UN NOUVEAU
PARCOURS CRITIQUE DE L'OEUVRE DE H. P. LOVECRAFT
Des éclairages
actuels sur plusieurs aspects de Lovecraft, du grotesque au
pornographe.
H. P. LOVECRAFT
Fantastique, Mythe et Modernité,
sous la direction de Gilles
Ménégaldo et Jean Marigny,
Dervy éditeur,
2002
Lovecraft est l'un des
écrivains du fantastique les plus lus et le plus
étudiés dans le monde. Son texte est comme un iceberg,
dont la plus grande partie est encore submergée. Les travaux
du Colloque de Cerisy de 1995, avaient permis d'explorer un peu plus
la partie cachée. Ils viennent enfin d'être
édités, offrant à l'amateur de Lovecraft
l'occasion de se livrer à un nouveau parcours critique qui
prend en compte les travaux les plus récents des
spécialistes français et étrangers, des
universitaires pour la plupart. Ce recueil donne d'abord l'occasion
de réviser des jugements sur Lovecraft,
dépassés. Il permet aussi de mieux situer l'oeuvre, au
carrefour de plusieurs traditions littéraires. Héritier
du patrimoine littéraire d'Edgar Poe et de Lord
Dunsany, Lovecraft est le lien entre le fantastique
du XIXème et le fantastique moderne. Voici le
résumé de la plupart des interventions du Colloque de
Cerisy 1.
Lovecraft,
trente ans après,
par.Maurice Lévy.
Dans son texte inaugural, Maurice
Lévy 2 compare la nouvelle vision qu'il a maintenant de
Lovecraft, trente ans après sa découverte, quand il fut
fasciné par sa première lecture. À cette
époque, on ne connaissait que ses meilleures nouvelles, qui
eurent un succès considérable. On ne savait rien de
l'homme-Lovecraft Pendant les années qui suivirent, apparut
une vision incomplète de sa personnalité, qui ne fut
pas à son avantage. Le Lovecraft raciste, marqué par
Gobineau et Le Déclin de l'Occident de Spengler
3, éclaira d'un jour "sinistre" la plupart de ses
monstres, des hybrides métaphores de ce qu'il appela un moment
les "Italo-Sémito-Mongoloïdes", les habitants des bas
quartiers qui "menacent" la société américaine.
L'oeuvre passait brutalement de la gratuité fantastique du
monstrueux à une oeuvre plus engagée, conservatrice,
d'un auteur qui avait opté pour Hitler et les fascismes. Ce
Lovecraft raciste est maintenant révisé. On
connaît les origines perturbées de l'auteur qu'on
n'avait pas soupçonnées, la parésie syphilitique
et la folie de son père, son enfermement; l'éducation
par des tantes possessives et une mère rigoriste. Une enfance
telle qu'elle ne pouvait que perturber gravement sa vie d'adulte. On
sait maintenant aussi que ses opinions racistes et conservatrices
furent révisées après la crise de 1929.
Lovecraft vota en 1932 pour le démocrate Roosevelt, reconnut
alors avoir été un réactionnaire borné,
qui n'avait pas sérieusement réfléchi aux
données politiques4.
Considérant ensuite
l'écrivain sur un plan littéraire, Lévy montre
de manière provocatrice que le relecture de Lovecraft ne lui a
pas donné la même impression à sa relecture. Les
défauts et les limites de Lovecraft lui apparaissent
maintenant plus nettement. Après trente ans, il a
trouvé sa lecture plutôt décevante,
l'étonnement provoqué par sa première lecture
ayant disparu. L'écriture de Lovecraft comporte trop de
clichés, de "scléroses", pour ne pas avoir mal vieilli.
Ses monstres horribles sont maintenant concurrencés et
supplantés par les monstres cinématographiques,
autrement plus convaincants. D'une "effrayante banalité", les "pires
imaginations de Lovecraft font triste figure" et l'auteur aujourd'hui paraît
dépassé. Quelques nouvelles résistent au temps.
Mais ce sont ses textes oniriques et poétiques, ceux où
il donne libre cours au rêve, quand il renonce à
"Cthulhu et à ses
pompes." Il reste alors d'une
réelle fraîcheur et authenticité.
Lovecraft,
précurseur de la théorie de la
déconstruction, par
Donald R. Burleson
5.
Dans une perspective structuraliste,
l'auteur prétend que la déconstruction est
préfigurée dans la thématique lovecraftienne et
relève plusieurs exemples d'éléments
explorés inlassablement. Le thème du "refus de la
primauté" s'impose d'abord, avec l'idée que
l'humanité, en dépit des prérogatives qu'elle
s'est données, n'a pas la place que les religions et la
tradition lui donnent. D'autres formes de vie ont
précédé les hommes sur terre, cohabitent avec
eux, et leur succéderont. Ensuite, le thème de la
connaissance interdite privilégie l'idée que notre
science a des limites, que les réalités apparentes sont
trop profondes pour qu'on les connaisse, et de toute façon
dangereuses à connaître. Il n'est possible de vivre
qu'en restant ignorant de certains savoirs, ou de certaines choses
qu'il ne faut pas déranger. Le cosmos est chargé de
significations se rapportant à des secrets de portée
universelle. L'efficacité de la narration vient de ce que le
sort des hommes, les fondements de leurs savoirs et donc de leur
existence, se trouvent remis en cause, avec,comme conséquence
et troisième thème abordé, que les apparences
sont illusoires. La réalité dissimule une nature plus
sombre, plus effrayante, liée aux connaissances
interdites.
Le quatrième thème
concerne la survie transgressive. Les forces et entités se
permettent de vivre dans une époque qui n'aurait pas dû
faire partie de leur vécu, mais elles y font pourtant des
incursions terrifiantes. Elles survivent contre les lois de la
nature. Enfin, dernier thème, la relation entre le rêve
et la réalité est incertaine, voire
indéterminée. Les révélations se
produisent rendant l'univers encore plus énigmatique. Les
apparences trompeuses renvoient au caractère illusoire de la
connaissance humaine.
Ces thèmes conduisent à
l'abandon de l'anthropocentrisme, ce qui est proprement pour
l'humanité perdre son âme. Car cette vision se
révèle destructrice, en nous découvrant notre
effrayante insignifiance en regard des étoiles. Dans un cosmos
indifférent, les hommes adaptés à vivre sur leur
Terre ressentent dans le désarroi l'agression de ces
entités qui ne s'intéressent à eux qu'en
fonction de leurs desseins. Leur réalité est ainsi
complètement remise en question, déstructurée.
On voit que nombre des thèmes lovecraftiens peuvent être
reliées à des aspects de la théorie de la
déconstruction, avec leur propension à la
défragmentation, le chaos et le paradoxe insoluble. Au point
qu'on peut se demander si le sujet fondamental traité par
Lovecraft n'est pas la chute dans l'abîme. Démonstration
originale, de laquelle n'ont été conservés que
les notations propres à Lovecraft, les éléments
de la théorie de la déconstruction (sur laquelle
s'appesantit l'auteur, un spécialiste) ayant été
laissés de côté.
Résonances "poesques" dans la fiction de H. P.
Lovecraft, par Gilles
Menegaldo
6.
Lovecraft a souvent revendiqué
l'influence de Poe qu'il a découvert à l'âge de
huit ans. Son poids équilibre l'influence de la tradition
anglaise du récit de terreur, notamment de Lord
Dunsany 7, Arthur Machen
8 et W. H. Hodgson
9. La fascination qu'exerça l'univers sombre et
souterrain de Poe se manifeste dès les premières
créations de Lovecraft Il lui accorda une grande place dans
son essai Épouvante et Surnaturel en
Littérature 10, où il donne une analyse
pénétrante de l'univers de Poe et
évalue son apport au genre fantastique. Lovecraft ne semble
pas avoir bien compris l'unité de l'univers de Poe, qui
s'explique à la fois par des conceptions esthétiques et
par son système philosophique, et notamment par le jeu
d'attraction et de répulsion de deux forces antagonistes. Mais
une communauté de pensée existe chez deux
écrivains qui ont trouvé leur inspiration chez
Hoffmann 11 et dans la tradition romantique et gothique anglaise.
Tous deux marquent leurs distances par rapport à la
modernité américaine, mettent leurs personnages
à l'écart des réalités du temps, et
utilisent un cadre archaïsant inspiré du gothique. Si on
met à part les allusions de Lovecraft aux bas quartiers des
villes, à leurs immigrants traités en termes racistes,
tous deux sont étrangers à leur siècle et ont
adapté des valeurs aristocratiques. Avec des théories
voisines, ils ont pratiqué la plongée dans l'horreur,
la terreur et le macabre, et la "spectaculaire exhibition de
l'altérité."
Lovecraft fait de nombreuses
citations de Poe, la plupart
fonctionnant comme de manière déguisée. Les
citations textuelles sont rares. À côté des
citations explicites ou implicites12, les formes d'intextualité internes sont
importantes, avec reprises de décors, de motifs
architecturaux, d'objets ou de phénomènes naturels.
Lovecraft s'inspire de situations narratives particulières,
reprenant les motifs de l'enterrement prématuré, de la
possession, de l'appropriation, du dédoublement, des
pérégrinations spatiales, ou des modèles
archaïques en relation avec des pratiques occultes. Une place
importante est aussi donnée à la thématique de
la folie, la monomanie, l'aliénation mentale, qui peuvent
être liées à des rencontres avec
l'altérité, une malédiction ancestrale ou
l'atavisme. Lovecraft, comme Poe, place au début de ses
récits un fou qui cherche à convaincre de son bon sens
et, ainsi, de la validité de son histoire. À signaler
encore d'autres emprunts, comme les exergues et les
épigraphes, et des influences : le goût pour les
ouvrages fictifs, les textes codés, les pictogrammes, la
présence de mots significatifs pour rendre présente
l'inadéquation du langage.
Cependant, cette influence reste
superficielle, tant sont différentes les conceptions du monde
de Poe ou de Lovecraft. Chez Poe, ce sont les hommes qui
possèdent des capacités de destruction ou
d'autodestruction en même temps que des aptitudes à la
création. Poe pourrait reprendre à son compte la
formule : "l'homme est la
mesure de toutes choses"
13. Il ne dévalorise pas les hommes, au contraire
de Lovecraft, dont la vision n'est pas anthropocentriste, mais
liée à l'ensemble du cosmos. Le personnage lovecraftien
est désarmé devant les menaces qui viennent d'un
passé lointain. Des entités puissantes disposent du
savoir et contrôlent le monde, et la position centrale des
hommes est remise en question.
Dans cette perspective, l'oeuvre de
Poe possède un cadre rationnel, est cadrée dans le
domaine du possible. Les visions de Lovecraft sortent de ce cadre,
font éclater les conventions du récit fantastique
classique. Par leur action perturbatrice, elles modifieront
profondément les positions du genre fantastique.
L'influence d'Abraham Merritt sur H. P.
Lovecraft, par Florence Montaclair.
Les emprunts connus de Lovecraft
à Abraham Merrit
14, son contemporain, doivent être regardés
avec prudence. Les deux écrivains ont aussi utilisé
simultanément les mêmes modèles
littéraires. Les ressemblances peuvent donc être
davantage le résultat d'une osmose collective que d'une
volonté claire de plagiat. Certes les créatures
d'autres mondes de Lovecraft sont en partie reprises de romans de
Merrit, qui a utilisé avant lui les monstres nés du
cosmos qui ont occupé la Terre avant les hommes, et il n'est
pas faux de dire que Lovecraft a emprunté à Merrit la
notion d'extériorité. Mais Merrit s'est attribué
l'utilisation des conséquences physiques de la théorie
de la relativité d'Einstein.
Plusieurs passages d'oeuvres des deux auteurs cités par
l'intervenante montrent indiscutablement de telles
antériorités. Mais les auteurs ont aussi utilisé
simultanément les "passages" entre la Terre et les espaces, ou
en ouvrant des fenêtres d'où l'observation est
possible.
Les auteurs se connaissaient certes,
mais ils écrivaient aussi tous deux dans une période de
recherche esthétique par les écrivains utilisant
l'imaginaire du surnaturel. Du fait que cet imaginaire était
nourri par des influences identiques, ils pouvaient reproduire les
mêmes notions sans vraiment se plagier. Peut-être
n'aurait-il pas fallu se limiter à ces deux auteurs, mais il
faudrait bien connaître l'abondante littérature du
moment pour déterminer avec plus de précision qui a
emprunté quoi à qui, et si l'origine de telle ou telle
notion n'est pas à trouver ailleurs.
Les deux auteurs connaissaient aussi
bien Lord Dunsany, un
auteur réputé de l'époque, qui a
été leur inspirateur commun. Mais Dunsany en
était resté aux contes de fées, dans la
tradition des récits moyenâgeux, sans
référence au monde moderne, alors que Lovecraft et
Merrit modernisent la notion de merveilleux en décrivant la
coexistence d'espaces différents du nôtre,
présents à note époque. Lovecraft et Merrit le
font presque toujours sous forme de descriptions de cités
médiévales placées dans des mondes
parallèles. Des portes ouvrent sur les abysses, où l'on
rencontre des créatures surnaturelles bonnes ou mauvaises, des
divinités imitées de l'Antique. Une place importante
est accordée à l'activité onirique, aussi bien
divinatrice que prémonitoire. Lovecraft et Merrit sont des
compagnons de route, imitateurs des notions qui leur plaisaient chez
le voisin, mais surtout des créateurs ayant leur
personnalité.
Le timbre
du silence, par Alain
Chareyre-Méjan 15.
Les historiens de Lovecraft donnent
à voir, mais aussi à entendre. L'effet auditif est
persistant : "La peur
déclenche le cri parce qu'il y a continuité physique
entre l'oreille et la bouche. ce qui entre par l'oreille fait
résonance dans la bouche." À bien regarder, les histoires de Lovecraft sont
faites pour être entendues plutôt qu'être lues et
même clamées. D'où la place que tiennent les cris
chez Lovecraft Ce que le cri fait voir, c'est la présence hors
des mots, l'innommable de la présence. Dans les textes de
Lovecraft, on sait que quelque chose est là, mais on ne sait
pas ce que c'est. Le cri renvoie toujours à quelque chose
d'actuel, à la limite inimitable : "L'inimitable, l'indifférence du cri est
homothétique de l'inouï de la chose qui le
provoque." C'est l'indicible
du monde qui fait hurler.
La suite de syllabes remplit une
fonction identique au cri. Les mots informes ne veulent rien dire,
mais constituent l'horreur provoquée par
l'altérité et l'extériorité. Le nom des
entités - Yog-Sothoth, par exemple - sont des
onomatopées qui renvoient au désordre du monde.
L'oeuvre fantastique de Lovecraft est ainsi un "opéra pour cris et
exclamations", une tentative
pour faire entendre l'indicible dans l'inaudible.
Lovecraft
en proie à ses monstres, par Roger Bozzetto
16
On ne peut pas réduire une
oeuvre aux motifs raisonnés qu'avait un auteur de
l'écrire. Elle fonctionne selon sa logique propre dont le sens
a échappé à son créateur.
L'originalité du monstre lovecraftien suppose une approche
originale du monstrueux dont on peut interpréter la
signification. À la différence des monstres classiques,
souvent suggérés par des procédures
littéraires d'évitement, les monstres de Lovecraft sont
décrits dans un style "gras", suivant la formule de Jean
Fabre, ou dans le cadre d'un "fantastique de
l'excès", comme le souligne Denis Mellier.
Lovecraft propose un fantastique de l'hyperbole : "Cela se marque dans ses descriptions de
monstres, où la multiplicité se conjugue à
l'instabilité, dans une sorte de dynamisation
affolante." Cependant, la
lecture de Lovecraft donne non pas l'impression d'être
l'inventaire d'une collection de monstres, mais plutôt de se
caractériser par une atmosphère où le monstrueux
est partout présent, "un univers du monstrueux global, «impie»,
devant quoi les personnages n'ont d'autres possibilités que la
fuite vaine, la folie ou une mort dont on ne sent pas très
bien qu'elle ne sera pas une fin."
Bozzetto reprend une remarque de
Gilles Menegaldo, selon
laquelle le monstre lovecraftien est une imitation de l'humain, qui
reflète "une parodie
involontaire de la normalité humaine, par une surnature
maladroite, un démiurge débile." Cette normalité dévoyée
est le résultat d'une copulation entre le monstre et l'humain,
renvoyant à l'idée de «souillure», de
dégénérescence de la race d'une part. D'autre
part, il n'y a pratiquement pas de femmes dans Lovecraft, bien que
ses monstres soient fortement sexualisés par les tentacules,
leurs trompes ou leurs organes de succion. En fait, ces deux notions
(images de souillure, de sexualité morbide, de peur et de
recul devant l'altérité) se rejoignent dans le recul et
la fascination que suscitent les dieux lovecraftiens. Pour
l'expliquer, Bozzetto rappelle que Lovecraft a fait des études
de généalogie et d'astronomie. Il rattache la recherche
du secret familial (son père, qu'il n'a pas connu, est mort de
la syphilis, enfermé dans un asile d'aliénés).
Plusieurs héros de Lovecraft cherchent à
découvrir leur filiation, et leur grand-père ou leur
oncle remplacent en partie leur père absent. Pour Lovecraft,
le mystère de sa présence et de
l'hérédité est ainsi lié à
"la souillure, elle-même
renvoyée à la démence, et dont il est impossible
de parler. (...)
Ce qui ne peut être
consciemment dit, qui est sans doute présent à son
insu, va nourrir toute la fiction lovecraftienne en plaçant
cet insu monstrueux au centre, comme le «dieu caché»
et le moteur de son oeuvre."
Le monstrueux porterait ainsi chez Lovecraft la trace
indélébile de la souillure initiale, de l'abjection
d'un père fou, comme certains de ses dieux...
Le
rhéteur et le pornographe, par Denis Mellier
17.
Ce titre provocateur - Lovecraft est
connu comme un homme plutôt coincé sexuellement - se
justifie par la brillante démonstration de Mellier, solidement
argumentée.
L'avis que Lovecraft écrit mal est répandu. Son style
est jugé prévisible, surchargé, excessif et
hyperbolique. Certains arguent de cette constatation pour justifier
leur rejet de l'auteur. Les amateurs de Lovecraft reconnaissent
volontiers qu'il écrit mal, mais qu'il se rachète en
possédant une puissance exceptionnelle dans l'évocation
des pires entités. Selon certains exégètes eux,
son style démonstratif exclurait même Lovecraft du genre
fantastique, à réserver aux auteurs pratiquant une
écriture de l'incertain, du trouble et du non-dit. Pour eux,
seule l'indétermination peut perturber le sens d'une oeuvre,
et en faire une fiction fantastique. Au contraire, la
surreprésentation supprimerait l'essentiel du mystère
de l'indétermination.
Et si cet excès dans
l'écriture habituellement reproché à Lovecraft
constituait l'essentiel de la conception qu'il a de son
écriture fantastique? Et si cette conception impliquait
l'utilisation de cette prose non mesurée, excessive? La
terreur ne peut naître que de la "cosmic fear", la peur
cosmique. L'excès devient dans cette perspective le moyen
d'évoquer la "sidération" visuelle correspondant à cette terreur. La
logique de l'apparition fantastique ne peut être que visuelle,
et suggérée par des mots. Lovecraft croit aux
possibilités du langage, et pense que la lecture tire son
attraction des excès de l'écriture, plus que par les
effets mis en place. Le projet de Lovecraft est alors de
représenter par l'écriture une "visualisation efficace de l'objet
fantastique", en allant
même jusqu'à "l'excès de visibilité". Lovecraft cherche à faire surgir par
des mots l'altérité effrayante, avec abondance de
qualificatifs, déterminants dans leur indétermination
même (Le chaos rampant, l'Innommable, La Cité sans nom).
Cette conception littéraire est de nos jours partagée
par Stephen King et Clive
Barker.
Ce qu'il affirme ne pas pouvoir être dit, les mots manquant,
est quand même représenté par le recherche de la
"sidération de
l'oeil" plutôt que par
la suggestion d'une crise de la raison ou du sens. Tout en affirmant
l'indicible, Lovecraft espère en la "dicibilité" des choses de l'imaginaire. Il prétend mimer le
non-sens par des suites imprononçables de signes et de sons
inouïs. La matière verbale est donnée à
voir, "exhibée"
comme une limite de l'effet fantastique. Les signes, les mots sont
devenus images.
On peut alors comprendre pourquoi des
lecteurs prennent plaisir au texte pour ses excès autant que
pour les dispositifs imaginaires du scénario. La langue
"hystérique", les débordements et la démesure
spectaculaires retrouvent les caractères de la
littérature populaire. L'effroi lovecraftien se crée
sur "l'immédiate
présence photographique du réel." Lovecraft se dote ainsi d'une
possibilité particulière, "l'indicible incessamment reconduit comme figure de
style", devenue un
"stéréotype
ouvertement identifiable" :
"hyperboles et
suradjectivation sont comme les empreintes du projet fantastique de
cette écriture : donner à voir ses objets et ses
moyens. (...)
Leur excès
révèle immédiatement l'artifice qui les met en
oeuvre et qui n'a d'autre origine que le style, l'écriture, la
signature de Lovecraft écrivain. Dès lors
l'excès, la visibilité et la redondance ne sont plus
les signes d'un défaut d'écriture, mais bien d'une
poétique."
Pour éclairer son titre au
terme de sa démonstration, Mellier conclut que
l'hyperréalisme de Lovecraft le renvoie à un
"mode particulier de
l'irréalité fantastique", photographique, c'est-à-dire pornographique.
L'auteur rappelle que la pornographie hard, qui ne supprime rien,
naît à la fin du XIXème avec la photographie et
le cinéma. Il n'y a plus de secret que l'image photographique
ne puisse révéler, pour satisfaire le désir de
l'oeil. C'est précisément ce que recherche Lovecraft
dans l'hyperréalisme de la description, "l'exhibition des objets fantastiques et celle,
conjointe, des figures de l'écriture fantastique de ces
objets." Et Lovecraft est en
même temps rhéteur, quand il identifie son fantastique
aux moyens rhétoriques de la langue qui lui permettent de la
faire vivre.
Entre le
sublime et le grotesque, par
Max Duperray.18
Duperray a choisi d'examiner le cas
d'un personnage de Lovecraft qui présente bien des points
communs avec l'auteur. Carter, héros du cycle de Ladak, est le
témoignage littéraire des phobies de l'auteur. Sa vie est placée sous le
signe des voyages oniriques, avec la volonté de
réaliser une "translation de l'inconcevable." Il utilise dans sa narration l'imagination
"superlative", les signifiants de l'inaccessible, les
univers emboîtés et les architectures
"anti-réalistes".
Chaque cité malsaine que
Carter visite est surpassée par les attraits maléfiques
de la cité suivante. Il rencontre les dieux rêves,
formant une "hiérarchie
abyssale", des
subordonnés du Chaos au démon Azathoth, ou au
tout-puissant Nyarlathotep, une galerie de représentations de
l'altérité qui balance entre le sublime et le
grotesque. Ces visions se caractérisent par la nature
"nauséeuse" des lieux qu'elles révèlent, dans
une "logorrhée" de l'onomastique, avec la recherche, reconnue
par Lovecraft, du sublime de l'impensable, de l'indicible, qui se
manifestent presque toujours par des excès du langage. La
reconnaissance de l'altérité passe par une fixation de
Lovecraft sur la relation entre le visage, le masque et la
monstruosité. Le visage l'attire, dans le désir de
vérifier l'humain ("L'accès au visage est d'emblée
éthique", a
affirmé Levinas19). cet "ailleurs radical" qu'est le visage caché
de la face invisible est le moteur de sa quête. Car ce visage
de la monstruosité est "un blasphème dans la proportion
même qui forme et déforme le monde imaginaire." Il n'est
pas possible de faire un résumé des
considérations développées par l'auteur à
partir des matériaux rassemblés : la place du visage
introuvable sous le capuchon, les êtres sans visages, les
choses monstrueuses allant par paires... Ce "primitivisme de la vision" s'accompagne du grotesque, terme souvent
utilisé par Lovecraft dans ses descriptions.
Le grotesque est lié à
l'hybridation des créatures monstrueuses, dans un travail de
subversion des souvenirs du sublime romantique, procédé
déjà utilisé par Victor Hugo.
Ce qui explique que, dans les voyages de Carter, on rencontre le
"mysticisme
surréel" de la
Clé d'Argent, qui ouvre la porte des rêves, rejoignant
le sublime évoqué des auteurs surréalistes. Mais
on découvre aussi des Dholes trop nourris répugnants,
des Gugs qui dévorent les Ghasts, qui se dévorent entre
eux, sans compter les dieux, comme le démon rongeur burlesque
et dément, Azathoth...
Les "je"
interdits de Lovecraft, par
Michel Graux
Parmi les diverses
interprétations de Lovecraft, celle de Michel Graux
20 est originale et fera grincer les dents de multiples
lecteurs. Il prétend que le public de Lovecraft a
été en fait dupé par un auteur facétieux,
décidé à mystifier un auditoire crédule
avec des dieux aussi affligeants que la bêlante Shub-Niggurath,
cette chèvre cosmique flanquée de ses mille chevreaux
malfaisants. L'apport de Lovecraft à la littérature
fantastique n'est pas de chercher des pseudo-mythes avec ses monstres
et ses divinités "aussi
hétéroclites que carnavalesques", mais de créer les fictions
ambiguës qu'il souhaitait. L'écriture était avant
tout, pour Lovecraft, l'évasion par le rêve d'un monde
pour lui synonyme d'ennui. L'écriture lui permettait de
libérer son inconscient, de compenser ses frustrations, de
satisfaire ses pulsions refoulées et d'exorciser ses peurs. Le
discours du "je" lovecraftien est ainsi caractérisé par
un "mélange bizarrement
antagoniste de descriptions réalistes quasi cliniques et de
fiévreux épanchements
émotionnels".
Lovecraft n'a jamais cru en ses
monstres, dont il se moque dans sa correspondance, pleine de
facéties "où
interviennent ces joyeux drilles cosmiques que sont
Nyarlathotep,Azathoth, et autres Yog-Sothoth", ce qu'il appelle ses "Yog-Sothoteries". Mais
ses monstres et autres entités cosmiques entrent dans le cadre
d'une mystification qui a pour but de justifier le "crime" du
narrateur. Les narrateurs de Lovecraft sont souvent des meurtriers,
comme dans certains contes d'Edgar Poe. Lovecraft a
reproduit cette structure particulière, tout en utilisant un
vernis surnaturel pour masquer l'acte criminel, ce qu'on ne trouve
pas dans Poe. L'acte criminel sous emprise se soustrait ainsi au
châtiment. Lovecraft, grand admirateur de Sherlock Holmes dont il a lu les récits pendant l'adolescence,
se fait en quelque sorte l'enquêteur de son narrateur. On peut
considérer sous cet angle les récits de Lovecraft comme
des histoires de meurtre originales. Les éléments
surnaturels qui y jouent un rôle doivent être
considérés comme le fruit de l'imagination fertile de
Lovecraft, qui fait ainsi partie d'une "étrange lignée
de dissimulateurs doués d'un don littéraire
spécial", qui invitent leurs lecteurs à entrer dans
"l'ère du
soupçon."
Lovecraft
et l'imaginaire scientifique : la "Weird Science", par Michel Meurger.
Lovecraft a écrit dans
Weird Tales, où il a été très
influencé par Edmond Hamilton
21. La structure des écrits de cet auteur, que
rappelle opportunément Michel Meurger
22 est identique d'un texte à l'autre. Les
space-operas d'Hamilton s'appuyaient sur des données
scientifiques et mettaient en scène des savants. Le
héros, qui est un chercheur-aventurier, se sent investi d'une
mission de protection de la communauté humaine. Son savoir et
son courage lui permettent de repousser une invasion d'E.T. Les
adversaires qu'il rencontre sont souvent aussi des savants sur leurs
planètes, sont plus avancés que les Terriens ou ont des
orientations scientifiques différentes. Leur "superscience"
leur permet souvent de défier les lois naturelles et de
survivre dans des milieux hostiles. Ces super-savants ne sont pas des
humains, ni des mammifères. Hamilton les choisit parmi les
êtres vivants que les hommes jugent inférieurs : des
vers, des araignées, des scarabées, des crapauds, des
tortues... Le médiocre statut que les humains attribuent
à ces espèces contraste avec les connaissances
scientifiques qu'Hamilton leur attribue. Ce "scandale" ébranle
l'anthropocentrisme ordinaire, se distancie aussi bien par rapport
aux théories de l'évolution et à La Bible qui attribuent aux hommes la place dominante. En
suggèrant des "parcours parallèles", Hamilton a
donné à plusieurs auteurs l'idée d'utiliser des
êtres vivants non-humains comme personnages de leurs
récits, leur octroyant, en plus de la science, des
développements de civilisation et artistiques
originaux.
Le développement de telles
idées a fait évoluer l'école anthropologique
américaine. L'idée d'un développement
scientifique linéaire, à l'exemple de celui que les
hommes ont connu, a été remise en cause. Tous ces
éléments ont été intégrés
dans la fiction de Lovecraft, qui a repris les images des "monstres
intelligents" mêlant archaïsme et modernité.
Lovecraft en vient à donner aux humains un statut mineur,
celui qu'ils ont depuis longtemps réservé aux autres
êtres vivants de la Terre. Dans L'Abîme du temps 23, il place l'espèce humaine, dont l'avenir n'est
pas assuré, à un niveau médiocre dans la
hierarchie des espèces. Les auteurs de Weird Tales ont ainsi été réunis dans une
"défense et
illustration de l'archaïsme" : les espèces anciennement apparues, devenues
des créatures dominantes, utilisent éventuellement les
hommes comme des bêtes de somme ou de consommation. Pour
être complet, il faudrait ajouter un fait concomitant : la
résurrection de l'importance du passé chez le grand
public, consécutif à la découverte de la tombe
de Toutânkhamon 24 en 1926, et d'autres découvertes
archéologiques et géographiques d'importance. On
s'aperçoit que les récits de Lovecraft sont le fruit
d'un courant littéraire et de pensée collectif. La
particularité de Lovecraft sera de créer un
"régionalisme cosmique", d'enraciner sa mythologie en
Nouvelle-Angleterre, et d'inventer une tradition millénaire
à la fois livresque (Le Necronomicon) et orale, liant ainsi "les règnes des monstres des origines à
l'époque contemporaine." Mais s'ils ont des partisans et leur culte, ils sont
décrits par Lovecraft comme "des dégénérés physiques et
mentaux, adversaires des valeurs de la communauté des Vieux
Américains", que
Lovecraft a longtemps défendues.
Mythe
et métamorphose,
par Elsa Grasso
Le panthéon de Lovecraft
comporte de nombreuses créatures cosmiques, mais attache une
importance particulière au mythe grec de Pan. La mythologie
grecque a intéressé Lovecraft quand il était
enfant, et particulièrement le mythe de Pan, qu'il a
rencontré par ailleurs avec Le Grand Dieu Pan, le roman célèbre d'Arthur
Machen 25. Il lui consacra une poésie écrite
à douze ans. Le récit de Machen n'appartient pas au
genre merveilleux, à cause de l'impression d'horreur dominante
: il se trouve au carrefour entre le récit mythologique du
dévoilement du dieu (révélation de l'Etre) et du
texte fantastique (représentation de l'étrange). Mais
il est propre à susciter chez Lovecraft le désir
d'inspirer à ceux qui sont en contact avec ses entités
les mêmes sentiments de "vénération et de peur" et cette "attitude d'écoute
impressionnée" qu'il
évoque dans l'analyse qu'il fait de l'oeuvre de Machen dans
Épouvante
et Surnaturel en Littérature 26.
L'étude, consacrée
à l'approfondissement de la nature du Dieu Pan et de ses
métamorphoses se ressent de la spécialisation en
mythologie de l'auteur. Des informations sont fournies sur sa nature
solaire, qui ne concerne pas le nocturne Lovecraft. Mais aussi
à ce que Lovecraft doit à Machen, les caractères
de peur et des modes de présence paniquée, liés
à l'idée traditionnelle qu'on se fait du dieu : le
"surgissement toujours
effarant de cet être mi-divin mi-animal", monde irrationnel, inapprivoisé, qui
se révèle d'une "irréductible
étrangeté". La
panique est la conduite qui s'impose, la fuite devant la
"réalité inouïe du monde." L'auteur montre que la
peur panique suscitée pas Pan est transposée chez
Lovecraft, qui la trouve propice au traitement pathétique :
"Ce qui du monde sourd ou
irradie, et met toute représentation dans l'impasse, se nomme
chez les Grecs "épiphanie de Pan." L'aveuglante clarté dans laquelle se manifeste
Pan, rare divinité grecque responsable du dérangement
mental, devient un monde obscur, mais tout autant marqué par
la démesure panique liée au surgissement du
chaos.
Randolph
Carter, frère d'Ulysse, par Jean-Pierre Picot.
Dans cet essai comparatiste,
l'intervenant établit un parallèle séduisant
entre le cycle de Kadath de Lovecraft, et l'Odyssée d'Homère et les Mille et Une Nuits 27, récits lus dans son enfance par le
créateur de Cthulhu. De nombreux rapprochements de
détails sont effectués entre les oeuvres, qui
révèlent des similitudes intéressantes, trop
nombreuses pour être relevées : par exemple la
symbolique du nombre 7, correspondant aux voyages de Sindbad comme
aux voyages de Carter, récits facilement superposables. Ou
encore le bestiaire volant qui présente des ressemblances. La
liste des thèmes suscitant de tels rapprochements
dépasse la dizaine.
Mais ces similitudes ne vont pas au
delà de l'utilisation de précédés ou
d'emprunts de motifs. La grande originalité de Lovecraft,
comme celle de Poe d'ailleurs,
est qu'il ne croit pas à une quelconque "hostilité du cosmos et de la nuit
à l'égard des hommes." Lovecraft pense que les meilleurs auteurs de
littérature fantastique sont ceux qui ne croient pas au
surnaturel. Il est donc intéressant de considérer ses
efforts pour "s'autoparodier", en faisant des vampires par exemple
tantôt des créatures se produisant sur le mode de
l'épouvante, tantôt des sortes d'animaux domestiques...
Pour Lovecraft, il n'est pas question de prendre au sérieux la
littérature d'épouvante, un univers fictif comme le
montre le registre parodique dans lequel il décrit ses
êtres merveilleux : "Oublier que l'onirisme n'est pas le monde réel,
c'est oublier que c'est sa propre psyché qui fabrique le monde
onirique, et c'est se prendre à oublier le
réel. (...)
Pour le rationnel et
rationaliste Lovecraft,
(...) Nyarlathotep
n'est pas le chaos et la folie, il est aussi cette forme de folie qui
consiste à croire que le chaos a un sens, et qui s'appelle
crédulité, superstition, croyance, astrologie,
sorcellerie, démonisme... À cet égard, À
la recherche de Kadath apparaît aussi comme un beau constat,
non seulement de maturité, mais aussi de santé mentale,
dressé par Lovecraft sur soi-même."
28
La
gémellité et le double monstrueux du moi : deux
exemples du double lovecraftien, par William Schnabel
29.
De tous les thèmes du
fantastique, celui du "double" touche le plus les lecteurs. Il
mobilise nos peurs archaïques et met en cause l'unité que
nous avons de notre corps. Le double remplit deux fonctions chez
Lovecraft D'une part ses doubles sont porteurs d'images liées
à sa subjectivité, au désir de l'auteur de
"retrouver le père
mystérieux et d'échapper à l'image de la
mère castratrice."
D'autre part, ses doubles l'invitent à transcender ses limites
corporelles, et à se révolter contre le temps qui
passe, les limites de l'espace qui lui est imposé. Lovecraft,
écrivain entre réel et imaginaire, vit dans
l'insatisfaction de sa condition, et cherche à concilier ses
rêves avec le réel. Schnabel a choisi quelques textes
pour servir de support à sa démonstration. L'affaire de Charles Dexter
Ward montre homme normal
perturbé par le souvenir d'un trisaïeul, Curwen, qui lui
inspire horreur et aversion, et qui a la réputation
d'être un sorcier, un vampire et un nécromancien. Il
trouve un portrait de Curwen peint à l'huile, devenu
imprécis, et le fait restaurer. À sa grande stupeur, il
découvre son propre portrait. Le tableau, qui a servi de
miroir, exerce ses maléfices. Grâce à la
puissance spirituelle de Yog-Sothoth, Ward fait revivre son
aïeul, dans le désir de se libérer de la
domination maternelle castratrice. Curwen le tue en le castrant, en
père mythique doté de pouvoir et d'autorité
vécus dans l'enfance, en même temps que le désir
de ressusciter le père que Lovecraft n'a pas connu,
resté inconsciemment pour lui une ombre monstrueuse dans sa
vie.
Dans L'Abomination de Dunwich, un des jumeaux que Yog-Sothoth a eus d'une
femme albinos contrefaite, est un bon exemple de double. Wilburn est
le jeune Lovecraft, d'une précocité remarquable, lisant
à quatre ans, ressemblant à un adulte à dix
(Lovecraft était très grand) et d'une érudition
confondante. Son frère est une brute, un monstre. Wilburn,
pour Schnabel, "constitue une
fiction tératologique de l'auteur." Wilburn est laid, comme Lovecraft, et cela a un rapport
avec les relations affectives que Lovecraft a nouées avec sa
mère30. La scène où apparaissent les tentacules
au bas du corps de Wilburn lors de sa mort a aussi une signification
psychanalytique indiscutable : à la fois éprouver le
besoin de tentacules pour compenser son absence de sexualité
et son «moi» fragilisé, et en même temps
triompher de la castration maternelle. Schnabel tire d'autres
conclusions de son étude, qui ne peuvent être
développées ici. L'utilisation du double par Lovecraft
témoigne de son "profond désir d'harmonie et de
tranquillité", en
exerçant ses pulsions dans un espace littéraire
où ses contraires peuvent coexister. Et si l'unité de
son identité est le bien auquel l'homme tient le plus, le
double révèle aussi ses monstruosités, qu'il
estime ne pas devoir avoir et dont il a peur.
Le
méta-discours ésotériste au service du
fantastique dans l'oeuvre de P. H. Lovecraft, par Gilles Menegaldo.
Lovecraft a été
entouré longtemps d'un certain mystère, et a
suscité des interprétations31 qui se sont effondrées avec l'apparition de
nouveaux documents importants, dont sa correspondance. Serge
Hutin 32 et Jacques Bergier
33, notamment, ont contribué à
répandre cette idée d'une création
lovecraftienne ésotérique, alors que l'on sait
maintenant que l'auteur l'avait voulue purement fictionnelle. Il est
cependant évident que la notion de «secret» tient
une grande place chez Lovecraft, mais elle est due à des
intentions de fiction fantastique liée à
"celles d'interdit et de
savoir transgressif." Ces
secrets seraient cachés au coeur des choses, et pourraient
être déchiffrés. Ils ne sont connus que des
initiés et transmis par la tradition. Certains grimoires ou
ouvrages contiendraient aussi des secrets. Les héros
lovecraftiens doivent se faire souvent décoder des signes qui
mettent en cause leurs certitudes ou leur identité dans des
histoires qui sont des récits initiatiques.
À la suite d'Antoine Faivre
34, on qualifie d'ésotériques des courants
de pensées qui, depuis la fin du XVème siècle
mettent l'accent sur "sur des
correspondances universelles, de Nature vivante et
mystérieuse, d'imagination magique". Font partie de ces courants : l'alchimie, l'astrologie
et la magie ,auxquelles s'ajoutent l'Hermétisme
néo-alexandrin, le paracelsisme, la théosophie, la
philosophie occulte et la Kabbale, le rosicrucisme, etc. Lovecraft
s'y est intéressé, a lu beaucoup, mais de ce vaste
ensemble n'a retenu que des aspects ponctuels, des
"références épisodiques".
Le
Necronomicon ou la naissance d'un ésotérisme
fictionnel, par Jean
Marigny 35.
À l'imitation d'Edgar
Poe, Lovecraft a inventé un ouvrage qui est
supposé contenir toutes les formules magiques et incantations
devant permettre aux Grands Anciens de revenir. Il n'en existerait
plus que quelques exemplaires au monde. Cette transcription d'un
poète arabe devenu fou Abdul Alhazred 36, élève du grand sorcier
Yatthoob, est citée dans plusieurs autres récits,
à partir de 1922, avec ou sans détails
complémentaires. Lovecraft finira par écrire un essai
intitulé Histoire et chronologie du
Nécronomicon, qui ne sera
publié qu'en 1938, un an après sa mort, et qui contient
tous les renseignements qu'il a jugés utiles.
Il va de soi que l'invention de ce
livre est entièrement du fait de Lovecraft, contrairement
à ce que certains voudraient faire croire. Abdul Alhazred n'a
jamais existé. On sait que Lovecraft avait lu enfant
Les Mille et une
Nuits, et l'Orient
exerçait sur lui une forte influence. L'originalité de
ce livre vient de ce qu'il a continué à exciter
l'imagination de plusieurs écrivains (dont Clark Ashton
Smith, Frank Belknap, August
W. Derleth, Robert E. Howard, Donald
Wandrei, Zelia Bishop, Robert
Bloch), qui ont ajouté leur pierre à
l'édifice et complété le contenu du Necronomicon. Lovecraft s'amusait beaucoup des innovations
de ses amis. Ces jeux autour du Necronomicon. et
des divinités du "mythe de Cthulhu" se sont poursuivis
jusqu'à nos jours. George Hay a même publié en
1978 un The
Necronomicon, ouvrage collectif
dans lequel des écrivains ou des spécialistes de
Lovecraft ont apporté leurs contributions, tantôt en
continuant dans le ton de la mystification, tantôt avec des
commentaires sérieux.
Le
Necronomicon sert de
prétexte à de prétendus initiés pour
soutenir l'idée que Lovecraft n'était pas seulement un
auteur de fictions, mais un grand initié, qui, sous couvert de
création littéraire, nous a légué un
message vital. Certains affirment que Lovecraft a eu accès
à un grimoire, dont il a dissimulé le titre sous celui
de Necronomicon.
Ils font état du penchant de Lovecraft pour
l'ésotérisme et l'occultisme, de la connaissance
approfondie qu'il avait acquise, par ses lectures, de la magie, de la
sorcellerie et de la démonologie. Lovecraft connaissait les
ouvrages interdits écrits par des auteurs inconnus, qui
circulaient sous le manteau de la Renaissance au XVIIème
siècle37. Il les a utilisés, mettant sa vaste culture au
service d'une oeuvre d'imagination riche et complexe, qui reste
très vivace de nos jours. Le cas est rare dans l'histoire de
la littérature fantastique.
Les autres textes.
D'autres textes ont été
consacrés à des écrivains proches de Lovecraft,
dont je ne proposerai qu'un bref résumé, leur
intérêt concernant plus particulièrement des
spécialistes. Deux auteurs contemporains de Lovecraft, C.-A.
Smith et R.-E. Howard, ont
proposé des thèmes proches des siens. Ils s'inscrivent
dans la tradition romantique où le merveilleux
héroïque est contaminé par un monde qui
dégénère. Leur production est dominée par
le modernisme décadent d'un monde qui se sent vieillir
(Le thème
de la décadence chez C.-A. Smith et R.-E. Howard, par Lauric Guillaud). Jean
Marigny nous propose une vue d'ensemble de l'oeuvre
de Bloch, ami proche de Lovecraft. La filiation est
évidente, même si Bloch s'est peu à peu
libéré de son influence pour effectuer des recherches
personnelles (Robert Bloch et le mythe de Cthulhu, par Jean Marigny).
Divers textes sont aussi
consacrés aux relations entre le cinéma et Lovecraft,
qui a assisté à son développement. Si les
productions inspirées d'oeuvres de Lovecraft sont
limitées, l'imaginaire lovecraftien est présent au
cinéma, surtout dans le cinéma contemporain avec des
réalisateurs comme John Carpenter ou Wes
Craven. Les difficultés liées à
l'adaptation cinématographique de ces récits sont
nombreuses (Lovecraft et le cinéma, par Jean-Louis Leutrat;
Hommages et
pillages, sur quelques adaptations récentes de Lovecraft au
cinéma, par Philippe
Rouyer). D'autres articles explore les sujets
cinématographiques qui intéressèrent Lovecraft,
comme l'Égypte, utilisée pour suggérer son monde
archaïque (L'Égypte et le cinéma dans l'oeuvre de
Howard Phillips Lovecraft, par
Jean-Louis Leutrat); les
rapports entre la terreur telle que Lovecraft la définit et
celle que l'on trouve dans le film Freaks, qui explore un autre
domaine de l'inconnu, avec des monstres qui sont des créatures
humaines (Cinéma de la peur, cinéma de l'inconnu
: de l'indicible à l'écran [La malédiction de
Freaks], par Isabelle
Viville).
Une table ronde, reprenant diverses idées exprimées et
d'autres considérations plus personnelles, fait le point et
conclut l'ouvrage : Lovecraft et sa réception en
France, avec Gilles
Menegaldo, Jacques Sadoul, Jacques
Goimard 38, Jean-Luc Buard, Michel
Meurger, Lauric Guillaud, Denis
Mellier. Avec cette conclusion : "Les contributions rassemblées,
représentatives des diverses approches et courants critiques,
constituent un ensemble de lectures et d'interprétations de
nature à intéresser tant les lovecraftiens avertis que
les lecteurs désireux de se plonger dans le riche univers ou
"multivers" de cet auteur."
Quatrième de
couverture :
Ce cahier propose une
série d'études consacrées à H.P.
Lovecraft (18990-1937), dont l'Ïuvre occupe une position originale
entre fantastique, merveilleux onirique, fiction spéculative
et littérature ésotérisante. L'écrivain
de Providence, en effet, puise dans le riche héritage du
récit de terreur anglo-saxon, dans l'imaginaire scientifique
et ésotérique, ainsi que dans de »s traditions et
mythes divers, en transposant tous ces éléments dans le
contexte américain des années vingt et trente,
période de profondes mutations et de tensions liées, en
particulier, au mélange des cultures. Il nourrit ainsi son
univers fictionnel &endash; en marge des figures conventionnelles du
gothique &endash; d'un patrimoine qu'il approprie et réinvente
pour constituer sa propre mythologie, dans laquelle un «
passé » fait d'éléments fondateurs tant
primordiaux qu'inquiétants occupe une place centrale. Aussi
bien ses récits se présentent-ils souvent sous la forme
d'enquêtes archéologiques. Et c'est ainsi que la fiction
lovecraftienne s'élabore dans une tension dynamique entre la
modernité, d'une part, et de toujours fascinantes figurantes
archaïques, d'autre part.
Table des Matières
Avant-propos, par Gilles
MÉNÉGALDO
Lovecraft, trente ans après,
par Maurice LÉVY
Lovecraft, précurseur de la
théorie de la déconstruction, par Donald R.
BURLESON
Résonances poesques dans la
fiction de H. P. Lovecraft, par Gilles
MÉNÉGALDO
L'influence d'Abraham Merritt sur
Howard Phillips Lovecraft : vers un renouvellement des
motifs fantastiques, par Florent MONTACLAIR
Le timbre du silence, par Alain
CHAREYRE-MÉJAN
Lovecraft en proie à ses
monstres, par Roger BOZZETTO
Le rhéteur et le pornographe,
par Denis MELLIER
Entre le sublime et le "grotesque" :
la phobie de l'autre et sa représentation dans les
rêves régressifs de Randolph Carter, par Max
DUPERRAY
Meurtres dans la rue d'Auseil, ou les
"je" interdits de Lovecraft, par Michel GRAUX
Lovecraft et l'imaginaire scientifique
: la "Weird Science", de 1926 à 1931, par Michel
MEURGER
Mythe et métamorphose, par Elsa
GRASSO
Randolph Carter, frère
d'Ulysse - L'avisé et de Sindbad le marin, par
Jean-Pierre PICOT
La gémellité et le
double monstrueux du moi : deux exemples du double
lovecraftien, par William SCHNABEL
Le méta-discours
ésotériste au service du fantastique dans
l'Ïuvre de P. H. Lovecraft, par Gilles
MÉNÉGALDO
Le Necronomicon ou la naissance d'un
ésotérisme fictionnel, par Jean MARIGNY
Le thème de la décadence
chez C.-A. Smith et R.-E. Howard, par Lauric GUILLAUD
Robert Bloch et le mythe de Cthulhu,
par Jean MARIGNY
Lovecraft et le cinéma, par
Jean-Louis LEUTRAT
L'Égypte et le cinéma
dans l'Ïuvre de Howard Phillips Lovecraft, par Jean-Louis
LEUTRAT
Cinéma de la peur,
cinéma de l'inconnu : de l'indicible à
l'écran (La malédiction de Freaks), par
Isabelle VIVILLE
Hommages et pillages, sur quelques
adaptations récentes de Lovecraft au cinéma,
par Philippe ROUYER
Table Ronde : Lovecraft et sa
réception en France, avec Gilles
MÉNÉGALDO, Jacques SADOUL, Jacques GOIMARD,
Jean-Luc BUARD, Michel MEURGER, Lauric GUILLAUD, Denis
MELLIER
Bibliographie, par Gilles
MÉNÉGALDO
|
2. 2. 2. 2.
Howards Philips Lovecraft,
Oeuvres Complètes, édition en 3 volumes, présentée
(introduction remarquable) et établie par Francis Lacassin,
Laffont Bouquins
Notes
1 Parues dans : H. P. Lovecraft, Fantastique, Mythe et
Modernité, collectif,
sous la direction de Gilles Menegaldo et Jean Marigny,
Éditions Dervy, 464 pages, 2002.
2 Auteur de : Lovecraft ou des fantastiques, 10/18 éd., 1972, réédité
chez Bourgeois éd., 1985.
3 Oswald Spengler, philosophe allemand (1880-1936),
critique du mythe du progrès. Dans Le déclin de L'Occident (1918), il appelle les jeunes générations
à abandonner toute rêverie sur le passé et
à se vouer joyeusement à l'avenir technique, militaire
et césarien, qui est désormais l'avenir de l'Occident
pour éviter sa disparition.
4 Il n'en demeure pas moins que Lovecraft écrivait
alors qu'il était marqué par un racisme
particulièrement intolérant et que cette partie de son
oeuvre s'en ressent fortement.
5 Universitaire américain, auteur d'essais sur
Lovecraft : H. P. Lovecraft: a
Critical Study, Greenwood
Press, 1983; Lovecraft,
Disturbing the Universe, The
Press University of Kentucky, 1990.
6 Menegaldo, professeur à l'université de
Poitiers, a consacré plusieurs chapitres de sa thèse de
doctorat à Lovecraft (Fantastique et représentation :
littérature et cinéma, thèse de l'Université de Provence,
1999). Il a écrit de nombreux articles dans diverses revues
sur cet auteur et Savoir
Scientifique et science imaginaire dans l'oeuvre de H. P.
Lovecraft, ENS
éditions, 1995.
7 Lord Dunsany (Anglais, 1831-1957) a eu une grande
influence sur la fantasy, en créant une nouvelle mythologie,
un monde peuplé de dieux capricieux qui interagit avec les
humains. Ses romans influenceront Merritt, Lovecraft, R. E. Howard et
J. R. R. Tolkien. The Gods of
Pegana (1905),
Time and Gods (1906).
8 Arthur Machen (Anglais, 1863-1947). Il fut
personnellement inspiré par le roman gothique traditionnel, et
son roman Le Grand Dieu
Pan (1894) est un classique
de l'horreur démoniaque. Il constitue une transition entre la
tradition et Lovecraft, qui l'"appréciait. Deux recueils de
nouvelles sont recommandés : Le peuple blanc
et Le cachet
noir.
9 William Hope Hodgson (Américain, 1877-1918).
Ancien marin, il fut l'un des premiers à évoquer les
secrets maléfiques cachés au fond des profondeurs et
fut, à ce titre, un précurseur de Lovecraft Certains de
ses romans continuent à être édités :
La Maison au bord du
monde (1908), Le pays de la nuit (1912), La chose
dans les algues,
nouvelle.
10 Supernatural
Horror in Literature, 1927,
dans Howard Philips Lovecraft, Oeuvres Complètes, édition en 3 volumes, présentée
(introduction remarquable) et établie par Francis Lacassin,
Laffont, édition de 1995, tome II, 1062
et sv.
11 E. T. A. Hoffmann, compositeur et écrivain
romantique allemand (1776-1822), est surtout connu par ses
récits qui mêlent le fantastique, le magique et
l'ironie. Dans l'esprit de l'auteur, le rêve et la
réalité se confondent. Il aperçoit ainsi les
choses «invisibles pour les yeux terrestres».
Les Élixirs du
Diable (1816);
Contes des frères
Sérapion (1819-21);
Le Chat Murr (1820-22).
12 Un exemple : The
Case of Charles Dexter Ward
évoque évidemment The Facts in the Case of M. Waldemar.
13 Formule du sophiste grec Protagoras (- Vème
siècle).
14 Abraham Merritt (1884-1943). Ce journaliste devenu
écrivain s'attache principalement à la
découverte des civilisations inconnues qui peuplèrent
autrefois le passé de la Terre. Mais il a choisi de traiter
ses sujets comme des aventures épiques, avec un schéma
identique : ses héros vivent des aventures fantastiques en
s'opposant aux forces gigantesques des divinités antiques.
Abondante production, dont on peut retenir : Le Gouffre de la Lune (1918), Le Visage dans l'abîme (1923), La Nef
d'Isthar (1924) et
Les Habitants du
mirage (1932).
15 Philosophe de formation, l'auteur enseigne
l'esthétique et les sciences de l'art à
l'université de Provence. Il est le directeur de
l'édition des classiques du genre dans la collection
Babel.
16 Roger Bozzetto, professeur de littérature
comparée à l'Université d'Aix-Marseille I, a
publié trois ouvrages critiques : L'Obscur objet d'un savoir (1992), Territoires des fantastiques (1998) et Le
fantastique dans tous ses états (2001).
17 Professeur à l'université de Poitiers. Un
important chapitre sur Lovecraft figure dans L'écriture de l'excès :
poétique de la terreur et fiction fantastique, Champion, 1999; Figuration et indicible : Lovecraft et les
excès de langage,
Recherches et Travaux, Université de Grenoble, 9/1994.
18 Max Duperray, professeur à l'Université
de Provence, a écrit notamment Villes fantastiques : les fantasmes de l'identité
chez Dunsany et Lovecraft,
Confluents 2, Lyon, 1975.
19 Dans Éthique et Infini, Fayard 1982. Emmanuel Levinas, philosophe
français d'origine lithuanienne (1905-95), a construit une
philosophie de l'existence centrée autour de la
réflexion d'autrui : Le
temps et l'Autre, 1946;
Totalité et
Infini (1961).
20 Michel Graux a soutenu sa thèse de doctorat sur
Lovecraft : There are More
Things : The Dark Side of I-nesse the Weird Fiction of
Lovecraft, Université
de Liège, 1992.
21 Edmond Hamilton (Américain, 1904-77)
écrivit dans Weird
Tales à partir de
1926, où il fit école. Il met
régulièrement en scène une patrouille
interstellaire en mission pour sauver l'univers. Auteur qui a
beaucoup vieilli : Les Voleurs
d'étoiles (1930),
La Vallée
Magique (1964).
22 Lovecraft et le
science-fiction, 1, Cahier
d'Études Lovecraftiennes, Encrage, 1991
23 "Après
l'homme viendrait la puissante civilisation des
coléoptères, dont l'élite de la Grande Race
s'approprierait les corps.
(...)
Plus tard, le cycle de la
terre étant révolu, les esprits
transférés migreraient à nouveau à
travers le temps et l'espace, jusqu'à une autre escale dans le
corps bulbeux des entités végétales de Mercure.
mais il y aurait encore des races après
eux..." Lovecraft,
Oeuvres
Complètes, op.
cit., tome
I, 541.
24 La découverte de la tombe de Toutânkhamon
par l'anglais H. Carter, fut entourée de la légende de
malédiction du pharaon, répandue par la presse à
sensation à partir de prétendues morts de membres de
l'expédition. Plusieurs films furent consacrés au
sujet.
25 Voir la note consacrée à cet auteur plus
haut.
26 Lovecraft, Oeuvres Complètes, op. cit. tome
II, 1114-17.
27 L'Odyssée, épopée attribuée à
Homère (- 2.800 ans), conte le long périple
méditerranéen d'Ulysse de retour à Ithaque
après la guerre de Troie . Les Mille et Une nuits sont un recueil de contes arabes, de date et d'origine
diverses (Perse, Arabe et Egypte) traduits pour la première
fois en français par A. Galland au XVIIIème
siècle.
28 Après avoir écrit en 1924 le cycle de
Kadath, Lovecraft entame la rédaction de l'essai
inachevé Le cancer de
la superstition. La lecture
de ce texte est indispensable à celui qui veut éviter
tout contresens sur la compréhension de la conception que se
fait Lovecraft des imaginaires collectifs.
29 Schnabel a consacré sa thèse
d'université à Lovecraft : Les Monstres familiers de H. P. Lovecraft : une analyse
des images tératologiques dans la vie et l'oeuvre de
Lovecraft, Université
de Toulouse, 1995. Voir aussi : Le corps fantastique chez Lovecraft, Cahiers du Gerf, Université de
Grenoble, I.1998; L'hybride
chez Lovecraft, Gerf, id,
I.2001.
30 Schnabel cite Kenneth F. Faig : "Mme Lovecraft parlait continuellement de son
fils qui était si laid qu'il se cachait et n'aimait pas aller
dans les rues où les gens pouvaient le
dévisager", dans
The Parents of Howard Philipps
Lovecraft, Necronomicon
Press, 1990, 32.
31 Pour les diverses périodes de la
réception critique de Lovecraft, voir Michel Meurger,
Anticipation rétrograde
; primitivisme et occultisme dans la réception lovecraftienne
en France, de 1953 à 1957, Cahiers d'Études Lovecraftiennes,
Encrage.
32 Serge Hutin, Lovecraft en savait-il trop sur les grands secrets
magiques?; Karellen Orion,
VI.1962. Lovecraft, ses
clés initiatiques et son secret, Lunatique, X.1970.
33 Jacques Bergier, Lovecraft, ce grand génie venu
d'ailleurs, préface
à Démons et
Merveilles, éd. des
Deux-Rives, 1955.
34 Antoine Faivre, Accès de l'ésotérisme
occidental, Gallimard, 1986.
Comment écrire
l'histoire des courants ésotériques occidentaux
modernes?, Cahiers de Science
Religieuses, V.1999.
35 Du spécialiste du motif des vampires :
Le vampirisme dans l'oeuvre de
Lovecraft, Karpath # 3/4,
1980.
36 Il aurait passé 10 ans de sa vie dans les
déserts d'Arabie à écrire un traité de
magie intitulé Kitab
Al-Azif (terminé en
738), qu'un érudit de Constantinople traduisit en grec sous le
nom connu de Necronomicon (Le
livre des noms morts). C'est
à Irem qu'Abdul Alhazred a ouvert la première porte qui
devait permettre aux séides des Grands Anciens de
pénétrer dans notre monde.
37 Citons La clef
de Salomon, Legemeton, Picatrix, Le Grimoire d'Honorius,
le Grimorum Verum, Le Grand Grimoire.
38 Itinéraire d'un fantastiqueur : Lovecraft entre
l'en deçà et l'au delà, Europe, 3/1980.
Roland Ernould
©
2003
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.. du site Imaginaire : liste des auteurs
.. du site Différentes Saisons, revue trimestrielle
.. général