Eoin Colfer, Artemis Fowl, tome 2 : Mission polaire

Gallimard Jeunesse; (Folio junior), 2002.

Revoilà Artemis, maintenant âgé de 13 ans, enrichi par son expérience avec le monde souterrain féerique à la technologie différente et avancée, qui ne ressemble pas à celui du monde des sorciers de J. K. Rowling. Si, dans ces deux fictions littéraires, les hommes sont identiquement qualifiés de "mudmen" (êtres-de-boue) ici, et ailleurs de "Muggle" ("Moldus", appelés en dérision "Sang-de-Bourbe), l'un des mondes est souterrain, tandis que l'autre est parallèle. Mais dans les deux cas, il faut que ses habitants prennent des précautions pour que les mondes différents ne soient pas connus des Terriens. Autre divergence importante, le statut des héros des histoires : l'un est le "bon" qui combat le "mal"; l'autre est le criminel le plus intelligent que l'on ait jamais vu. Colfer enfant a beaucoup aimé les récits et les films mettant en scène des bandits comme le professeur Moriarty, le capitaine Hook et Bart Simpson, tout en lisant et relisant le Tom Sawyer de Mark Twain. Si on ajoute qu'à cette époque il aurait voulu être dessinateur et réaliser des dessins animés avec le personnage Batman, on peut relier sa création littéraire à des influences passées.

Le père d'Artemis, un financier qui s'est enrichi par des moyens légalement interdits, a disparu en Russie il y a deux ans. Il est donné pour mort. Depuis, Artemis gère la fortune familiale et, dans le premier tome, il l'a augmentée d'un important stock de l'or légendaire du monde féerique afin de financer la recherche de son père. Il sait maintenant qu'il est détenu par la Mafia russe qui lui demande une rançon. Artemis est trop malin pour payer cette rançon, car il devine, grâce à son expérience quasi universelle à laquelle son ordinateur n'est pas étranger, que la Mafia les supprimera, son père et lui, pour ne pas laisser de traces. Mais il décide de jouer le jeu en apparence.

Simultanément, le monde féerique est en danger. Le commerce des piles, source d'énergie couramment utilisée par les humains, mais complètement dépassée dans le monde féerique, est interdit. Polluantes, ces piles pourraient servir de plus à activer d'anciens fusils à laser humains, dont les stupides gobelins, les ennemis, pourraient se servir pour établir leur domination sur le monde souterrain. Artemis est soupçonné par les Forces Armées de Régulation d'avoir organisé ce marché, en profitant de sa connaissance du monde souterrain. Artemis parvient à se disculper et à retourner la situation à son avantage. Il s'allie avec les FAR, offrant son aide pour trouver le fournisseur humain de piles, en échange d'une aide pour rechercher son père en Russie. Le champ de l'aventure va ainsi s'étendre d'Irlande à Los Angeles en passant par Paris, avec des incursions en Russie et au cercle arctique et. Flanqué de son fidèle garde du corps Butler, Artemis a ainsi retrouvé les personnages devenus familiers dans le premier volume : entre autres, la capitaine Holly, le commandant Julius Root, le centaure magicien de la technologie Foaly et le pittoresque nain flatulent Mulch Diggums.

Le personnage d'Artemis acquiert plus de nuances. Il n'est plus simplement montré comme un brillant délinquant, l'anti Harry Potter, auquel il n'est pas comparable. Harry Potter est une série riche, pleine d'imagination, mais ses personnages sont lisses, d'une pièce, du moins dans les trois premiers tomes. La personnalité d'Harry Potter n'a d'abord pas évoluée, même si maintenant des changements prennent forme. Avec des personnalités aux aspects aussi bien positifs que négatifs, les personnages d'Eoin Colfer nous sont plus proches. Dans ce second épisode, son fidèle garde du corps et Holly commencent à percer sa carapace, et à voir l'enfant qui sommeille toujours dans Artemis. Holly elle-même devient plus ouverte, plus sentimentale. Leur séparation prend un caractère d'émotion nouveau à la fin du roman. Colfer a pris en compte les aspects sentimentaux au lieu de se centrer surtout sur les brillantes démonstrations d'intellectualité d'Artemis ou du centaure Foaly, qui se montre lui aussi sous un jour insoupçonné. Le personnage de Foaly, un des rares survivants d'une race exterminée par les hommes, est de plus en plus surprenant. Mégalomane, paranoïaque, comédien, réfractaire à la hiérarchie, il est doué d'un sens de l'humour que n'ont pas ses coéquipiers. Dans l'ensemble, les caractères sont plus vrais, ils montrent davantage de sentiments, mais maintiennent toujours cette qualité de fantaisie décalée du réel qui fait l'originalité de ces histoires hors du quotidien. Dans cette histoire qui oppose les hommes et les créatures magiques, ces moments de doute font vaciller l'implacable logique et l'imprègnent de chaleur humaine. L'histoire est également plus complexe et propose plus de revirements que dans le premier récit, mais la compréhension n'est jamais perturbée. Colfer continue à présenter le monde moderne sous un jour peu brillant, écologiquement désastreux. Si les fées haute-technologie sont équipées avec des ailes à réaction et des armes performantes, ou se déplacent dans des navettes de transport qui voyagent par la croûte de terre en surfant sur les éruptions thermiques, elles prennent toujours soin de leur environnement, écologie que l'on voudrait bien trouver à la surface du globe terrestre. Colfer bouleverse les données de la fantasy : la magie s'allie ici à une science avancée, les éléments traditionnels féeriques (pouvoirs magiques, fées, lutins, nains gobelins) deviennent décalés par l'intrusion de la technologie. Le Bien et le Mal ne sont pas bipolaires comme habituellement, le héros anticonventionnel est orgueilleux et horripilant, la figure même de l'anti-héros, du méchant pour lequel on se prend de sympathie. Le sens de l'action devient ainsi parfois ambigu et il est difficile de prendre parti.

Le texte n'a rien d'académique : simplement écrit, sans longues descriptions, accordant la priorité à la dynamique du récit, il est efficace. Colfer mêle joyeusement imagination, science-fiction, technologie, humour, mystère, et un sens particulier du divertissement, dans un subtil mélange de magie, de tradition irlandaise, d'humour dans un roman policier et d'espionnage de qualité. Même pour un adulte, le livre est passionnant. "Tout que j'ai écrit a été directement influencé par le fait que j'habite en Irlande. Il y a une certaine atmosphère ici qui favorise la créativité. Beaucoup d'auteurs se déplacent ici de l'étranger, pour l'inspiration", prétend Colfer. Il en a fait brillamment la démonstration.

Roland Ernould © 2003

 

La quatrième de couverture :

Découvrez le second volume des aventures d'Artemis Fowl, ou comment le jeune génie millionnaire vole au secours de son père, au beau milieu des glaces arctiques...

Une nouvelle histoire captivante, pleine de fantasie, d'humour et de malice...

 

note de lecture du premier volume : Artemis Fowl

note de lecture du troisième volume : Artemis Fowl

Eoin Colfer est né en 1965 à Wexford, en Irlande. Grand voyageur, il a travaillé en Arabie Saoudite, en Tunisie et en Italie avant de revenir en Irlande. Enseignant, comme l'étaient ses parents, il vit avec sa femme Jackie et son jeune fils dans sa ville natale. Outre les Artemis Fowl, il a publié Que le diable l'emporte.

Que le diable l'emporte.
Meg et Blech sont deux adolescents paumés. Meg a été chassée de chez elle par son beau-père et elle traîne avec un voyou, Blech, accompagné d'un pitbull. Blech a décidé de cambrioler l'appartement d'un vieil homme. Mais le casse tourne mal...

 

..

 .. du site Imaginaire : liste des auteurs

.. du site Différentes Saisons, revue trimestrielle

 

.. général

mes dossiers sur les auteurs

. . .. . .. . . .