Noires
Soeurs, anthologie dirigée
par Serena Gentilhomme
24 nouvelles diaboliquement
fantastiques, éditions de l'Oeil du
Sphinx, 2002.
Alors que le titre du recueil, un jeu
de mots facile, laissait envisager une anthologie consacrée
à la gent féminine et ses rapports avec le
démon, Serena Gentilhomme nous propose en fait diverses variations
mixtes sur le motif du Diable, et quelques autres vouées au
thème plus général du mal. Les personnages
principaux féminins n'y sont pas majoritaires, deux seulement
sont des couventines (dont la présentatrice, dans son parcours
obligé). Une seule nouvelle met en scène deux soeurs
biologiques. Le mot "soeurs" est donc à prendre dans son sens
large de «compagne».
Les auteures ne sont pas non davantage les plus nombreuses : onze, y
compris Gentilhomme, sur 25 noms au sommaire, (chiffre auquel il faut
ajouter l'illustratrice de la couverture, Rósza
Tatár). Le concept "noirceur" est par contre
abondamment illustré.
Le motif du diable couvre un vaste territoire. De la religion, il est
passé à la littérature, surtout depuis le
XVIIIème siècle, devenu un motif comme un autre en se
réfugiant dans le domaine littéraire. Il possède
maintenant autant de formes qu'on se plaît à lui donner,
et chacun choisit celle qui lui convient le mieux. Quittant le
domaine des pratiques sociales pour devenir celui des symboles, le
Diable n'est plus le compère d'un Dieu sévère au
bras vengeur. De moins en moins avide d'âmes maintenant
qu'elles sont pratiquement toutes tombées dans son domaine, il
est devenu une sorte de joueur, qui ne paraît d'ailleurs
souvent pas plus malin qu'un autre parieur. Si le pacte satanique
demeure, le diable semble avoir perdu de sa superbe et n'est plus le
maître en fourberies traditionnel, nécessaire adversaire
des prêtres aux époques où il était aussi
grave de ne pas croire au Diable que de ne pas croire en Dieu.
Dans la nouvelle de Natasha Beaulieu, La Milliriard, le lecteur, partant des conséquences d'un
conflit entre Dieu et le Diable, ne cessera d'être
ballotté d'une hypothèse à une autre, pour
aboutir à une cauda qui m'a paru énigmatique, bien que
superbe dans son imprévu. Il y a dix ans, quand elle a
écrit cette nouvelle, Beaulieu avait déjà
opté pour ce type de fantastique troublant, insolite, produit
par une "bulle" particulière d'êtres étranges en
fermentation, dans une distorsion du quotidien qui désoriente
profondément. Aucun des protagonistes de cette nouvelle ne
paraît tout à fait normal, tous ont des
côtés louches et inquiétants, cachés. La
petite population de ce quartier d'habitations à loyer
modéré est même présentée un moment
comme une collection de fous, placée à cet endroit par
les autorités. Avec son style incisif et sans perte de temps
inutile, Beaulieu nous plonge dans un récit dément,
d'où le lecteur sort inquiet et désemparé.
L'habileté de Beaulieu, qui vient d'obtenir le Grand Prix 2002
de la science-fiction et du fantastique québécois, est
de multiplier les notations (les registres noirs, les affiches
"à louer" en rouge sur fond noir, le propriétaire en
noir, grand, à l'odeur nauséabonde, l'allusion aux
mains brûlées du Diable, le personnage du Messie
sauveur, etc.) qui mettent sur la piste d'un repaire gouverné
par le Malin (et peut-être une coalition cachée entre
pouvoirs politiques et forces du mal), pour aboutir aux deux phrases
finales qui tombent... comme un couperet.
Il était logique de commencer le recueil par cette nouvelle,
les conséquences d'un combat entre un Dieu usant de
dérisoires représailles et d'un Diable occupant le
terrain. Cette rivalité, issue historiquement d'un mythe
cosmique du Proche-Orient décrivant le combat entre dieux
adversaires dont l'enjeu est le sort des hommes, se poursuit depuis
des siècles. Ce jeu a ses règles, et comporte
l'observation d'un rituel, d'une confrontation dont le Dieu
judéo-chrétien ne sort pas nécessairement
vainqueur. La plus ingénieuse des nouvelles du recueil est
celle d'André Ruellan,
Un Thé
au Bourbon, qui met en
scène dans des rôles inédits et dans une
situation insolite le Diable et l'Ange Gabriel, chien noir et chien
blanc. Dans un bar, seulement audibles pour leur interlocuteur, les
deux chiens négocient avec un homme qui ne désire
apparemment rien. Le chien noir, le Diable, a tout prévu : le
parchemin du pacte est dans la poche de l'homme, son stylo rempli de
son sang, ce qui simplifie les opérations, surtout quand c'est
un chien qui les exécute.... Pour suivre la palabre et en
connaître les conséquences, il faut lire cette courte
nouvelle, humoristique et inattendue. L'essentiel étant
évidemment, pour l'un comme pour l'autre, qu'on ne touche pas
aux institutions... L'enfer et le ciel sont au moins réunis
dans le conservatisme.
Dieu a parfois des absences, et laisse Diable et humains
opérer à leur guise, en dehors de tous les
préceptes divins. Quand, par exemple, la corruption de la
finance règne et que le diable s'est dissimulé
derrière les apparences d'un financier à la vie
bourgeoise, comme dans la nouvelle de Michel Pagel,
Mille
Pattes. On n'est plus ici
dans la Divine
Comédie, mais comme un
sous-titre l'indique, dans la Comédie Inhumaine. La
morphologie de Mille Pattes, ainsi appelé parce qu'il est un
nabot, lui interdit certaines joies de l'amour. Devenu riche,
député et ayant les moyens de cette action, il a
l'idée d'enlever Eve, la fille du diable, pour
l'échanger contre un moyen qui lui permettra de satisfaire ses
fantasmes. Le pacte diabolique s'est modernisé : il est
précisé qu'au lieu de plume d'oie utilisée et de
sang, selon la tradition, un stylo à bille ferait aussi bien
l'affaire. Mille Pattes ne recherche pas d'avantages personnels, le
procédé qu'il a imaginé pour satisfaire ses
désirs lui permet de ne léser personne. Mais nul ne
connaît mieux la nature humaine que le Diable, qui
révèlera à Mille Pattes des fantasmes que
celui-ci n'avait jamais soupçonnés. Cette nouvelle
ironique, enlevée (plus haut que Mille Pattes, tombé
bien bas à sa grande satisfaction!), passe de manière
inattendue des désirs exprimés consciemment à
ceux parfois insoupçonnés que l'inconscient
libère. Comme le dit l'épouse du Diable, c'est une
bonne précaution de se faire psychanalyser avant de faire
chanter Lucifer.
Il n'est pas fréquent de trouver le Diable transformé
en financier, il est aussi rare de le rencontrer sur un champ de
bataille. Norbert Spehner, au fait de tous les genres de
littérature populaire dont il donne la bibliographie
régulièrement dans sa revue Marginalia, a l'habitude de
les fréquenter les uns comme les autres. Dans Satanigrad, ou le Sourire du
Démon, plongé
dans l'enfer militaire de Stalingrad, qui est aussi le paradis des
démons, le soldat Foster en appelle au Diable. Apparu en lui
donnant ses références de service (il décline
militairement quelques-uns de ses noms, pour s'arrêter en
affirmant qu'il est "légion", terme repris des Evangiles, mais
ici militairement bien adapté), le diable sort Foster de la
tourmente. Plus tard en Allemagne, libéré mais ayant
perdu ses papiers, Foster est arrêté, accusé de
désertion, torturé. Le Diable ne l'aide plus, il a
respecté son pacte. Mais le nom de Foster lui a rappelé
de mauvais souvenirs, un marché dont il n'est, jadis, pas
sorti à son honneur. Son travail achevé, il peut
maintenant passer à sa vengeance. Le Diable dans un peloton
d'exécution, il fallait y penser. Nouvelle bien
composée, rythmée, vive, enlevée et sarcastique.
Spehner, un Canadien bientôt retraité de l'enseignement,
compte s'adonner à l'écriture. Tel qu'il est, en pleine
forme, on peut s'attendre à de belles surprises.
Seconde nouvelle consacrée au nazisme, où le lecteur
trouve cette fois une évocation des camps de concentration,
l'atmosphère sordide et étouffante dans laquelle vit un
groupe de tziganes musiciens, menacés par les
expériences que mène un docteur. Leur vengeance
s'exercera plus tard, quand ils feront appel au démon Abbadon,
l'ange déchu exterminateur, grâce aux sortilèges
adéquats. Le bruit de la chasse d'eau, de Fabienne Leloup, est un
récit «olfactif» où, fait peu fréquent
dans le genre fantastique, la chasse d'eau (ou plutôt ce
qu'elle permet de nettoyer) tient un rôle
prépondérant, qui utilise largement la fonction
ordinaire de l'objet. Même si cette conclusion a un
caractère excentrique, il était bon qu'une nouvelle du
recueil, où les phrases courent droit au but, rappelât
les démons nazis et l'univers concentrationnaire,
évocation qui n'est plus maintenant si fréquente.
Dans un domaine plus ludique, Une golfeuse émérite de Marianne Leconte,
apparaît d'abord comme une courte nouvelle qui n'a pas sa place
dans ce recueil, appartenant au récit noir mettant en
scène des tueurs à gage. Il n'y a d'ailleurs pas
d'atmosphère spécialement diabolique dans ce
récit, où tout tient en quelques mots dans la chute.
Que ne ferait-on pas entre femmes, liées à plus forte
raison par un pacte?
Toujours dans le silence de Dieu, des créatures du diable
pratiquent leurs rites à leur guise dans Masquarade de Denis Labbé. L'érotisme diabolique a
été souvent associé au sabbat, dont on s'est
horrifié - ou délecté - longtemps des turpitudes
sexuelles. Le sabbat, dont le lecteur trouvera une mise en
scène dans cette nouvelle, est pratiqué par des
démons-vampires, à l'existence à la fois
éphémère et persistante (ils et elles reviennent
un jour tous les millénaires, où ils se rassasient de
sexe et de sang). Ils survivent sous une forme qui étonnera le
lecteur, comme les surprendra la chute du récit. Ils ne
respectent pas les canons définissant le diable tel qu'il a
été décrit par le concile de Tolède : un
homme grand, noir, cornu, griffu, aux grandes oreilles, aux yeux
étincelants, au sourire sarcastique, aux dents
grinçantes, aux pieds fourchus, avec une queue animale et un
gros sexe faisant mal, répandant une odeur sulfureuse.
Labbé reprend la tradition baroque du XVIIème
siècle qui présente le Diable sous le visage
angélique de l'Ange déchu, à la beauté
surnaturelle, au corps parfait. Cette apparence apollinienne fait
évoquer alors la beauté du Diable, comme dans
Le Paradis
Perdu de Milton, où Lucifer est un être noble et
raffiné. Une caractéristique de la nouvelle est
d'être écrite en deux styles différents. La
partie consacrée au sabbat millénaire, où
volupté et souffrance se mêlent, est
rédigée dans le style "littéraire", à la
prose contournée, qui évoque les classiques du genre,
tradition oblige. Par contre les dernières pages, qui marquent
le retour au réel, utilisent un style moderne plus
familier.
Le vampire était jadis «l'autre»,
l'Antéchrist. Il représentait la perversion sexuelle et
le péché, symbolisait la rupture avec l'ordre
établi. Dans des oeuvres parues ces dernières
années, il a changé de nature et se manifeste comme un
être sensible, qui tente de nous expliquer ce qu'il est, essaie
de nous faire partager ses émotions. Les vampires revendiquent
leur statut, en tant qu'humains victimes d'une maladie incurable et
contagieuse, qui fait d'eux des exclus, des victimes. À une
époque où le malfaisant est présenté
comme une victime à plaindre plutôt qu'à
condamner, les vampires deviennent recommandables et cherchent
à attirer notre sympathie. Ce qu'essaient de faire les deux
«vampiresses» de Coupable, non coupable? de Fabrice Colin, une
nouvelle au style daté, mais efficace : deux soeurs assurent
le «passage», le «baptême», la perte de
l'innocence au sens sexuel de leur cadette. Le pasteur du village,
qui aime l'ingénue et ignore le vampirisme des soeurs, leur
sert occasionnellement de dessert sans le savoir. Arrive le jour
où il n'a même pas le temps d'exorciser le Diable ou de
faire appel à son Dieu. Pas besoin de signer un pacte
diabolique quand on est vampire et qu'on pratique l'évangile
du désir.
Que les pulsions vampiresques ne soient pas pires que d'autres,
qu'elles appartiennent aussi à la nature humaine, que ce soit
la morale qui les déclare mauvaises, Johanne Girard
laisse ces justifications à d'autres, pour en revenir à
la bonne histoire classique. Rocambolesque et subtile est la nouvelle
Sarabande,
où Innocenza, élevée dans un couvent, ignore
tout de la mort de sa mère et de sa jumelle à sa
naissance. À la suite d'un rendez-vous mystérieux, dans
un décor gothique, sur la tombe de sa mère, elle revit
les affres de sa naissance enveloppée d'un suaire placentaire,
et lutte pour sa survie contre sa soeur. Beau passage où la
"grotte" utérine féminine rejoint la symbolique de la
crypte. Elle revient intacte dans le monde réel, mais la
rencontre insolite avec la soeur inconnue, qu'elle a jadis
tuée au sein de sa mère et qui est maintenant devenue
vampire édentée, l'entraînera à nouveau
dans la gemellité.
Le Diable se décline en de multiples registres, du malicieux
au benêt dupé. Une écuyère à
l'aspect masculin donnerait son âme au diable pour la
féminité. Elle rencontre un homme sans âge, aux
yeux brûlants, d'une belle voracité animale au
restaurant où il l'invite : ainsi commence l'histoire de
Lennie racontée par Morrad Benxayer dans
La queue de
discorde. Sans avoir
passé de contrat, elle se retrouve dans le lit du personnage
diabolique, où, dans son plaisir, elle a des visions de
figures hideuses et de flammes chthoniennes. Elle se retrouve Lilith
à son réveil, fémininement splendide mais avec
une queue au bas du dos... Normal, quand on sait qui est Lilith.
Vient cependant l'heure du contrat pour conserver cette
beauté. Car son amant était évidemment le cornu,
qui exige un sacrifice en échange de la silhouette acquise et
de la suppression de la queue. Ce que le diable demande en
échange et comment Lennie, devenue la subtile Lilith, trompera
le diable, nous renvoie à la tradition paysanne
séculaire. Dans les campagnes, on se méfiait du Diable,
mais on savait aussi qu'avec un peu d'habileté on pouvait le
tromper. Nombreux sont les ponts bâtis à la suite d'un
pacte diabolique, diverses constructions et même des parties
d'église l'ont été ainsi, et le diable
dupé à chaque fois. Les guides racontent ces histoires
d'un autre temps aux touristes, qui s'amusent de ces superstitions
paysannes, des contrats truqués et des démons
ridiculisés. Tourné en ridicule, trompé,
bafoué, le Diable rassure.
Curieuse réunion, au long rituel théâtral, que
celle de ces neuf femmes dans les trois âges de la vie, qui
cherchent une solution au problème de la rivalité des
sexes et du statut de la femme. Pour la deuxième fois de ce
récit de Sara Doke,
333 La
tentation des neuf, le nom de
Lilith apparaît, qui, selon la tradition kabbalistique, aurait
été la première femme avant Eve. Selon d'autres
traditions, elle serait la mère de Satan, ou encore
Cybèle, la déesse-terre de la fécondité,
pour les Grecs Gaïa, que le New Age a remise en bonne place. La
nouvelle est le prétexte à neuf portraits de femme et
à la description d'un cérémonial
méticuleux et étrange, destinée à la
Mère-terre Gaïa, auquel répond Lilith, de
manière inattendue pour les suppliantes. 333, la moitié
du nombre de la Bête dans l'Apocalypse, cela signifierait-il
que le couple homme-femme, multipliant ce chiffre par deux, ne peut
qu'y mener? On attend avec curiosité la réponse de
Lilith à la demande des femmes. Lilith, celle qui a dit non
à Dieu pour rejoindre le Mal, celle qui transgresse la Loi,
semble avoir acquis la sagesse avec le temps. Hommes et femmes ont
commis des erreurs, dit Lilith, qui se lance dans un exposé
qui surprend plutôt dans le cadre d'une nouvelle surnaturelle,
et qui conclut philosophiquement, fidèle à son image
d'individualiste rebelle aux prescriptions sociales.
Il est dans l'ordre des choses que la modernité entre en enfer
et que le démon de son temps utilise l'informatique, ou se
recycle comme a dû le faire Astaroth, prince puant des enfers,
adoré des Philistins et démon qui approcha Faust.
Philippe Curval le place
dans Bonne
Réponse, maintenant
que l'Enfer, débordé, utilise l'informatique pour
sélectionner ses damnés. L'enfer, menacé de
surpopulation, saturé, est sur le point d'exploser. Le Diable
veut maintenant la qualité, sélectionner, se
réserver son contingent de criminels, de tueurs en
série et de bien d'autres qui forment sa clientèle
traditionnelle. Il pratique une stricte sélection sur le Net
par l'intermédiaire de prosélytes de choix,
spécialistes de l'informatique, qui pratiquent leur mission
avec dévouement et charité. Des Saints et Saintes de
l'enfer en quelque sorte. Dans cette nouvelle goguenarde, Curval a
sérieusement modernisé le motif diabolique.
Plus modestement, le Diable s'est adapté à l'habitat
moderne et annexe les copropriétés dans Laura
Pargade, La Voisine,
qui raconte les aléas d'une collectivité. Elle
décrit une espèce de mégère, teigneuse,
qui s'en prend à ceux qui lui déplaisent dans son
voisinage et ne cherche que des prétextes à son
insatisfaction de vivre. Pour donner un pauvre sens à sa vie
dérisoire, s'imposer à défaut d'être
reconnue par ses voisins, elle essaie de les plier à ses
volontés, ou, à défaut, cherche un bouc
émissaire, dans un climat de haine déprimant. Tout est
dans l'atmosphère et les petits incidents, les modifications
d'un escalier d'une habitation lovecraftienne, qui ne présente
comme intérêt que de beaux vitraux classés
Monuments Historiques. Deux d'entre eux représentent le
Diable, et se trouvent précisément sur le palier de la
mégère, au sixième étage. Bon
prétexte pour que le Diable songe à agrandir son
territoire, marquant, par une simple addition de chiffres,
l'étage de la damnée du nombre de la Bête que
nous donne l'Apocalypse.
Dans nos cités modernes, la présence du diable peut
n'être que sentie, sans qu'il apparaisse lui-même,
laissant à ses réalisations un aspect publicitaire par
leur étendue, qui lui permet de rester dans l'ombre.
Bernadette Richard, dans
Ereiss!
Uopala! Àren Ruoterle Babtè!, exploite les récents attentats contre les tours
de New-York en septembre 2001. Le démon lui fait sentir sa
présence, lui passe même un message énigmatique,
qui fait le titre de la nouvelle. Dix jours de signes
prémonitoires, à attendre que la prédiction
démoniaque se réalise, dans un climat inquiétant
qui impressionne le lecteur, errant dans la ville avec la narratrice.
Oui, décidément, la suffisance et la prétention
de ces tours rappelle un souvenir lointain concernant la fin d'une
autre tour ambitieuse. Il n'y a pas que la colère de Dieu qui
détruise les tours.
Le père joue trop souvent le rôle du tourmenteur
diabolique. Une semaine d'opéra écoutée sur sa
chaîne par une femme blessée, résume sa vie, la
musique comme narcotique, remplissant la fonction de Vaterersatz, de
substitut du père séducteur pour reprendre le terme de
Freud. Des fragments de drames musicaux, des voix parlant d'histoires
d'amours, d'incestes, de sang et de mort accompagnent les souvenirs
de la fille meurtrie par un père violeur, la conduisant un
jour à en appeler à la vengeance du Diable, à
signer le pacte. L'appel au vrai Satan supprimera bien le monstre
humain, sa métaphore, mais le Diable reste le Diable, plus un
ange, mais plutôt un homme, seul avec sa victime comme jadis
elle était seule avec son père. Le disque de
chevet, une nouvelle de
Gilbert Millet, au caractère construit nettement
marqué, restitue la situation d'un être
dégradé, qui ressasse obsessivement les actions
passées, jusqu'à la mort, la seule issue.
Et le plus simple peut-être serait l'élimination
définitive du démon au pied fourchu et la disparition
de l'enfer. La veine du Diable berné,
est reprise dans Malin et demi, de Jonas Lenn, avec
l'apparition d'Asmodée. Pas le démon de la
sensualité de l'Avesta ou du
Livre de
Tobi, ni l'Asmodée de
Lesage qui, dans Le Diable Boiteux, soulève les toits des maisons de Madrid. Mais
un jeune cadre tout frais émoulu de l'enfer, qui apprend son
métier sur le tas. En pêchant son premier client - en le
faisant pécher plutôt -, il se remémore les
pactes classiques qu'il a appris à l'École. Plus
instruit qu'astucieux? Le Diable devrait mieux encadrer ses
débutants. Même passé par un subordonné,
le pacte rend le Diable concerné et dépendant de
l'adresse du pactisé. Car dans cette nouvelle
ingénieuse et humoristique, il va rencontrer plus retors que
lui, qui l'enverra prématurément à la
retraite...
Le Diable évacué, dédramatisé,
privé de son enfer, devient abstrait. Nos contemporains, se
regardant avec plus de lucidité, ont vu en eux des
désirs inavouables, des gouffres de noirceur et des
perspectives inquiétantes. Le double monstrueux qui sommeille
en chacun de nous fait davantage peur qu'un Diable qui a fait son
temps. Il est devenu une métaphore, depuis que les hommes se
penchent sur eux-mêmes, pour découvrir leurs
abîmes diaboliques. Le Diable peut encore, à
défaut de jouer un autre rôle, nous renseigner sur
nous-mêmes, puisqu'il est aussi celui qui sait.
Dans La beauté du
diable, de
Jean-François Gerault, le
démon est devenu le symbole de la peur qui hante les solitudes
désespérées, et son révélateur. Si
le rencontre du Diable peut se faire n'importe où, il semble
que pour les nouvellistes contemporains le bistrot, où on le
retrouve plusieurs fois dans ce recueil, est un lieu
privilégié. Le patron, un être singulier, raconte
une histoire au narrateur, dans une langue soutenue et historiquement
marquée, tantôt sur le mode objectif, tantôt
passant au «je» comme s'il était
l'héroïne qui a vendu son âme au Diable pour
retrouver son amant dans une soirée de bonheur. Il
disparaît brusquement. Même avec son cerveau embué
d'alcoolique, le narrateur a compris le sens de cette apparition,
mais sans bien mesurer la gravité de la faute qu'il a commise
égoïstement sans y penser.
Si l'enfer est d'abord «soi», il est aussi souvent les
«autres», suivant la formule de Jean-Paul Sartre. De la vie
à la mort, du berceau à la tombe, la
méchanceté de ceux qui sont chargés de l'enfance
et de sa formation accompagne les autres. La vie d'un homme
observé sous l'angle des souffrances infligées par
autrui, la description des tourments ainsi provoqués ont
inspiré Anne Duguël dans
Portrait d'un
écorché en costume marin. Une courte nouvelle, aux observations justes, sur
l'impossible compréhension entre les hommes et les
difficultés de la communication entre les êtres.
Le motif de l'oeuvre d'art suscitant des réactions
surnaturelles n'est pas rare. Des tribus africaines, fabriquant des
statuettes, pensent qu'il y a entre leur aspect et les
réactions qu'elles suscitent une correspondance magique, comme
c'est le cas de cette sculpture d'une tête d'homme, de la
taille d'une grosse pomme, qu'un amateur d'art trouve, dans des
circonstances bizarres, dans la demeure d'un paysan dont elle est
l'ouvrage. Il la vole et la fait passer pour une oeuvre personnelle.
Roland Fuentes reprend dans Maladite le motif de l'oeuvre d'art maléfique, qui
entraîne l'effondrement de celui qui est en sa possession,
conséquence de la malédiction du paysan spolié
contre le bourgeois accaparateur. La nouvelle, occasion de diverses
réflexions sur l'oeuvre d'art, est diabolique davantage dans
l'ambiance qui y règne que par l'intrusion du Diable, qui n'y
apparaît pas.
Mélanie Fazi
évoque dans Le passeur le
désir de se venger et d'échapper à l'oubli d'une
morte, grâce à l'oeuvre artistique
répétée infiniment. Tuée et jetée
dans la Seine par son amant, un peintre, elle cherche à
survivre dans une oeuvre de mémoire, ses dessins et ses
peintures. Le peintre se voit amené à les
réaliser dans tous les endroits où il trouve un support
disponible, dans la rue, sous les ponts ou dans son appartement.
L'état mental du meurtrier obsessionnel se dégrade peu
à peu, et il songe à devenir serial-killer pour
perpétuer son travail de mémoire. Belle alliance d'Eros
et de Thanatos, dans une nouvelle originale où l'extase se
retrouve liée à une peur sacrée et à la
pulsion meurtrière.
Les forces ne peuvent agir sur ceux qui ne croient pas : c'est ce que
pense Mr Epeire, dans la nouvelle Nuit noire de Patrick Eris, un
charlatan sans pouvoirs qui utilise la crédulité de ses
semblables. Il leur vend des formules magiques prises dans un vieux
grimoire, auxquelles il n'accorde aucun crédit. Les Forces
obscures, des esprits élémentaires synthétisant
toutes les peurs de l'humanité, que Mr Epeire sollicite
souvent pour sa clientèle, décident alors de se
manifester à leur manière. En magie, l'utilisation
adéquate du nom donne mystérieusement prise sur la
personne. Sur un ton humoristique, Eris propose une nouvelle
sociologique et fantastique, qui reprend une antienne connue : on ne
joue pas avec les puissances surnaturelles, pour lesquelles les
métamorphoses sont l'abc de la fonction.
Un correspondant sur le Net se manifeste de manière
ambiguë, sous le nom de Pi, paraissant asexué, travesti
jouant les femmes, manifestant une répulsion fascinée
pour le sexuel. Son émotivité, aux humeurs fortes
heureusement, est heureusement équilibrée par une
froideur intellectuelle rare. La plus grande partie de la nouvelle
d'André Laurier,
Le nom de la
chose, est consacrée
à la place que peut prendre dans une vie une relation
électronique. La découverte de cet être
étrange, qui se prétend un artiste, rend le narrateur
obsédé peu à peu par cette liaison qui n'existe
que par le Net. Une rencontre réelle finit par être
décidée. Le narrateur crée alors une autre forme
de suspense que celle provoquée par l'évolution des
relations épistolaires. Il évoque le vampirisme, la
magie, le vaudou. Que sera cet être, entre intelligence humaine
et animalité, que le narrateur rencontrera? Sur le motif de la
découverte de l'Altérité, du monstre, ce
récit aux multiples notations, sur le ton de la confidence,
laisse le lecteur un peu désemparé.
Linda, dans Le
baiser du Sphinx d'Alain
Delbe, semble avoir de nombreux amants. Elle ne les
a pas choisis pour un point commun, qui est d'avoir la migraine. Tous
différents physiquement et psychologiquement, ils
écrivent sur un mystérieux carnet - le même
semble-t-il, rédigé de leur écriture,
trouvé, à leur surprise, à des endroits
différents. Aucun, curieusement, ne le relit. Ils se bornent
à y narrer à la suite leurs rencontres avec Linda. Ils
apprennent tous, mais isolément, que le mari de Linda
connaît leur aventure, a des crises de jalousie, la bat
même, puis qu'il est entré en clinique. Ils souffrent
alors tous de fatigue, sont en état de panne sexuelle. Et
brusquement, un seul reste, qui lit le carnet. L'imaginaire du mari
a-t-il suscité une créature surnaturelle, ayant des
doubles éprouvant les mêmes malaises?
L'étrangeté de ce récit est plutôt
sous-jacente que manifeste, apparaît dans de multiples
détails, insuffisante à chaque fois pour créer
l'inquiétude, mais assez pour générer le
malaise. Delbe aime les récits un peu ironiques, offrant
différentes suggestions dans le déroulement du
récit, et des fins qui jettent une nouvelle lumière sur
les histoires qui viennent de se dérouler. C'est le cas de ce
récit, qui n'a rien de diabolique, et dont la dernière
page propose une explication psychologique insuffisante, qui rappelle
le métier de psychothérapeute de Delbe.
Bien ou mal, le vaudou haïtien est en mesure de réaliser
l'un et l'autre. Le Diable chrétien n'y tient aucune place.
Cette longue et intéressante nouvelle du Canadien Claude
Bolduc, Toujours plus bas se
situe donc hors du diabolique chrétien de l'ensemble du
recueil, et des perspectives cosmiques où la lutte entre le
Bien et le Mal s'y déroule. Le christianisme n'a pratiquement
pas marqué le "vudu" africain. Aussi l'Européen a
tendance à considérer le vaudou haïtien, qui en
est dérivé, comme une simple religion utilitaire
où la magie est maîtresse. Elle fait partie
intégrante du vaudou, et donne au fidèle le sentiment
d'une sorte d'invulnérabilité contre toutes les
insécurités, un refuge contre l'exploitation
économique ou contre un système culturel
étranger. Représentant un système original qui
semble satisfaire ses adeptes, le vaudou est pratiqué avec une
sérénité déconcertante, que l'on
retrouvera dans ce récit. Il offre à ses fidèles
une mythologie et un ensemble de pratiques rituelles qui rendent
compte aussi bien de l'origine du monde, des lois de la nature, que
de tous les aspects de la vie sociale et individuelle. La
caractéristique d'un adepte est de se considérer en
situation de mariage avec un esprit, le "lwa", à l'animal
symbolique duquel il faut fournir sacrifices et offrandes. Le
«ugã» (prêtre vaudou) ou la «mambo»
(la prêtresse) sont les administrateurs du sacré vodou,
avec le «b1k1» (le magicien "servant des deux mains",
à la fois le bien et pour le mal). Ce préambule est
nécessaire à la bonne compréhension de la
nouvelle de Bolduc, dont le sujet est l'intéressante
utilisation de réalisations artistiques dans des pratiques
magiques, qui permettent notamment le contrôle direct des
opérations par l'intermédiaire de dessins, qui,
tracés au fur et à mesure, correspondent à la
mise en place ailleurs des situations désirées.
Situations liées à un vieux thème fantastique,
celui de la maison mystérieuse qui se révèle
être un piège pour le possédé qui y
pénètre. Celle-ci, lovecraftienne à souhait,
servira durant tout le récit à fasciner le Canadien qui
a épousé pour son malheur une Haïtienne. Elle veut
se servir de lui pour retrouver au Canada, en tant que Mambô,
la clientèle religieuse qui lui permettra de vivre dans
l'indépendance (les noms haïtiens sont
orthographiés autrement que les miens par Bolduc). L'astuce de
Bolduc a été de montrer la lenteur et la minutie de la
préparation, durant laquelle le loa de la Manbô, Djobolo
Bossou, attend avec impatience le sacrifice qui lui est dû, et,
en représailles, l'abandonne progressivement en ne lui
fournissant plus son énergie vitale alors qu'elle est malade.
Un double suspense va donc s'engager : la Mambô
réussira-t-elle à trouver les forces pour utiliser sa
magie via ses dessins pour arriver à ses fins, le Canadien
désemparé et de plus en plus possédé
tombera-t-il dans le piège de la maison maléfique, qui
se délabre en même temps que ses relations maritales?
Bien construite, suscitant de l'intérêt pour ses deux
personnages (difficile pour un auteur, marqué par le dualisme
Bien-Mal, d'être neutre à l'égard de ses
protagonistes et à réussir à obtenir cette
neutralité de son lecteur, marqué par la même
dualité), Bolduc a eu l'idée d'exploiter l'imaginaire
du Canadien en liant ses peurs à celles ressenties adolescent
lors de la lecture d'Arthur Machen,
Le peuple
Blanc, qu'il n'a pu finir, pris
de vertige devant un monde qui basculait. Il en a notamment
gardé l'image d'un puits terrifiant. Bolduc a aussi
ajouté une formule prise par la Mangô dans un livre sur
la magie d'Aleister Crowley
("un des plus grand magiciens
du XXème siècle" selon ses laudateurs, un Anglais qui se reconnaissait
propagandiste du mal, pornographe, érotomane, alcoolique et
toxicomane pour les autres). Le livre lui a été
prêté par le bokô, le magicien haïtien du
coin, qui lui conseille de réserver à son loa une
offrande "extraordinaire"pour se racheter. Avec quelques zestes de
christianisme : Marie est le nom de la Mambô, et le
numéro 66 celui de la maison maléfique. Il ne restera,
sa fonction remplie, qu'à ajouter le 6 manquant, au moment de
l'Apocalypse..
L'anthologiste, Serena Gentilhomme, a
nommé son recueil "antiphonaire", le livre liturgique
contenant l'ensemble des chants exécutés par le choeur
à l'office ou à la messe. Il n'est donc pas question
d'attendre ici - serait-ce d'ailleurs possible? - un inventaire
complet des possibilités du thème retenu, le
diabolique. Nous vivons avec les vingt-quatre auteurs une messe, dont
Gentilhomme nous présente les trois différentes
parties. Benoîte, un peu camelot, la présentatrice a
l'oeil pétillant et démoniaque de celle qui, en
châtiment d'une tentative d'indépendantisme, a
été "parachutée" sur cette terre
accompagnée de sa puanteur caractéristique. Ses
quelques pages, ironiques ou sarcastiques, méritent
d'être savourées à leur valeur. Pour qui voudrait
mieux la connaître, je leur signale une nouvelle qui a
été laissée de côté jusqu'à
cet instant, celle d'Alain de
Bussy, La fille qui capturait le
temps. La photographe
amateure n'est autre que Serena, décrite comme la voit un
auteur qui a eu l'occasion de la rencontrer lors de divers colloques
belges ( ou canadiens, comme plusieurs auteurs proposés dans
ce recueil). Serena, dans Laudes 2, se voit parfaitement dans cette
sorte d'annexe de l'enfer qu'est l'ancien couvent de soeur
Modeste...
On peut chicaner sur le contenu de
chacun des trois pôles effectué par Serena Gentilhomme,
"baptisés" Laudes (choix
qu'elle revendique hautement, prévenant même : "
chicaneurs
bienvenus"!), mais on ne
restera pas insensible à cette messe particulière
dédiée au Mal dont elle nous délivre les chants
variés, du Diable traditionnel au Diable contemporain. Ce jeu
touchant l'imaginaire diabolique, devenu ludique, se retrouve aussi
bien dans la bande dessinée, le cinéma ou la
publicité. On retrouve cet esprit de distanciation dans ce
recueil, où on passe par exemple du pacte classique avec
parchemin, plume d'oie et sang du pactisé, à
l'utilisation du stylo à réservoir, surnaturellement
rempli du sang encore indispensable, plus banalement du stylo-bille.
Et dans la nouvelle de Curval, avec l'informatique, on en est
à la formule sanguine communiquée par celui qui veut
électroniquement traiter avec le Diable...
Le sens global de ces nouvelles est
de retirer au surnaturel sa charge angoissante pour en faire un objet
de récréation. Dans ce jeu avec le démon, le
Diable n'est mis en scène dans la vie quotidienne qu'avec les
clins d'oeil complices de ceux qui le font exister, comme un
être de faux pouvoirs ou d'illusions. Ses oripeaux
traditionnels se dissolvent dans la modernité, la
métaphore, l'humour et l'ironie. Il séduit
littérairement, mais ne peut plus corrompre. Une fin
inattendue pour un Diable triomphant il y a quelques siècles
seulement, qui finit dénaturé par l'imagination des
créateurs.
Roland Ernould, décembre 2002.
La
quatrième de couverture :
Bonjour, mes
chers visiteurs : je ne vous avais pas vu venir.
Comme la Mère Supérieure a dû vous le dire, je
suis Modeste, qui a l'honneur de prendre en charge les visites
guidées de cet hôpital très particulier que mes
consoeurs sont obligées de quitter - et moi avec elles.
Avant de commencer notre dernière - hélas ! - visite
guidée, permettez-moi de vous donner quelques
précisions sur notre ordre, autrefois contemplatif, dont le
but quotidien est la mortification tous azimuts. La vie moderne
étant ce qu'elle est, nous avons transformé notre
monastère en asile psychiatrique pour améliorer notre
humble ordinaire.
Mais, attention : pas question, de suivre les théories
mécréantes d'un Freud, d'un Jung et autres Lacan : pour
nous, la folie n'est que possession diabolique, et nous la traitons
en tant que telle...
Humble et serviable, comme son prénom le dit, soeur Modeste
des Humiliates Noires vous invite à arpenter les
méandres d'un labyrinthe hanté de présences sans
cesse plus terrifiantes et de moins en moins humaines, au fur et
à mesure que le train fantôme dans lequel vous avez
embarqué s'enfonce - toujours plus bas.
Contrôlez la validité de votre billet de retour, suivez
le guide et... faites vos prières.
Amen.
Une notice
biographique pour chacun des auteurs figure à la fin du
volume :
Natasha Beaulieu, Denis
Labbé, Johanne
Girard, Morrad Benxayer, Roland Fuentes,
Michel Pagel, Sara
Doke, Norbert Spehner, Fabienne Leloup,
Laura Pargade, Marianne Leconte,
Alain Le Bussy, André
Ruellan, Jean-François Gerault, Jonas Lenn,
Anne Duguël, Gilbert Millet,
Bernadette Richard, Fabrice Colin,
Alain Delbe, Philippe Curval,
Mélanie Fazi, Patrick Eris, Andrée Laurier, Claude Bolduc,
et... Serena Gentilhomme. Illustration de Rósza Tatár.
Roland Ernould
©
2002
..
.. du site Imaginaire : liste des auteurs
.. du site Différentes Saisons, revue trimestrielle
.. général