Stephen
King: l'homme, 4.
LES
PERSONNAGES KINGIENS
POSITIFS
4
ESSAI
d'INTERPRÉTATION.
"«Je ne
sais pourquoi, je n'y comprends rien.
Et vous non plus. Probable que Dieu lui-même n'y comprend
rien.
C'est des trucs officiels. Le gouvernement, quoi»".
-Interview d'un homme de la rue au
sujet de la guerre du Viêt-nam, vers 1967"1
Suffisamment d'éléments
ont été à présent réunis pour,
qu'au-delà des analyses, on puisse passer à
l'interprétation.
Venant s'ajouter à son histoire biologique et mentale, un
homme est toujours la résultante d'événements
vécus, subis ou assumés. Ils constituent sa vision du
monde, à partir des perspectives historiques, politiques ou
idéologiques de son temps, qui se projetteront sur lui. Tout
homme -ou groupe d'hommes- se définit ainsi en partie par son
histoire17.
Dans le cas de King, on peut relever trois influences: valeurs
traditionnelles, valeurs de crise et valeurs théologiques.
Sera utilisée la même méthode d'analyse
matérialiste que dans les études déjà
parues, qui s'attache à expliquer les choses de façon
objective18, des survivances des cosmogonies19 anciennes, produit de notre éducation,
aux idéologies modernes issues du savoir scientifique et
à ses retombées techniques.
.. du site ..
Valeurs
traditionnelles.
C'est peu avant la naissance de King
que les Américains prennent conscience de leur nouvelle
puissance. Ils ont maintenant une mission universelle: maintenir
l'équilibre et la paix dans le monde20. La guerre de 39/45 n'a pas été
suivie de la crise économique qui accompagne ordinairement la
fin d'un conflit. L'épanouissement du système
industriel se doublait d'une puissance idéologique:
"Les États-Unis
n'étaient pas seulement les gardiens du monde, mais le
pistolero du monde libre"
21. L'American way of life imposera ses valeurs aux pays
occidentaux22.
Il en sera de même pour les qualités humaines
nécessaires pour construire un monde meilleur. Enfant, comme
beaucoup de jeunes Américains, King a été
imprégné de l'esprit pionnier: "Nous avions une formidable Histoire
23 à notre disposition (...). Tous les
instituteurs de ce pays connaissaient les mots magiques qui
enchantaient leurs élèves; deux mots qui
étincelaient comme une splendide enseigne au néon; deux
mots d'une puissance et d'une grâce presque incroyables; et ces
deux mots magiques étaient : ESPRIT
PIONNIER".
Comme les autres enfants de son âge, King a construit
mentalement sa vie future autour de cette notion, avec
l'idéalisme de la jeunesse qui pousse facilement à
aimer les idées de générosité, de
grandeur et d'enthousiasme. Comme lui, ses "contemporains ont grandi dans la
sécurité que conférait l'ESPRIT PIONNIER
américain, ils apprenaient par coeur toute une litanie de noms
qui en étaient le symbole (...). C'étaient des Américains gorgés
d'ESPRIT PIONNIER. Nous étions, nous avions toujours
été les meilleurs d'entre les meilleurs. Et quel avenir
grandiose nous attendait ! ".
Par ailleurs, un des grands soucis de certains idéologues
américains a été que le pays ne s'engourdisse
pas maintenant qu'il était parvenu à être le
premier dans le monde: pour la liberté, pour une meilleure vie
pour tous, il ne fallait pas relâcher l'effort. La
rivalité russo-américaine aida beaucoup à la
réalisation de cette stratégie.
L'imprégnation par des valeurs familiales rurales a
été également très importante. Sa
mère, dont on a déjà parlé,
abandonnée et seule24, qui a exercé toutes sortes de métiers
tout en tenant ses deux enfants d'une poigne ferme; mais si
attentionnée qu'elle "trouva toujours quarante ou cinquante cents pour timbrer
l'enveloppe libellée à sa propre adresse qu'elle
joignait systématiquement à son
courrier" quand King
était pauvre. Elle l'encouragea toujours: "Personne -pas même moi- ne se
réjouit autant qu'elle quand je réussis à
percer" 25.
Et les autres membres de sa famille maternelle: son oncle Clayt,
"vieux briscard du
Maine" aux multiples talents:
sourcier, apiculteur, avec un fonds d'histoire illimité pour
son neveu; son autre oncle Oren, "qui fut en son temps le meilleur charpentier et le
meilleur maçon du Maine". Tous bricoleurs, proches les uns des autres. La
grand-mère Nellie, "l'une des premières femmes à sortir avec
son diplôme de la Graham Normal School" en 1902, encore capable à 85 ans de
conjuguer ses verbes latins. Ou la tante Evelyn, institutrice,
rigoureuse méthodiste et "incarnation même du bon sens
pratique". Avec un grand
père paternel charpentier, cet entourage forme un milieu de
travailleurs modestes, mais ouverts et éclairés: la
mère de King jouait très bien du piano et avait un sens
de l'humour développé26. C'est certainement à eux que King pensait quand
il écrivait dans Les
Yeux du dragon:
"Ils eurent de bons moments,
comme vous tous, et de mauvais moments, comme vous en connaissez
sûrement aussi. Parfois ils avaient honte d'eux-mêmes,
car ils n'étaient pas sûrs d'avoir fait de leur mieux;
parfois ils se sentaient bien, car ils savaient avoir fait ce que les
dieux attendaient. Tout ce que j'essaie de vous faire comprendre,
c'est qu'ils vécurent du mieux qu'ils purent, tous autant
qu'ils étaient; certains plus longtemps que d'autres, mais
tous menèrent une vie courageuse. Moi, je les aime tous et
je n'ai pas honte de mon amour"27.
Esprit pionnier, esprit de libre entreprise et valeurs morales
traditionnelles d'une contrée rurale, voilà ce qui va
constituer la première assise du personnage positif kingien.
Ses qualités sont celles des hommes de tout pays qui
progressent dans l'optimisme d'une société qui
fonctionne. Elles vont dans le même sens que que les valeurs
universelles28 liées à une réussite ou un
accomplissement individuel: un vieux fonds de principes moraux
séculaires, apparus il y a plus de deux mille ans. Somme
toute, qualités nécessaires, mais rien d'original. Il
faut vraiment que notre monde soit déboussolé pour que
nous admirions des comportements en voie de disparition et qui
semblaient naguère aller de soi.
Valeurs
de crise.
King a suffisamment insisté,
dans Danse Macabre
(Anatomie de l'horrer),
sur les répercussions de l'histoire immédiate sur
l'apparition comme l'évolution du fantastique et de l'horreur
contemporains pour être soumis aux mêmes
interprétations.
Marqué enfant par l'Esprit Pionnier et les valeurs
traditionnelles américaines, King adolescent et jeune adulte a
été tout autant touché par les erreurs des
décennies soixante et soixante-dix: le gaspillage des
ressources; les dégâts, parfois irréversibles,
causés par des développements techniques mal
contrôlés ou mal calculés, la pollution et ses
risques écologiques: "La peur des radiations, la peur de la pollution, la peur
des machines incontrôlables"29. L'image d'une société d'abondance
apparaît bien compromise.
Il devient aussi difficile de lutter contre les nouveaux
manipulateurs chimiques des organismes vivants que contre les
manipulateurs de l'esprit. Il suffit d'une drogue, ou d'un microbe,
comme dans Le
Fléau,, pour
anéantir la planète sans que les hommes puissent rien y
faire, même ceux qui sont à l'origine du désastre
et qui voient les moyens de confinement ou de sécurité
prévus insuffisants ou incapables de remplir leur fonction.
"L'Amérique dans
laquelle j'avais grandi semblait s'effriter sous mes pieds... un peu
comme un gigantesque château de sable malencontreusement
édifié au-delà de la ligne de haute
mer" 30.
La conception de l'homme datant de la fin du XIXème
siècle, qui avait établi comme dogme les progrès
simultanés de la science et du genre humain s'est
effondrée. Le mythe de la possible construction d'un monde
meilleur, déjà bien ébranlé par la venue
du nazisme et les atrocités du conflit qui avait suivi, avait
encore cours à la fin de la seconde guerre mondiale: il
disparaît. Au mieux succède le souhait de ne pas tomber
dans un monde pire. Finis les lendemains qui chantent et
l'élévation de la société humaine vers le
point ½31...
Sensibilisé au conflit du Viêt-nam et à la crise
des années soixante, mobilisé par la révolte
estudiantine comme tant d'autres jeunes Américains, King
percevait les abîmes de noirceur et de malfaisance qui se
trouvaient dans l'humain. Des exactions abominables sur un fond de
nouvelle conflagration mondiale suicidaire possible: on aurait
à moins des doutes sur l'avancée de l'humanité
vers plus de solidarité... Non seulement les hommes
n'étaient pas bons, mais encore, quand ils s'y mettaient, ils
pouvaient être pires que l'animal. Longtemps occulté par
les progrès de l'instruction et de la science, le mal
était toujours là, et on avait été bien
aveugle de ne pas le constater: "Le monstre, c'est nous", l'aspect dionysiaque de notre nature.
Dès lors prennent leur sens les traits de comportements
positifs concernant la nécessaire solidarité, la lutte
contre les déviations du pouvoir et les dégâts
causés à la collectivité. Il ne suffit plus,
comme dans le modèle du jeune Américain à
l'Esprit Pionnier, de se contenter de dépeindre les
caractéristiques d'un homme achevé sur le plan
personnel. Il ne s'agit pas seulement de conquérir sa
liberté: il convient encore de la mettre au service des
autres. Il ne faut pas se replier dans sa coquille32, mais si c'est nécessaire entrer en
lutte avec les pouvoirs politiques, contre les arbitraires, pour ne
pas laisser le monde devenir fou...
Le fait pour des personnages de disposer de dons psychiques
spéciaux ou de possibilités exceptionnelles provenant
des forces permettra d'aller plus loin encore dans cette voie en
dépassant les limites de l'homme ordinaire.
King manifeste ici sa prise de conscience que c'est l'insuffisance de
la lutte des individus contre les disfonctionnements de notre
société qui est la cause du mal. Il pense ausi à
des organismes de défense ou des comités, mais il ne va
pas bien loin dans cette voie33: toujours la méfiance à l'égard
des institutions. Il espère plutôt en des hommes de
bonne volonté, assumant leur propre destin, faisant un usage
responsable de leur liberté. Des hommes et des femmes
rayonnant de charisme qui, comme Anna Stevenson ou Paul Edgecombe,
peuvent en entraîner d'autres à leur suite. Mais King ne
va pas au-delà. Ses personnages ne deviennent pas le levain ou
les catalyseurs d'actions collectives amenant une évolution ou
un progrès. Ses héros, comme lui-même, limitent
leurs actions à la dénonciation des insuffisances ou
à des tentatives mineures pour y remédier. Ces hommes
d'exception restent des exceptions. Ils ne suscitent pas d'adeptes et
ne peuvent renverser la tendance. Et, caractéristique
terrible: presque tous ceux qui essaient de lutter contre des
pouvoirs ou un homme mauvais en meurent de mort violente.
Les révolutionnaires ne manqueront pas d'ironiser sur les
solutions morales ou sociales positives proposées par King,
qui s'apparentent finalement aux activités de la Croix-Rouge
ou d'organismes humanitaires. Le mal est repéré,
dénoncé. Les volontaires essaient d'y remédier.
dans le meilleur des cas leurs actions sont limitées et
n'interdiront pas au mal de se prop.r ou de se manifester ailleurs.
Dans le pire des cas, ils en meurent. Peut-être en
espérant que ce ne sera pas tout à fait pour rien...
Comment ne pas penser aussi au Christ qui meurt sur sa croix pour
assurer le salut des hommes tout en laissant le monde et ses
exactions à César...
C'est ce qui explique les prétentions limitées des
positifs kingiens: «faire de leur mieux», en toutes
circonstances. Leçon à la fois de courage et de
modestie, le maximum a été fait. C'est que toute
liberté humaine se réalise dans les risques d'une
action aux prises avec les choses,avec la possibilité d'une
mauvaise estimation et la perspective possible du chaos si elle
échoue. Il faut s'inventer des conduites, au risque de se
tromper sur les possibilités réelles et sur le
réalisme de son anticipation. Il peut y avoir des
excès, des troubles, des erreurs. Dans la réalisation
de ces objectifs où les solutions sont à inventer,
faire de son mieux n'est peut-être déjà pas si
mal... Et c'est peut-être aussi la chance de découvrir,
au fil de l'action, de nouveaux aboutissements sources
d'enrichissements humains inespérés.
Influences théologiques.
Il y a évidemment opposition
entre la révélation divine, définitive et
punitive, et la réflexion humaine réduite à ses
seules forces et qui se cherche péniblement. Dans une
perspective biblique, les hommes ne transformeraient pas le monde.
Ils ne feraient qu'entretenir un ordre divin, toujours remis en cause
par leurs propres insuffisances et la présence du mal, en
subissant des directives qui les dépassent.
J'ai insisté à plusieurs reprises déjà
sur l'influence profonde de la religion chrétienne sur King.
Il est méthodiste, et comme tous les Américains de la
Côte Est, contrée des Pères Fondateurs, des
vieilles universités et des sorcières de Salem, il a
été marqué par un certain fondamentalisme
biblique; cette interprétation court à travers son
oeuvre. Un exemple. Parlant de son enfance pauvre, il commente:
"Mais nous nous en sommes
sortis -ou nous avons eu de la chance ou quelqu'un veillait sur nous,
quelqu'un comme Dieu par exemple" 34. En dépit des précautions oratoires
prises pour ne pas choquer certains de ses lecteurs peu croyants,
l'essentiel a été dit.
Retrouvons nos personnages. Abigaël ne croit pas aux vertus du
progrès, dont elle a toujours limité l'intrusion chez
elle. Elle préfère la vérité absolue de
sa foi à la relativité des acquis scientifiques. Quand
la Communauté du Bien se constitue à Boulder, elle leur
fait nettement comprendre que là n'est pas le sens de la vie:
"La lumière
électrique n'est pas la réponse, Stu Redman. La radio
ne l'est pas non plus, Ralph Brentner. La sociologie ne mènera
à rien, Glen Bateman"
(933).
Elle refuse l'espoir placé dans la volonté humaine
organisatrice et dans la confiance collective en un monde meilleur.
Elle conteste par conséquent leur prétention de fonder
une Communauté et de la structurer: "Dieu ne vous a pas réunis pour former un
comité ou une communauté, dit mère Abigaël.
S'il vous a amenés ici, c'est uniquement pour vous envoyer
plus loin, pour entreprendre une quête. Il veut que vous
tentiez de détruire ce Prince noir, cet Homme des lieues
lointaines" (933).
Quand Abigaël guérit Fran de son mal de dos, Fran lui
dit: "Votre Dieu essaie de
m'acheter? (...).
-Dieu n'achète pas les gens, mon enfant, chuchota mère
Abigaël. Il se contente de faire un signe et laisse les gens
l'interpréter comme ils veulent" (935).
"Mon rôle n'est pas de discuter avec vous, ni de vous
convaincre, mais seulement à vous aider à comprendre
les projets de Dieu" (935).
Dieu ne doit rien aux hommes. Leur salut ne saurait être acquis
ni par leurs mérites, ni par leurs oeuvres. Dieu ne saurait
être contraint à la reconnaissance. Ni la prière,
ni l'observance scrupuleuse des rites ne sauraient nous assurer quoi
que ce soit. Nous ne pouvons même pas nous glorifier de nos
réussites sans tomber dans le péché d'orgueil et
offenser le Seigneur.
Un des personnages du roman
définit bien la situation: "Elle croit que nous sommes tous des pions dans une
partie d'échecs entre Dieu et Satan. Que le principal agent de
Satan dans cette partie est l'adversaire, qui s'appelle Randall Flagg
selon elle («le nom qu'il utilise cette fois»); que pour
des raisons connues de Lui seul, Dieu l'a choisie comme Son agent
dans cette affaire. Elle croit (...) qu'un
affrontement se prépare et que ce sera une lutte à
mort" (711).
Alors les survivants de Le
Fléau, essaient
tant bien que mal de rebâtir une société,
meilleure si possible pour leurs descendants, Abigaël ne trouve
d'action humaine signifiante que dans la réalisation du plan
divin, destiné à promouvoir le Salut qu'Il avait
lui-même déterminé. La liberté et la
dignité de l'homme consistent à réaliser son
essence35 selon la définition donnée par son
créateur. L'agent de la Lumière se met au service de
valeurs transcendantes et suggérées/imposées. Il
n'y a plus qu'à exécuter, pas à inventer
péniblement. L'action humaine positive est alors celle faite
par acte de foi et se conforme à la parole divine
révélée par ses élus. La bonne
utilisation du libre-arbitre. C'est dans un lointain passé
religieux du Proche-Orient que se légitime ainsi et se fonde
un ordre où des hommes actuels ne sont que des
exécutants, dont le volontarisme est soutenu par
l'obéissance modeste et l'espoir non assuré
d'être parmi les élus.
Que ce Dieu soit calculateur, manipulateur, truqueur, uniquement
orienté par des visées inconnues des hommes et dont ne
sont jamais précisées les perspectives morales, c'est
l'évidence. Si on examine sa tactique, des conclusions
s'imposent d'elles-mêmes. Il n'est question nulle part d'agir
pour le bien ou la justiceDans Désolation 36, Dieu, qui a plusieurs fers au feu, semble suivre un
programme informatique (si..., alors...) et inspire ce qu'il
désire que des hommes fassent. Cela veut dire, par exemple,
que le chauffard a suivi le dessein de Dieu, disposé à
sacrifier Brian (ou non, on ne saura pas), suivant la décision
que David (libre-arbitre) prendrait; que tous les sacrifiés
l'ont été pour faire avancer la cause divine d'une
façon ou d'une autre. Et que pour la destruction de Tak, Dieu
avait deux possibles: David, prêt à se sacrifier pour
remplir sa promesse, ou l'écrivain, qui pouvait ou non
(toujours le libre-arbitre!) prendre la décision
d'éliminer Tak. L'un excluant l'autre. Mais finalement pour
quel résultat perceptible pour l'humanité? Dieu a
gagné, mais les hommes se retrouvent avec leurs
problèmes.
Enfin ce Dieu est insensible à la souffrance des hommes en
général, et des siens en particulier. Toujours dans
Désolation, ses partisans ont bien des difficultés à
faire la différence entre le culte brutal et inhumain de Tak
et celui de ce Dieu dont la religion, sur le plan éthique, se
réduit à peu de choses. «Que sais-tu de la nature de Dieu, David? Quelle
est ton expérience?» . Avec la plus grande des réticences, David
déclara : «Dieu
est cruel» (415).
C'est que dans les pays profondément marqués par cette
morale traditionnelle, la souffrance a été -et reste-
considérée comme un instrument privilégié
de rédemption et de formation du caractère. King est
imprégné, comme beaucoup, par cette idée, venant
d'une lointaine théologie, que la souffrance permet seule
à l'homme de se hisser au-dessus de sa modeste condition. Ce
qui explique la destinée de plusieurs de ses héros qui
souffrent et qui meurent. Comme l'indique Jacques Van Herp, ce qu'il
exprime, "c'est l'angoisse
d'une société dont le credo est la recherche du
bonheur, qui découvre que tout se paye, et où un vieux
fond biblique rend le malheur inévitable" 37.
Des
hommes dépassés par leur époque.
La conséquence est que si des
hommes pensent qu'ils sont libres, ils sont victimes d'une illusion.
S'ils sont manipulés, on peut aussi dire que leur
culpabilité disparaît. Les hommes ne sont plus que des
marionnettes entre les mains diverses des puissances
supérieures: pas des marionnettes passives, mais des gens qui
essaient stupidement de lutter. Qui ne deviennent pas pour autant des
marionnettes actives, mais essentiellement des marionnettes
activées.
Il est difficile de psychanalyser les peurs actuelles. Coexistent non
seulement les menaces internes propres à chaque pays, mais
aussi celles que l'Occident trouve en cette fin de millénaire
avec les déséquilibres mondiaux dus à la
montée en puissance de l'Asie et de l'Islam. Dans sa
société en crise, notre contemporain vit dans un
état d'angoisse permanent. Il "perd son pouvoir et sa puissance dans un univers de plus
en plus contrôlé par les machines et la
paperasse" 38, et le sens réel de sa vie lui
échappe. On comprend dès lors la fonction de ces
récits où les hommes se battent contre des forces qui
les dépassent: une sorte de jeu de l'esprit qui permettrait de
gommer les aspérités de la vie, de surmonter leurs
inquiétudes et de dissiper momentanément leur angoisse.
Fonction qui masque certes la réalité, mais ce masque
aide à la supporter et joue le rôle d'un calmant, d'un
tranquillisant.
L'image de l'échiquier, si souvent reprise, comme celle du
pion manipulé, les cases noires de l'aléatoire donnent
nécessairement l'idée de puissances supérieures,
sorte de joueurs suprêmes, étrangers aux soucis
quotidiens et aux petits bonheurs des hommes. Ils calculent leur
partie longtemps à l'avance, en prenant les initiatives et les
risques nécessaires à un moment où la
stratégie du jeu n'apparaît pas nettement. Le sacrifice
incompréhensible d'un pion, qui semble une erreur à un
moment donné, peut s'avérer primordial pour une
réussite encore bien éloignée.
Que ce soient des démons ou des dieux, des décisions
politiques supérieures incompréhensibles ou du plus
total arbitraire social, des mystérieuses pulsions humaines
dionysiaques incontrôlées venant des tréfonds de
notre être, tous participent à la souffrance et à
la mort. Des puissances colossales subjuguent les hommes. La vie et
la mort perdent leur caractère naturel pour devenir sanctions.
Et les hommes se retrouvent, en responsabilité propre,
innocents de tout dès l'instant où ils sont devenus les
jouets de ces forces coercitives. Ils sont des victimes
inconscientes, le mal vient d'ailleurs, et en poussant les choses
à la limite, même les bourreaux deviennent innocents.
Tous les hommes deviennent innocents, dès l'instant où
le Destin, les Moires et les Erinyes, les Dieux et leurs Archanges
prennent possession de l'esprit des vivants. Dans Rose Madder, la victime Rosie n'est-elle pas manipulée comme
son mari tortionnaire Norman? Et ne sont-ils pas dès lors
identiquement irresponsables?
Une
création bipolaire.
Comment, pour son compte personnel,
King arrive-t-il mentalement à dominer ces deux univers
difficilement conciliables? La réalité de certains
hommes, s'efforçant dans la peine d'essayer de changer le
quotidien dans un monde incompréhensible, et le monde de ceux
qui s'accordent au divin ou subissent des forces qui les
dépassent?
Il croit d'abord en une action possible des hommes sur les choses.
Politique d'abord: "En tant
qu'adulte, j'ai soutenu des candidats qui croyaient, tout comme moi,
à un gouvernement plus humain, à une
société plus humaine, au
désarmement"
39.
Il s'est souvent engagé personnellement: campagnes nombreuses,
pour des organismes ou des associations diverses; dons variés,
créations de bourses scolaires, un Centre artistique dans le
Massachussets (art et musique), une bibliothèque, donations
à l'Université du Maine; création d'un terrain
de sport, d'une unité pédiatrique, d'une autre de soins
intensifs à Bangor40. On ne peut pas dire que King se
désintéresse du monde où il vit.
Ses espoirs d'une société meilleure sont ceux de ses
personnages positifs: "La
vraie vérité et le vrai idéal peuvent se situer
entre les deux, dans une sorte de système Socialiste. Je parle
d'une société qui s'occuperait de son peuple et
d'elle-même et qui ne laisserait pas les gens sans foyer dormir
dans la rue près du parc de la Maison Blanche. Elle ne
permettrait pas que les personnes âgées se transforment
en glaçons pendant l'hiver. Elle ne tournerait pas le dos aux
personnes qui ont le sida. Elle ne tournerait pas le dos aux
toxicomanes, lesquels se trournent vers la drogue parce qu'ils n'ont
plus rien d'autre dans la vie pour se sentir bien. Il y a là
un problème de société" 41.
De même, s'il a suivi le cathéchisme et se
réfère volontiers à sa religion
méthodiste, ce n'est pas un croyant fanatique:
"Mon idée est que toute
religion organisée conduit tôt ou tard les gens à
la tombe. Si quelqu'un vous met une bible dans la main droite,
tôt ou tard il vous mettra un revolver dans la main
gauche" 42. Et c'est plus dans l'être humain que
dans un code religieux que se trouve l'éthique:
"Je pense que la morale est
là où elle a toujours été: dans le coeur
et l'esprit des hommes et des femmes de bonne
volonté"
43.
La conception du monde de King n'est donc pas aussi fataliste et
résignée44 que celle qui détermine sa création. S'il
a été influencé par le pessimisme de son
époque, qu'il n'aime pas -"notre société
bloquée"
45-, il a aussi su en amplifier les différents
aspects pour une création ambivalente bien ancrée dans
son époque.
La tragédie et le sens de
l'horreur.
Dans sa création, King a su
habilement composer avec les tendances de son temps vers la
tragédie et l'horreur.
La tragédie d'abord. Il faut ici se référer
à Nietzsche pour deux raisons: l'une est qu'il a bien mis en
évidence l'essence de la tragédie46, dans des analyses demeurées
classiques; l'autre que ses explications collent parfaitement avec
l'opposition constante faite par King entre Apollon et Dionysos.
L'art grec est pour beaucoup un art apollinien, fait de mesure et de
pondération, contemplation sereine au-dessus d'un monde
condamné à la souffrance. Nietzsche lui oppose un autre
aspect, symbolisé par Dionysos, le dieu affirmatif pour qui la
vie doit être exaltée sous toutes ses
formes47, et non justifiée ou rachetée. Ce
vouloir-vivre poussé à son point suprême, conduit
à un «devenir» qui est un besoin de création
lié à une puissance destructrice. Le juste contraire
d'un monde apollinien idéal porté à la
contemplation, sans histoire. La tragédie grecque naît
de cette opposition entre les forces destructrices et un idéal
de raison et d'équilibre48, et montre le rêve apollinien submergé par
la nature orgiaque dionysienne.
Cette conception tragique de la vie se retrouve chez King. Ses
héros positifs se heurtent à des forces collectives ou
cosmiques qui les dépassent, et la fatalité
incarnée jadis dans la volonté des dieux prend des
formes psychologiques et sociales pour peser sur la condition de
l'individu Ils luttent. Mais quand finalement les apolliniens
arrivent à l'emporter sur Dionysos, c'est au prix d'artifices
grossiers dont personne n'est dupe. En effet, le lecteur ordinaire ne
désire pas que les personnages positifs disparaissent: ils ont
sa sympathie et l'auteur le sait. Jusque là gagnants, les
monstres ne l'emportent finalement pas, puisque King, exerçant
son droit souverain d'auteur, s'en sort par une
pirouette49: l'araignée de Ça 50 vaincue par du spray anti-asthme (et en plus un
placebo!); la créature diabolique Leland Gaunt de
Bazaar 51 mise en fuite par un serpent de papier et des fleurs
à ressort; ou le policier des
bibliothèques52 par de la réglisse... Arrêtons-nous avec
la tarte de La peau sur les
os 53: le lecteur averti sent que ces artifices
n'ont guère de valeur -même d'un point de vue
imaginatif54, et qu'ils ne servent qu'à fournir une issue
rassurante. La tragédie sombre d'un coup dans la
tragi-comédie.
Mais l'essentiel n'est pas là: le lecteur est
psychologiquement satisfait, même s'il n'oublie pas que des
forces manipulatrices redoutables sont intervenues. Et même si,
par illusion, certains pensent avoir contribué à
freiner le mal, c'est que des puissances supérieures ont
réussi à l'emporter sur d'autres puissances
supérieures rivales et qu'ils n'ont fait qu'avoir
été déplacés sur l'échiquier fou
du monde en pions gagnants...
Par contre, ce n'est pas en faisant des pirouettes que le
héros positif affrontant le mal social peut s'en sortir. C'est
un citoyen, attaché à un système de valeurs
humaines positives et bafoué par les pouvoirs politiques, que
le lecteur voit en danger. Et qui ne peut, dans une situation
extrême débouchant sur l'horreur, qu'affronter la mort
de la manière la plus digne possible. Ici, pas
d'artifices.
Mais les livres refermés, cela signifie que certains lecteurs
ont trouvé leur compte dans des récits où le
mal, la misère, les crimes et les guerres qui les accablent ne
peuvent être enrayés. Dans une époque qui nous
dépasse de tous côtés, et où le besoin de
croire que les choses doivent avoir un sens
caché55 se développe, il est confortable de penser que
nous ne pouvons rien contre les divers maux, qu'ils soient d'origine
humaine ou divine. Et puisqu'ils nous sont extérieurs et nous
dépassent, dormons enfin tranquilles, nous n'avons pas le
pouvoir de faire autrement... Ceux-là se verront
renforcés dans cette conviction et y trouveront des excuses
pour ne pas agir, pour demeurer dans leur vie de tous les jours des
exécutants soumis.
Ce sont là les conséquences qu'engendre toute situation
tragique et qu'Anouilh a bien décrites avec le choeur
d'Antigone:
"C'est propre, la
tragédie, c'est reposant, c'est sûr; dans le
drame (...), on aurait peut-être pu se sauver
(...). Dans la tragédie, on est
tranquille (...).
On est tous innocents en
somme! C'est reposant parce qu'on sait qu'il n'y a plus
d'espoir (...),
qu'on est pris, qu'on est
enfin pris comme un rat. Dans le drame, on se débat parce
qu'on espère s'en sortir, c'est ignoble, c'est utilitaire.
Là, c'est gratuit
(...), il n'y a plus rien
à tenter, enfin"
56. Bien des héros de King paraissent ainsi faits
comme des rats, et aller vers leur mort inéluctable.
On peut aussi penser que d'autres, qui n'ont pas renoncé
à toute initiative, chercheront des raisons d'espérer.
C'est ce que suggère aussi King: "L'horreur est de bien des façons une
expérience optimiste et positive; c'est bien souvent
grâce à elle que l'esprit tente de résoudre des
problèmes qui ne sont pas forcément
surnaturels, mais bien réels" 57.
Trois contatations peuvent être ajoutées en guise de
conclusion.
La première est que, après avoir parcouru un certain
nombre de critiques des ouvrages de King, je puis affirmer sans trop
de risque de me tromper que les jugements se répartissent en
deux groupes58.
Il y a ceux qui apprécient les romans réalistes
«à la Bachman»59, dans lesquels on trouve des hommes créateurs de
soi et responsables, cherchant à vivre en harmonie avec les
autres, plutôt que de simples exécutants exaltés
ou résignés de desseins mystérieux.Des hommes
humainement positifs, qui entreprennent des actions dues à
leur seule initiative dans une société fermée
qui cherche à les contraindre. C'est le tragique de l'individu
de bonne volonté brisé par la société
qu'ils apprécient. Les mêmes lisent volontiers les
romans où les héros ont des pouvoirs particuliers,
négligeant les forces qui se trouvent dans l'ombre, pour ne se
délecter que de leur lutte contre les pouvoirs.
Il y a ceux qui apprécient les romans
«métaphysiques» mettant directement aux prises les
individus aux forces supérieures qui les dépassent.
Leur plaît le sacrifice tragique de l'individu et de ses droits
humains à une entité considérée comme
infiniment supérieure. C'est le tragique de la destinée
humaine, soumise à l'obéssance aveugle de l'ordre
divin.
Quelques exemples de ces prises de position. "Carrie, l'adolescente anorexique,
Cujo (...), l'enfant shining, son père psychopathe
et le démon-barman, l'infirmière sadique de
Misery
sont, à n'en
pas douter, des caractères neufs, puissants,
littéralement inoubliables. Mais leur force réside dans
le fait qu'ils sont «comme nous», que ce ne sont que des
«êtres normaux», susceptibles d'être
croisés chaque jour dans la vie
«ordinaire» (...).
En revanche, dès que
King se retourne vers le monde des ténèbres, dès
qu'il tente de traduire en mots le visage ineffable de ce que
Lovecraft appelait «l'horreur cosmique», il rate sa
cible (...). Détournons pudiquement notre regard de
l'affligeante pauvreté des sagas
héroïco-post-nucléaires commises par le
Maître du Maine, tels les catastrophiques
Fléau,
Tour
Sombre et autres
«pistoleros de sinistre mémoire»"
60.
Ou encore: "Avec
Le
Fléau,
version longue, un cran de
plus a été franchi: au discours moralisateur s'ajoute
désormais le sermon évangélique. Dieu devient le
vrai héros de l'histoire. C'est lui qui
résout tout quand l'auteur ne sait plus comment terminer son
récit. Trop, c'est trop, je renonce" 61.
La seconde: on peut noter qu'il manque aux héros positifs la
dimension collective. Ce sont des individualistes, des aventuriers
qui construisent leur propre avenir en acceptant l'inconnu et ses
risques. Au mieux l'aventure est vécue dans un groupe
restreint, comme dans Ça,
avec un projet concernant ce groupe.
Ce qui fait l'intérêt de Le Fléau, où, hors mission divine, des hommes de bonne
volonté essaient de s'organiser au mieux, c'est la mise en
rapport des membres d'un groupe réuni par hasard, mais
reliés entre eux par un but collectif commun. Il ne s'agit
plus d'une lutte individuelle fragmentaire, mais bien d'une
association où chacun apporte sa contribution à
l'édifice commun. Pendant une période d'une dizaine
d'années, entre la première édition
tronquée et l'édition complète, King a eu en
filigrane dans son esprit ce beau récit, sociologiquement
passionnant, de l'édification d'une démocratie
purifiée. Il aurait pu créer l'utopie. Des hommes ne
luttant plus contre des pouvoirs disparus et édifiant
ensemble, dans la solidarité. Mais il ne l'a pas fait:
toujours le pessimisme chrétien sur la nature humaine. Et ses
conclusions ne sont pas des plus optimistes.
Depuis, ses hommes positifs ont cessé toute lutte globale, au
profit d'actions particulières intéressantes, mais
limitées: femmes battues, avortement, autorités
policières, condition carcérale. Une solidarité
minimale.
Enfin la troisième. Pour King, les hommes positifs sont du
côté du bien ordinaire ou des forces de la
Lumière. Cela peut faire illusion aux jeunes
générations. Mais pour bien mesurer le recul de la
pensée humaine positive en deux siècles, rappelons la
célèbre formule de Montesquieu, que des professeurs
plus confiants en l'avenir des hommes proposaient naguère aux
lycéens égarés dans leurs petits
problèmes personnels: "Je préfère ma famille à ma patrie,
ma patrie à ma famille, et le genre humain à ma
patrie". .Cette maxime du
Siècle des Lumières est devenue le négatif du
comportement humain ordinaire. Aujourd'hui, elle ne peut que faire
rire...
Pas le rire radieux d'Apollon. Mais le rire sinistre de Dionysos.
Roland Ernould © 1997. Revu
septembre 1999.
Notes
:
1 En exergue du prologue de ROADWORK 1981,
Richard Bachman, éd. fr. CHANTIER Albin
Michel 1987, page 9.
17 "Les valeurs
narratives sont déterminées par l'esprit humain qui
leur sert de filtre et (...) l'esprit d'un écrivain est le
produit de son milieu autant que de sa
personnalité", in
p.S NOIRES, p. 102.
18 Il va de soi qu'il est impossible d'expliquer ou de
comprendre exhaustivement un individu, en tenant compte de toutes les
données de son existence, dont un grand nombre
échappent à l'investigation. Toute vie humaine est une
synthèse unique. Une explication, pour éclairante
qu'elle puisse être, est toujours une trahison.
19 Rappelons qu'une cosmogonie est une explication,
mythique ou à prétention scientifique, tendant à
définir un certain ordre du monde, ordre appelé cosmos
par rapport au chaos primitif.
20 Ce qui se traduira dans la réalité par le
contrôle le plus strict possible de l'URSS -guerre froide- et
par l'accroissement de l'hégémonie
-l'impérialisme?- américain sur la
planète.
21 In ANATOMIE DE
L'HORREUR, op. cit., p.
177.
22 Si elles ont été contestées en
France, elles l'étaient par des habitudes culturelles. Les
oppositions subsistent d'ailleurs encore. Économiquement, il
n'y a pas eu de résistance au modèle américain.
Même les Russes se complairont dans l'après-guerre
à étaler leur nouvelle prospérité
économique dans les revues de propagande destinées aux
pays occidentaux.
23 In
ANATOMIE..., op. cit., p. 17. Il ajoute ironiquement:
"toutes les histoires courtes
sont formidables"...
24 Je ne m'avancerai pas sur le terrain délicat des
personnages masculins positifs idéalisant les traits du
père absent.
25 In NIGHT
SHIFT 1978, éd. fr.
DANSE MACABRE, Lattès 1980, Avant-propos, p.
23.
26 In ANATOMIE..., op.
cit., chapitre 4.
27 In THE EYES OF
THE DRAGON 1984 & 1987,
éd. fr. LES YEUX DU
DRAGON Albin Michel 1995, p.s
378/9.
28 On les trouve aussi bien dans les religions du
Proche-Orient qu'en Asie, comme par exemple le confucianisme, six
siècles avant l'ère chrétienne. Si on laisse de
côté comme périmées les relations
hiérarchisées entre les individus
-sociétés féodales obligent-, pour K'ong fu
tseu, la bonne entente entre les hommes est réalisée
par la vertu de l'équité (yi), l'effort constant vers
la perfection (tao tö), assurés par la pratique des
vertus humaines dans les rapports sociaux: le sentiment de la
dignité humaine, le respect de soi, la
sincérité, la bonne foi, la probité, la
bienfaisance, etc. Le respect de ces vertus garantit le bon
fonctionnement de l'univers. On n'insiste guère sur ces
traditions qui expliquent pourtant en grande partie la qualité
remarquée des travailleurs du Sud-Est asiatique.
29 In ANATOMIE... ,
op. cit., p. 189.
30 In p.S
NOIRES, op. cit., p.
206.
31 On a oublié le succès de la thèse
soutenue par Teilhard de Chardin dans l'immédiate
après-guerre: le «phénomène humain»
apparaît comme une immense histoire orientée vers
l'émergence de la conscience et de la spiritualité. Le
point ½ (Oméga) serait atteint à la fin de
l'évolution naturelle et coïnciderait avec la fusion de
l'humain et du divin. Voir oeuvres,
éditions du Seuil.
32 Car la révolte estudiantine s'est bien vite
estompée avec l'apparente libéralisation qui a suivi la
crise. Ont suivi l'époque du «cocooning» et du
«moi d'abord»...
33 Le cas de THE
STAND est différent,
puisqu'il s'agit là d'une société qui n'existe
plus et qui est à reconstruire.
34 In interview de Martin Cohen, KING, Les Dossiers de Phénix 2, éd. Lefrancq, Bruxelles 1995, p.
40.
35 Et non pas à se construire soi-même. C'est
le contraire de ce que prétendait Jean-Paul Sartre affirmant
que l'existence précède l'essence. Il faut revoir dans
cette perspective le début du § 1.3.
36 Op. cit., chapitre 5.
37 In Le
fantastique chez Stephen King de Jacques Van Herp, in KING, Les Dossiers de Phénix 2, op. cit., p. 111.
38 In p.S
NOIRES, op. cit., p.
136.
39 In interview de Martin Cohen, op. cit., p. 65.
40 Même si certaines de ces fondations ne sont pas
tout à fait désintéressées, il n'en
demeure pas moins qu'elles existent: "Je suis mortellement effrayé à
l'idée d'avoir une crise cardiaque. Seule une intervention
rapide peut alors vous sauver. Pas question d'y penser si, faute
d'une unité de soins, il faut vous transporter à Boston
ou à New-York", in
Qui est Stephen
King? de Jacques Van Herp, in
KING, Les Dossiers de
Phénix 2, op. cit., p.
35. Pensons à Simenon, autre auteur populaire riche, qui avait
équipé sa villa suisse d'une installation
réservée à son usage personnel.
41 In interview de Martin Cohen, op. cit., p. 66.
42 In interview de Martin Cohen, op. cit., p. 60.
43 In p.S
NOIRES, op. cit., p.
208.
44 "I view the
world with what is essentially an old-fashioned frontier vision. I
believe that people can master their own destiny and confront and
overcome tremendous odds. I'm convinced that there exist absolute
values of good and evil warring for supremacy in this universe -
which is, of course, a basically religious viewpoint. And (...) I
also believe that the traditional values of family, fidelity, and
personal honor to have not all drowned and dissolved in the trendy
California hot tub of the "me" generation. That put me at odds with
what is essentially an urban and liberal sensibility that equates all
change with progress and wants to destroy all conventions, in
literature as well as in society", in PLayboy
Interview, Eric Norden, juin
1983, cité par George Beahm , THE STEPHEN KING COMPANION, Warner éd., p. 67.
45 In p.S
NOIRES, op. cit., p.
207.
46 Friedrich Nietzsche, DE GEHURT DER TRAGÖDIE ODER GRIECHENTUM UND
PESSIMISMUS 1871, trad. fr.
LA NAISSANCE DE LA
TRAGÉDIE OU HÉLLENISME ET PESSIMISME, Gallimard 1940.
47 Nietzsche s'opposait ausi bien à Socrate qu'au
christianisme, tous deux négateurs de la volonté de
puissance de l'individu. De même qu'à toute culture
pratiquant le culte de la raison et du raisonnable.
48 Pour un Grec, devenir apollinien impliquait de dompter
son goût du monstreux et de l'atroce, survivance de la
démesure asiatique qui marquait encore le peuple grec: la
grandeur de l'homme était de lutter contre cet atavisme,
lointaine survivance des invasions. On trouve aussi bien dans les
mythes grecs la théogonie lumineuse des Olympiens que la
sombre théogonie cruelle et inhumaine des dieux primitifs et
des Titans.
49 Voir sur cette question mon étude Derrière la porte, in Steve's Rag,
n°14, avril 1997, p. 13.
50 IT, op.
cit.
51 NEEDFUL
THINGS 1991, éd. fr.
BAZAAR, Albin Michel 1992.
52 FOUR PAST
MIDNIGHT 1990, éd. fr.
MINUIT 2 MINUIT
4, Albin Michel
19913-The Library
Policeman, le policier des
bibliothèques.
53 THINNER 1984,
Richard Bachman, éd. fr. LA PEAU SUR LES OS Albin Michel 1987.
54 La richesse d'un auteur est de susciter des
réactions multiples: on ne s'étonnera donc pas de
trouver un avis différent sous la plume de Benjamin Jakmakian,
La volonté et/ou la foi
en soi chez King: une arme,
in Steve's Rag, n°16, octobre 1997, p. 5.
55 Ce qui explique qu'on rencontre de plus en plus de gens
déboussolés et sans repères à la
recherche de gourous ou de spiritualité.
56 Jean Anouilh, NOUVELLES PIÈCES NOIRES, Table Ronde éd. 1946, p. 166.
57 In ANATOMIE..., op.
cit., p. 110.
58 La lecture de l'ouvrage collectif KING, Les Dossiers de Phénix
2, op. cit., est
particulièrement significative. Une quinzaine d'auteurs
écrivent librement sur King des études
d'intérêt et de longueur variables, mais où ces
oppositions sont profondément marquées.
59 A la manière de ..., faudrait-il écrire.
Car des romans signés King, comme CUJO, JESSIE ou
DOLORES
CLAIBORNE sont des Bachman,
ou inversement, signés Bachman sont des King: THINNER et THE
REGULATORS.
60 Stepken King,
l'enfant mort, d'Yvon
Godefroid, in KING, Les
Dossiers de Phénix ,
op. cit., p. 93/4.
61 Stephen King ou
la lumière perdue, de
Serge Brussolo, in KING, Les
Dossiers de Phénix ,
op. cit., p. 314.
1ère
partie.
2ème
partie
:
MONOGRAPHIES DE QUELQUES PERSONNAGES
POSITIFS.
3ème
partie
:
LES AGENTS
DE LA LUMIÈRE.
ce texte a
été publié dans ma Revue trimestrielle
différentes saisons
saison # 5 -
hiver 1999.
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