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Fragments
d'un miroir brisé
une
anthologie de la science-fiction italienne
Pocket Science fiction,
réédition, 2001
La science-fiction italienne, inexistante il y a un
demi-siècle, fut longtemps occultée par une
littérature globalement hostile ou indifférente
à la technologie, et orientée plutôt vers le
réalisme par les idées politiques de l'époque.
La science-fiction anglo-saxonne occupait le peu de place disponible,
et seuls quelques auteurs italiens faisaient de la figuration pour
une consommation populaire. Depuis dix ans, sous l'influence de
l'édition italienne de l'Isaac Asimov's Science-Fiction
Magazine, publication
dirigée par Daniele Brolli, la
situation a bien changé. Valerio Evangelisti,
l'auteur le plus remarquable de cette génération (avec
Luca Masali), nous propose de nous en donner un
aperçu. Le "miroir brisé" dont il est question
métaphoriquement dans le titre représente les reflets
des divers aspects de la science-fiction actuelle.
Quatre nouvelles sont consacrées au courant radical et
militant, le favori d'Evangelisti,
décrivant des personnages en lutte contre les fascismes, les
multinationales ou le colonialisme. Dans Kappa, Valerio Evangelisti
lui-même fait resurgir l'ancien pouvoir des mots qui
transforment la réalité, avec un groupe de
révolutionnaires péruviens et japonais veut forcer les
secrets d'une multinationale japonaise installée au
Pérou. Domenico Gallo nous
propose une variante sur le motif des doubles dans Le reflet noir du
vinyle, un procédé
qui place dans le cerveau de certains révolutionnaires des
implants permettant d'effacer leurs souvenirs. Le fascisme virtuel
des médias électroniques, devenus capables d'explorer
le futur, intéresse Franco Ricciardiello,
dans L'ombre des
empires à venir, avec la
tentation d'un individu informé de modifier ce futur à
son avantage. Nicoletta Vallorani
présente dans Choukra une
colonie de l'espace où les premiers occupants humains ont
pratiqué des amours étranges, avec des couples
d'extra-terrestres.
La tendance historico-vernienne est ici apparentée au
steampunk avec La baleine du
ciel de Luca Masali, narrant
les luttes fratricides lors de la montée des fascismes en
Europe, dans un épisode historique connu des Italiens, mais
malheureusement pas des Français, ce qui enlève en
partie de l'intérêt du récit.
Le lecteur trouve ensuite deux textes
qui représentent la tendance surréaliste et onirique.
Tarentula, un
récit délirant et virevoltant de Daniele
Brolli, mêle la poésie
éthérée et parodique au prosaïsme du pire
naturalisme. Dans Fabulaliena, de
Silverio Novelli, un
journaliste découvre que son jeune fils, obsédé
par les trains, peut communiquer par ses jouets avec un
monde-autre.
Suivent deux intéressantes nouvelles du courant cyberpunk.
Dans La musique
du plaisir, de Luigi
Pàchi, Dandy est un cyborg, fournisseur
d'émotions fortes, stockées dans ses circuits
électroniques mélangés à sa chair. Ketama
de Silvio Sosio
évoque la curieuse situation des filles synthétiques
dans un monde pollué, un monde si truqué qu'on
distingue à peine les filles fabriquées des vraies.
Sont encore représentés
deux autres courants de plus en plus appréciés par le
public italien : la science-fiction horrifique avec
l'éprouvant Je le jure de
Andrea Colombo, où un couard et un méthodique,
voleurs chevronnés, pénètrent dans une villa
pour la cambrioler. Et la science-fiction érotique de Giorgia
Mantovani propose ses recherches particulières
en sexualité avec Le dernier souvenir, dans des perspectives cosmiques inusitées.
Si cette anthologie voulait offrir au lecteur français un
panorama de la science-fiction italienne, le pari est réussi
et la plupart des nouvelles sont intéressantes.
Malheureusement aucune notice biographique, aucune indication sur le
parcours des auteurs ne permet de situer les écrivains ici
rassemblés.
La
quatrième de couverture :
Milan, Rome,
Bologne : la science-fiction italienne explose à travers la
péninsule, et se retrouve dans cette première grande
anthologie de nouvelles. Les influences croisées du
cinéma, de l'Internet, de la musique et de la
littérature américaine ont fait naître une
nouvelle génération d'auteurs.
Leurs univers mêlent la réflexion sur le monde italien
contemporain et ces visions urbaines démesurées
nées avec le mouvement cyberpunk, la violence la plus folle et
la projection des phobies d'aujourd'hui dans un avenir lointain, mais
toujours avec ce regard italien si particulier et si souvent
teinté d'ironie.
Drogues virtuelles, commandos kamikazes, robots serial killers,
expériences sexuelles extrêmes, avenirs sauvages ou
horrifiques, uchronies et fugues à travers le temps; de Venise
à Mars, les nouveaux écrivains italiens dessinent un
paysage de rêve ou de cauchemar, comme autant de reflets d'un
présent chaotique.
Roland Ernould © 2002
|
Pour une étude
détaillée
voir
Valerio Evangelisti
et
la science fiction italienne
|
..
.. du site Imaginaire : liste des auteurs
.. du site Différentes Saisons, revue trimestrielle
.. général
|
Revue Phénix #57, mai 2002.
Numéro spécial Valerio
Evangelisti, avec un chapitre
inédit des Chaînes d'Eymerich, une interview
inédite
et de
nomreux articles de Roland Ernould, l'auteur de ce
site.
Ce
copieux dossier de 140 pages comprend également un
article de Delphine Grépilloux et une bibliographie d'Alain
Sprauel.
Le dessin de
couverture est de Sophie
Klesen
En librairie : 13 ¤. La
revue Phénix
est éditée par la SARL Éditions
Naturellement, 1, place Henri Barbusse, 69700 Givors.
Directeur : Alain
Pelosato.
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