UN NOUVEAU PARCOURS CRITIQUE DE L'OEUVRE DE H. P. LOVECRAFT

Des éclairages actuels sur plusieurs aspects de Lovecraft, du grotesque au pornographe.

H. P. LOVECRAFT Fantastique, Mythe et Modernité,

sous la direction de Gilles Ménégaldo et Jean Marigny, Dervy éditeur, 2002

 

Lovecraft est l'un des écrivains du fantastique les plus lus et le plus étudiés dans le monde. Son texte est comme un iceberg, dont la plus grande partie est encore submergée. Les travaux du Colloque de Cerisy de 1995, avaient permis d'explorer un peu plus la partie cachée. Ils viennent enfin d'être édités, offrant à l'amateur de Lovecraft l'occasion de se livrer à un nouveau parcours critique qui prend en compte les travaux les plus récents des spécialistes français et étrangers, des universitaires pour la plupart. Ce recueil donne d'abord l'occasion de réviser des jugements sur Lovecraft, dépassés. Il permet aussi de mieux situer l'oeuvre, au carrefour de plusieurs traditions littéraires. Héritier du patrimoine littéraire d'Edgar Poe et de Lord Dunsany, Lovecraft est le lien entre le fantastique du XIXème et le fantastique moderne. Voici le résumé de la plupart des interventions du Colloque de Cerisy 1.

Lovecraft, trente ans après, par.Maurice Lévy.

Dans son texte inaugural, Maurice Lévy 2 compare la nouvelle vision qu'il a maintenant de Lovecraft, trente ans après sa découverte, quand il fut fasciné par sa première lecture. À cette époque, on ne connaissait que ses meilleures nouvelles, qui eurent un succès considérable. On ne savait rien de l'homme-Lovecraft Pendant les années qui suivirent, apparut une vision incomplète de sa personnalité, qui ne fut pas à son avantage. Le Lovecraft raciste, marqué par Gobineau et Le Déclin de l'Occident de Spengler 3, éclaira d'un jour "sinistre" la plupart de ses monstres, des hybrides métaphores de ce qu'il appela un moment les "Italo-Sémito-Mongoloïdes", les habitants des bas quartiers qui "menacent" la société américaine. L'oeuvre passait brutalement de la gratuité fantastique du monstrueux à une oeuvre plus engagée, conservatrice, d'un auteur qui avait opté pour Hitler et les fascismes. Ce Lovecraft raciste est maintenant révisé. On connaît les origines perturbées de l'auteur qu'on n'avait pas soupçonnées, la parésie syphilitique et la folie de son père, son enfermement; l'éducation par des tantes possessives et une mère rigoriste. Une enfance telle qu'elle ne pouvait que perturber gravement sa vie d'adulte. On sait maintenant aussi que ses opinions racistes et conservatrices furent révisées après la crise de 1929. Lovecraft vota en 1932 pour le démocrate Roosevelt, reconnut alors avoir été un réactionnaire borné, qui n'avait pas sérieusement réfléchi aux données politiques4.

Considérant ensuite l'écrivain sur un plan littéraire, Lévy montre de manière provocatrice que le relecture de Lovecraft ne lui a pas donné la même impression à sa relecture. Les défauts et les limites de Lovecraft lui apparaissent maintenant plus nettement. Après trente ans, il a trouvé sa lecture plutôt décevante, l'étonnement provoqué par sa première lecture ayant disparu. L'écriture de Lovecraft comporte trop de clichés, de "scléroses", pour ne pas avoir mal vieilli. Ses monstres horribles sont maintenant concurrencés et supplantés par les monstres cinématographiques, autrement plus convaincants. D'une "effrayante banalité", les "pires imaginations de Lovecraft font triste figure" et l'auteur aujourd'hui paraît dépassé. Quelques nouvelles résistent au temps. Mais ce sont ses textes oniriques et poétiques, ceux où il donne libre cours au rêve, quand il renonce à "Cthulhu et à ses pompes." Il reste alors d'une réelle fraîcheur et authenticité.

Lovecraft, précurseur de la théorie de la déconstruction, par Donald R. Burleson 5.

Dans une perspective structuraliste, l'auteur prétend que la déconstruction est préfigurée dans la thématique lovecraftienne et relève plusieurs exemples d'éléments explorés inlassablement. Le thème du "refus de la primauté" s'impose d'abord, avec l'idée que l'humanité, en dépit des prérogatives qu'elle s'est données, n'a pas la place que les religions et la tradition lui donnent. D'autres formes de vie ont précédé les hommes sur terre, cohabitent avec eux, et leur succéderont. Ensuite, le thème de la connaissance interdite privilégie l'idée que notre science a des limites, que les réalités apparentes sont trop profondes pour qu'on les connaisse, et de toute façon dangereuses à connaître. Il n'est possible de vivre qu'en restant ignorant de certains savoirs, ou de certaines choses qu'il ne faut pas déranger. Le cosmos est chargé de significations se rapportant à des secrets de portée universelle. L'efficacité de la narration vient de ce que le sort des hommes, les fondements de leurs savoirs et donc de leur existence, se trouvent remis en cause, avec,comme conséquence et troisième thème abordé, que les apparences sont illusoires. La réalité dissimule une nature plus sombre, plus effrayante, liée aux connaissances interdites.

Le quatrième thème concerne la survie transgressive. Les forces et entités se permettent de vivre dans une époque qui n'aurait pas dû faire partie de leur vécu, mais elles y font pourtant des incursions terrifiantes. Elles survivent contre les lois de la nature. Enfin, dernier thème, la relation entre le rêve et la réalité est incertaine, voire indéterminée. Les révélations se produisent rendant l'univers encore plus énigmatique. Les apparences trompeuses renvoient au caractère illusoire de la connaissance humaine.

Ces thèmes conduisent à l'abandon de l'anthropocentrisme, ce qui est proprement pour l'humanité perdre son âme. Car cette vision se révèle destructrice, en nous découvrant notre effrayante insignifiance en regard des étoiles. Dans un cosmos indifférent, les hommes adaptés à vivre sur leur Terre ressentent dans le désarroi l'agression de ces entités qui ne s'intéressent à eux qu'en fonction de leurs desseins. Leur réalité est ainsi complètement remise en question, déstructurée. On voit que nombre des thèmes lovecraftiens peuvent être reliées à des aspects de la théorie de la déconstruction, avec leur propension à la défragmentation, le chaos et le paradoxe insoluble. Au point qu'on peut se demander si le sujet fondamental traité par Lovecraft n'est pas la chute dans l'abîme. Démonstration originale, de laquelle n'ont été conservés que les notations propres à Lovecraft, les éléments de la théorie de la déconstruction (sur laquelle s'appesantit l'auteur, un spécialiste) ayant été laissés de côté.

Résonances "poesques" dans la fiction de H. P. Lovecraft, par Gilles Menegaldo 6.

Lovecraft a souvent revendiqué l'influence de Poe qu'il a découvert à l'âge de huit ans. Son poids équilibre l'influence de la tradition anglaise du récit de terreur, notamment de Lord Dunsany 7, Arthur Machen 8 et W. H. Hodgson 9. La fascination qu'exerça l'univers sombre et souterrain de Poe se manifeste dès les premières créations de Lovecraft Il lui accorda une grande place dans son essai Épouvante et Surnaturel en Littérature 10, où il donne une analyse pénétrante de l'univers de Poe et évalue son apport au genre fantastique. Lovecraft ne semble pas avoir bien compris l'unité de l'univers de Poe, qui s'explique à la fois par des conceptions esthétiques et par son système philosophique, et notamment par le jeu d'attraction et de répulsion de deux forces antagonistes. Mais une communauté de pensée existe chez deux écrivains qui ont trouvé leur inspiration chez Hoffmann 11 et dans la tradition romantique et gothique anglaise. Tous deux marquent leurs distances par rapport à la modernité américaine, mettent leurs personnages à l'écart des réalités du temps, et utilisent un cadre archaïsant inspiré du gothique. Si on met à part les allusions de Lovecraft aux bas quartiers des villes, à leurs immigrants traités en termes racistes, tous deux sont étrangers à leur siècle et ont adapté des valeurs aristocratiques. Avec des théories voisines, ils ont pratiqué la plongée dans l'horreur, la terreur et le macabre, et la "spectaculaire exhibition de l'altérité."

Lovecraft fait de nombreuses citations de Poe, la plupart fonctionnant comme de manière déguisée. Les citations textuelles sont rares. À côté des citations explicites ou implicites12, les formes d'intextualité internes sont importantes, avec reprises de décors, de motifs architecturaux, d'objets ou de phénomènes naturels. Lovecraft s'inspire de situations narratives particulières, reprenant les motifs de l'enterrement prématuré, de la possession, de l'appropriation, du dédoublement, des pérégrinations spatiales, ou des modèles archaïques en relation avec des pratiques occultes. Une place importante est aussi donnée à la thématique de la folie, la monomanie, l'aliénation mentale, qui peuvent être liées à des rencontres avec l'altérité, une malédiction ancestrale ou l'atavisme. Lovecraft, comme Poe, place au début de ses récits un fou qui cherche à convaincre de son bon sens et, ainsi, de la validité de son histoire. À signaler encore d'autres emprunts, comme les exergues et les épigraphes, et des influences : le goût pour les ouvrages fictifs, les textes codés, les pictogrammes, la présence de mots significatifs pour rendre présente l'inadéquation du langage.

Cependant, cette influence reste superficielle, tant sont différentes les conceptions du monde de Poe ou de Lovecraft. Chez Poe, ce sont les hommes qui possèdent des capacités de destruction ou d'autodestruction en même temps que des aptitudes à la création. Poe pourrait reprendre à son compte la formule : "l'homme est la mesure de toutes choses" 13. Il ne dévalorise pas les hommes, au contraire de Lovecraft, dont la vision n'est pas anthropocentriste, mais liée à l'ensemble du cosmos. Le personnage lovecraftien est désarmé devant les menaces qui viennent d'un passé lointain. Des entités puissantes disposent du savoir et contrôlent le monde, et la position centrale des hommes est remise en question.

Dans cette perspective, l'oeuvre de Poe possède un cadre rationnel, est cadrée dans le domaine du possible. Les visions de Lovecraft sortent de ce cadre, font éclater les conventions du récit fantastique classique. Par leur action perturbatrice, elles modifieront profondément les positions du genre fantastique.

L'influence d'Abraham Merritt sur H. P. Lovecraft, par Florence Montaclair.

Les emprunts connus de Lovecraft à Abraham Merrit 14, son contemporain, doivent être regardés avec prudence. Les deux écrivains ont aussi utilisé simultanément les mêmes modèles littéraires. Les ressemblances peuvent donc être davantage le résultat d'une osmose collective que d'une volonté claire de plagiat. Certes les créatures d'autres mondes de Lovecraft sont en partie reprises de romans de Merrit, qui a utilisé avant lui les monstres nés du cosmos qui ont occupé la Terre avant les hommes, et il n'est pas faux de dire que Lovecraft a emprunté à Merrit la notion d'extériorité. Mais Merrit s'est attribué l'utilisation des conséquences physiques de la théorie de la relativité d'Einstein. Plusieurs passages d'oeuvres des deux auteurs cités par l'intervenante montrent indiscutablement de telles antériorités. Mais les auteurs ont aussi utilisé simultanément les "passages" entre la Terre et les espaces, ou en ouvrant des fenêtres d'où l'observation est possible.

Les auteurs se connaissaient certes, mais ils écrivaient aussi tous deux dans une période de recherche esthétique par les écrivains utilisant l'imaginaire du surnaturel. Du fait que cet imaginaire était nourri par des influences identiques, ils pouvaient reproduire les mêmes notions sans vraiment se plagier. Peut-être n'aurait-il pas fallu se limiter à ces deux auteurs, mais il faudrait bien connaître l'abondante littérature du moment pour déterminer avec plus de précision qui a emprunté quoi à qui, et si l'origine de telle ou telle notion n'est pas à trouver ailleurs.

Les deux auteurs connaissaient aussi bien Lord Dunsany, un auteur réputé de l'époque, qui a été leur inspirateur commun. Mais Dunsany en était resté aux contes de fées, dans la tradition des récits moyenâgeux, sans référence au monde moderne, alors que Lovecraft et Merrit modernisent la notion de merveilleux en décrivant la coexistence d'espaces différents du nôtre, présents à note époque. Lovecraft et Merrit le font presque toujours sous forme de descriptions de cités médiévales placées dans des mondes parallèles. Des portes ouvrent sur les abysses, où l'on rencontre des créatures surnaturelles bonnes ou mauvaises, des divinités imitées de l'Antique. Une place importante est accordée à l'activité onirique, aussi bien divinatrice que prémonitoire. Lovecraft et Merrit sont des compagnons de route, imitateurs des notions qui leur plaisaient chez le voisin, mais surtout des créateurs ayant leur personnalité.

Le timbre du silence, par Alain Chareyre-Méjan 15.

Les historiens de Lovecraft donnent à voir, mais aussi à entendre. L'effet auditif est persistant : "La peur déclenche le cri parce qu'il y a continuité physique entre l'oreille et la bouche. ce qui entre par l'oreille fait résonance dans la bouche." À bien regarder, les histoires de Lovecraft sont faites pour être entendues plutôt qu'être lues et même clamées. D'où la place que tiennent les cris chez Lovecraft Ce que le cri fait voir, c'est la présence hors des mots, l'innommable de la présence. Dans les textes de Lovecraft, on sait que quelque chose est là, mais on ne sait pas ce que c'est. Le cri renvoie toujours à quelque chose d'actuel, à la limite inimitable : "L'inimitable, l'indifférence du cri est homothétique de l'inouï de la chose qui le provoque." C'est l'indicible du monde qui fait hurler.

La suite de syllabes remplit une fonction identique au cri. Les mots informes ne veulent rien dire, mais constituent l'horreur provoquée par l'altérité et l'extériorité. Le nom des entités - Yog-Sothoth, par exemple - sont des onomatopées qui renvoient au désordre du monde. L'oeuvre fantastique de Lovecraft est ainsi un "opéra pour cris et exclamations", une tentative pour faire entendre l'indicible dans l'inaudible.

Lovecraft en proie à ses monstres, par Roger Bozzetto 16

On ne peut pas réduire une oeuvre aux motifs raisonnés qu'avait un auteur de l'écrire. Elle fonctionne selon sa logique propre dont le sens a échappé à son créateur. L'originalité du monstre lovecraftien suppose une approche originale du monstrueux dont on peut interpréter la signification. À la différence des monstres classiques, souvent suggérés par des procédures littéraires d'évitement, les monstres de Lovecraft sont décrits dans un style "gras", suivant la formule de Jean Fabre, ou dans le cadre d'un "fantastique de l'excès", comme le souligne Denis Mellier. Lovecraft propose un fantastique de l'hyperbole : "Cela se marque dans ses descriptions de monstres, où la multiplicité se conjugue à l'instabilité, dans une sorte de dynamisation affolante." Cependant, la lecture de Lovecraft donne non pas l'impression d'être l'inventaire d'une collection de monstres, mais plutôt de se caractériser par une atmosphère où le monstrueux est partout présent, "un univers du monstrueux global, «impie», devant quoi les personnages n'ont d'autres possibilités que la fuite vaine, la folie ou une mort dont on ne sent pas très bien qu'elle ne sera pas une fin."

Bozzetto reprend une remarque de Gilles Menegaldo, selon laquelle le monstre lovecraftien est une imitation de l'humain, qui reflète "une parodie involontaire de la normalité humaine, par une surnature maladroite, un démiurge débile." Cette normalité dévoyée est le résultat d'une copulation entre le monstre et l'humain, renvoyant à l'idée de «souillure», de dégénérescence de la race d'une part. D'autre part, il n'y a pratiquement pas de femmes dans Lovecraft, bien que ses monstres soient fortement sexualisés par les tentacules, leurs trompes ou leurs organes de succion. En fait, ces deux notions (images de souillure, de sexualité morbide, de peur et de recul devant l'altérité) se rejoignent dans le recul et la fascination que suscitent les dieux lovecraftiens. Pour l'expliquer, Bozzetto rappelle que Lovecraft a fait des études de généalogie et d'astronomie. Il rattache la recherche du secret familial (son père, qu'il n'a pas connu, est mort de la syphilis, enfermé dans un asile d'aliénés). Plusieurs héros de Lovecraft cherchent à découvrir leur filiation, et leur grand-père ou leur oncle remplacent en partie leur père absent. Pour Lovecraft, le mystère de sa présence et de l'hérédité est ainsi lié à "la souillure, elle-même renvoyée à la démence, et dont il est impossible de parler. (...) Ce qui ne peut être consciemment dit, qui est sans doute présent à son insu, va nourrir toute la fiction lovecraftienne en plaçant cet insu monstrueux au centre, comme le «dieu caché» et le moteur de son oeuvre." Le monstrueux porterait ainsi chez Lovecraft la trace indélébile de la souillure initiale, de l'abjection d'un père fou, comme certains de ses dieux...

Le rhéteur et le pornographe, par Denis Mellier 17.

Ce titre provocateur - Lovecraft est connu comme un homme plutôt coincé sexuellement - se justifie par la brillante démonstration de Mellier, solidement argumentée.
L'avis que Lovecraft écrit mal est répandu. Son style est jugé prévisible, surchargé, excessif et hyperbolique. Certains arguent de cette constatation pour justifier leur rejet de l'auteur. Les amateurs de Lovecraft reconnaissent volontiers qu'il écrit mal, mais qu'il se rachète en possédant une puissance exceptionnelle dans l'évocation des pires entités. Selon certains exégètes eux, son style démonstratif exclurait même Lovecraft du genre fantastique, à réserver aux auteurs pratiquant une écriture de l'incertain, du trouble et du non-dit. Pour eux, seule l'indétermination peut perturber le sens d'une oeuvre, et en faire une fiction fantastique. Au contraire, la surreprésentation supprimerait l'essentiel du mystère de l'indétermination.

Et si cet excès dans l'écriture habituellement reproché à Lovecraft constituait l'essentiel de la conception qu'il a de son écriture fantastique? Et si cette conception impliquait l'utilisation de cette prose non mesurée, excessive? La terreur ne peut naître que de la "cosmic fear", la peur cosmique. L'excès devient dans cette perspective le moyen d'évoquer la "sidération" visuelle correspondant à cette terreur. La logique de l'apparition fantastique ne peut être que visuelle, et suggérée par des mots. Lovecraft croit aux possibilités du langage, et pense que la lecture tire son attraction des excès de l'écriture, plus que par les effets mis en place. Le projet de Lovecraft est alors de représenter par l'écriture une "visualisation efficace de l'objet fantastique", en allant même jusqu'à "l'excès de visibilité". Lovecraft cherche à faire surgir par des mots l'altérité effrayante, avec abondance de qualificatifs, déterminants dans leur indétermination même (Le chaos rampant, l'Innommable, La Cité sans nom). Cette conception littéraire est de nos jours partagée par Stephen King et Clive Barker.
Ce qu'il affirme ne pas pouvoir être dit, les mots manquant, est quand même représenté par le recherche de la "
sidération de l'oeil" plutôt que par la suggestion d'une crise de la raison ou du sens. Tout en affirmant l'indicible, Lovecraft espère en la "dicibilité" des choses de l'imaginaire. Il prétend mimer le non-sens par des suites imprononçables de signes et de sons inouïs. La matière verbale est donnée à voir, "exhibée" comme une limite de l'effet fantastique. Les signes, les mots sont devenus images.

On peut alors comprendre pourquoi des lecteurs prennent plaisir au texte pour ses excès autant que pour les dispositifs imaginaires du scénario. La langue "hystérique", les débordements et la démesure spectaculaires retrouvent les caractères de la littérature populaire. L'effroi lovecraftien se crée sur "l'immédiate présence photographique du réel." Lovecraft se dote ainsi d'une possibilité particulière, "l'indicible incessamment reconduit comme figure de style", devenue un "stéréotype ouvertement identifiable" : "hyperboles et suradjectivation sont comme les empreintes du projet fantastique de cette écriture : donner à voir ses objets et ses moyens. (...) Leur excès révèle immédiatement l'artifice qui les met en oeuvre et qui n'a d'autre origine que le style, l'écriture, la signature de Lovecraft écrivain. Dès lors l'excès, la visibilité et la redondance ne sont plus les signes d'un défaut d'écriture, mais bien d'une poétique."

Pour éclairer son titre au terme de sa démonstration, Mellier conclut que l'hyperréalisme de Lovecraft le renvoie à un "mode particulier de l'irréalité fantastique", photographique, c'est-à-dire pornographique. L'auteur rappelle que la pornographie hard, qui ne supprime rien, naît à la fin du XIXème avec la photographie et le cinéma. Il n'y a plus de secret que l'image photographique ne puisse révéler, pour satisfaire le désir de l'oeil. C'est précisément ce que recherche Lovecraft dans l'hyperréalisme de la description, "l'exhibition des objets fantastiques et celle, conjointe, des figures de l'écriture fantastique de ces objets." Et Lovecraft est en même temps rhéteur, quand il identifie son fantastique aux moyens rhétoriques de la langue qui lui permettent de la faire vivre.

Entre le sublime et le grotesque, par Max Duperray.18

Duperray a choisi d'examiner le cas d'un personnage de Lovecraft qui présente bien des points communs avec l'auteur. Carter, héros du cycle de Ladak, est le témoignage littéraire des phobies de l'auteur. Sa vie est placée sous le signe des voyages oniriques, avec la volonté de réaliser une "translation de l'inconcevable." Il utilise dans sa narration l'imagination "superlative", les signifiants de l'inaccessible, les univers emboîtés et les architectures "anti-réalistes".

Chaque cité malsaine que Carter visite est surpassée par les attraits maléfiques de la cité suivante. Il rencontre les dieux rêves, formant une "hiérarchie abyssale", des subordonnés du Chaos au démon Azathoth, ou au tout-puissant Nyarlathotep, une galerie de représentations de l'altérité qui balance entre le sublime et le grotesque. Ces visions se caractérisent par la nature "nauséeuse" des lieux qu'elles révèlent, dans une "logorrhée" de l'onomastique, avec la recherche, reconnue par Lovecraft, du sublime de l'impensable, de l'indicible, qui se manifestent presque toujours par des excès du langage. La reconnaissance de l'altérité passe par une fixation de Lovecraft sur la relation entre le visage, le masque et la monstruosité. Le visage l'attire, dans le désir de vérifier l'humain ("L'accès au visage est d'emblée éthique", a affirmé Levinas19). cet "ailleurs radical" qu'est le visage caché de la face invisible est le moteur de sa quête. Car ce visage de la monstruosité est "un blasphème dans la proportion même qui forme et déforme le monde imaginaire." Il n'est pas possible de faire un résumé des considérations développées par l'auteur à partir des matériaux rassemblés : la place du visage introuvable sous le capuchon, les êtres sans visages, les choses monstrueuses allant par paires... Ce "primitivisme de la vision" s'accompagne du grotesque, terme souvent utilisé par Lovecraft dans ses descriptions.

Le grotesque est lié à l'hybridation des créatures monstrueuses, dans un travail de subversion des souvenirs du sublime romantique, procédé déjà utilisé par Victor Hugo. Ce qui explique que, dans les voyages de Carter, on rencontre le "mysticisme surréel" de la Clé d'Argent, qui ouvre la porte des rêves, rejoignant le sublime évoqué des auteurs surréalistes. Mais on découvre aussi des Dholes trop nourris répugnants, des Gugs qui dévorent les Ghasts, qui se dévorent entre eux, sans compter les dieux, comme le démon rongeur burlesque et dément, Azathoth...

Les "je" interdits de Lovecraft, par Michel Graux

Parmi les diverses interprétations de Lovecraft, celle de Michel Graux 20 est originale et fera grincer les dents de multiples lecteurs. Il prétend que le public de Lovecraft a été en fait dupé par un auteur facétieux, décidé à mystifier un auditoire crédule avec des dieux aussi affligeants que la bêlante Shub-Niggurath, cette chèvre cosmique flanquée de ses mille chevreaux malfaisants. L'apport de Lovecraft à la littérature fantastique n'est pas de chercher des pseudo-mythes avec ses monstres et ses divinités "aussi hétéroclites que carnavalesques", mais de créer les fictions ambiguës qu'il souhaitait. L'écriture était avant tout, pour Lovecraft, l'évasion par le rêve d'un monde pour lui synonyme d'ennui. L'écriture lui permettait de libérer son inconscient, de compenser ses frustrations, de satisfaire ses pulsions refoulées et d'exorciser ses peurs. Le discours du "je" lovecraftien est ainsi caractérisé par un "mélange bizarrement antagoniste de descriptions réalistes quasi cliniques et de fiévreux épanchements émotionnels".

Lovecraft n'a jamais cru en ses monstres, dont il se moque dans sa correspondance, pleine de facéties "où interviennent ces joyeux drilles cosmiques que sont Nyarlathotep,Azathoth, et autres Yog-Sothoth", ce qu'il appelle ses "Yog-Sothoteries". Mais ses monstres et autres entités cosmiques entrent dans le cadre d'une mystification qui a pour but de justifier le "crime" du narrateur. Les narrateurs de Lovecraft sont souvent des meurtriers, comme dans certains contes d'Edgar Poe. Lovecraft a reproduit cette structure particulière, tout en utilisant un vernis surnaturel pour masquer l'acte criminel, ce qu'on ne trouve pas dans Poe. L'acte criminel sous emprise se soustrait ainsi au châtiment. Lovecraft, grand admirateur de Sherlock Holmes dont il a lu les récits pendant l'adolescence, se fait en quelque sorte l'enquêteur de son narrateur. On peut considérer sous cet angle les récits de Lovecraft comme des histoires de meurtre originales. Les éléments surnaturels qui y jouent un rôle doivent être considérés comme le fruit de l'imagination fertile de Lovecraft, qui fait ainsi partie d'une "étrange lignée de dissimulateurs doués d'un don littéraire spécial", qui invitent leurs lecteurs à entrer dans "l'ère du soupçon."

Lovecraft et l'imaginaire scientifique : la "Weird Science", par Michel Meurger.

Lovecraft a écrit dans Weird Tales, où il a été très influencé par Edmond Hamilton 21. La structure des écrits de cet auteur, que rappelle opportunément Michel Meurger 22 est identique d'un texte à l'autre. Les space-operas d'Hamilton s'appuyaient sur des données scientifiques et mettaient en scène des savants. Le héros, qui est un chercheur-aventurier, se sent investi d'une mission de protection de la communauté humaine. Son savoir et son courage lui permettent de repousser une invasion d'E.T. Les adversaires qu'il rencontre sont souvent aussi des savants sur leurs planètes, sont plus avancés que les Terriens ou ont des orientations scientifiques différentes. Leur "superscience" leur permet souvent de défier les lois naturelles et de survivre dans des milieux hostiles. Ces super-savants ne sont pas des humains, ni des mammifères. Hamilton les choisit parmi les êtres vivants que les hommes jugent inférieurs : des vers, des araignées, des scarabées, des crapauds, des tortues... Le médiocre statut que les humains attribuent à ces espèces contraste avec les connaissances scientifiques qu'Hamilton leur attribue. Ce "scandale" ébranle l'anthropocentrisme ordinaire, se distancie aussi bien par rapport aux théories de l'évolution et à La Bible qui attribuent aux hommes la place dominante. En suggèrant des "parcours parallèles", Hamilton a donné à plusieurs auteurs l'idée d'utiliser des êtres vivants non-humains comme personnages de leurs récits, leur octroyant, en plus de la science, des développements de civilisation et artistiques originaux.

Le développement de telles idées a fait évoluer l'école anthropologique américaine. L'idée d'un développement scientifique linéaire, à l'exemple de celui que les hommes ont connu, a été remise en cause. Tous ces éléments ont été intégrés dans la fiction de Lovecraft, qui a repris les images des "monstres intelligents" mêlant archaïsme et modernité. Lovecraft en vient à donner aux humains un statut mineur, celui qu'ils ont depuis longtemps réservé aux autres êtres vivants de la Terre. Dans L'Abîme du temps 23, il place l'espèce humaine, dont l'avenir n'est pas assuré, à un niveau médiocre dans la hierarchie des espèces. Les auteurs de Weird Tales ont ainsi été réunis dans une "défense et illustration de l'archaïsme" : les espèces anciennement apparues, devenues des créatures dominantes, utilisent éventuellement les hommes comme des bêtes de somme ou de consommation. Pour être complet, il faudrait ajouter un fait concomitant : la résurrection de l'importance du passé chez le grand public, consécutif à la découverte de la tombe de Toutânkhamon 24 en 1926, et d'autres découvertes archéologiques et géographiques d'importance. On s'aperçoit que les récits de Lovecraft sont le fruit d'un courant littéraire et de pensée collectif. La particularité de Lovecraft sera de créer un "régionalisme cosmique", d'enraciner sa mythologie en Nouvelle-Angleterre, et d'inventer une tradition millénaire à la fois livresque (Le Necronomicon) et orale, liant ainsi "les règnes des monstres des origines à l'époque contemporaine." Mais s'ils ont des partisans et leur culte, ils sont décrits par Lovecraft comme "des dégénérés physiques et mentaux, adversaires des valeurs de la communauté des Vieux Américains", que Lovecraft a longtemps défendues.

Mythe et métamorphose, par Elsa Grasso

Le panthéon de Lovecraft comporte de nombreuses créatures cosmiques, mais attache une importance particulière au mythe grec de Pan. La mythologie grecque a intéressé Lovecraft quand il était enfant, et particulièrement le mythe de Pan, qu'il a rencontré par ailleurs avec Le Grand Dieu Pan, le roman célèbre d'Arthur Machen 25. Il lui consacra une poésie écrite à douze ans. Le récit de Machen n'appartient pas au genre merveilleux, à cause de l'impression d'horreur dominante : il se trouve au carrefour entre le récit mythologique du dévoilement du dieu (révélation de l'Etre) et du texte fantastique (représentation de l'étrange). Mais il est propre à susciter chez Lovecraft le désir d'inspirer à ceux qui sont en contact avec ses entités les mêmes sentiments de "vénération et de peur" et cette "attitude d'écoute impressionnée" qu'il évoque dans l'analyse qu'il fait de l'oeuvre de Machen dans Épouvante et Surnaturel en Littérature 26.

L'étude, consacrée à l'approfondissement de la nature du Dieu Pan et de ses métamorphoses se ressent de la spécialisation en mythologie de l'auteur. Des informations sont fournies sur sa nature solaire, qui ne concerne pas le nocturne Lovecraft. Mais aussi à ce que Lovecraft doit à Machen, les caractères de peur et des modes de présence paniquée, liés à l'idée traditionnelle qu'on se fait du dieu : le "surgissement toujours effarant de cet être mi-divin mi-animal", monde irrationnel, inapprivoisé, qui se révèle d'une "irréductible étrangeté". La panique est la conduite qui s'impose, la fuite devant la "réalité inouïe du monde." L'auteur montre que la peur panique suscitée pas Pan est transposée chez Lovecraft, qui la trouve propice au traitement pathétique : "Ce qui du monde sourd ou irradie, et met toute représentation dans l'impasse, se nomme chez les Grecs "épiphanie de Pan." L'aveuglante clarté dans laquelle se manifeste Pan, rare divinité grecque responsable du dérangement mental, devient un monde obscur, mais tout autant marqué par la démesure panique liée au surgissement du chaos.

Randolph Carter, frère d'Ulysse, par Jean-Pierre Picot.

Dans cet essai comparatiste, l'intervenant établit un parallèle séduisant entre le cycle de Kadath de Lovecraft, et l'Odyssée d'Homère et les Mille et Une Nuits 27, récits lus dans son enfance par le créateur de Cthulhu. De nombreux rapprochements de détails sont effectués entre les oeuvres, qui révèlent des similitudes intéressantes, trop nombreuses pour être relevées : par exemple la symbolique du nombre 7, correspondant aux voyages de Sindbad comme aux voyages de Carter, récits facilement superposables. Ou encore le bestiaire volant qui présente des ressemblances. La liste des thèmes suscitant de tels rapprochements dépasse la dizaine.

Mais ces similitudes ne vont pas au delà de l'utilisation de précédés ou d'emprunts de motifs. La grande originalité de Lovecraft, comme celle de Poe d'ailleurs, est qu'il ne croit pas à une quelconque "hostilité du cosmos et de la nuit à l'égard des hommes." Lovecraft pense que les meilleurs auteurs de littérature fantastique sont ceux qui ne croient pas au surnaturel. Il est donc intéressant de considérer ses efforts pour "s'autoparodier", en faisant des vampires par exemple tantôt des créatures se produisant sur le mode de l'épouvante, tantôt des sortes d'animaux domestiques... Pour Lovecraft, il n'est pas question de prendre au sérieux la littérature d'épouvante, un univers fictif comme le montre le registre parodique dans lequel il décrit ses êtres merveilleux : "Oublier que l'onirisme n'est pas le monde réel, c'est oublier que c'est sa propre psyché qui fabrique le monde onirique, et c'est se prendre à oublier le réel. (...) Pour le rationnel et rationaliste Lovecraft, (...) Nyarlathotep n'est pas le chaos et la folie, il est aussi cette forme de folie qui consiste à croire que le chaos a un sens, et qui s'appelle crédulité, superstition, croyance, astrologie, sorcellerie, démonisme... À cet égard, À la recherche de Kadath apparaît aussi comme un beau constat, non seulement de maturité, mais aussi de santé mentale, dressé par Lovecraft sur soi-même." 28

La gémellité et le double monstrueux du moi : deux exemples du double lovecraftien, par William Schnabel 29.

De tous les thèmes du fantastique, celui du "double" touche le plus les lecteurs. Il mobilise nos peurs archaïques et met en cause l'unité que nous avons de notre corps. Le double remplit deux fonctions chez Lovecraft D'une part ses doubles sont porteurs d'images liées à sa subjectivité, au désir de l'auteur de "retrouver le père mystérieux et d'échapper à l'image de la mère castratrice." D'autre part, ses doubles l'invitent à transcender ses limites corporelles, et à se révolter contre le temps qui passe, les limites de l'espace qui lui est imposé. Lovecraft, écrivain entre réel et imaginaire, vit dans l'insatisfaction de sa condition, et cherche à concilier ses rêves avec le réel. Schnabel a choisi quelques textes pour servir de support à sa démonstration. L'affaire de Charles Dexter Ward montre homme normal perturbé par le souvenir d'un trisaïeul, Curwen, qui lui inspire horreur et aversion, et qui a la réputation d'être un sorcier, un vampire et un nécromancien. Il trouve un portrait de Curwen peint à l'huile, devenu imprécis, et le fait restaurer. À sa grande stupeur, il découvre son propre portrait. Le tableau, qui a servi de miroir, exerce ses maléfices. Grâce à la puissance spirituelle de Yog-Sothoth, Ward fait revivre son aïeul, dans le désir de se libérer de la domination maternelle castratrice. Curwen le tue en le castrant, en père mythique doté de pouvoir et d'autorité vécus dans l'enfance, en même temps que le désir de ressusciter le père que Lovecraft n'a pas connu, resté inconsciemment pour lui une ombre monstrueuse dans sa vie.

Dans L'Abomination de Dunwich, un des jumeaux que Yog-Sothoth a eus d'une femme albinos contrefaite, est un bon exemple de double. Wilburn est le jeune Lovecraft, d'une précocité remarquable, lisant à quatre ans, ressemblant à un adulte à dix (Lovecraft était très grand) et d'une érudition confondante. Son frère est une brute, un monstre. Wilburn, pour Schnabel, "constitue une fiction tératologique de l'auteur." Wilburn est laid, comme Lovecraft, et cela a un rapport avec les relations affectives que Lovecraft a nouées avec sa mère30. La scène où apparaissent les tentacules au bas du corps de Wilburn lors de sa mort a aussi une signification psychanalytique indiscutable : à la fois éprouver le besoin de tentacules pour compenser son absence de sexualité et son «moi» fragilisé, et en même temps triompher de la castration maternelle. Schnabel tire d'autres conclusions de son étude, qui ne peuvent être développées ici. L'utilisation du double par Lovecraft témoigne de son "profond désir d'harmonie et de tranquillité", en exerçant ses pulsions dans un espace littéraire où ses contraires peuvent coexister. Et si l'unité de son identité est le bien auquel l'homme tient le plus, le double révèle aussi ses monstruosités, qu'il estime ne pas devoir avoir et dont il a peur.

Le méta-discours ésotériste au service du fantastique dans l'oeuvre de P. H. Lovecraft, par Gilles Menegaldo.

Lovecraft a été entouré longtemps d'un certain mystère, et a suscité des interprétations31 qui se sont effondrées avec l'apparition de nouveaux documents importants, dont sa correspondance. Serge Hutin 32 et Jacques Bergier 33, notamment, ont contribué à répandre cette idée d'une création lovecraftienne ésotérique, alors que l'on sait maintenant que l'auteur l'avait voulue purement fictionnelle. Il est cependant évident que la notion de «secret» tient une grande place chez Lovecraft, mais elle est due à des intentions de fiction fantastique liée à "celles d'interdit et de savoir transgressif." Ces secrets seraient cachés au coeur des choses, et pourraient être déchiffrés. Ils ne sont connus que des initiés et transmis par la tradition. Certains grimoires ou ouvrages contiendraient aussi des secrets. Les héros lovecraftiens doivent se faire souvent décoder des signes qui mettent en cause leurs certitudes ou leur identité dans des histoires qui sont des récits initiatiques.
À la suite d'Antoine
Faivre 34, on qualifie d'ésotériques des courants de pensées qui, depuis la fin du XVème siècle mettent l'accent sur "sur des correspondances universelles, de Nature vivante et mystérieuse, d'imagination magique". Font partie de ces courants : l'alchimie, l'astrologie et la magie ,auxquelles s'ajoutent l'Hermétisme néo-alexandrin, le paracelsisme, la théosophie, la philosophie occulte et la Kabbale, le rosicrucisme, etc. Lovecraft s'y est intéressé, a lu beaucoup, mais de ce vaste ensemble n'a retenu que des aspects ponctuels, des "références épisodiques".

Le Necronomicon ou la naissance d'un ésotérisme fictionnel, par Jean Marigny 35.

À l'imitation d'Edgar Poe, Lovecraft a inventé un ouvrage qui est supposé contenir toutes les formules magiques et incantations devant permettre aux Grands Anciens de revenir. Il n'en existerait plus que quelques exemplaires au monde. Cette transcription d'un poète arabe devenu fou Abdul Alhazred 36, élève du grand sorcier Yatthoob, est citée dans plusieurs autres récits, à partir de 1922, avec ou sans détails complémentaires. Lovecraft finira par écrire un essai intitulé Histoire et chronologie du Nécronomicon, qui ne sera publié qu'en 1938, un an après sa mort, et qui contient tous les renseignements qu'il a jugés utiles.

Il va de soi que l'invention de ce livre est entièrement du fait de Lovecraft, contrairement à ce que certains voudraient faire croire. Abdul Alhazred n'a jamais existé. On sait que Lovecraft avait lu enfant Les Mille et une Nuits, et l'Orient exerçait sur lui une forte influence. L'originalité de ce livre vient de ce qu'il a continué à exciter l'imagination de plusieurs écrivains (dont Clark Ashton Smith, Frank Belknap, August W. Derleth, Robert E. Howard, Donald Wandrei, Zelia Bishop, Robert Bloch), qui ont ajouté leur pierre à l'édifice et complété le contenu du Necronomicon. Lovecraft s'amusait beaucoup des innovations de ses amis. Ces jeux autour du Necronomicon. et des divinités du "mythe de Cthulhu" se sont poursuivis jusqu'à nos jours. George Hay a même publié en 1978 un The Necronomicon, ouvrage collectif dans lequel des écrivains ou des spécialistes de Lovecraft ont apporté leurs contributions, tantôt en continuant dans le ton de la mystification, tantôt avec des commentaires sérieux.

Le Necronomicon sert de prétexte à de prétendus initiés pour soutenir l'idée que Lovecraft n'était pas seulement un auteur de fictions, mais un grand initié, qui, sous couvert de création littéraire, nous a légué un message vital. Certains affirment que Lovecraft a eu accès à un grimoire, dont il a dissimulé le titre sous celui de Necronomicon. Ils font état du penchant de Lovecraft pour l'ésotérisme et l'occultisme, de la connaissance approfondie qu'il avait acquise, par ses lectures, de la magie, de la sorcellerie et de la démonologie. Lovecraft connaissait les ouvrages interdits écrits par des auteurs inconnus, qui circulaient sous le manteau de la Renaissance au XVIIème siècle37. Il les a utilisés, mettant sa vaste culture au service d'une oeuvre d'imagination riche et complexe, qui reste très vivace de nos jours. Le cas est rare dans l'histoire de la littérature fantastique.

Les autres textes.

D'autres textes ont été consacrés à des écrivains proches de Lovecraft, dont je ne proposerai qu'un bref résumé, leur intérêt concernant plus particulièrement des spécialistes. Deux auteurs contemporains de Lovecraft, C.-A. Smith et R.-E. Howard, ont proposé des thèmes proches des siens. Ils s'inscrivent dans la tradition romantique où le merveilleux héroïque est contaminé par un monde qui dégénère. Leur production est dominée par le modernisme décadent d'un monde qui se sent vieillir (Le thème de la décadence chez C.-A. Smith et R.-E. Howard, par Lauric Guillaud). Jean Marigny nous propose une vue d'ensemble de l'oeuvre de Bloch, ami proche de Lovecraft. La filiation est évidente, même si Bloch s'est peu à peu libéré de son influence pour effectuer des recherches personnelles (Robert Bloch et le mythe de Cthulhu, par Jean Marigny).

Divers textes sont aussi consacrés aux relations entre le cinéma et Lovecraft, qui a assisté à son développement. Si les productions inspirées d'oeuvres de Lovecraft sont limitées, l'imaginaire lovecraftien est présent au cinéma, surtout dans le cinéma contemporain avec des réalisateurs comme John Carpenter ou Wes Craven. Les difficultés liées à l'adaptation cinématographique de ces récits sont nombreuses (Lovecraft et le cinéma, par Jean-Louis Leutrat; Hommages et pillages, sur quelques adaptations récentes de Lovecraft au cinéma, par Philippe Rouyer). D'autres articles explore les sujets cinématographiques qui intéressèrent Lovecraft, comme l'Égypte, utilisée pour suggérer son monde archaïque (L'Égypte et le cinéma dans l'oeuvre de Howard Phillips Lovecraft, par Jean-Louis Leutrat); les rapports entre la terreur telle que Lovecraft la définit et celle que l'on trouve dans le film Freaks, qui explore un autre domaine de l'inconnu, avec des monstres qui sont des créatures humaines (Cinéma de la peur, cinéma de l'inconnu : de l'indicible à l'écran [La malédiction de Freaks], par Isabelle Viville).


Une table ronde, reprenant diverses idées exprimées et d'autres considérations plus personnelles, fait le point et conclut l'ouvrage :
Lovecraft et sa réception en France, avec Gilles Menegaldo, Jacques Sadoul, Jacques Goimard 38, Jean-Luc Buard, Michel Meurger, Lauric Guillaud, Denis Mellier. Avec cette conclusion : "Les contributions rassemblées, représentatives des diverses approches et courants critiques, constituent un ensemble de lectures et d'interprétations de nature à intéresser tant les lovecraftiens avertis que les lecteurs désireux de se plonger dans le riche univers ou "multivers" de cet auteur."

Quatrième de couverture :

Ce cahier propose une série d'études consacrées à H.P. Lovecraft (18990-1937), dont l'Ïuvre occupe une position originale entre fantastique, merveilleux onirique, fiction spéculative et littérature ésotérisante. L'écrivain de Providence, en effet, puise dans le riche héritage du récit de terreur anglo-saxon, dans l'imaginaire scientifique et ésotérique, ainsi que dans de »s traditions et mythes divers, en transposant tous ces éléments dans le contexte américain des années vingt et trente, période de profondes mutations et de tensions liées, en particulier, au mélange des cultures. Il nourrit ainsi son univers fictionnel &endash; en marge des figures conventionnelles du gothique &endash; d'un patrimoine qu'il approprie et réinvente pour constituer sa propre mythologie, dans laquelle un « passé » fait d'éléments fondateurs tant primordiaux qu'inquiétants occupe une place centrale. Aussi bien ses récits se présentent-ils souvent sous la forme d'enquêtes archéologiques. Et c'est ainsi que la fiction lovecraftienne s'élabore dans une tension dynamique entre la modernité, d'une part, et de toujours fascinantes figurantes archaïques, d'autre part.

 

Table des Matières

Avant-propos, par Gilles MÉNÉGALDO

Lovecraft, trente ans après, par Maurice LÉVY

Lovecraft, précurseur de la théorie de la déconstruction, par Donald R. BURLESON

Résonances poesques dans la fiction de H. P. Lovecraft, par Gilles MÉNÉGALDO

L'influence d'Abraham Merritt sur Howard Phillips Lovecraft : vers un renouvellement des motifs fantastiques, par Florent MONTACLAIR

Le timbre du silence, par Alain CHAREYRE-MÉJAN

Lovecraft en proie à ses monstres, par Roger BOZZETTO

Le rhéteur et le pornographe, par Denis MELLIER

Entre le sublime et le "grotesque" : la phobie de l'autre et sa représentation dans les rêves régressifs de Randolph Carter, par Max DUPERRAY

Meurtres dans la rue d'Auseil, ou les "je" interdits de Lovecraft, par Michel GRAUX

Lovecraft et l'imaginaire scientifique : la "Weird Science", de 1926 à 1931, par Michel MEURGER

Mythe et métamorphose, par Elsa GRASSO

 Randolph Carter, frère d'Ulysse - L'avisé et de Sindbad le marin, par Jean-Pierre PICOT

La gémellité et le double monstrueux du moi : deux exemples du double lovecraftien, par William SCHNABEL

Le méta-discours ésotériste au service du fantastique dans l'Ïuvre de P. H. Lovecraft, par Gilles MÉNÉGALDO

Le Necronomicon ou la naissance d'un ésotérisme fictionnel, par Jean MARIGNY

Le thème de la décadence chez C.-A. Smith et R.-E. Howard, par Lauric GUILLAUD

Robert Bloch et le mythe de Cthulhu, par Jean MARIGNY

Lovecraft et le cinéma, par Jean-Louis LEUTRAT

L'Égypte et le cinéma dans l'Ïuvre de Howard Phillips Lovecraft, par Jean-Louis LEUTRAT

Cinéma de la peur, cinéma de l'inconnu : de l'indicible à l'écran (La malédiction de Freaks), par Isabelle VIVILLE

Hommages et pillages, sur quelques adaptations récentes de Lovecraft au cinéma, par Philippe ROUYER

Table Ronde : Lovecraft et sa réception en France, avec Gilles MÉNÉGALDO, Jacques SADOUL, Jacques GOIMARD, Jean-Luc BUARD, Michel MEURGER, Lauric GUILLAUD, Denis MELLIER

Bibliographie, par Gilles MÉNÉGALDO

2. 2. 2. 2.

Howards Philips Lovecraft, Oeuvres Complètes, édition en 3 volumes, présentée (introduction remarquable) et établie par Francis Lacassin, Laffont Bouquins


Notes

1 Parues dans : H. P. Lovecraft, Fantastique, Mythe et Modernité, collectif, sous la direction de Gilles Menegaldo et Jean Marigny, Éditions Dervy, 464 pages, 2002.

2 Auteur de : Lovecraft ou des fantastiques, 10/18 éd., 1972, réédité chez Bourgeois éd., 1985.

3 Oswald Spengler, philosophe allemand (1880-1936), critique du mythe du progrès. Dans Le déclin de L'Occident (1918), il appelle les jeunes générations à abandonner toute rêverie sur le passé et à se vouer joyeusement à l'avenir technique, militaire et césarien, qui est désormais l'avenir de l'Occident pour éviter sa disparition.

4 Il n'en demeure pas moins que Lovecraft écrivait alors qu'il était marqué par un racisme particulièrement intolérant et que cette partie de son oeuvre s'en ressent fortement.

5 Universitaire américain, auteur d'essais sur Lovecraft : H. P. Lovecraft: a Critical Study, Greenwood Press, 1983; Lovecraft, Disturbing the Universe, The Press University of Kentucky, 1990.

6 Menegaldo, professeur à l'université de Poitiers, a consacré plusieurs chapitres de sa thèse de doctorat à Lovecraft (Fantastique et représentation : littérature et cinéma, thèse de l'Université de Provence, 1999). Il a écrit de nombreux articles dans diverses revues sur cet auteur et Savoir Scientifique et science imaginaire dans l'oeuvre de H. P. Lovecraft, ENS éditions, 1995.

7 Lord Dunsany (Anglais, 1831-1957) a eu une grande influence sur la fantasy, en créant une nouvelle mythologie, un monde peuplé de dieux capricieux qui interagit avec les humains. Ses romans influenceront Merritt, Lovecraft, R. E. Howard et J. R. R. Tolkien. The Gods of Pegana (1905), Time and Gods (1906).

8 Arthur Machen (Anglais, 1863-1947). Il fut personnellement inspiré par le roman gothique traditionnel, et son roman Le Grand Dieu Pan (1894) est un classique de l'horreur démoniaque. Il constitue une transition entre la tradition et Lovecraft, qui l'"appréciait. Deux recueils de nouvelles sont recommandés : Le peuple blanc et Le cachet noir.

9 William Hope Hodgson (Américain, 1877-1918). Ancien marin, il fut l'un des premiers à évoquer les secrets maléfiques cachés au fond des profondeurs et fut, à ce titre, un précurseur de Lovecraft Certains de ses romans continuent à être édités : La Maison au bord du monde (1908), Le pays de la nuit (1912), La chose dans les algues, nouvelle.

10 Supernatural Horror in Literature, 1927, dans Howard Philips Lovecraft, Oeuvres Complètes, édition en 3 volumes, présentée (introduction remarquable) et établie par Francis Lacassin, Laffont, édition de 1995, tome II, 1062 et sv.

11 E. T. A. Hoffmann, compositeur et écrivain romantique allemand (1776-1822), est surtout connu par ses récits qui mêlent le fantastique, le magique et l'ironie. Dans l'esprit de l'auteur, le rêve et la réalité se confondent. Il aperçoit ainsi les choses «invisibles pour les yeux terrestres». Les Élixirs du Diable (1816); Contes des frères Sérapion (1819-21); Le Chat Murr (1820-22).

12 Un exemple : The Case of Charles Dexter Ward évoque évidemment The Facts in the Case of M. Waldemar.

13 Formule du sophiste grec Protagoras (- Vème siècle).

14 Abraham Merritt (1884-1943). Ce journaliste devenu écrivain s'attache principalement à la découverte des civilisations inconnues qui peuplèrent autrefois le passé de la Terre. Mais il a choisi de traiter ses sujets comme des aventures épiques, avec un schéma identique : ses héros vivent des aventures fantastiques en s'opposant aux forces gigantesques des divinités antiques. Abondante production, dont on peut retenir : Le Gouffre de la Lune (1918), Le Visage dans l'abîme (1923), La Nef d'Isthar (1924) et Les Habitants du mirage (1932).

15 Philosophe de formation, l'auteur enseigne l'esthétique et les sciences de l'art à l'université de Provence. Il est le directeur de l'édition des classiques du genre dans la collection Babel.

16 Roger Bozzetto, professeur de littérature comparée à l'Université d'Aix-Marseille I, a publié trois ouvrages critiques : L'Obscur objet d'un savoir (1992), Territoires des fantastiques (1998) et Le fantastique dans tous ses états (2001).

17 Professeur à l'université de Poitiers. Un important chapitre sur Lovecraft figure dans L'écriture de l'excès : poétique de la terreur et fiction fantastique, Champion, 1999; Figuration et indicible : Lovecraft et les excès de langage, Recherches et Travaux, Université de Grenoble, 9/1994.

18 Max Duperray, professeur à l'Université de Provence, a écrit notamment Villes fantastiques : les fantasmes de l'identité chez Dunsany et Lovecraft, Confluents 2, Lyon, 1975.

19 Dans Éthique et Infini, Fayard 1982. Emmanuel Levinas, philosophe français d'origine lithuanienne (1905-95), a construit une philosophie de l'existence centrée autour de la réflexion d'autrui : Le temps et l'Autre, 1946; Totalité et Infini (1961).

20 Michel Graux a soutenu sa thèse de doctorat sur Lovecraft : There are More Things : The Dark Side of I-nesse the Weird Fiction of Lovecraft, Université de Liège, 1992.

21 Edmond Hamilton (Américain, 1904-77) écrivit dans Weird Tales à partir de 1926, où il fit école. Il met régulièrement en scène une patrouille interstellaire en mission pour sauver l'univers. Auteur qui a beaucoup vieilli : Les Voleurs d'étoiles (1930), La Vallée Magique (1964).

22 Lovecraft et le science-fiction, 1, Cahier d'Études Lovecraftiennes, Encrage, 1991

23 "Après l'homme viendrait la puissante civilisation des coléoptères, dont l'élite de la Grande Race s'approprierait les corps. (...) Plus tard, le cycle de la terre étant révolu, les esprits transférés migreraient à nouveau à travers le temps et l'espace, jusqu'à une autre escale dans le corps bulbeux des entités végétales de Mercure. mais il y aurait encore des races après eux..." Lovecraft, Oeuvres Complètes, op. cit., tome I, 541.

24 La découverte de la tombe de Toutânkhamon par l'anglais H. Carter, fut entourée de la légende de malédiction du pharaon, répandue par la presse à sensation à partir de prétendues morts de membres de l'expédition. Plusieurs films furent consacrés au sujet.

25 Voir la note consacrée à cet auteur plus haut.

26 Lovecraft, Oeuvres Complètes, op. cit. tome II, 1114-17.

27 L'Odyssée, épopée attribuée à Homère (- 2.800 ans), conte le long périple méditerranéen d'Ulysse de retour à Ithaque après la guerre de Troie . Les Mille et Une nuits sont un recueil de contes arabes, de date et d'origine diverses (Perse, Arabe et Egypte) traduits pour la première fois en français par A. Galland au XVIIIème siècle.

28 Après avoir écrit en 1924 le cycle de Kadath, Lovecraft entame la rédaction de l'essai inachevé Le cancer de la superstition. La lecture de ce texte est indispensable à celui qui veut éviter tout contresens sur la compréhension de la conception que se fait Lovecraft des imaginaires collectifs.

29 Schnabel a consacré sa thèse d'université à Lovecraft : Les Monstres familiers de H. P. Lovecraft : une analyse des images tératologiques dans la vie et l'oeuvre de Lovecraft, Université de Toulouse, 1995. Voir aussi : Le corps fantastique chez Lovecraft, Cahiers du Gerf, Université de Grenoble, I.1998; L'hybride chez Lovecraft, Gerf, id, I.2001.

30 Schnabel cite Kenneth F. Faig : "Mme Lovecraft parlait continuellement de son fils qui était si laid qu'il se cachait et n'aimait pas aller dans les rues où les gens pouvaient le dévisager", dans The Parents of Howard Philipps Lovecraft, Necronomicon Press, 1990, 32.

31 Pour les diverses périodes de la réception critique de Lovecraft, voir Michel Meurger, Anticipation rétrograde ; primitivisme et occultisme dans la réception lovecraftienne en France, de 1953 à 1957, Cahiers d'Études Lovecraftiennes, Encrage.

32 Serge Hutin, Lovecraft en savait-il trop sur les grands secrets magiques?; Karellen Orion, VI.1962. Lovecraft, ses clés initiatiques et son secret, Lunatique, X.1970.

33 Jacques Bergier, Lovecraft, ce grand génie venu d'ailleurs, préface à Démons et Merveilles, éd. des Deux-Rives, 1955.

34 Antoine Faivre, Accès de l'ésotérisme occidental, Gallimard, 1986. Comment écrire l'histoire des courants ésotériques occidentaux modernes?, Cahiers de Science Religieuses, V.1999.

35 Du spécialiste du motif des vampires : Le vampirisme dans l'oeuvre de Lovecraft, Karpath # 3/4, 1980.

36 Il aurait passé 10 ans de sa vie dans les déserts d'Arabie à écrire un traité de magie intitulé Kitab Al-Azif (terminé en 738), qu'un érudit de Constantinople traduisit en grec sous le nom connu de Necronomicon (Le livre des noms morts). C'est à Irem qu'Abdul Alhazred a ouvert la première porte qui devait permettre aux séides des Grands Anciens de pénétrer dans notre monde.

37 Citons La clef de Salomon, Legemeton, Picatrix, Le Grimoire d'Honorius, le Grimorum Verum, Le Grand Grimoire.

38 Itinéraire d'un fantastiqueur : Lovecraft entre l'en deçà et l'au delà, Europe, 3/1980.

Roland Ernould © 2003

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