Petites danses de Macabré sous la direction de Claude Bolduc

recueil de 13 tableaux, Éditions Vents d'Ouest, 2002.

La mort représente pour les hommes un mystère aussi capital que la vie ou l'amour, qu'ils subissent aussi sans parvenir à les comprendre. L'inconnu qui se trouve derrière la mort leur fait peur. Il joue un rôle charnière dans l'acceptation du surnaturel et de la littérature fantastique, particulièrement adaptée à la dimension thanatologique. La passion peureuse, souvent superstitieuse, liée à la mort, est due à son énigme. La mort peut n'être considérée cependant que comme une fonction biologique, un terme à la bonne marche d'une association de cellules, menacées par les maladies, la décrépitude, leur désorganisation accidentelle ou leur dissolution par des facteurs étrangers. Mais la mort n'est pas qu'un mystère, c'est aussi un spectacle, et il peut y avoir des créations littéraires sans recherche fantastique (La Charogne de Baudelaire en est un bon exemple). Le spectacle, en lui-même embarrassant, devient insupportable certaines limites dépassées : dans la mort-exécution de l'assassiné supplicié ou la thanatomorphose, transformation de l'être vivant en substances minérales, qui s'effectue dans la laideur, la puanteur et la pourriture de la décomposition organique. Dans la fiction fantastique, cette dissolution du vivant suscite l'horreur des morts-vivants. La crainte de la mort est telle que même les écrivains qui ne se sont pas fait une spécialité du fantastique le pratiquent souvent sans le savoir.

Devant ces phénomènes mystérieux, allant du sanglant au dégradant, de multiples réactions sont possibles. La plus élémentaire est l'interrogation sur le "passage" : que ressent-on quand on se meurt? Dans quel état se trouve-t-on à ce moment particulier entre la vie qui fuit, et la mort qui progresse? La nouvelle de Claude
Bolduc, La clé, est une description volontairement désordonnée de la pensée d'une mourante au moment où elle perd la vie, après un accident sur la route alors qu'elle conduisait, son mari à ses côtés. Cette évocation est originale par rapport à l'au-delà du langage tel qu'il se manifeste ordinairement dans le discours fantastique. Sa rhétorique s'exprime le plus souvent par la pratique du mode de l'affixation négative (avec l'utilisation de nombreux mots ou adjectifs commençant par in- comme indicible, ineffable, ou dé/di- comme désintégration, dissolution), ce qui n'est pas la voie choisie par Bolduc. Pour illustrer cette circonstance particulière de la mort en marche, ce moment de l'au-delà du langage quand le cerveau n'est plus en vie, mais pas encore mort, Bolduc pratique en effet un vagabondage verbal conduisant à une sorte de dissolution du sens. Plutôt que de choisir la rhétorique de l'excès, facile dans le fantastique, il joue le jeu plus subtil de l'errance, dans une stylistique particulière où des mots reviennent autour de quelques pôles (clé, mais aussi porte, garage, rouge...), comme dans une litanie. La clé doit ouvrir une porte, laquelle? celle du retour à la vie? de l'accès à la mort? Cette nouvelle est-elle surnaturelle? Les trois vocables qui la terminent peuvent aussi bien renvoyer à un monde ailleurs qu'à la néantisation.

Après le passage, vient pour le vivant le moment de l'acceptation de la mort. L'habitude de fermer les yeux du mort est due à la crainte surnaturelle du mauvais oeil : les morts, juste au moment du passage de la vie à la mort, auraient la disposition particulière de lancer des malédictions ou de propager le mauvais sort. Dans la brève nouvelle
Un sourire des yeux, une relation platonique s'est nouée entre le narrateur et une immigrée orientale, marquée par ses préjugés sociaux, qui ne conçoit l'amour que dans la cadre d'un lien officiel. Le narrateur l'instruit aux modes de vie canadiens, mais faute de pouvoir l'initier à d'autres jeux, la quitte. Il sait qu'elle s'est ensuite mariée à un homme violent et jaloux. Il la retrouve à la morgue pour l'identification de sa dépouille. Elle lui sourit des yeux, qu'il ferme. Un mort peut-il sourire? Le lecteur retrouve dans ce texte délicat de Guy Jean le couple le plus connu de l'inconscient, Eros et Thanatos, l'association de la sexualité et de la mort, généralement liée à la transgression des tabous.

D'autres nouvelles se rattachent à ce couple freudien inépuisable. La bucolique
Au pays de l'enfance, de Jean Pettigrew, prend son sens par la transgression de la simplicité de la vie enracinée dans le cours normal des choses, devenir perturbé par l'intrusion de la méchanceté humaine. La nature suit sa voie, la pérennité de la vie au-delà des naissances et des morts, qui ne connaît ni bien ni mal dans la symbolique cyclique de la terre qui se renouvelle. Elle donne et prend l'existence, dans l'indifférence de son renouvellement continu. La vie de la nature n'a de fin qu'elle-même, la régénération dans l'évolution, la mort à une forme de vie périmée pour renaître dans une vie nouvelle. Dans ce cadre, les animaux ignorent les désordres humains, ils agissent selon les nécessités vitales naturelles. Et quand le mal humain surgit, transgression de ses lois, la nature riposte en rétablissant l'innocence primitive, la sienne et celle de l'enfant en accord avec elle. Elle utilise la dépouille de la fripouille, dont elle se nourrit, en une aussi parfaite innocence que celle de l'enfance, qui, malheureusement pour les humains, ne fait que passer. L'homme est décidément bien le seul animal "dénaturé", comme l'affirmait Vercors.

Avec
Double tranchant, de Pierre Bernier, la menace de la mort est utilisée pour l'aliénation d'une femme, qui doit subir une relation sexuelle non consentie sous la menace d'un couteau. Le corps féminin est ainsi souvent le lieu de prédilection de la rencontre entre l'érotisme et une pulsion destructrice de l'amour. Pas d'issue possible dans ce viol d'une femme, qui a l'habitude de courir le risque de l'aventure amoureuse, mais s'est trouvée piégée à son propre jeu. Dans ce genre d'agression, le couteau est la contrefaçon de la pénétration, la lame qui vient la doubler ou la conclure, l'acte terminé. La femme n'est plus qu'un objet, perdant tout sens dans le sacrifice annoncé qui clôt l'acte d'amour. La lame, substitut du pénis, donnera la mort au lieu de la vie. À moins, que comme ici, l'aventurière de l'amour a prévu l'éventualité du viol. Sa parade et son piège laisseront le lecteur surpris. Dans ce texte, l'Eros est devenu un moyen de destruction et non de reconstruction. Le désir dans la terreur, lié à l'angoisse et à la mort, ne constitue plus une source de plaisir, mais la démonstration du pouvoir d'aliénation de l'autre.

Aliénation, et même possession, dans
La photographie, de Raymond Ouimet, qui tire parti du lien magique entre une personne et son image, relation utilisée communément dans les opérations de sorcellerie. Une photo peut contenir une certaine énergie vitale, provoquant une sorte d'attention télépathique qui, par un lien secret, attirerait un sujet réactif et créerait une obsession dangereuse, voire sa possession. Responsable de la mort par pendaison de son mari aubergiste, il y a longtemps, la femme étrangement captivante d'une photo fascine l'homme qui la voit. Elle suscite des pulsions qui émanent du plus profond de la libido du protagoniste, liées à une vision masochiste de l'amour. Dans le récit fantastique, le double physique de la personne représentée réapparaît fréquemment, sous une forme ou une autre. Le protagoniste s'éprend de la revenante, physiquement rencontrée, sans la contacter. Son fantôme vient le visiter chaque nuit, pour lui procurer des satisfactions sexuelles intenses. Telle Carmilla, la morte-vivante, qui suscite le désir sexuel du vivant, bien qu'il ne fasse plus partie de son monde, et trouve de l'intérêt au plaisir sexuel donné au-delà de la mort. Pas d'issue possible pour l'amoureux, sauf la mort ou la folie. Singulier Eros seulement permis dans le rêve ou après la mort, puisqu'il a fallu au personnage son décès (accidentel?) pour parvenir à la rencontre avec la morte.

La mort au miroir
de Gaston Compère, de la même famille, n'est pas liée à la sexualité, mais, rencontre plus rare, à la spiritualité. Deux récits sont enchâssés l'un dans l'autre, l'un ayant comme motif le miroir et son reflet, l'autre le portrait d'un tableau. Le miroir a une charge potentielle particulière, puisqu'il permet d'effectuer le passage entre deux mondes et emprisonne dans son reflet une réalité autre. Il existe une configuration entre le sujet contemplé et le miroir qui le contemple. Le malade du récit recherche pathologiquement son identité et celle des autres dans les miroirs, devenus une obsession. Il pense que ce qu'on tient pour la réalité n'est que l'image réfléchie d'un vrai monde qu'il cherche à cerner, comme il essaie de le faire sans succès sur les toiles qu'il peint. Pour aider sa guérison, on lui raconte l'histoire de la réalisation d'un portrait dont l'expression a été vainement recherchée par un peintre dans le passé. Le portrait d'une personne contient son essence, qui agit et sur laquelle on peut agir : les Musulmans par exemple évitent de courir de tels risques en interdisant la reproduction du visage humain. Selon le prophète, celui qui représente une figure devra au jugement dernier lui donner son âme (les primitifs ont longtemps refusés d'être photographiés, de peur qu'on leur prenne leur être). Edgar Poe, dans Le portrait ovale, a remarquablement mis en scène cette absorption de la puissance vitale humaine par la figure représentée sur le tableau. La nouvelle est une autre variation sur ce motif, la difficulté de faire passer dans une représentation icônique la meilleure partie de soi-même.

La roue
de Paul Mathieu est un autre texte se rapportant à la possession mortifère d'un homme par un objet. Quand certains objets particuliers sont liés à la vie, ils jouissent d'une puissance personnelle autonome, deviennent actifs ou exercent une influence déterminante. Une roue de foire de tirage au sort, pour une tombola, en bois, a été choisie comme agent par l'auteur. Ici liée à la symbolique de la roue de l'existence, les forces de la mort régulatrices de la vie, l'intentionnalité de l'objet s'exerce sur la destinée de ceux qu'elle a choisis lors d'un tirage au sort. L'élu vit, tant qu'un autre tirage ne lui a pas désigné de successeur. À la suite de circonstances particulières, les tirages n'ont plus lieu et le dernier choisi court doucement vers l'immortalité. Mais une roue en bois n'est pas éternelle et doit subir, elle aussi, les aléas du destin.

Le thème de l'animal porteur de mort, est illustré par Jean-François
Somain dans Reflet de lune. On sait que dans l'iconographie antique la mort est souvent accompagnée d'un animal psychopompe, conducteur ou accompagnateur des âmes, et le chien (Anubis, Cerbère, etc.) est le plus souvent représenté avec les oiseaux. Les chasseurs qui rencontrent l'animal dans la forêt ont-ils affaire à un chien? à un loup? à un animal monstrueux, synthèse des deux, puisqu'il n'a pas le comportement connu des précédents? Toujours est-il qu'un ancêtre a commis jadis un meurtre contre nature, la tuerie sans nécessité d'un mâle et de ses petits, enfouis blessés sous des pierres pour prolonger leur mort par pure barbarie. Celui qui manifeste une telle cruauté peut s'attendre à des réactions, la revanche des êtres outragés est toujours en attente dans les croyances superstitieuses. La plus fréquente est celle de l'animal fantastique qui peut, comme ici, reproduire sa vengeance de manière cyclique. L'animal est souvent associé à la nuit et à la lune, comme ici. La louve meurtrière, maintenant bien connue des habitants, réapparaît à chaque génération pour assouvir sa vengeance et réclamer son tribut humain.

Des nouvelles précédentes, le trépas survenait sans que la mort ait été choisie. Mais il y a d'autres morts qui ne sont pas provoquées ou amenées par la destinée, ce sont les morts "sociales", infligées par les hommes. En France, la peine de mort est supprimée, mais elle existe encore dans de nombreux pays. Serena
Gentilhomme, dans Onction extrême, continue le combat devenu un peu désuet contre la guillotine (encore qu'aux USA cette mort se pratique toujours dans certains états), cette machine infernale tout droit sortie à la Révolution d'une raison folle, sous le prétexte qu'elle avait le mérite de donner une mort indolore. Selon le docteur Guillotin, son inventeur, elle devait apporter au plus une légère fraîcheur dans le cou... Le récit m'a fait penser à Alexandre Dumas, L'histoire d'un mort racontée par lui même (1849) ou, avec des méditations plus élevées, Réflexions sur la guillotine d'Albert Camus (1957). Camus multiplie les exemples atroces de tortures infligées par le moyen d'une mort prétendument exemplaire, alors qu'elle n'est qu'une opération chirurgicale grossière pratiquée dans des conditions qui lui enlèvent tout caractère édifiant. Serena pratique la surenchère dans l'horreur par une double décapitation, pour un meurtre qui apparaît aussi mystérieux que celui de la patronne d'Omar, un jardinier du Midi, qui a été assassinée dans des circonstances qui n'ont pas été élucidées. Omar a été condamné, puis récemment gracié. La guillotine devient ici une arme de combat idéologique associée à la répression sociale, celle de la justice comme celle de l'éducation castratrice. Le choix du condamné est significatif des préjugés d'une société, un réprouvé pour une double tare : il est Italien et juif. Sa décapitation et les propos du père entraîne la révolte de l'adolescent, jusqu'ici complètement inhibé par une éducation paternelle particulièrement rigide. Il fuit la maison. Il faut noter que Serena ne théorise pas sur la peine de mort comme le faisait Dumas, fantastiqueur militant. Elle a compris qu'actuellement toute réflexion sur la mort, morale ou métaphysique, ne peut qu'affaiblir le potentiel fantastique : le mode d'expression littéraire, quand il est réalisé comme elle le fait, est aussi efficace par son pouvoir de suggestion et donne plus à réfléchir que de longs discours.

Autre exemple de mort sociale, moins visible que ce qui est paraît être dans la nouvelle précédente un équivalent humain de l'abattoir, le paradis forcé qu'une mère rigide impose à une incroyante. On peut ne pas tuer physiquement, mais moralement. Un des tabous en lente voie de régression depuis quelques siècles est d'oser croire en la totale nihilisation de l'humain après sa mort, dans une perspective athée. L'après-mort est le thème favori de l'univers fantastique :
Freud disait que ce qui paraissait le plus inquiétant aux hommes était de savoir ce qui se rattache au sort des cadavres, à leur retour éventuel, d'imaginer ce que peuvent être des esprits ou des fantômes. La mort est l'introductrice dans les mondes inconnus de l'enfer et du paradis. Dans Enfer-sur-Meuse, Anne Duguël nous présente le froid constat fait de sa situation inexplicable par une suicidée. Elle croyait trouver le néant, mais se découvre voyageant dans un train fantôme. À l'arrivée, elle retrouve les impressions qu'elle a vécues enfant en découvrant qu'elle a été conduite dans son village natal : l'horreur de la contrainte sociale. Lui a-t-on infligé ce que ses convictions athées ne lui permettaient pas d'envisager, sa punition dans un au-delà inattendu : l'Enfer de la surveillance, des regards, des contraintes pesantes d'une vie rurale fermée qui lui a rogné les ailes et qu'elle n'a réussi à fuir qu'après des années? Ou se trouve-t-elle dans l'Eden de sa mère, qui la chérissait tant et l'aimait si mal?

D'autres récits dans ce recueil n'appartiennent pas à ces grands thèmes ou motifs, et portent sur des sujets plus particuliers. Que le désir de la mort puisse amener des êtres venus d'ailleurs à l'expérimenter sur notre terre pendant un stage d'une saison, où ils apprennent les émotions humaines, voilà qui est plutôt surprenant. Ils ont appris que la vie est un casse-tête, qu'elle passe par le suicide, l'amour et le meurtre. Leur conclusion est de penser que la connaissance de l'être humain ne prend son sens que par la mort. Mais pourquoi leur goût enfin révélé de la mort? Pourquoi vouloir mourir quand on est immortel? Avec
Quatre chambres, Natasha Beaulieu nous gratifie d'un récit insolite dont elle a le secret, et dont la compréhension totale après relecture demeure incertaine. Elle nous plonge dans un fantastique troublant, peuplé d'êtres étranges. On sait que cette perplexité du lecteur est recherchée par l'auteure, qui utilise une fois encore ses thèmes favoris, le sadomasochisme, la violence, la mort et l'immortalité. Que la compréhension de l'amour précède juste l'expérience de la mort, à laquelle elle devient liée pour le visiteur signifie que le sexe n'est pas un véritable moyen de compréhension, et ce n'est pas pour rien qu'on appelle sa satisfaction sensuelle "la petite mort". Des besoins pervers habitent les êtres, constamment à la recherche d'émotions troublantes et de plaisir malsain. Que les visiteurs inconnus recherchent cette jouissance interdite qu'est la mort, qui les fascine et constitue la conclusion de leur apprentissage, est une idée originale et fascinante.

Curieuse est la nouvelle de Stéphane-Albert
Boulais, Vieille Couvarte, qui utilise l'idée fortement ancrée dans les traditions que les rites funéraires doivent être respectés et que le mort doit reposer dans la terre de ses ancêtres pour être en paix. La mort se rattache à la symbolique de la terre, la tombe, les rites et éventuellement la profanation. Une vieille Indienne, qui vit seule dans une île, est dans une telle relation cosmique avec sa terre qu'elle en connaît mieux la structure géologique que le cartographe chargé d'établir la nature du sol. Son mari et ses enfants sont morts, et, en conformité avec ses croyances archaïques, elle prépare la mise en scène de sa mort.

Pour compléter la palette de l'anthologie, surgit aussi le frère ennemi de l'angoisse et de la terreur : l'absurde et le rire. La dérision permet de décharger la tension que fait naître la mort, de neutraliser et de tenir à distance sa charge affective. Grâce au comique et au grotesque, on peut sauvegarder l'intégrité du monde en mettant la mort à une place qui n'est pas normalement la sienne, en coulisse, pendant au moins un temps déterminé. L'efficacité de la pièce
Variations pour corde à noeuds et absinthe, de Jean-Luc Geoffroy, vient de ce qu'elle passe du comique qui annihile la peur au tragique absurde, la mort du pendu du jour dans un bar intéressant un client ou l'autre au point de le décider à prendre la relève. L'auteur a réussi à mettre en place un comique de répétition, créant une distanciation qui déclenche le rire. Texte difficile à écrire, tant il est sur le fil du rasoir, risquant à chaque instant la chute de tension chez le lecteur. Sorte de mise en scène symbolique des situations où les humains se mettent eux-mêmes en risquant la mort, la nouvelle reproduit l'ouroboros fantastique, le texte qui se boucle sur lui-même, se mord la queue en recommençant au point de départ. La tension fantastique évacuée reprend la première place en mettant ainsi en évidence la fascination de la mort.

La diversité des nouvelles font de ce recueil une véritable réjouissance funèbre. De quelques pages à plusieurs dizaines, elles sont de qualité et forment un ensemble remarquable. Les auteurs, du poète à l'historien, viennent d'horizons divers, et plusieurs ne sont pas des fantastiqueurs. Ces textes ont tous leurs qualités et leur défauts sont mineurs. La longue nouvelle de Gaston Compère date un peu dans sa forme narrative, que les temps ont rendu plus nerveuse. J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ces pages qui réveillent quantité d'impressions en relation avec des motifs de l'Imaginaire. Le lecteur qui a pris la peine de parcourir cette note constatera à la fois leur richesse et qu'il n'y a pas de redondance entre les textes. Que ce soit le choix de Claude Bolduc ou le résultat du hasard, le recueil est une exploration riche et variée des territoires de la Camarde, plusieurs pages ajoutées à l'herbier des fleurs de la mort.

Roland Ernould, novembre 2002.

La quatrième de couverture :
Macabre... Un mot qui éveille des images, quelque chose de la nuit, quelque chose de la mort - quelque chose d'Edgar Poe, même. À lui seul, "macabre" génère de l'atmosphère, il enflamme l'imagination de l'écrivain, quelle que soit sa spécialité. Le macabre existe depuis que l'homme est homme, car il est le crépuscule de la vie, et quand il s'immisce dans nos pensées, c'est pour les altérer et les pervertir.
Petites danses de Macabré vous présente la mort en treize tableaux.

Claude Bolduc est fasciné par les univers macabres et fantastiques, comme en font foi plus de soixante-dix nouvelles publiées un peu partout dans la francophonies. Pour les besoins de ce collectif, il a fait appel à des auteurs spécialisés dans différents types de littérature qui nous présentent, chacun à sa façon, une vision de la mort.

Acceptez ces quelques fleurs noires pour vos nuits blanches. Elles vous sont offertes par Natasha Beaulieu, Pierre Bernier, Stéphane-Albert Boulais, Guy Jean, Raymond Ouimet, Jean Pettigrew, Jean-François Somain ainsi que par moi-même, du Québec; Gaston Compère, Anne Duguël, Jean-Luc Geoffroy, et Paul Mathieu, de la Communauté française de Belgique, ainsi que Serena Gentilhomme, qui représente tout à la fois sa France d'adoption et son Italie d'origine.

 Natasha Beaulieu, lauréate du Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois 2002 ; Pierre Bernier, éditeur, écrivain et traducteur ; Stéphane-Albert Boulais, dont les contes du cycle de Blisse sont des fleurons de la littérature outaouaise ; Gaston Compère, qui publie depuis cinquante ans une oeuvre touchant à toutes les formes littéraires, mais aussi l'un des dignes membres de cette longue lignée d'écrivains belges de fantastique, avec les Jean Ray et Thomas Owen; Anne Duguël, qui a bien au-delà d'une centaine de livres à son actif chez des éditeurs aussi variés que Flammarion, Albin Michel, Denoël, Grasset ou Fleuve Noir ; Serena Gentilhomme, étonnante depuis quelques années avec une série de textes qui sont loin de renier leurs liens avec la littérature d'horreur italienne ; Jean-Luc Geoffroy, poète et nouvelliste, mais aussi pilier du Service du livre luxembourgeois ; Guy Jean, l'un des poètes les plus estimés en Outaouais ; Paul Mathieu, lauréat du Prix Duterme, un prix remis en Belgique tous les quatre ans à un ouvrage fantastique par l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises ; Raymond Ouimet, l'historien populaire par excellence en Outaouais ; Jean Pettigrew, éditeur chez Alire, et aussi un nouvelliste extrêmement doué ; Jean-François Somain qui, en quelque quarante ouvrages, a lui aussi touché à toutes les formes littéraires.

Roland Ernould © 2002

Un courrier de l'auteur :

le 19/11/02.


> Bonjour Roland,
>
> Je reviens tout juste d'une longue semaine passée à Montréal (on a
> d'ailleurs eu droit à notre première tempête de neige de l'année), à ce
> salon du livre qui est le plus gros au Québec. Macabré a obtenu un succès
> surprenant. Il faut dire que, la semaine précédente, il avait eu droit à
> une recension très flatteuse sur les ondes de la radio de Radio-Canada.
> C'est très gratifiant, car on sait qu'habituellement, les grosses maisons
> d'édition occupent toute la place.
>
> Encore une fois, tu as fait un travail d'analyse impressionnant. Je n'en
> reviens toujours pas de voir à quel point tu fouilles les sujets.
>
> La seule précision que j'apporterais à ton texte est la suivante: je
> spécifierais que la maison Vents d'Ouest est celle du Québec, pour éviter
> toute confusion avec la maison française qui porte le même nom.
>
> Un détail amusant à propos de ma propre nouvelle. Comme tu dois t'en
> douter, j'aime souvent laisser toute la place pour que le lecteur se
> construise sa propre histoire en me lisant, et La Clé est est un bon
> exemple. Peu importe ce que le lecteur verra en lisant, l'important pour
> moi est que le texte fonctionne pour lui. (évidemment, je cours toujours le
> risque que le lecteur moins aguerri ne voit rien du tout ; tant pis pour
> moi!). Ainsi, dans mon esprit,  La Clé est à la base une histoire de
> suicide. En gros, la narratrice se remémore, en une fraction de seconde, ce> qu'elle a vécu dans les minutes précédentes. À son réveil, elle a trouvé
> son mari qui s'est suicidé avec les émanations de la voiture dans leur
> garage. Après avoir ouvert la porte, coupé le contact du moteur, moment de> stupeur, elle décide de remettre le contact et de rejoindre son mari.
>
> D'autres personnes ont interprété autrement La Clé et, dans la majorité des> cas, elles semblaient satisfaites de leur lecture. Intéressant, non?
>
> À propos de Gaston Compère: tu ne peux savoir l'émotion que j'ai ressentie >quand il a accepté de participer à mon collectif. Il faut dire que c'est un auteur >que j'ai lu quand j'étais adolescent, soit son recueil paru chez Marabout >(dans les annéers 60 et 70, on trouvait cette remarquable
> collection de fantastique absolument partout au Québec). J'ai aussi eu le
> privilège de le rencontrer en 1999, lorsque j'avais été invité à cette
> rétrospective de la littérature fantastique tenue à Marche-en-Famenne. Il
> est vrai que La Mort au miroir est écrite d'une façon assez particulière.
> Comme je le fais toujours en tant qu'anthologiste, j'ai plaidé la cause de
> mes auteurs auprès de l'éditeur (où je suis un employé, je le rappelle,
> pour des choses comme la mise en pages des livres) de laisser le texte tel >que monsieur Compère l'avait fait, en ce qui concerne la ponctuation, les
> tournures de phrase, sa façon de construire les dialogues, toutes ces
> choses. Selon moi, tous les éléments de ce texte contribuent à sa grande
> qualité littéraire. Après tout, cela doit bien faire dans les cinquante ans
> qu'il manie la plume...
>
> Quant à l'ensemble de ce collectif, comme dans les autres que j'ai dirigés, > > je n'ai nullement été interventionniste. J'invite personnellement les
> auteurs qui participeront, et je sais que je recevrai des textes de qualité
> (ce n'était pas du tout le cas à l'époque où je dirigeais une collection
> pour adolescents, où tout le monde peut soumettre un manuscrit). Dans
> Petites danses de Macabré, en fait de direction littéraire, je me suis
> presque limité à un rôle de réviseur, attirant l'attention de l'auteur sur
> l'un ou l'autre point mineur, ou demandant une précision quelque part.
>
> Contrairement à ce que l'on aurait pu croire de ma part, Petites danses de
> Macabré n'est pas une anthologie d'histoires d'horreur. Certaines nouvelles
> ne relèvent pas du genre fantastique. Si une aussi large palette
> d'écrivains a trouvé place dans ce collectif, c'est que la mort, dans son
> sens comme dans son essence, transcende les genres.
>
> À bientôt, et merci encore pour cette attention que tu portes à mon travail.
>
> Claude
>
> ____________
>
http://cbolducmania.tripod.com/

Dans le prochain Solaris, hiver 2002, une entrevue de Claude Bolduc, réalisée par Julie Martel.

les lecteurseuropéens vraiment avides peuvent se procurer le livre en Belgique, au

Service du livre luxembourgeois sll@servicedulivre.be

http://www.servicedulivre.be/

Biographie et bibliographie de l'auteur.

Claude Bolduc vous offre une nouvelle : Harmonie

dans ma revue trimestrielle différentes saisons

saison # 16 - été 2002.

 

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.. du site Différentes Saisons, revue trimestrielle

 

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