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LE MONDE DE HARRY POTTER
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POTTERMANIA :
Pourquoi vous êtes, ou vous
serez atteint par le virus anglais H.P.
en séance de
signature
.En janvier 2001, la nouvelle édition du
Who's Who
britannique offrait son
entrée à l'écrivaine britannique J.K. Rowling,
35 ans, auteure des aventures de l'apprenti sorcier Harry
Potter1, privilège réservé à
quelques milliers de personnalités choisies. Voilà
pourtant une femme très réservée, qui ne
s'affiche pas sur la place publique, et plutôt secrète
Elle est connue par de nombreuses interviews et par un petit livre
d´entretiens d'une ancienne libraire d´Edimbourg, Lindsey
Fraser, An
Interview with J. K. Rowling, qu'a traduit et publié Gallimard. Cette
dernière a épluché minutieusement les
trente-cinq années de la vie de Rowling, de ses maladies
d'enfant jusqu'à sa récente décoration par la
reine d´Angleterre pour "services rendus à la
littérature"2. Succès
mondial de la littérature enfantine, les aventures de Harry
Potter ont été traduites en plus d'une trentaine de
langues. Déjà, en 1996, le succès du premier
volume avait été immédiat et
considérable, et sa créatrice peut maintenant se vanter
d'avoir vendu près de 100 millions de livres dans le monde,
battant les records de Mary Higgins Clark et Stephen
King.
. .
Le phénomène «Pottermania»3 est tel que le tome quatre, publié en
novembre 2000 par Gallimard, tiré à 450.000
exemplaires, est sorti non plus en collection jeunesse mais en
«Hors-série littérature» grand format,
incitation évidente à la lecture par les adultes
(indépendamment du gain réalisé avec les enfants
en demandant le prix fort pour l'ouvrage.4) Aux USA, on avait en effet remarqué
(enquête du Wall Street Journal) que 40 % des lecteurs
de Harry Potter
et la coupe de feu étaient
des adultes.
Le personnage de Harry s'est mis
à vivre pour le public il y a 5 ans. Le premier tome racontant
son histoire a été édité en France en
octobre 1998, deux ans après l'édition anglaise; le
second en mars 1999 et le troisième en octobre 1999, tous
publiés chez Folio junior avec un succès grandissant.
Comme le remarque Hedwidge Pasquet,
directrice générale de Gallimard Jeunesse :
"Harry Potter est sorti de la
sphère de l'édition pour devenir un
phénomène de société. C'est important
pour le secteur. J. K. Rowling a aujourd'hui le statut d'un chanteur
ou d'une rock-star. Or, ce vedettariat qui s'empare des auteurs, tout
le monde sans doute en bénéficiera. Et tant
mieux." 5
L'HISTOIRE.
Orphelin depuis l'âge de deux
ans, hébergé plutôt qu'élevé par
une tante et la famille Dursley, qui ne l'aiment pas et qui portent
toute leur attention sur leur adipeux fils et neveu, un odieux
sacripant., Harry Potter, un jeune garçon de 11 ans, est tenu
à l'écart. Mais il est promis à un bel avenir de
magicien. Il vieillit d'un an par tome, ce qui est bien pratique
puisqu'il grandit ainsi avec ses lecteurs. Son auteure compte le
conduire jusqu'à dix-huit ans, et l'histoire comprendra alors
7 volumes. Ses parents sont prétendument morts dans un
accident de voiture, dont lui-même a réchappé
avec une cicatrice sur le front, en forme d'éclair. En
réalité ses parents, sorciers réputés,
ont été assassinés par le maléfique
magicien Voldemort. Sans le savoir, Harry est lui-même sorcier
et doué de pouvoirs magiques exceptionnels. Une
mystérieuse convocation lui apprend, le jour anniversaire de
ses onze ans, qu'il est attendu à l'école des sorciers
Poudlard, quelque part en Ecosse. Il quitte le pays des
«Moldus», les hommes ordinaires qui n'ont pas de pouvoirs
magiques (un Muggle dans le
jargon de Rowling), et qui sont considérés avec une
certaine distance par les sorciers, pour aller se former à
l'école malgré l'opposition de sa famille. Il y trouve
l'ambiance et la considération qui lui manquaient, se lie
d'amitié avec un garçon et une fille et se fait des
ennemis, qui le suivront de tome en tome dans ses aventures.
Voir annexe 2 :
l'école des
sorciers.
La magie est un art qui s'apprend,
supposant un savoir qui doit être maîtrisé. Qu'ils
soient d'ascendance nobiliaire (enfants de sorciers) ou non (des
enfants doués de Moldus), les jeunes apprentis sorciers ont
besoin de passer par une école spécialisée. Dans
ce milieu scolaire particulier, avec ses cours, son organisation et
son règlement, Harry découvre la magie, des professeurs
singuliers, un sport original, les chahuts et les fêtes, et de
nombreux secrets, parfois liés à ses parents qu'il n'a
pas connus.
Voir annexes 3 :
les
personnages,
et 4 : les particularités
du monde des magiciens.
Le thème central du tome 4 est
un grand concours de magie organisé entre les trois plus
grandes écoles européennes de sorcellerie : Poudlard,
l'Académie Française de Deuxbâtons et
l'École Bulgare de Durmstrang (composé de Sturm und
Drang? 6)
Voir annexe 1 :
résumé des
ouvrages.
Chacune de ces écoles est
représentée par son meilleur élève qui
devra répondre à des exigences bien précises
pour pouvoir être élu par une «coupe de feu»
aux pouvoirs magiques. À la stupéfaction
générale, la coupe de feu désigne un
quatrième élu inattendu, Harry, qui ne correspond pas
au critère d'âge imposé. Cet
événement jette un grand trouble dans l'école et
chez les concurrents, qui évoquent manipulation et tricherie.
Pour le première fois depuis le début des
récits, Harry est durablement en mauvaise posture. Le lecteur
pense immédiatement à une machination de Voldemort, le
maître des ténèbres, l'ennemi personnel de Harry,
qui bénéficie de l'aide de ses Mangemorts.
LE POINT DE
VUE DES LITTÉRAIRES.
S'il a été possible aux
adultes de dédaigner pendant un certain temps le
phénomène Potter, assimilé plus ou moins
à un avatar de type Pokémon ou
Digimon, il
arrive un temps où l'ignorance commence à peser et la
curiosité à se faire sentir. Sans fausse honte, j'ai
donc lu à la suite l'ensemble de la série et me voici
faisant partie de la tribu des Pottermanes. Et je dois
reconnaître que j'y ai pris du plaisir, un peu condescendant
dans les trois premiers tomes, mais nettement plus affirmé
dans le quatrième, plus solide, plus structuré et
surtout beaucoup mieux machiné. Il est d'ailleurs à
remarquer que les filles ont été
intéressées plus tôt que les garçons par
les aventures de Potter, plus réticents devant ces livres de
«bébé». Mais une fois qu'ils ont mordu
à l'hameçon, les voilà ferrés comme les
autres, et tout disposés à participer à ce
nouveau culte planétaire. Les livres de Rowling sont une
véritable incitation à la lecture, et on n'a pas assez
remarqué d'ailleurs que la fréquentation de la
bibliothèque des sorciers, un des lieux le plus
fréquemment cité de l'école, est
continuelle.
Bien des adultes - et pas seulement des parents consciencieux qui ont
voulu s'assurer de la valeur des lectures de leur progéniture
- sont entrés dans le jeu, les jeunes femmes étant les
plus enthousiastes. Même les adolescents s'y mettent, quoique
avec plus de réticence, ce qui est une sorte d'exploit compte
tenu de leur allergie affichée à la lecture. C'est
cependant chez les enfants de 10 à 14 ans que le
phénomène se manifeste avec le plus de force. En
Grande-Bretagne, des enseignants soucieux de corser leurs cours d'un
peu de d'atmosphère sorcière ont même admis en
classe capes noires, baguettes magiques et chapeaux pointus.
La
création de Potter.
L'auteure n'a rien d'une personnalité qui, de près ou
de loin, fait penser au maléfique. Elle paraît
frêle, terne, secrète, se montre triste et tendue.
Très effacée, elle semble bien plus à l'aise
avec les enfants qu'avec les adultes. Elle a l'air un peu
dépassée par ce qui lui arrive. Son histoire, à
laquelle les journalistes ont eu vite faite de donner une allure
pathétique, a tôt fait le tour du monde : jeune femme
monoparentale divorcée, tombée dans la
dépression et la pauvreté, et vivant de l'aide sociale.
Le fait d'avoir écrit le premier Potter dans les cafés
où elle allait pour se réchauffer a aidé
à la faire entrer dans la catégorie des auteurs se
sacrifiant pour leur oeuvre, ce qui a beaucoup contribué
à ce que le public admette son enrichissement soudain sans
trop s'occuper de son marketing foudroyant (elle a un agent
remarquable et redoutable), voyant dans sa réussite un conte
de fées moderne7. Pas de formule magique en jeu cependant. Rowling a
fait des études universitaires littéraires à
l'université d'Exeter, a appris et enseigné le
français et fait du secrétariat.
C'est à bord d'un train,
raconte t-elle, en 1988, qu'elle a eu l'idée des aventures
d'un gamin sorcier, et du nom de Potter, nom qui serait celui de
voisins, amis d'enfance, avec lesquels elle aurait, petite,
joué à des jeux de ce genre. Ce qui n'empêche pas
une auteure américaine, Nancy Stouffer, de la
poursuivre devant les tribunaux pour plagiat, l'accusant de
s'être inspirée d'un de ses livres pour enfants,
The Legend of Rah
and Muggle, publié en
1984. Où non seulement on trouve le mot «Muggle»,
mais un personnage se nomme Harry. Cela semble de peu d'importance,
mais les tribunaux américains sont imprévisibles dans
leurs décisions et Joanne a été longtemps
angoissée. Nancy Stouffer a finalement été
déboutée de son procès en septembre 2002,
à la grande satisfaction de Joanne, qui a consacré des
années de travail à sa série, et que cette
accusation blessait dans sa dignité d'écrivain.
En 1996, Rowling a terminé son roman, et a une idée
claire de ce qu'elle pourrait faire de son récit et de sa
suite s'il lui arrivait à trouver un éditeur. En tous
cas, dès le début, elle a parlé de romans qui
suivraient la scolarité d'Harry, année après
année. Aucun des neuf (ou trois? les chiffres varient)
premiers éditeurs sollicités n'apprécie le
trésor qui lui est proposé. Ayant choisi un agent au
hasard dans l'annuaire (vérité ou légende? Tout
se déforme si vite...), son choix est le bon, un professionnel
de réputation solide, Christopher Little. Son
créneau n'est pas précisément le livre-jeunesse,
mais le roman lui plaît. Encore faut-il convaincre les
éditeurs de Bloomsbury Children's Books, réputés
non conformistes, qu'il a contactés. Hésitations : le
problème vient du nombre de pages, inhabituel pour des livres
ordinairement courts, aux gros caractères, et
aérés. L'histoire est bien longue. Le coup est
tenté, avec succès. Pourquoi des enfants gavés
de télévision, qui rechignent à lire longtemps,
ont-ils pu absorber avec plaisir quelque chose qui aurait pu leur
paraître interminable? Il reste une part de mystère.
Les
réactions des adultes.
Car le succès survient presque immédiatement. Dans les
cours d'école, on parle des aventures d'Harry, on s'amuse de
son vocabulaire spécial, des tours de magie, des formules
d'incantation. Tout le monde tient à être au courant, et
le livre devient bientôt un livre culte. Les parents et
enseignants, ravis de voir leurs enfants délaisser un temps
jeux vidéos et télévision, ne résistent
pas aux sollicitations financières, pour les premiers livres
pas très chers : à leurs yeux, Potter est le
héros qui va sauver leur progéniture de
l'assujettissement pernicieux à la télévision et
aux jeux vidéos. Les grands-parents trouvent dans les romans
une idée de cadeau, les livres de Rowling devenant le moyen
d'encourager la lecture chez leur descendance. L'appui des parents et
des enseignants8 a ainsi joué un grand rôle en
officialisant le phénomène. Ce qui n'aurait pas
marché avec des adolescents, rétifs par principe aux
demandes des adultes, fonctionne parfaitement avec de jeunes enfants
encore malléables.
Et Harry s'exporte, chose inattendue. Pourtant le roman est un pur
produit britannique, avec l'école à l'anglaise,
l'humour caractéristique et le décor gothique
écossais (château, lac). Les éditeurs
américains ont des inquiétudes, car ils n'ignorent pas
la distance culturelle qui persiste entre les deux lectorats
anglo-saxons. Le titre anglais : Harry Potter and the Philosopher's Stone, voit sa référence à la
pierre philosophale gommée pour ne pas faire peur aux jeunes
Américains, pour devenir banalement The Sorcerer's Stone. Mais le livre se vend très bien, et
le caractère vieille Angleterre du livre devient même un
argument en sa faveur. Les éditeurs du monde entier
s'intéressent alors au pactole, surtout quand Harry eut paru
en couverture du Times. Même Stephen King y est allé de
sa recension9. Dans le New
York Times Book Review
(23 juillet 2000), il a publié un article sympathique sur le
quatrième volume, Harry Potter and the Goblet of Fire. Il y souligne son mérite, mais
curieusement avec une pointe d'envie envers ce Poucet devenu trop
vite un géant, rappelant sans délicatesse que si ces
romans sont indiscutablement les livres rêvés pour les
jeunes enfants, il y a heureusement l'irremplaçable King pour
les adolescents et les adultes... Un peu de mesquinerie
apparaît toujours chez celui qui a trop l'oeil sur le chiffre
des tirages, et qui voit sa place au box-office reculer
régulièrement. Peut-être King se trompe-t-il et
verra t-on les Potter figurer parmi ces livres pour la jeunesse, lus
tout autant par les adultes, comme les Jules Verne, Carrol
Lewis ou Tolkien... Car
les romans de Rowling n'ont pas le simplisme calibré avec
complaisance des livres courants pour les jeunes, et ont
été conçus avec suffisamment
d'indépendance et de richesse pour ne pas paraître
naïfs ou simplistes aux adultes. Il est significatif que le
volume 4 est pratiquement un livre pour adulte, et que, contrairement
aux premiers, un jeune enfant ne pourra pas tout comprendre. King
aurait pu corser son article, et faire référence
à l'esprit d'enfance et l'émerveillement
inhérents au plaisir du magique et du fantastique dont il
parle dans Anatomie de l'horreur, et dans de nombreuses
préfaces et articles. Ces ingrédients, qu'utilise
spontanément, semble-t-il, Rowling, doivent tenir une place
importante dans la faveur de la série auprès des
adultes.
Les acteurs du film sorti en France le 5
décembre 2001
Le monde
de Potter.
Suivant le renouveau de
l'ésotérisme et le maintien de l'influence du
fantastique en Occident au cours de cette décennie, ce monde
de sorciers tombe on ne peut plus opportunément. Le cadre est
pittoresque et amusant, et forme un petit univers à part, un
peu simpliste, mais bien agencé. Les ingrédients que
Rowling a réunis forment un ensemble au charme duquel il est
difficile de résister. Une école qui demande aux
élèves comme fournitures une baguette magique, un
chaudron et un téléscope ne se trouve pas souvent. Dans
l'école Poudlard, tout baigne dans l'irréalité,
des objets incongrus surgissent, des solutions inattendues (un coup
de baguette suffit pour faire venir les mets dans les assiettes, ou
laver et ranger instantanément la vaisselle). Rowling
crée de toutes pièces le monde romanesque qui est le
sien, et chaque volume renouvelle partiellement ce qui fait
déjà l'objet de copieux catalogues. Jamais en reste
d'un objet doté de propriétés nouvelles, d'une
formule magique inconnue (le fait que les jeunes sorciers sont en
apprentissage favorise cette invention continuelle et facilite
l'intégration par les jeunes lecteurs des nouvelles
données). Les sorciers peuvent faire apparaître aussi
bien de l'or que des mets délicieux. Selon les besoins,
certains sorciers spécialisés font rajeunir ou vieillir
à volonté, remettent les os en place quand ils sont
fracturés, font pousser ou réduire les dents comme on
veut, embellir. Avec une cape magique on se rend - ou on rend ses
compagnons de trajet - invisibles; un groupe peut parcourir de
très grandes distances en quelques secondes avec un Portoloin
(en cas de panne, c'est le "commando magique des accidents de la
circulation" qui intervient). Individuellement, le sorcier
confirmé sait se téléporter, planer. Celui qui
se trompe dans sa sorcellerie et commet une erreur grave
comparaît devant la commission contre le mauvais usage de la
magie. Tout cela s'apprend dans l'enseignement ou se trouve dans les
livres, manuels de développement spécialisés
dans les particularités de la magie.
Les enseignements des cours et les
leçons des livres constituent pour les jeunes lecteurs aussi
bien une initiation au fantastique, qu'une récapitulation
jouissive : les potions, les trucs ou les formules miracles
d'enchantements, les objets dotés de pouvoirs les plus
variés, correspondent à de multiples désirs
enfantins non réalisables, la pierre philosophale et autres
choses suggestivement évocatrices et font
références à des matériaux mythologiques
mentaux vieux comme l'humanité. L'astuce est de ne pas se
limiter à ces représentations traditionnelles, mais de
les mêler d'horreurs dont raffolent tous les enfants volontiers
petits diables : objets répugnants, farces et attrapes,
mêlés de tours et de polissonneries diverses, qui
côtoient des plantes répugnantes ou des monstres hideux.
Il faut noter en passant que les noms donnés tant aux
êtres, qu'aux animaux et aux aux choses inventés
constituent un régal, renouvelé avec chaque volume
puisque sans cesse des nouveautés apparaissent. Il y aurait
tout un travail de sémantique à faire sur ce
matériel tant il paraît approprié et
percutant.10
Lieu de haute fantaisie, avec ses donjons, couloirs aux armures et
aux portraits, passages et chambres secrètes, fantômes
errants et elfes, l'école de sorciers Poudlard se trouve dans
un univers parallèle au nôtre, auquel on ne peut
accéder que par quelques portails connus. On ne peut se rendre
à l'école qu'en prenant un train particulier à
la gare de King's Cross, avec son quai invisible aux yeux des Moldus,
qui côtoient journellement les sorciers sans s'en rendre
compte. Quand un Moldu s'étonne devant un
phénomène aux origines magiques
incompréhensibles, il suffit au sorcier de lui jeter un
sortilège d'oubli. Sauf curieusement pour le train, d'un
modèle d'ailleurs ancien, la technologie moderne n'est pas
utilisée. Le monde des sorciers est sans ordinateurs,
télévision, téléphone, automobiles : on
n'en a pas besoin, la magie y supplée. Pour se
déplacer, l'élève apprend immédiatement
à se servir d'un balai volant, moyen de transport individuel
pratique, et qui permet toutes sortes d'exploits dès qu'on
sait l'utiliser correctement. D'autres moyens individuels ou
collectifs ont été vus plus haut. Des hiboux
spécialement entraînés, propriété
privée ou de l'école, livrent le courrier, plus ou
moins rapidement selon leurs caractéristiques et leur humeur.
Les «beuglantes» rappellent à l'ordre les
indisciplinés. Les élèves y côtoient
dragons, basilics, licornes, centaures, hippogriffes et autres ,
bestiaire classique de nos mythologies, mais aussi d'autres animaux
inventés par Rowling, qui ne déparent pas l'ensemble
comme le Scrout à pétards de Hagrid. Les géants,
trolls, gnomes et loups-garous font partie de l'entourage. Des elfes
sont chargés des corvées domestiques, tandis que des
fantômes pittoresques créent de l'ambiance. Ce monde
surprenant et ses pratiques étranges deviennent vite naturels
et s'intègrent mentalement sans difficulté. Nous
acceptons facilement cet univers magique dont les
éléments existent déjà dans notre
imaginaire.
Rowling fait vieillir ses ouvrages en même temps que ses
personnages. De simple, presque minimal dans le premier, le monde des
sorciers gagne en diversité, complique peu à peu son
histoire et sa géographie, s'appuie sur son organisation et sa
bureaucratie. Il est quasi impossible de lire la série des
romans dans le désordre sans perdre une grande partie des
intentions et des significations de l'auteur. Au fil des ouvrages,
l'«idéal» magique perd sa simplicité, le
combat entre les bons et les méchants gagne en complications
et équivoques, ce qui devient particulièrement net dans
le dernier volume. Il faut noter d'ailleurs que les jeunes enfants du
début deviennent des adolescents, et gagnent eux aussi en
complexité et en ambiguïté. Rowling semble
augmenter d'ailleurs en proportion la longueur de ses romans (652
pages pour le tome 4) pour des intrigues de plus en plus complexes,
en même temps que leurs conclusions deviennent
particulièrement soignées dans les deux derniers
volumes. Si les deux premiers romans se terminaient avec le
succès de Harry, dans les deux autres le danger du sorcier
maléfique qui veut la mort de Potter se trouve
renforcé. Non seulement il retrouve sa vigueur passée
et ses fidèles, mais Harry, comme ses deux amis, a perdu en
netteté, vivant des sentiments contradictoires qui laissent
d'eux, à la fin du quatrième volume, une image moins
séduisante. Harry n'est plus le Tintin simpliste sans peur et
sans reproche des premiers récits.
L'attitude des amis est constamment héroïque. S'ils sont
surpris quand des présences insolites, des signes
mystérieux, des sortilèges se manifestent, parfois
démunis de moyens, Harry et ses amis Ron et Hermione sont
prêts à conjurer les difficultés et les menaces,
malgré les mises en garde de l'administration et les risques
de renvoi. Harry ne refuse jamais une énigme à
résoudre, et la recherche de la solution des problèmes
est la passion, la vie d'Hermione, pour laquelle la
bibliothèque est plus familière que sa chambre. Dans ce
cycle initiatique, les combats, les menaces et les dangers, les peurs
et les angoisses, les surprises et les déceptions se suivent
de manière incessante et ne nous laissent jamais souffler
jusqu'au dénouement. Les intrigues sont suffisamment bien
menées pour soutenir l'intérêt , mais il faut
reconnaître qu'une partie importante de l'agrément de la
lecture vient du fourmillement de petits détails amusants et
insolites.
LES
PERSONNAGES.
Il faut à Rowling un rare
talent pour mener des récits cohérents et passionnants
dans un univers créé de toutes pièces, avec des
inventions sans cesse renouvelées. Ses personnages y aident.
Ils sont la fois bien dressés, avec des détails
précis pour chacun, mais n'ont qu'une psychologie
réduite, ce qui a l'avantage de ne pas ralentir l'action, et
qui, de toute façon, et les considérations
psychologiques trop étendues n'intéressent guère
les enfants. Les adultes y trouvent moins leur compte. Il est facile
de s'y identifier à eux, tellement leurs
caractéristiques sont précises. Par contre, il est
inutile d'essayer de dresser un portrait un peu fouillé de
Harry, dont on ne participe pas à la vie
intérieure. Sa psychologie ne peut que se définir
à partir de ses comportements, attitude behavioriste courante
dans les romans anglo-saxons d'action. Il faut surtout noter que,
comme tous les enfants qui n'ont pas de vue d'ensemble des
événements, ni de stratégie, il réagit
aux événements davantage qu'il les conduit.
L'auteur prend d'ailleurs soin, au début de chaque roman, par
contraste avec la forte présence de Harry à Poudlard,
de nous le montrer malheureux dans sa famille d'adoption, ce qui le
ramène pour les enfants à une stature normale. Comme
l'Oliver
Twist de Dickens, ou la Cosette élevée par la famille
Thénardier, Harry est l'orphelin classique maltraité
par une famille d'adoption cruelle : obligé de coucher dans un
placard sous l'escalier, binoclard, chétif,
sous-alimenté, molesté, humilié par ses
infâmes oncle et tante et son cousin. Le choix des cadeaux -
très important, les cadeaux, pour les enfants - que sa famille
lui offre pour ses anniversaires est significatif : un mouchoir de
papier, une boîte de biscuits pour chiens ! Harry supporte avec
résignation, voire bonne humeur, et, astuce aidant, se
ménage des moments de plaisir.
À Poudlard, c'est l'inverse.
Dans le monde des sorciers, du fait de ses parents, sorciers
réputés, et aussi d'avoir survécu à
Voldemort, Harry est quelqu'un, apprécié notamment - le
symbole est intéressant - par un géant hirsute, haut en
couleurs, fantaisiste, qu'Harry domine d'ailleurs sur certains plans
: David et Goliath!. Rowling fait de Harry un surdoué dans le
sport collectif des sorciers, le Quidditch, sport national, où
Harry devient un champion (les fillettes françaises se font
très bien à cette prédominance du sportif sur
l'intellectuel, l'originalité de ce sport - qui se joue dans
les airs à califourchon sur des balais volants - gommant les
réticences qu'aurait par exemple pu susciter le base-ball).
Mais, pour contrebalancer et donner du corps à son histoire,
Rowling renverse aussi souvent les perspectives. Harry a la
particularité de subir alternativement des louanges et des
critiques par ses camarades, tantôt héros, tantôt
souffre-douleur, suivant les vicissitudes du récit. Les
prouesses sportives de Harry contribuent à diminuer
l'importance de ses malheurs, et sont généralement le
signal d'un revirement d'opinion à son égard, mais,
à la réflexion, elles ne collent pas très bien
avec l'image du maigrichon à lunettes qui nous est aussi
donnée, et elles me semblent un peu artificiellement
plaquées sur le personnage, Pour le reste, comme dans toute
école d'élite anglaise, Harry doit travailler dur et
obéir à des règles sévères, qu'il
lui arrive d'ailleurs de bafouer plus qu'un autre, et, par chance et
aussi avec le soutien du directeur, en échappant le plus
souvent aux sanctions. À noter que Harry est souvent
négligent, ne travaille généralement que ce
qu'il faut, sauf pour ce qui lui plaît, ne suit pas toujours
les cours.
Pour la première fois, il a des amis - chose à laquelle
les enfants sont sensibles. Infériorisée par sa
condition de Sang-de-Bourbe (autre nom des Moldus), ne faisant pas
partie de l'aristocratie des fils de sorciers jaloux de leurs
privilèges, Hermione est la bûcheuse, qui veut sortir de
son rang par le savoir. Elle irrite souvent ses camarades par sa
suffisance, alors qu'ils utilisent sans vergogne les connaissances
qu'elle a accumulées lors des cours, ou glanées
à la bibliothèque qu'elle fréquente
assidûment. Garçon plutôt que fille dans les
premiers volumes, jugée physiquement ingrate, son sexe ne joue
un rôle dans l'histoire que dans le quatrième roman,
où sa puberté naissante commence à susciter des
remous. Jusque là indifférente à tout ce qui est
apparence ou beauté, Hermione se fait rectifier les dents, et
se soigne particulièrement pour son premier bal. Ron est le
brave garçon un peu brouillon et étourdi, qui
appartient à une famille sorcière nombreuse toujours
fauchée et qui ressent difficilement sa pauvreté. Dans
le trio, c'est souvent Hermione, intellectuelle et imbattable en
classe, autoritaire, intransigeante, sermonneuse, qui a les
idées.
Les professeurs forment une belle collection de caricatures des
enseignants que les élèves peuvent connaître dans
leurs classes, s'ils font l'effort de transposition
nécessaire. Si le directeur Albus Dumbledore est le directeur
idéal que tout élève voudrait avoir - il
apprécie Harry qu'il protège, mais ne le montre pas
trop; si Minerva McGonnagall, professeur de métamorphoses, et
directrice de Gryffondor est le professeur modèle,
sévère, mais juste, la plupart sont des originaux ou
présentent des insuffisances. Severus Rogue par exemple,
sadique professeur de potions, et directeur de Serpentard, fait
preuve de partialité et persécute sans cesse Harry,
parce que son père lui a fait des blagues jadis, quand ils
étaient élèves à Poudlard. Remus Lupin,
professeur de défense contre les forces du Mal, est un
loup-garou coquet, narcisssique et fantaisiste. Sybille Trelawney,
professeur un peu bizarre de divination dans un antre baroque,
prédit sans cesse la mort à certains de ses
élèves, ce qui ne se produit heureusement jamais. Il y
en a d'autres, sans oublier Binns, le professeur qui enseigne
l'ennuyeuse histoire de la magie, mort un jour sans s'en rendre
compte, et qui, devenu spectre, continue depuis à donner son
cours comme s'il ne s'était rien passé, comme ces
professeurs lointains, vaguement absents, qui ignorent leurs
élèves.
Malgré leur robe, leur chapeau pointu, leur baguette magique
et leurs pouvoirs, ils restent absolument humains. Chez les sorciers,
comme chez les hommes il y a des bons et des mauvais, et des
caractères très divers, qui sont vraiment les
nôtres. Ces sorciers vivent à peu près comme
nous, et réagissent avec nos habitudes de comportement et
notre sensibilité. On rencontre la fofolle qui prédit
l'avenir, le géant au grand coeur, qui ne pense qu'à
élever des dragons ou des animaux insolites, le chef de clan
bienveillant et sage, les maîtres qu'on redoute, ceux qu'on
vénère, ceux qu'on ridiculise ou qu'on chahute. Ils
nous sont proches et attachants.
Il faudrait évoquer bien d'autres choses encore. Les tableaux
représentant des personnages, qui s'ouvrent grâce
à un mot de passe, et permettent l'entrée dans les
dortoirs ou autres lieux, ou qui se promèment le long des murs
selon leur humeur. Les fantômes familiers, Mimi Geignarde, qui
hante les toilettes des filles et éprouve un tendre sentiment
pour Harry, Nick Quasi-Sans-Tête, qui a des problèmes
avec sa tête qui n'a pas été complètement
tranchée lors de sa décapitation, ou le Baron Sanglant.
Avec l'humanité, l'humour et l'ironie sont des constantes des
romans, ainsi que le comique, celui par exemple des facéties
des incorrigibles jumeaux Weasley, toujours à la recherche de
farces nouvelles et qui n'ont d'autre dessein que de fournir plus
tard le petit monde de Pouldard en farces et attrapes; ou encore le
fantôme Peeves, toujours là où il ne faut pas
à la recherche d'un mauvais tour à jouer..
Mais si l'humour persiste, la série prend une coloration
romanesque plus sombre au fur et à mesure qu'elle progresse.
L'ennemi suprême, Voldemort, Seigneur des
ténèbres est maintenant clairement identifié et
caractérisé, depuis qu'il est ressuscité. S'il
représente le mal pour tous, il s'acharne
particulièrement sur la famille Potter, et il veut
éliminer Harry comme il a éliminé les parents.
On n'ose pas le désigner par son nom, et on utilise des
périphrases comme : « Vous-savez-qui » ou «
Celui-dont-on-ne-prononce-pas-le-nom ». Il ne faut pas se cacher
qu'il y a un déséquilibre, pour qui lit la série
dans son entier, entre l'image de Voldemort dans le premier volume,
dont Harry s'est facilement débarrassé quand il
était nourrisson et l'être diabolique aux multiples
pouvoirs qu'il est devenu.
Le génie de l'auteure est de faire apparaître tout ce
supranaturel d'une façon qui ne dissout jamais le réel.
Elle y parvient à cause de la présence très
forte de tous ses personnages et de son atmosphère de roman de
chevalerie, avec transposition du cheval par le balai et
l'épée par la baguette magique, symbolique toujours
efficace qui exalte l'individu dans le combat contre les
difficultés, le sort contraire et le mal.
L'ÉVOLUTION DES ROMANS.
Sur ce point, tout le monde est
d'accord pour remarquer les progrès effectués par
Rowling de roman en roman. Le premier est réussi, c'est un bon
livre pour jeunes, mais il ne possède rien de vraiment
exceptionnel. Le second est plus diversifié et mieux
structuré. Le gros progrès du troisième se
remarque surtout dans les cent dernières pages, qui sont une
réussite par rapport aux volumes précédents.
Avec le quatrième, de tonalité plus grave, Rowling
passe de la littérature pour jeunes à la
littérature pour adultes, avec une intrigue solidement
étoffée, qui n'est plus linéaire comme dans les
autres romans, mais se met en place dès les premières
pages avec de multiples ramifications et de nombreux rebondissements.
L'intérêt nouveau est de constater, l'âge de la
puberté aidant, un second parcours initiatique : Harry et ses
amis découvrent les affres des premières amours.
À nouveau les cent dernières pages sont les meilleures,
menées avec maîtrise, et supérieures à
celles du volume 3. Elles rejoignent celle des grands romanciers
fantastiqueurs. Par ailleurs, Rowling a su ramener les adversaires
sur un pied d'égalité, et étendre le combat
contre le mal à la communauté des sorciers, en
renforçant considérablement le maléfique
Voldemort, qui rassemble dans la magie noire un certain nombre de
partisans. En résumé, de bons romans pour la jeunesse,
au sommet de cette production. Et surtout Rowling, loin de donner
l'impression de s'essouffler, de devenir à court
d'idées ou de se répéter, nous surprend avec
chaque nouveauté. L'effet cumulatif produit par un monde en
constant développement, accompagnant la maturation des
personnages, donne aux aventures d'Harry Potter l'apparence d'un
grand cycle de fantaisie, évolutif et cohérent.
LE POINT DE
VUE DU PSY.
Les psychologues de l'enfance font
remarquer que les enfants sont d'abord heureux de retrouver un monde
un peu différent, mais semblable au leur. L'école des
sorciers est le reflet en miroir d'un monde scolaire familier, dont
les règles et les comportements ne dépaysent pas. Le
vocabulaire «cool» va de soi, les réactions envers
les professeurs et l'enseignement sont identiques aux leurs, leurs
désirs et leurs sentiments de même nature. Comme les
élèves de Poudlard, ils éprouvent dépit
et envie, se laissent aller aux disputes, aux amitiés de
clans, rivalisent entre eux. Le quatrième volume semble ouvrir
d'autres voies et rappellent aux plus âgés les
séries télévisées familières
vouées aux amourettes et jalousies adolescentes. C'est sur ce
levier de la familiarité du monde de Harry avec celui des
élèves que jouent les enseignants qui se sont mis
à étudier Potter en classe et qui remarquent que les
enfants n'aiment plus guère, par manque de curiosité et
perte du goût de l'effort, prendre la peine d'entrer dans des
histoires trop éloignées de leur vie quotidienne.
Des psychiatres ont pensé que l'histoire d'un petit orphelin,
timide, aux lunettes rafistolées, maltraité par sa
famille jusqu'à ce qu'il apprenne qu'il est sorcier, pouvait
plaire à des enfants dont la situation est très
dissemblable. La plupart des enfants se sentent physiquement
fragiles, comme Harry, ont peur de perdre leurs parents, et de se
retrouver alors dans des familles où ils ne seraient pas bien
soignés. Cela les rassure de rencontrer une institution qui
leur permettrait de vivre convenablement et de s'en sortir. D'autres
peuvent comprendre qu'ils ne sont pas les seuls à avoir perdu
leurs parents, à avoir ressenti la solitude et l'angoisse,
éventuellement à subir ou avoir subi de mauvais
traitements. D'autres vivent dans des familles monoparentales
recomposées, et ont l'impressiuon d'être mis à
l'écart dans leur nouveau foyer. Harry est loin d'être
physiquement une force qui s'impose et pourtant il fraie son chemin
en balayant les obstacles, rêve secret de la plupart des
enfants. Il n'est pas violent, mais n'hésite pas à
prendre des risques. Il s'en tire par des qualités humaines,
qui semblent aux enfants, toujours pleins de bonnes
résolutions, faciles à mettre en oeuvre parce qu'elles
ne demandent pas de compétence particulière. Harry est
l'enfant positif, juste assez idéaliste, qui après
avoir fait l'apprentissage de ses dons, les met au service de causes
justes, et les enfants s'identifient à lui très
facilement. Il est l'ami qu'ils voudraient avoir, dont ils
achètent la figurine qui n'a pas un look de star et
paraît plutôt piteuse à côté de
celles des superhéros dopés aux hormones. Par lui, ils
mettent en oeuvre des processus d'identification qui incitent les
enfants ordinaires à progresser, et ces effets paraissent
bénéfiques. L'explication psychanalytique a même
été avancée d'un retour du mythe de
l'enfant-dieu, chargé de vaincre le mal (mythe qu'on retrouve
dans de nombreuses religions, dont la chrétienne), du
héros, garçon orphelin et ordinaire, mais élu,
qui a pris le contrôle de sa vie par ses propres moyens et qui,
grâce à la magie, échappe à des situations
périlleuses et fait de grandes choses.
Cette explication rejoint la précédente, en y ajoutant
des prolongements symboliques.
Des psychiatres ont été jusqu'à remarquer que,
dans leurs cabinets, quand des enfants à problèmes
évoquent leurs difficultés, ils font de plus en plus
souvent référence à des éléments
de l'histoire de Harry. Les enfants, comme d'ailleurs les adultes,
ont du mal à parler directement d'eux-mêmes. Ils
évoquent certaines parties des livres pour illustrer ce qui
leur arrive sans être capables de le dire directement. En
fonction de leur âge, les enfants y trouvent des choses
différentes, importantes pour eux, et significatives. Potter
offrirait ainsi des solutions originales pour résoudre les
problèmes psychologiques juvéniles. Le volume 4 a
été particulièrement apprécié,
parce qu'il permet de mettre en évidence les circonstances
où le bon apparaît mauvais et inversement : que le
criminel apparent puisse être un sauveur permet de faire
prendre conscience à l'adolescent de sa propre
ambiguïté.
Certains psychologues américains pour enfants organisent
même des lectures à haute voix de Potter pour
restructurer des enfants en difficulté, en affirmant que ses
histoires transmettent de bonnes valeurs, comme être attentif
à soi-même et aux autres, les respecter, se battre pour
ce qui est juste, prendre des risques pour aider les autres. Si dans
leur lutte contre le Mal, le jeune Potter et ses amis ont
momentanément le dernier mot, ce n'est pas grâce
à leur intelligence, à leur courage, ou leur science
magique. Leurs ennemis en sont encore mieux pourvus. Mais parce
qu'à ces armes qu'ils utilisent aussi, ils ajoutent celles
plus puissantes de la loyauté, de la
générosité et de l'amitié.
Certains aspects négatifs sont cependant mis en
évidence. Il faudrait notamment faire état aussi du
parti-pris de faire valoir les enfants par rapport aux adultes,
remarque particulière à la sensibilité
française. Si les adultes ont le savoir et le pouvoir, Rowling
les présente souvent aux enfants de manière
dévalorisée, voire un peu ridicule, du géant
Hagrid, faire-valoir adulte de Harry, quelque peu attardé,
à la famille Dursley, aux esprits étroits et
tyranniques. Encore que le fait ne concerne pas que Rowling. Une
idéalisation romantique excessive explique que les classiques
pour la jeunesse, souvent anglais ou américains, prennent
souvent le parti des enfants contre celui des adultes. "Ces livres, écrit un critique
américain11, sont, dans le
sens le plus profond du terme, subversifs." Rowling semble, sur ce point, ne suivre que la
sensibilité anglo-saxonne.
LE POINT DE
VUE DE CERTAINS RELIGIEUX.
Dès l'instant où
l'éducation massive des enfants est concernée, comme
c'est le cas avec une série de livres qui, non seulement est
lue massivement, mais a toute chance de continuer à
l'être longtemps, certains esprits religieux
s'inquiètent de ce qui pourrait germer sur ce terrain
particulièrement réceptif. Plusieurs
établissements anglais et américains ont interdit la
lecture d'Harry Potter à leurs élèves,
prétendument à cause des valeurs
anti-chrétiennes véhiculées. Des porte-parole de
l'extrême-droite religieuse accusent à demi-mot Rowling
d'être vendue au diable et d'entraîner les enfants du
monde dans la damnation et l'Empire des Ténèbres. Ils
soupçonnent les histoires de Harry Potter d'être une
entreprise de lavage de cerveaux liée la révolution
menée par le
New-Age.
D'abord, Potter vit dans un monde antichrétien, parfaitement
païen même s'il n'est pas complètement exempt des
anciennes valeurs naturelles et de références
chrétiennes. Des institutions ou des qualités comme
celles de famille, de parents, la fidélité,
l'amitié et même l'esprit de sacrifice continuent
à y jouer un rôle important. Les fêtes de
Noël et de Pâques sont encore citées, à
l'occasion des vacances qui y sont liées, faut-il ajouter, et
non pour les symboles religieux que ces fêtes
représentent. Quoique dans un contexte magique, de nombreuses
préoccupations très actuelles sont abordées et
développées,. mais l'ensemble se passe dans un milieu
totalement coupé de ses racines religieuses traditionnelles.
Les futurs sorciers ne font pas de mathématiques, de sciences,
d'histoire ou de géographie, mais des matières telles
que la connaissance des plantes à propriétés,
des potions magiques, des soins aux créatures
ensorcelées, de la divination, l'Histoire de la sorcellerie,
la connaissance des métamorphoses ou du langage des serpents,
le dressage des dragons, etc. Aucune morale.
Dans ce cadre ne peuvent que se répandre des pratiques
mauvaises. Sont cités en vrac : le langage grossier des
adolescents, leurs expressions souvent vulgaires, primaires, des
sentiments bas comme la vengeance, l'envie, la jalousie, mais aussi
la haine et le plaisir de tuer. Harry est cité en exemple pour
illustrer ce dernier cas, puisqu'il a tout naturellement
souhaité la mort d'un de ses professeurs, qu'il
déteste. Tout en broyant des scarabées, il s'imagine
que chacun d'eux a le visage de son professeur. Tel serait au fond le
véritable visage de Potter qu'on veut nous proposer comme
modèle. Les professeurs sont aussi menteurs, faux et
hypocrites que leurs élèves. Dans la même
scène, Harry pense que son professeur projette de
l'empoisonner et prévoit de se défendre en lui jetant
sa marmite à la tête. Peut-on encore parler de la valeur
formatrice de ces romans?
romans de Harry Potter brulés
à Mexico pour atteinte à la morale
Alors que les contes classiques,
où le Bien est récompensé et le Mal toujours
puni, possèdent une réelle valeur éducative,
dans le cas présent, le mal est représenté par
la lutte entre un sorcier rebelle et ses partisans, contre Harry, la
Direction de l'école, le Ministère de la Sorcellerie,
sans que ce conflit mette en jeu autre chose que ce qui se passe dans
la cour de l'école quand les élèves jouent aux
gendarmes et aux voleurs. Aucune vraie valeur n'est en jeu, et le
combat n'existe que pour le combat.
Ainsi l'objet de l'éducation à l'école Poudlard
n'est ni le bien, ni le vrai, ni le beau. L'efficacité prime
dans un enseignement essentiellement pratique, qui néglige la
réflexion. Parmi les sujets étudiés reviennent
constamment la laideur, la vengeance et le mensonge. Par exemple,
Rowling développe la description, avec de nombreux
détails de couleurs et d'odeurs, d'une plante
répugnante, sorte de mollusque avec des bubons remplis de pus,
qu'il s'agit de faire éclater afin d'en récolter
précautionneusement le contenu pour en tirer un remède.
Les élèves, entre autres travaux rebutants, sont
chargés de nourrir une créature hideuse sans qu'on en
connaisse la finalité, une sorte de bête monstrueuse
dangereuse qu'il s'agit cependant d'élever en la nourrissant
d'oeufs de fourmis, de foies de grenouilles et de morceaux de
couleuvres. Dans ces travaux sans perspective, on ne trouve qu'un
goût malsain pour la saleté et la difformité.
Dissimulé derrière les apparences de jeu, qu'apprend-on
à l'école et dans les livres de sorcellerie? À
se servir par exemple du pouvoir de malédiction et à se
nuire les uns les autres. Un professeur connaît et dit qu'il
enseignera plus tard la malédiction irréversible qui
assure une domination complète sur la victime. Un
théologien a fait remarquer que, dans le tome 4, le point
culminant est la description d'un rituel satanique dans un
cimetière, qui comprend un meurtre d'enfant, la profanation de
morts, un sacrifice sanglant et des blasphèmes. Voldemort
n'est jamais désigné autrement que par
«Vous-savez-qui», caricature du nom du dieu
biblique12, "réunit
son esprit à un corps humain, se donnant ainsi lui-même
une nouvelle vie. Les formules utilisées pour le rituel sont
des formules blasphématoires et anti-trinitaires qui
prétendent créer la vie, reproduire, copier, imiter
l'acte divin de création d'une manière
diabolique."
13
Les parents sont donc mis en garde contre ce monde païen,
anti-chrétien, de sorcellerie, de magie et
d'ésotérisme présenté à
l'admiration du lecteur comme le monde normal.
LE POINT DE
VUE DU SOCIOLOGUE.
L'école des sorciers de
Pouldard n'est que le calque des établissements d'enseignement
des sociétés industrielles avancées
capitalistiques. L'argent y tient une place importante - les sorciers
ont leur système de banque et leur monnaie - et la situation
de Harry ne laisse au moins pas à désirer sur ce point.
La fortune de ses parents était importante et il y puise sans
compter. Il a même parfois honte de cette richesse quand il
compare son sort à celui de son copain Ron, toujours
désargenté, car dans les querelles entre condisciples,
certains ne se gênent pas pour ridiculiser les pauvres. La
seule loi officielle scolaire est le travail et le règlement,
mais en fait les élèves, et particulièrement
Harry, ne font que le minimum. Tous sont soumis à un
classement, renforcé par un concours annuel entre les
équipes. Les bons et mauvais points paraissent
distribués avec un certain arbitraire par des professeurs,
qui, comme dans notre système, ont leurs
préférés et leurs boucs émissaires. La
tricherie est généralisée, et tous les
participants du concours entre les écoles nationales
connaissent, d'une façon ou d'une autre, certaines
caractéristiques des épreuves avant de les passer - ce
qui est interdit - et s'y préparent activement. Pire, des
autorités et des professeurs aident plus ou moins
clandestinement les élèves. Harry est le seul à
faire preuve de générosité envers un camarade,
en le renseignant. Touché, celui-ci l'aide à son tour.
Les élus sont recompensés par l'admiration
générale, mais aussi par de l'argent. Il semblerait que
pour réussir dans l'administration de l'école, feindre
de se conformer au modèle soit la meilleure manière de
réussir, et le zèle affiché dans les fonctions
prime d'autres valeurs attendues, comme pour Percy, un frère
de Ron qui veut devenir cadre sans beaucoup de charisme. Le
règlement, en apparence très strict, est constamment
contourné. Harry se promène dans les lieux
défendus avec une cape d'invisibilité et l'approbation
du directeur. Bref, un univers où les enfants doivent se
sentir à l'aise, puisqu'il ne fait que reproduire, sans leur
proposer un idéal plus élevé, celui plutôt
relâché dans lequel ils vivent quotidiennement.
Des féministes et des minorités ethniques ont fait
valoir d'autres arguments en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis,
dès que les premiers romans de Rowling ont été
connus. Leurs partisans ont fait remarquer que dans cette
école de magie se cachent divers stéréotypes
sociaux, notamment du sexisme, des préjugés de classe
et du racisme, arguments repris dans un livre par Pierre
Bruno, professeur à l'IUT de
Dijon14. Il relève l'usage des qualificatifs
dévalorisants pour les rares personnages féminins. Les
filles et les femmes sont ou grosses ou maigres, au physique souvent
ingrat, et seules les plus jolies sont recherchées, comme la
fillette dont Harry est amoureux en secret. Hermione, la meilleure
amie de Harry, donne d'abord une bien piètre image de son
apparence qu'elle ne soigne pas, avec sa maigreur et ses longues
dents. Elle est présentée comme une donneuse de
leçons, une enquiquineuse et une élève
laborieuse qui ne brille que par son savoir acquis dans les livres,
le contraire de Harry, qui hérite d'un don qui lui permet de
réussir sans apprendre. Quant aux adultes, ils ne sont pas
mieux lotis. La mère du meilleur copain d'Harry, gentille
pourtant, Mrs Weasley, a des humeurs changeantes et apparaît
parfois comme une véritable hystérique. La tante de
Harry et la tante Pétunia sont des personnages totalement
négatifs. Les professeurs femmes sont caricaturalement
décrits.
D'autres détails sont discriminatoires. La position des
femmes, dans l'univers des Moldus comme dans celui des sorciers, est
traditionnelle. "L'image
positive qui est donnée de la famille, c'est la mère
qui s'occupe de sa nombreuse progéniture alors que seuls le
père et les garçons travaillent. Même quand
l'auteure, J.K. Rowling cherche à valoriser le rôle
d'Hermione en l'impliquant dans la lutte contre
l'injustice", fait remarquer
Pierre Bruno, "elle
la renvoie au domaine du foyer."
Les livres de Rowling seraient
conservateurs, partisans des classes sociales, avec d'un
côté les sorciers, sorte de peuple élu et de
l'autre, les Moldus, privés de pouvoirs magiques et
constamment caricaturés. La plupart du temps, ils sont
dépeints de façon négative, pour le moins objets
d'une pitié méprisante et très souvent
ridiculisés, comme la famille de Harry, les Dursley. Selon
Pierre Bruno, apparemment l'auteure reproduit un discours
élitiste, à la fois anti-bourgeois, en donnant aux
Dursley la position sociale des petits bourgeois, tout en
détournant certains éléments qui correspondent
à une caricature de la classe ouvrière, signifiant que
les Dursley ne méritent pas leur statut en leur attribuant des
traits généralement utilisés pour
inférioriser. Les Dursley sont donc gros et vulgaires, sans
imagination. Pierre Bruno explique
que cette "sorte
d'élitisme un peu artistique (...) permet
à la fois de taper sur les bourgeois tout en exprimant des
caractéristiques négatives généralement
attribuées aux milieux populaires." Seuls les sorciers, descendants de sorciers,
participant ipso facto de l'élite, seraient au-dessus de ces
considérations.
Chez les sorciers même, on
trouve un racisme de classe ambigu. L'école de sorcellerie que
fréquente Harry Potter est très
hiérarchisée. Les élèves, lorsqu'ils
arrivent à Poudlard, sont répartis dans quatre classes
concurrentes, dont les Gryffondors et les Serpentards. C'est sur
cette rivalité entre les deux groupes que reposent les
aventures d'Harry Potter. Les Serpentards, dignes héritiers de
familles de sorciers réactionnaires, voudraient interdire
Poudlard aux enfants issus d'une lignée moins prestigieuse.
Comme dans nos sociétés, on trouve à Poudlard un
discours de droite et un discours de gauche, le directeur Dumbledore
étant à gauche, ce qui correspond parfaitement dans les
romans à la distinction entre magie blanche et magie noire. Ce
qui est mis littéralement en valeur, note Pierre Bruno,
"c'est l'opposition entre le
discours typiquement réactionnaire des Serpentards et le
discours social plus avancé des Gryffondors, mais en
même temps, on se rend compte que l'ordre social qui est
représenté reste profondément
conservateur." Dans tous les
cas, la supériorité des sorciers sur les Moldus n'est
donc jamais remise en question, pas plus que
l'inégalité entre les hommes et les femmes.
Dans un article de Solaris, Alain
Bergeron15 fait remarquer que Hermione est
marquée par sa condition de Moldu, admise non sans
réticence à la même école que les petits
"sang bleu". Drago Malefoy rappelle sans cesse au trio Harry que les
parents d'Hermione ne sont pas des sorciers, et il semble que ce
point de vue soit également exprimé dans certaines
sphères dirigeantes du milieu des sorciers qui prônent
l'exclusion de tous les Moldus. Cette question de la tolérance
raciale et ethnique, posée en termes assez typiquement
britanniques, joue un rôle de plus en plus important dans la
série. Dumbledore, le directeur de Pouldard à l'esprit
large, subit l'hostilité croissante de certaines factions qui
lui reprochent d'ouvrir les portes de son école avec trop de
libéralité - ce qui explique sans doute la
présence d'élèves portant des noms d'Asiatiques
comme Cho Chang et Parvati Patil. Mais il n'y a pas de Noirs à
l'école de magie. Cette ouverture est déjà
jugée trop importante par les conservateurs : dans la presse
des sorciers, à sensation comme la nôtre, l'école
est attaquée par une journaliste hostile, pour des raisons
individuelles en apparence16 , mais en fait parce que son directeur lutte contre
l'exclusion et l'oppression, s'intéresse à la
solidarité et fait preuve d'ouverture dans
l'interprétation du règlement. Dans le quatrième
volume, on voit les partisans de Voldemort se transformer en une
sorte de Ku Klux Klan monté sur balais afin de pourchasser
ceux qui n'ont pas la pureté sorcière. Les divisions de
caste entre sorciers, tous assurés de leur
supériorité magique sur la supériorité
technologique des laborieux Moldus, sont tels que cette situation est
inévitable et inhérente au système.
L'infériorité des Moldus est admise et reconnue, seule
la générosité peut faire naître de la
compréhension à leur égard. Voilà qui
rappelle le «bon nègre» des plantations de coton du
XIXè
siècle.
Rowling ne se refuse pas à aborder le problème avec la
condition des elfes serviteurs de maison, dont Hermione, qui semble
s'éveiller d'un coup aux problèmes syndico-sociaux,
s'occupe de manière généreuse, mais brouillonne,
ce qui fait utilement diversion dans le récit. Les elfes sont
gentils, mais bêtes et gaffeurs et entretiennent entre eux une
mentalité d'esclaves heureux. Selon Bergeron,
Rowling manifeste une attitude un peu équivoque à
propos de ces elfes. Quand Hermione se met en tête de fonder un
mouvement d'émancipation des elfes de maison, elle n'obtient
aucun succès, ni auprès de ses compagnons, ni
auprès des elfes eux-mêmes. Cet épisode,
traité sur le mode amusant, ne paraît guère
politiquement correct, et on s'interroge sur sa signification.
Offre-t-il une satire assez féroce de l'idéalisme
adolescent, quand il se met à vouloir sauver malgré eux
tous les canards boiteux du monde, interprétation que propose
Alain Bergeron? Ou ne fait-il que reprendre la convention
raciste du «bon» domestique, parfaitement satisfait de sa
condition et de ses «bons» maîtres? Harry se montre
complètement indifférent au problème, et
Hermione, travaillée par sa puberté, oublie d'ailleurs
son mouvement à la fin du roman...
POUR CONCLURE.
Comme on vient de le voir, les romans de Rowling ne laissent pas
indifférents. Reste que l'on n'a pas véritablement
expliqué la passion que leur vouent des millions de lecteurs
dans le monde. Il semble que se soit produit une heureuse conjonction
de l'ensemble des facteurs qui viennent d'être recensés
ou analysés. Dans divers pays, les critiques ont aussi
essayé de rattacher cet engouement à des
caractères nationaux. Dans un article de la New York Review of Books17, Alison Lurie a
tenté d'éclairer ce phénomène par un
argument que King a souvent repris, la nostalgie de l'enfance
qu'éprouvent beaucoup d'Anglo-Saxons : "Dans les pays de langue anglaise, depuis la
fin du XVIIIè siècle, poètes,
philosophes et éducateurs soutiennent qu'il y a quelque
chose (...) d'unique
dans l'enfance. (...) Parce
que celle-ci est considérée comme une condition
supérieure, beaucoup d'Anglais et d'Américains ont du
mal à l'abandonner."
Les Latins, qui lisent moins Potter que les
Allemands18 , seraient plus sensibles à l'humour des romans,
au charme délicieux du monde des sorciers, ou à
l'efficacité de conteur de Rowling, à son
écriture allègre et malicieuse. Il y a chez elle une
manière légère de traiter le merveilleux qui
procure un dépaysement identique à celui d'Alice au pays des
merveilles, un monde
derrière le miroir qui paraît aussi réel que
notre monde, avec sa cohérence et sa logique. Mais pour les
autres nations? Pour les enfants, pas de problèmes. Ils ont
inventé des jeux de devinettes, se posent des questions
à propos de la formule des sortilèges ou des animagus.
Et il faut bien dire que cet amusement sur des livres offre quand
même des perspectives plus riches que les colles sur les
Pokémon...
Il faut noter cependant qu'une relecture adulte attentive des Potter
fait davantage prendre conscience de leur profondeur, et surtout
d'une solide compréhension des problèmes de notre
époque, habilement transposés dans le monde des
sorciers. C'est le traducteur de Rowling, Jean-François
Ménard, lui-même romancier pour la jeunesse et
spécialiste en sorcellerie, qui en fournit la meilleure
perspective : "Ce sont des
livres qui au-delà de leur caractère divertissant
révèlent une profonde angoisse. Harry est
perpétuellement en proie à la peur : école,
environnement instable, beaux-parents hostiles, incertitudes des
origines... Il est une métaphore, magistrale et universelle,
de la situation des enfants d'aujourd'hui. Ajoutez à cela une
grande finesse psychologique, une grande variété
d'émotions, allant de la joie à la panique, et vous
obtenez quelque-chose de très intense." 19 Les
psychologues qui se servent des Potter pour aider leurs jeunes
patients à résoudre leurs problèmes du moment
ont compris cette situation.
Sans se compliquer la vie à de telles analyses, beaucoup de
parents se contentent de louer la sorcière qui a
réconcilié les enfants et les adolescents avec la
lecture, tandis que des critiques anglo-saxons les rassurent
littérairement en rattachant Rowling à la tradition
littéraire et en dissertant sur le thème d'une
résurgence de la grande tradition littéraire des contes
fantastiques classiques reprenant une fois encore l'antique combat
entre le Bien et le Mal, mais avec une mentalité dans le vent.
Il est en tous cas acquis, encore que le phénomène soit
dans son ensemble inexpliqué, que l'habile mélange
d'ancien et de moderne, de surnaturel et de naturel, de magique et de
réel, de rêve et de concret, le tout respirant l'air du
temps, soit pour beaucoup dans cette fascination. Plus,
évidemment, un zeste de magie.
Roland Ernould, juillet 2001.
Pour plus d'informations :
Gallimard a publié, sous des
noms fantaisistes, deux petits
manuels "inspirés" du
monde de Poudlard, déja parus en Grande-Bretagne :
Le Quidditch
à travers les âges,
de Kennilworthy Whisp, et
Vie et habitat
des animaux fantastiques, de
Norbert Dragonneau.
2.
2. 2. 2.
|
L'organisation caritative
British Comic Relief consacrera l'intégralité
des bénéfices obtenues pour la vente à
aider les enfants des pays les plus pauvres du monde.
|
Notes :
1 Joanne K. ROWLING:
Harry Potter and the
Philosopher's Stone (1997),
trad. : Harry Potter à
l'école des sorciers,
Gallimard, 1998. Folio Junior, 2000.
Harry Potter and the Chamber
of Secrets, (1998), trad. :
Harry Potter et la chambre des
secrets, Gallimard, 1999.
Folio Junior, 2000.
Harry Potter and the Prisoner
of Azkaban (1999), trad. :
Harry Potter et le prisonnier
d'Azkaban, Gallimard, 1999.
Folio Junior (2000)
Harry Potter and the Goblet of
Fire (2000), trad. :
Harry Potter et la coupe de
feu, Gallimard, 2000.
2 Officier de l'Ordre de l'Empire britannique, pour
services rendus à la littérature de jeunesse.
3 La publication du dernier tome a été
entourée de manifestations variées, dont un grand
nombre a été organisé par Warner Bros et Coca
Cola : défilés d'enfants déguisés,
création d'un «fan-club» sur internet (le site
reçoit chaque jour plusieurs milliers de visites). Un film
(Warner Bros) et une adaptation théâtrale sont en
préparation, des cassettes audio enregistrées,
Harry Potter a fait la page de couverture de
Time, de Newsweek. De
nombreux produits commerciaux dérivés existent ou sont
en fabrication (tee-shirts, chaussettes (Olympia; friandises (Cap
Candy) ;jouets, panoplies, cartes, gadgets, jouets (Mattel),
kits de construction (Lego) et jeux vidéo (Hasbro, des
Pokemon) etc.) prévus pour fonctionner à la fois sur
les plates-formes Nintendo (Game Boy Color et Game Boy Advance) et
Sony (PlayStation One). Est également prévue une
version PC, qui sera spectaculaire visuellement, grâce aux
environnements 3D. Événement, dans une «nuit
Potter», France-Culture a
offert à ses auditeurs la lecture intégrale du tome 1
en novembre 2000.
4 En Grande-Bretagne, où le tome quatre a
été disponible en juillet 2000, le premier tirage d'un
million d'exemplaires a été épuisé en
quelques semaines et une réimpression à 1,5 million a
dû été effectuée. Aux Etats-Unis, le
premier tirage quelques semaines plus tard a été de 5,3
millions (3 millions vendus dès le premier week-end). En
Allemagne, 500.000 exemplaires ont été vendus le
premier jour.
Pottermania ou hystérie générale : en
Grande-Bretagne, comme aux Etats-Unis ou en France, les librairies
ont été prises d'assaut et ont ouvert leurs portes en
pleine nuit pour offrir le livre en primeur aux lecteurs.
Amazon.com, la cyberlibrairie américaine, a
accueilli 9.000 camions qui lui ont livré 400.000 exemplaires
pour les débuts de la vente La presse abonde en chiffres de ce
genre, d'ailleurs pas tous cohérents.
5 Cité par Florence Noiville, Le Monde, 30 novembre 1999.
6 Expression peu traduisible (tempête et
élan ou passion), nom d'un mouvement littéraire qui
exerça une profonde influence sur la littérature
allemande entre 1770 et 1790. En réaction contre le
rationalisme, elle revendique les droits du sentiment sur la raison,
et de l'originalité contre la convention. Goethe et Schiller
jeunes furent influencés.
7 Elle a gardé de cette période un
intérêt certain pour les
déshérités. Selon Florence Noiville, elle a
"donné cette
année plus de 5 millions de francs au Conseil national
pour les familles mono-parentales. Elle a aussi écrit deux
livres à paraître en 2001 et dont les
bénéfices seront versés à une association
caritative de lutte contre la pauvreté des enfants. Et elle
devait se produire dimanche 10 décembre, à
Londres, lors du 52e anniversaire de la Déclaration des
droits de l´homme, organisé par Amnesty
international."
Le Monde, 30 décembre 1999.
8 Depuis septembre 1999, des fiches de lecture sur les
aventures d'Harry Potter font partie du «classeur
pédagogique» qui a été envoyé aux
15.000 adhérents du Cercle Gallimard de l'enseignement, des
professeurs de français et des documentalistes. Ce support
imaginé pour aider les enseignants à préparer
leurs cours a rencontré du succès. Selon
l'éditeur, les professeurs trouvent qu'Harry Potter «fait
lire les élèves».
9 Rowling est reconnue par ses confrères et les
jurys, et a récolté de nombreux prix : The National
Book Award, the Smarties Prize, the Children's Book Award,
etc.
10 À la bibliothèque, vous pouvez sortir le
manuel Potions
magiques d'Arsénius
Beaulitron ou Forces Obscures
: comment s'en protéger? de Quentin Jentremble. En classe, on mâchouille
des chocogrenouilles, des gommes de limaces, et des dragées de
Bertie Crochue (goût foie, tripes ou chou de
Bruxelles).Le traducteur, Jean-François Ménard, a
dû bien s'amuser pour trouver ces équivalences.
11 Alison Lurie New
York Review of Books
,16 décembre 1999. Cité dans
Le Monde de
l'éducation, mars
2000.
12 Dans l'Ancien Testament, Jahvé est celui qui n'a
pas de nom. Il est, c'est tout. Quand Moïse sur le Mont Horel,
voilant sa face pour la protéger de l'ardeur du buisson
ardent, apparence choisie par la divinité pour se manifester,
demande le nom de la divinité pour le signifier à son
peuple, la réponse a fait le bonheur d'exégètes
innombrables, «èhyèh aser
èhyèh»: "Dieu dit à Moïse: «Je suis qui Je
suis». Il dit: «Tu parleras ainsi aux fils d'Israël;
Je Suis m'a envoyé vers vous»" .
Les Hébreux diront naturellement: Il «Est», soit en
hébreu yahavèh,
ou Yahvé, pour désigner Dieu.
13 Citation de l'Aargauer Zeitung, du 19 octobre 2000, non vérifiée.
14 Pierre Bruno, Existe-t-il une culture adolescente?, éditions In Press,
préfacé par Jack Lang.
15 Alain Bergeron, Harry Potter et le secret des bouquins
enchantés,
Solaris 137, printemps 2001, exclusif au
supplément Web
16 Rita Skeeter, la journaliste à la plume magique
qui invente les propos des interviewés, est sans doute la
caricature vengeresse croquée par Rowling des journalistes de
tabloïds anglais qui ont écrit n'importe quoi sur sa
vie.
17 16 décembre 1999. Cité dans
Le Monde de
l'éducation, mars
2000.
18 Les Allemands sont particulièrement friands de
Harry. Ils acvaient acheté 350.000 exemplaires de Harry Potter
et la Coupe de Feu en anglais avant sa traduction très
attendue en allemand.
19 Cité par Florence Noiville, Le Monde, 31 mars 2000.
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J.K.
Rowling est née au Pays de Galles, près de
Bristol en 1965. Elle a suivi des études à
l'université d'Exeter et à Paris. Elle est
diplômée en langue et littérature
française. Elle a d'abord travaillé à
Londres au sein de l'association Amnesty International et a
enseigné le français. Partie enseigner au
Portugal, elle y a épousé un journaliste
portugais et a eu une petite fille, Jessica. Après
son divorce, quelques mois plus tard, elle s'est
installée à Edimbourg. Elle vivait alors dans
une situation précaire, situation que les tirages de
ses romans ont complètement changée J.K.
Rowling vit toujours à Edimbourg avec sa petite
fille, se tenant aussi éloignée que possible
des médias. Elle s'est remariée avec un
médecin en décembre 2001.
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Mon livre :
Du Rond des
sorciers à Harry Potter
MAGIE ET
FANTASTIQUE :
QUATRE APPROCHES DE LA MAGIE
(Claude Seignolle, Peter Straub, Stephen
King, J. K. Rowling)
a
été publié aux éditions
L'Harmattan.
Faites-le vous
offrir en attendant le tome 5 !
mes articles et
livres
|
ce texte a
été publié dans ma Revue trimestrielle
différentes saisons
# 13 automne 2001.
Contenu de ce site
Stephen King et littératures de l'imaginaire :
.... général