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KAPPA

Dans l'anthologie : Fragments d'un miroir brisé

une anthologie de la science-fiction italienne présentée par Valerio Evangelisti

 

Payot SF éditeur, 5/1999

12 nouvelles, trad. de l'italien par Jacques Barbéri. Cette anthologie reprend certaines nouvelles parues dans l'anthologie italienne Tutti i denti del monstro sono perfetti, mais d'autres nouvelles ne figurent que dans l'édition française.

Pas de magie ni de sortilège dans cette nouvelle, mais l'utilisation de traditions ancestrales pour résoudre une énigme posée par du matériel de technologie moderne, pour ouvrir les trois portes qui permettent d'accéder à la mystérieuse Veine souterraine, où se trouve un joyau de la technologie dont on ignore la nature, mais dont on connaît la puissance. La solution ne peut être trouvée qu'en utilisant des connaissances religieuses mythiques japonaises, que le groupe de guérilleros péruvien qui doit les utiliser ne connaît pas. L'astuce a été de mixer l'action simultanée de deux groupes de militant, l'un au Pérou, l'autre au Japon, en jouant sur la connaissance de l'informatique et des données pour trouver la solution par les Japonais, la ténacité et la rusticité des moyens par les Péruviens, le câble téléphonique constituant leur seul lien.

Le groupe péruvien, du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (ce mouvement existe effectivement, et, entre autres actions,a retenu plusieurs centaines d'otages à l'ambassade du Japon au Pérou en 1996, demandant en échange la libération de leurs prisonniers. Attaqués par les militaires, ils sont tous tués, sans avoir eux-mêmes touché à leurs otages) prend le contrôle d'un centre de recherche japonais installé à Lima, au Pérou (à l'époque, le président péruvien est Alberto Fujimori, d'ascendance japonaise), sur lequel il ne sait pas grand chose. Simultanément, l'ambassade du Pérou à Tokyo est investie par un commando de l'Armée Révolutionnaire Kansai. Par communication téléphonique via Internet, les Japonais indiqueront phase par phase ce que les Péruviens doivent faire pour réussir, alors que, dans les deux pays, les forces de l'ordre investissent le lieu des ambassades.

Pour arriver à ce que cache la Veine, il faut répondre à trois questions (le nom de la multinationale qui gère le Centre de recherches s'appelle la San Mitsu, les trois mystères). Le commandant japonais du commando a participé à la restructuration informatique des chemins de fer avant d'être licencié. Passé dans le camp des révolutionnaires, il a rapidement grimpé dans la hiérarchie par sa connaissance des ordinateurs. Mais les ordinateurs continuent à susciter chez lui un certain trouble. Ce sont des ordinateurs spécialement programmés qui jouent le rôle de Sésame, et des bandeaux spéciaux posés sur le front permettent la communication. Les choses sont plus compliquées qu'avec la porte de la caverne d'Ali Baba, qui ne s'ouvrait qu'à la voix, avec la formule magique. Les portes de la Veine ne s'ouvrent successivement qu'à la pensée, la voix et le geste.

La moitié du récit narre les tâtonnements des responsables des deux commandos pour parvenir aux trois solutions, dans un jeu de devinettes d'autant plus urgent que le temps est compté, ce qui nous est plusieurs fois rappelé. L'âme japonaise est un mélange d'ancien et de moderne, et il faut avoir conservé une bonne connaissance du passé pour retrouver les méandres de la pensée de celui qui a posé les énigmes. Le noeud Kappa tire ainsi son nom de créatures légendaires de la mythologie japonaise et sont de petits monstres à tête de singe. Mais les têtes de singe appartiennent à la mythologie péruvienne. Les singes étaient vénérés par les Précolombiens, qui, gardant en secret leurs vielles croyances, utilisèrent des pierres taillées en tête de singe pour construire certaines églises. Or la Veine a été bâtie sur une grotte ou une catacombe renfermant de telles pierres, qui ont été d'ailleurs utilisées dans la construction du bâtiment. Tout ceci, joint à des particularités de la religion bouddhiste, permettra à des partenaires aux patrimoines mythologiques différents de les mettre en commun pour trouver la solution.

L'intrigue est habilement menée, avec son alternance de scènes péruviennes et japonaises. Evangelisti se situe ici dans le droit fil de ses convictions gauchistes, et les mouvements sont présentés avec sympathie. Le groupe péruvien ne recherche pas la mort d'homme, et prend même soin des animaux, malheureux partenaires d'actions qui les dépassent. Les chiens qui gardent le fort où ils doivent pénétrer sont anesthésiés au somnifère avant d'être empoisonnés. Et la Veine? je n'en parlerai pas, pas davantage que des péripéties du récit. Mais an centre de la puissance informatique des multinationales, il y aurait des complexes d'ordinateurs coordonnés par un cerveau animal, en attendant probablement qu'on trouve le moyen de le faire avec un cerveau humain. Ici encore, mais sur un plan anthropologique cette fois, Evangelisti met en symbiose les moyens modernes et une ancienne invention de la vie, le matériel cérébral qui a permis à la pensée humaine de se développer. Dans la scène finale, le révolutionnaire sensible à la mort des chiens de garde regarde avec compassion le petit singe vivant au crâne criblé d'électrodes, le noeud Kappa, et ne le tuera qu'avec réticence. Inversement, les fonctionnaires de l'état sont discrédités. Quand l'action commence, l'ambassadeur du Pérou est chevauché par une jeune Japonaise.

Roland Ernould © 2001

  

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Revue Phénix #57, mai 2002.
Numéro spécial Valerio Evangelisti, avec un chapitre inédit des Chaînes d'Eymerich, une interview inédite et de nomreux articles de Roland Ernould, l'auteur de ce site. Ce copieux dossier de 140 pages comprend également un article de Delphine Grépilloux et une bibliographie d'Alain Sprauel.

Le dessin de couverture est de Sophie Klesen

En librairie : 13 ¤. La revue Phénix est éditée par la SARL Éditions Naturellement, 1, place Henri Barbusse, 69700 Givors. Directeur : Alain Pelosato.