Sa vie

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«Ma bibliographie me sert de biographie» a déclaré Claude Seignolle dans un entretien donné à Marie-Charlotte Delmas. C'est si vrai que les diverses strates de sa vie se superposent pour alimenter les oeuvres de leur inspiration particulière :

Ethnologie-folklore, autobiographie et essais, romans,

contes et nouvelles, écrits érotiques, anthologies,

Seignolle a fait feu de tout bois parce que sa vie a été remarquable à la fois dans son unité et sa diversité.

Né en 1917 dans le Périgord d'une famille aisée (son père travaille dans le négoce des textiles), Seignolle monta dans la région parisienne, à Châtenay-Malabry, dans les Hauts-de-Seine, où il réside toujours. Claude Seignolle assouvit sa passion périgourdine pour les pierres et les objets antiques en fouillant les endroits qui lui paraissent opportuns, tout en négligeant ses études au lycée Lakanal. Les succès de ses recherches donnent lieu, dès 1930, à la rédaction de son premier ouvrage, Les Fouilles de Robinson, publié en 1945. Le jeune archéologue fréquente la Société Préhistorique Française où il recueille les avis de spécialistes, tels l'abbé Breuil et Teilhard de Chardin.

Note de lecture

Il fait surtout la connaissance de l'ethnologue Arnold van Gennep, l'auteur du Manuel du Folklore Français, rencontre qui va s'avérer déterminante pour la suite de son oeuvre. C'est en effet sur les conseils de van Gennep que le jeune Seignolle abandonne pierres et vestiges archéologiques, qui peuvent attendre sans dommage, pour se livrer à des investigations sur un matériau plus fragile, la mémoire paysanne en train de s'éteindre lentement avec les ruraux qui la détiennent encore.

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Avec son frère Jacques, il parcourt les communes des anciens départements de Seine et Seine-et-Oise, pour récupérer les survivances des traditions et superstitions populaires. Le Folklore du Hurepoix naît en 1937 de ce travail, et restitue ville par ville, des traditions aujourd'hui disparues autour de quatre thèmes : Du berceau à la tombe - Les Cérémonies périodiques - Magie, médecine et météorologie populaire - Littérature, chansons et jeux populaires. Le merveilleux et ses avatars étaient encore - pour combien de temps? -aux portes de Paris...

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Arrive la guerre. Seignolle, fait prisonnier, est interné en Allemagne. Il note ses impressions de captivité et ses souvenirs de guerre dans La Gueule. Le roman, dédié à son ami Blaise Cendrars, a comme motif central la faim, la faim terrible qui pousse les hommes à commettre toutes les folies. Libéré, il se réfugie en Sologne avec sa femme. Il y raconte comment, en 1944, où il a fait prisonnier des soldats allemands affamés. Pour en finir avec les récits autobiographiques, il faut signaler la parution d'Un homme nu, ouvrage dans lequel Seignolle livre ses impressions et ses souvenirs, autour de cinq thèmes : l'inspiration, la curiosité, le réel, l'intuition, l'insolite, l'affabulation, le mystère.

Note de lecture.

Dans un tout autre registre, celui de l'érotisme, il recueille dans les années cinquante, auprès des femmes et des prostituées, nombre d'anecdotes qui donnent lieu à la rédaction de nouvelles salaces, comme Sexie, d'un genre insolite dans son oeuvre, éditées et vendues sous le manteau.

Après la guerre, Seignolle poursuit ses recherches ethnologiques dans d'autres régions françaises, publiant plusieurs autres ouvrages de folklore. D'abord en
Sologne, en 1945, puis en 1960 Le Folklore du Languedoc (Gard, Hérault, Lozère) que Van Gennep intègre dans son Manuel du Folklore français. Ensuite, en 1963, le folklore de Provence et enfin, en 1969, le Berry.

Durant le même temps, il a publié huit romans, regroupés en deux cycles :

le cycle des Malédictions, qui regroupe les romans issus du folklore rural (Le Rond des sorciers, Marie la Louve, La Malvenue, Le Diable en sabots, Le Gâloup)

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le cycle de La Nuit des Halles, qui reprend les romans issus du folklore citadin, ou parisien (Le Bahut noir, La Brume ne se lèvera plus, Le Chupador).

Seignolle a beaucoup entendu évoquer le diable au fil de ses enquêtes, et il décide de lui consacrer une étude. Il publie en 1959, Le Diable dans la tradition populaire, suivi en 1964 par Les Évangiles du Diable.

«Quant au Diable rustique mis en scène, générateur de tant de croyances, de magie et de craintes, il est, tout compte fait, moins à redouter que ses suppôts ommiprésents : les milliers de sorciers se disant à sa solde et qui, simples humains, sont bien plus mauvais parce qu'ils font feu de tous diables.» (préface de l'ouvrage Les Évangiles du Diable).

De 1962 à 1974 vient le temps des contes et des nouvelles. Les derniers romans de Seignolle, publiés en 1960, sont déjà des textes courts. Il réduit ses récits à l'essentiel, le motif fantastique. Le lecteur plonge dans l'étrange dès les premières pages et ne peut plus en sortir. En dehors des modes et des styles littéraires, Seignolle transcrit poétiquement dans une création très personnalisée, avec un style original, un univers fait des peurs archaïques de l'homme face à l'inconnu.

En 1974, Claude Seignolle arrête son activité de création pour se consacrer à une double tâche. Pour son plaisir, il collectionne les autographes, dont il constitue une collection colossale. S'il ne crée plus d'oeuvres nouvelles, il poursuit son oeuvre éditoriale, comme le conteur dans les veillées, qui améliore sans cesse son matériel. Seignolle recompose sans cesse de nouveaux recueils, comportant des histoires différentes, parfois partiellement remaniées ou retitrées. Il enlève ou ajoute des récits, changeant les titres de ses recueils en utilisant celui d'une autre nouvelle contenue dans le recueil. Ou il les rassemble par thèmes, en leur donnant ainsi un éclairage nouveau. Plusieurs livres aux titres différents sont ainsi publiés par an, formant un ensemble labyrinthique dans lequel il devient de plus en plus difficile de se retrouver. Seignolle continue à mener une vie intellectuelle intense, en entretenant de multiples contacts avec ses lecteurs et ses analystes.

Claude Seignolle est un auteur inclassable. En s'inspirant des superstitions, des imaginations nées au cours des siècles de la peur, des angoisses, il est devenu le conteur d'une sorte d'état sauvage de la pensée. On retrouve dans cette partie, celle qui survivra, les thèmes horrifiants venus du passé, de la possession diabolique aux objets maléfiques en passant par le loup-garou, dans une campagne jalonnée de lieux maudits. Ailleurs, il dépeint le monde banal d'êtres apparemment ordinaires, mais brusquement plongés dans la brume d'un temps réversible, qui subissent le passé, dans un climat étrange. Ses personnages finissent par vivre une vie qui échappe au normal, mêlant rêve et réalité, «
dévorés vivants par leur propre enfer» (Pierre de Mandiargues).

Sans équivalent, cette branche du fantastique sans violence rayonne de poésie, dans un esprit typiquement français.

En août 2002, le réputé Colloque de Cerisy, qui rassemble universitaires et sommités littéraires a été en partie consacré à Claude Seignolle. Les Actes du Colloque ont été édités en 2002.

réédition attendue:

Les Loups verts, Cartouche éd., 2005

JPublié pour la première fois en 1970 aux éditions Marabout, Les Loups verts, fait partie du cycle des Ïuvres autobiographiques de Claude Seignolle. Il retrace la captivité de l'auteur, dans l'Allemagne de la seconde guerre mondiale, où toute la population est en quête d'un quignon de pain, et où tous les êtres sont la proie des folies armées. L'Europe, en 1944, de la Sologne sauvage (où l'auteur, par chance, finira par retourner) à l'Allemagne nazie, n'est plus qu'un champ de ruines, dévasté par la haine de l'autre. Violence et cruauté semblent être les seules valeurs capables d'animer les hommes, transformés en hordes de loups. Seignolle, dans son récit, oscille entre réalisme et fantastique, tant l'hallucination participe du quotidien. Comment, dans cette atmosphère délétère, retrouver un semblant d'humanité, contre des soldats que Claude Seignolle soupçonne, la nuit venue, de se transformer en loups-garous, avides de chair humaine ? Seignolle, bateleur de chimères, essaye de trouver un sens à une existence, qui, dans la déroute des esprits vaincus par la « bête » nazie, paraît désespérément lugubre.

« J'étais là, debout, les pieds engourdis par le froid et l'immobilité, le corps frissonnant dans l'air glacé, l'esprit dans un charnier. J'étais là, peignant sans fin une sombre fresque avec mon âme déjà si usée pour un homme si jeune : je coupais du bois noir sur un billot noir, avec une hachette noire. Je distinguais, m'appartenant, des mains, des doigts noirs ; je triturais des idées, des images noires. Mon passé m'apparaissait oblitéré sous un amas de points noirs. Mon futur tellement ponctué de noir que ce n'était plus que l'uniforme image d'une trame photographique grossie cent foisÉ »

 

Roland Ernould © 2005.

de nouveaux détais sur sa vie :

Claude SEIGNOLLE

ou la puissance du désir

Hesse éditeur 312 pages,

2005.

liste des ouvrages (biographie et critique) consacrés à Claude Seignolle

dossier

Claude Seignolle

vous offre en lecture gratuite :

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