Serge Brussolo, Le Sommeil du Démon

Peggy Sue et les fantômes 2

éditions Plon, 2001, 372 pages.

La situation n'a pas changé depuis le premier volume. Détective des mondes magiques, Peggy Sue a toujours ses 14 ans et continue à voir - elle est la seule à pouvoir le faire - des créatures invisibles. Ces entités sont restées les mêmes : pour se distraire, créatrices d'illusions, elles font des blagues aux humains, éventuellement mortelles, les hommes n'étant pour eux que des jouets. Grâce à ses lunettes magiques, Peggy Sue, peut brûler ces invisibles et contrarier leurs machinations. Le chien bleu du premier volume l'accompagne partout, devenu intelligent grâce au soleil bleu, resté télépathe et conversant avec elle. Excellent conseiller et fin stratège, hypnotiseur, il aide Peggy Sue dans son nouveau combat.

Dans ce second tome, la famille de Peggy galère toujours et va changer une nouvelle fois de domicile. Le père, charpentier au chômage vivant de petits boulots, a accepté cette fois un travail de gardiennage dans un vieil aérodrome perdu en plein milieu du désert, qui se trouve être inclus dans un champ de forces qui l'isole, comme l'était Point-Bluff, la ville du premier récit. Deux univers y coexistent, la réalité et un plan magique dont on ignore tout au début. Des événements insolites se produisent, des gens ont disparu, la vie devient impossible. Des explications sont alors fournies par un vieux Mexicain, et l'univers devient féerique : le champ de forces est contrôlé par un démon, un géant, qui vit dans un château entouré d'un jardin. Il faut le réveiller pour que le cauchemar cesse. Bien sûr, Peggy va s'en charger, aidée cette fois-ci par un jeune garçon particulier, Sébastien, qui ne peut vivre qu'arrosé, et par son chien astucieux.

À la manière de Lewis Carrol avec
Alice au pays des merveilles, Brussolo nous emmène dans un monde imaginaire foisonnant, qui dans la chaleur accablante réserve des surprises. Des mirages apparaissent qui s'emparent de tous ceux qui passent aux alentours pour ouvrir des portes vers un autre univers. La traversée périlleuse du jardin pour parvenir au château est un véritable festival de fantaisie avec le risque de devenir à son tour légume, de se manger soi-même alors qu'on est partiellement transformé en chocolat, ou de croire se baigner dans une piscine alors qu'on mijote dans un bol de soupe géant. Marquées par un climat d'étrangeté moins oppressant que dans le premier volume, les péripéties vécues par Peggy dans le jardin géant, revisitées par les jeux vidéos, produisent d'autant plus d'effet que le but à atteindre est inspiré par l'univers enfantin : le démon est un enfant géant hébété, un gentil, dont les invisibles transforment les beaux rêves en cauchemars détestables.
Il faut constater les événements sont moins dérangeants que dans
Le jour du chien bleu, moins désespérants par la noirceur qu'y montraient aussi bien les humains que les entités. Les mirages et les transformations sont ici plutôt source d'amusement humoristique pour le jeune lecteur. Les invisibles maléfiques contre lesquels lutte Peggy Sue n'apparaissent qu'à la fin du récit et celle-ci paraît moins fragilisée lors de leur absence.

L'histoire est encore plus folle que la première fois, et on se trouve en plein délire, celui des rêves. Brussolo a recyclé les matériaux qu'il a puisés dans les contes, des
Mille et une nuits à Alice : "J'aime le merveilleux, explorer des univers inconnus avec leurs dieux, leurs lois. Les mythologies grecque, romaine, égyptienne, ont beaucoup nourri mon imagination, dit-il dans une interview. Elles m'ont appris à penser selon une certaine logique du fabuleux, à repousser sans cesse les limites de l'imaginaire et à ne pas avoir peur d'inventer des choses folles. Les contes des Mille et une nuits sont pour moi un modèle constant." Il les a recyclés à sa façon dans ce roman débordant d'imagination, où il a accumulé les trouvailles. Il a su créer un monde bien à lui, innovant et drôle à la fois. Pour tout dire, le meilleur personnage du livre est le chien bleu, à la fois râleur, têtu et drôle. Les rebondissements sont nombreux dans une intrigue bien ficelée et menée rondement.

Mais Brussolo a basculé dans un monde mièvre qui n'était pas celui de son premier roman, ce dont je m'étais réjoui. Il est passé d'un climat de terreur qui confrontait le lecteur aux épreuves du réel et à ses difficultés qui sont autre chose que des fantasmes. Il a abandonné un climat de peur et de haine, pour retomber dans le royaume de l'enfant sage : la mer a le goût de sirop à la menthe, les nuages sont en sucre. Les fantômes, symboles du mal, sont éliminés en quelques pages.Alors que
Le jour du chien bleu se signalait par sa noirceur et son pessimisme, Le sommeil du démon replonge au contraire les jeunes lecteurs dans l'agrément confortable de rêveries puériles. Avec le premier roman, Brussolo se situait du côté de King, en mettant en scène des monstres métaphoriques à côté des vrais. Il bascule maintenant du côté de la facilité et d'un monde déjanté et frivole.

Ceux qui s'étaient montrés réservés à l'égard de
Le jour du chien bleu n'ont pas désarmé, bien au contraire. Au moins Brussolo peut se satisfaire des courriers enthousiastes de ses fans, ou de ce commentaire plus référencé d'un universitaire, Roger Bozzetto : "Ici, le délire léger coule comme un champagne frais. Les aventures semblent le développement des images d'un kaléidoscope, et on retrouve de hardis télescopages, comme dans les dessins animés de Tex Avery. Une réussite totale." (Solaris, # 141, p. 138)

La quatrième de couverture :
Depuis quelque temps il se passe des choses bizarres dans le désert. On y fait des batailles de boules de neige, on y croise des sirènes... Les nuits de pleine lune, un avion de cristal se pose sur une piste désaffectée pour emmener les enfants dans un autre univers.
Peggy Sue et le chien bleu décident d'y grimper pour élucider ces mystères. Les voilà qui atterrissent dans le monde fabuleux des mirages. Là, on fait du ski sur les nuages, l'océan est sucré, la neige parfumée à la menthe...
Mais la fête éternelle cache une guerre secrète ! Au-delà de la barrière blanche, dans le jardin aux merveilles, la machine à rêves s'est détraquée. Une simple morsure de légume peut vous transformer en pomme de terre ! Les cactus sont allergiques aux enfants et leurs éternuements criblent les imprudents d'épines empoisonnées ! On ne peut se fier à rien ! Si les chemins sont peuplés de nains, c'est qu'on rétrécit à chaque kilomètre...
Égarée dans ce labyrinthe, Peggy Sue parviendra-t-elle à triompher des pièges démentiels engendrés par les cauchemars d'un enchanteur prisonnier du sommeil ?

Serge .Brussolo .... La série de Peggy Sue et les fantômes

Serge .Brussolo .... Le Jour du chien bleu, 1, Plon éd, 2001.

Serge .Brussolo .... Le Sommeil du Démon, 2, Plon éd, 2001.

Serge .Brussolo .... Le papillon des abîmes, 3, Plon éd, 2002.

Serge .Brussolo .... Le zoo ensorcelé, 4, Plon éd, 2003.

 

Note biographique. Serge Brussolo approche de la cinquantaine. Depuis son premier recueil de nouvelles, publié en 1980, ses romans se bousculent (près d'une centaine), soutenus par une imagination incontrôlable, touchant à tous les domaines. Il a ses inconditionnels, mais l'opinion est partagée à son égard. Pour mon lecteur qui ne connaîtrait pas Brussolo (y en a-t-il?) et qui voudrait le connaître, je conseillerai plutôt La planète des Ouragans, La petite fille et le doberman (Présence du futur, 557): Rempart des naufrageurs (id. 583) et Naufrage d'une chaise électrique (id. 584)

Succès de librairie, la série Peggy Sue a maintenant un pendant, la nouvelle série Sigrid et les mondes perdus, toujours de Brussolo, dont le premier tome, L'Oeil de la pieuvre (éd. du Masque) a été bien accueilli. Ce roman, aussi délirant que ceux de la série Peggy Sue, se déroule à bord d'un sous-marin qui sillonne les eaux mutagènes de la planète Almoha. Quelques gouttes sur la peau transforment en sirène ou en triton, et les enfants ne vieillissent plus, tandis que les adultes continuent à prendre de l'âge...

En cours de publication :

- Une compilation d'oeuvres de Brussolo, Omnibus éd.

- Une collection qui comprendra plusieurs volumes (actuellement deux parus), éd. Le Masque.

 Roland Ernould © 2002

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