureaucrates anonymes qui prétendaient agir au nom de la sécurité nationale, ou de n'importe quoi d'autre"(p. 387).
Dans cette lutte inégale, Andy mourra. Et l'ultime recours de Charlie sera l'opinion. Comme le lui a conseillé Irv (§ 1.6.), elle demande à un bibliothécaire le nom d'un journal "
lu dans tout le pays"et sans "lien avec le gouvernement".(p. 435) auquel elle pourrait raconter son histoire. On ne sait ce qu'il en adviendra.

Johnny Smith44.

Ne pas rester dans sa caverne.

A la suite d'un accident de voiture, le jeune professeur Johnny s'est trouvé dans le coma pendant cinquante-cinq mois. Il se réveille un jour grabataire, dans un monde qui a changé, et doit se rééduquer au prix d'opérations chirurgicales difficiles: "Il s'apitoyait sur son sort. On devait le changer comme un enfant, ou comme un vieillard, quand il faisait ses besoins. Il n'avait plus l'usage de ses membres. sa petite amie s'était mariée. Sa mère était devenue une hystérique de la foi. Il ne voyait dans cela aucune raison de vivre"(p. 107).
Mais il s'est réveillé avec un pouvoir. Son cerveau traumatisé s'est modifié, il est devenu «toucheur»: au contact de quelqu'un, "
en l'espace d'une seconde, il eut la révélation et sut tout d'elle, tout ce qu'elle allait dire et faire"(p. 97).
La nouvelle de son don se répand et Johnny est sollicité de tous côtés. Il se replie sur lui-même: "
Il ne pouvait ni répondre, ni prédire l'avenir, ni guérir. Il ne pouvait rien sauver. Il aurait voulu le leur dire"(p. 145). Retapé, il ne souhaite plus que vivre simplement: "Tout ce que je demande, c'est de mener une vie normale. Je veux enterrer tout ça"(p. 189). Son médecin lui avait conseillé le contraire: "Ne vous cachez pas dans une cave 45, Johnny"(p. 196).

Le refus d'être un fossoyeur des rêves.

Un journaliste vient le voir et lui propose le contrat juteux d'un magazine qui tire à trois millions d'exemplaires: en échange de son nom et de sa photo, Johnny, lourdement endetté par son hospitalisation, touchera une somme appréciable sans avoir rien à faire qu'à «toucher» de temps en temps des objets -qu'il pourra d'ailleurs garder- que lui enverront les lecteurs du magazine. On lui écrira ses articles. La ligne du magazine? "Nous faisons dans le spirituel (...). Pour un article minable, nous en avons trois qui expliquent à nos lecteurs comment maigrir sans souffrir, comment trouver l'harmonie sexuelle et l'entente conjugale, comment se rapprocher de Dieu.
- Croyez-vous en Dieu, Mr Dees?
- En fait, non
(...). Nos lecteurs croient en Dieu, ils croient aux anges, ils croient aux miracles (...). C'est une audience spirituelle. Ils croient à toutes ces choses-là"(p. 164).
L'équipe de rédacteurs qui rédige les articles? "
De l'improvisation, rien d'autre que de l'improvisation. Mais vous seriez surpris de voir à quel point ces types savent deviner le truc énorme"(p. 165).
En dépit de son besoin d'argent, Johnny le chasse avec violence: "
Je pense que vous êtes un vampire, un fossoyeur de rêves"(p. 167). Une violente campagne de presse de dénigrement contre Johnny sera la conséquence de son honnêteté intellectuelle et morale.

Faire bouger le monde.

Au lieu de gagner facilement sa vie sans rien faire, Johnny cherche du travail. Il n'a pas retrouvé son poste de professeur, refusé à cause de la publicité dont il est l'objet. Il est cuisinier dans un restaurant, puis précepteur au service du fils d'un riche industriel qui a des difficultés de lecture. Johnny réussit bien dans ses fonctions.
Son employeur, homme d'affaires ouvert, l'apprécie: "
Mon expérience, Johnny, m'a prouvé que quatre-vingt-quinze pour cent des gens étaient des larves, un pour cent des saints, un pour cent des salopards. Les trois qui restent sont des gens qui font de leur mieux. Je fais partie de ces trois pour cent et vous aussi (...). Je ne suis pas défaitiste, je suis actif; ce qui signifie que je comprends ce qui fait bouger le monde"(p. 255).

Faire pour le mieux.

Johnny est un homme conscient de ses liens avec l'humanité qui l'entoure. Il est satisfait de sa réussite avec son élève, devenu capable d'entrer à l'Université: "Il n'avait rien ressenti de tel depuis longtemps. Si Dieu lui avait transmis un don, c'était celui d'enseigner"(p. 244). Comme son père, il cherche la clarté et la lucidité dans la vie, il est soucieux des valeurs morales. Son élève Chuck lui écrit plus tard: "En ce qui me concerne, j'ai toujours eu l'impression que vous faisiez votre possible pour que les choses aillent pour le mieux"(p. 322). De même son ex-fiancée: "C'est toi qui m'as donné le goût de l'homme bien, Johnny"(p. 178).
Il peut encore s'assumer humainement davantage: il doit affronter l'homme politique dont son pouvoir lui a appris qu'il était une menace pour la collectivité. Aussi grande que l'a été Hitler en son temps.

Tuer l'inhumain s'il le faut.

Mais des scrupules moraux l'arrêtent. Le jardinier vietnamien de son employeur lui a raconté une histoire: quand il était petit, un tigre dévastait son village. Pour appâter le tigre, il a fallu mettre un cadavre de vieille femme46 dans une fosse: "C'est une chose terrible que de se servir d'un être humain fait à l'image de Dieu pour tendre un piège"(p. 283). Pour que disparaisse le nuisible, il fallait bien le faire.
Il examine les différentes solutions qui lui permettraient de tuer le politicien Mais il hésite toujours: "
Supposons que l'assassinat soit la seule hypothèse à retenir, et supposons que j'arrive à appuyer sur la gâchette, le crime est toujours odieux. Le crime est mauvais, le crime est mauvais. Il existe peut-être une autre solution"(p. 329). Mais il n'y en a pas... Et en essayant de tuer Stillson, Johnny mourra.


La première constatation est que des caractéristiques relevées sont identiques à celles notées pour les hommes ordinaires. Ce ne sont pas des êtres d'exception comme l'est Roland de Giléad dans sa quête mystique. Mais les «doués» peuvent traiter des problèmes au niveau de la collectivité. Ce n'est pas négligeable: ils ont les moyens de s'opposer aux forces sociales destructrices. Si, pour Johnny, l'adversaire est facilement repérable, la tâche d'Andy pour protéger sa fille sera plus difficile. Il devra s'attaquer à un pouvoir invisible socialement et politiquement, d'autant moins facile à contrer qu'il ne se manifeste pas à découvert. Mais tous deux se sentent investis d'une universalité croissante, au point qu'ils deviennent capables de donner consciemment leur vie, comme projetés par une force transcendante, comme le seront les agents de la Lumière.

 

La troisième partie , qui paraîtra à l'automne, sera consacrée aux qualités particulières des agents de la Lumière
(Abigaël, du
Fléau: David Carter, de Désolation; de Ralph Roberts, d'Insomnie),
qui doivent, avec des possibilités particulières, réaliser les desseins divins.
Une grande place est consacrée à une vaste synthèse, essai d'interprétation des données rassemblées qui permettent de mieux cerner l'homme-King.

Annexe.

RÉCAPITULATIF DES QUALITÉS

DE QUELQUES HOMMES POSITIFS.

 

1. DEVENIR ADULTE.

Sue Snell.

Accepter la sanction méritée.
Ne pas blesser les autres.
Ne pas se conformer aux autres.
Ne pas devenir un produit standard.

Chris Chambers.

Ne pas se laisser tirer vers le bas.
Faire la paix.

 

2. LA MAÎTRISE DES COMPÉTENCES.

Bill Norton.

Des types sur qui on peut compter.
De la bonne ouvrage.

Kenny Guilder.

Un homme bon.
Ne pas être un truand.

 

3. LA CONQUÊTE DE SON DESTIN.

Sandra Stansfield.

Se fier d'abord à soi-même.
Ne pas se laisser aller.
Prendre sa vie en main.

Andy Dufresne.

Continuer à vivre.
Ce dont un homme est capable, avec la volonté.
Ce n'est pas un bout de papier qui fait un homme.
Se préparer au pire.
En avoir.
Ne pas perdre de vue ses bonnes intentions.

 

4. LA TÂCHE DE FORMATION.

Rita Desjardin.

Évaluer ses actes.
Est-ce que cela vous arrive de penser?
Tenter de comprendre.

Matthew Burke.

Faire en s'y donnant tout entier.
La peur pour les autres.
Ne pas se borner à une vie intellectuelle académique.

John Delavan.

Admettre le compromis.
Payer ses erreurs quel qu'en soit le prix.

 

5. LA NÉCESSAIRE SOLIDARITÉ.

Ruth McCausland.

Progresser dans ce qu'on fait.
Se rendre utile.
Tout se résume à la confiance.
Le bonheur, l'opposé de la tristesse, de l'amertume et de la haine.

Anna Stevenson.

Vous pouvez être libre.
L'obligation morale d'aider.

Paul Edgecombe.

A défaut de se faire aimer, on ne se faisait pas détester.
On est tous responsables.
C'est comme ça tous les jours, partout dans le monde.
S'y atteler même si c'est douloureux.
On l'a fait du mieux qu'on a pu.

Mike Anderson.

"Quand toutes les options que l'on a doivent faire mal, laquelle est la bonne?"
Le résistant.
Contre les collabos.
Les principes.
Le sacrifié.

 

6. LA LUTTE CONTRE L'ARBITRAIRE
DES POUVOIRS POLITIQUES.

Stu Redman et Frannie Goldsmith.

Notre foutue conscience.
Les hommes ne sont pas des pions.
Ne pas créer un monde fou.

Irv Manders.

Lutter contre l'arbitraire.
Faire appliquer les lois.

Andy Mac Gee.

Il y a de bonnes mauvaises actions.
Faire de son mieux.

Johnny Smith.

Le refus d'être le fossoyeur des rêves.
Faire bouger le monde.
Faire pour le mieux.
Tuer l'inhumain s'il le faut.

 

 

Roland Ernould © 1997. Armentières, novembre 1997. Réactualisé et augmenté en mai 1999.

Notes :

1 FOUR PAST MIDNIGHT 1990, éd. fr. MINUIT 2 MINUIT 4, Albin Michel 1991, 4-The Sun Dog, Le molosse surgi du soleil, p. 250.

 28 THE TOMMYKNOCKERS 1987, éd. fr. LES TOMMYKNOCKERS, Albin Michel 1989.

29 Alors que Mabel, propriétaire du bazar du village, l'a agrémenté de pancartes du genre: "Si vous me cassez, vous m'avez acheté"(p. 240).

30 ROSE MADDER 1995, éd. fr. ROSE MADDER, Albin Michel 1997.

31 THE GREEN MILE 1996, éd. fr LA LIGNE VERTE, Librio 1996, roman-feuilleton en 6 épisodes. Le premier chiffre est celui de l'épisode. Réédité en un volume, Éditions 84, 1997.

1 THE STORM OF THE CENTURY, 1999, éd. fr. LA TEMPÊTE DU SIÈCLE, Albin Michel,1999.

2 La Bible accorde une place particulière au sacrifice et au meurtre des enfants. C'est Abraham qui doit sacrifier Isaac à son dieu qui le lui a demandé comme preuve de son dévouement. Quand Jahvé veut frapper l'Égypte, il envoie (c'est la «dixième plaie») l'ange exterminateur massacrer les premiers-nés des Égyptiens, ce qui est à l'origine de la fête de Pâques (le mot hébreu pesah signifie le passage, celui de l'exterminateur qui amena le pharaon à céder et à permettre à Moïse et aux siens de regagner Israël). Nous continuons à vivre sur d'anciens mythes. Au moyen-orient et en Palestine, avant et pendant l'installation d'Israël, l'usage était de sacrifier au dieu Baal le premier né de la famille. La loi hébraïque, en gros progrès par rapport à la tradition, permit qu'un animal soit substitué au petit de l'homme. Ce sujet de l'enfant en danger marque profondément nos esprits: une des photos les plus diffusées dans le monde est celle de la petite fille nue blessée courant sur une route du Vietnam.

32 In PAGES NOIRES, op. cit., p. 157.

33 In ANATOMIE DE L'HORREUR, op. cit., p. 19.

34 THE STAND 1990 the Complete & Uncut Edition, éd. fr. LE FLÉAU, Lattès 1991. Je ne peux que renvoyer, pour ne pas alourdir cette étude, au numéro spécial de Steve's Rag KING POLITIQUE, à l'article Les Aléas de la Démocratie. Ce hors-série n°3 de janvier 1997 développe la position de King face aux problèmes politiques.

35 THE FIRESTARTER 1980, éd. fr. CHARLIE Albin Michel 1984.

36 Un tableau a été reproduit en annexe.

37 Un exemple: les soldats que Kenny cesse de fabriquer lors de la guerre du Viêt-nam (§ 1.3.), mise en accord entre ses convictions et ses réalisations.

38 In DOLORES CLAIBORNE 1993, éd. fr. DOLORES CLAIBORNE Albin Michel 1993, p. 268.

39 In Dario Coccia, La rage de Richard Bachman, Steve's Rag n° 16, octobre 1997, p. 35.

40 Carrie se trouve évidemment écartée: quelle que soit l'atténuation de sa responsabilité (mère dévote dévorante, condisciples du collège méprisants et odieux, aucune compréhension de quiconque), il n'en demeure pas moins qu'elle détruit une ville dans un élan de violence et de destruction. Carrie n'est pas plus positive que la plupart des êtres qui l'entourent.

41 THE SHINING 1977, éd. fr. SHINING L'ENFANT-LUMIERE, Lattès 1979.

42 THE FIRESTARTER 1980, éd. fr. CHARLIE Albin Michel 1984.

43 Voir la note concernant Andy, en fin du § 1.3.

44 THE DEAD ZONE 1979, éd. fr. L'ACCIDENT Lattès 1983. Le choix du nom de Johnny n'est pas anodin: c'est celui du héros de 1984, de George Orwell, qui s'appelle Winston Smith et affrontera le pouvoir de Big Brother. C'est aussi, aux USA, l'équivalence des Dupont ou Durand en France, le nom le plus commun qui soit. Personnage ordinaire...

45 Le mot «cave» n'est pas adéquat. La mère de Johnny lui a dit précédemment: "Ne te cache pas dans une cave comme Elijah"(p. 148): ce qui renvoie l'épisode biblique d'Élie retiré dans une grotte et appelé par Yaveh (I. Rois, 19.9). J'ai déjà rencontré cette erreur à propos de l'opéra de Steve Reich, THE CAVE, de 1993, traduit par le même mot français alors qu'il renvoie à la caverne d'Hébron et à trois interprétations possibles d'un épisode de la vie d'Abraham, vu successivement par les Israéliens, les Palestiniens et les Américains.

46 Certains Asiatiques pratiquent le culte des ancêtres.

3ème partie :

LES AGENTS DE LA LUMIÈRE.

4ème partie :

ESSAI d'INTERPRÉTATION.

 

ce texte a été publié dans ma Revue trimestrielle

différentes saisons

saison # 4 - été 1999.

Contenu de ce site Stephen King et littératures de l'imaginaire :

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