Serge Brussolo,
Le Jour du chien
bleu
Peggy Sue
et les fantômes 1
Plon éd, 2001, 286 pages.
Peggy Sue est une collégienne
de 14 ans différente des autres. Alors qu'elle avait six ans,
la fée Azéna lui a révélé la
vérité sur le don qu'elle possède. Peggy a
été choisie par les protecteurs de l'Univers pour
s'opposer à des êtres machiavéliques, des
fantômes, appelés "invisibles". qui tourmentent les
humains. Pas vraiment fantômes d'ailleurs, ces"invisibles" sont
des créatures qui existent depuis le début du monde et
qui ont créé les hommes pour se divertir, leur faisant
voir des illusions et en leur faisant éventuellement subir des
sévices terribles, voire mortels. Éventuellement ils
sont capables de les détruire comme ils ont fait
disparaître les dinosaures jadis. Peggy est seule à voir
les invisibles et à avoir pouvoir sur eux. Elle peut les
brûler, simplement grâce à son regard
amplifié par des lunettes en cristaux magiques extraterrestres
données par la fée. Un charme la protège.
Cependant, chaque fois qu'elle utilise ce don particulier, elle
devient de plus en plus myope. Pour l'instant, le pouvoir de Peggy
n'est pas très puissant, mais il doit se développer
avec le temps. Heureusement, car depuis cette rencontre avec la
fée, elle est devenue l'ennemi numéro 1 des invisibles.
Chaque jour sa vie est en danger, car si ses ennemis ne peuvent pas
la tuer, ils peuvent la déconsidérer aux yeux des
humains, qui, eux, peuvent le faire.
Obligées de déménager, Peggy Sue, sa mère
et sa soeur arrivent dans une petite ville isolée des USA,
Point-Bluff, où un étrange phénomène se
produit deux premières semaines après son
arrivée, quinze jours tranquilles qui lui permettent de
prendre connaissance avec son nouveau monde et de se faire de
nouveaux amis. Mais ce calme précède la tempête.
Un soleil bleu apparaît dans le ciel et rien ne va plus comme
avant. Les élèves deviennent plus intelligents que
leurs professeurs, des hommes nuls se découvrent des
facultés intellectuelles insoupçonnées. Les
habitants de la ville deviennent assoiffés de connaissances
qu'ils acquièrent sans problèmes sous le soleil. Ce
savoir leur permet de réaliser des choses
inespérées le jour, mais disparaissent la nuit pour ne
plus revenir. Leur cerveau ne supporte pas ce surmenage, et,
attaqué par le soleil, se détraque : ils doivent
bientôt se cacher du soleil. Les chiens se mettent à
jouer aux échecs, l'un d'eux battant même un champion
humain, et peu à peu les animaux, qui communiquent par
télépathie, prennent le pouvoir. Ils s'infiltrent dans
la pensée des habitants pour leur dicter leurs exigences,
prennent des noms de famille, se mettent en costume, etc... Peu
à peu la folie s'installe dans la ville, adultes, animaux
(voire certaines choses avec des peaux animales qui deviennent des
morts-vivants très particuliers) n'ont plus que des mauvaises
intentions. Les farces sont souvent mortelles et les animaux
pratiquent des tortures raffinées sur des humains peu à
peu réduits à l'esclavage. Il s'agit évidemment
d'une tactique des êtres invisibles, qui ont utilisé
leur force paranormale pour créer le soleil bleu et ses
perturbations. Dans la ville isolée, ils veulent
développer la méchanceté générale,
faire se battre humains et animaux. En parallèle, ils vont
essayer de faire passer Peggy pour folle. Arrivera-t-elle à
déjouer les tours de ces créatures insupportables?
I
nvestie d'une mission, seule Peggy, heureusement aidée de son
prof de mathématiques et conseillée par le chien bleu,
peut agir grâce à ses lunettes magiques et à sa
connaissance des invisibles, car les fantômes lui ont
involontairement fourni une solution. Ensemble, ils vont essayer de
triompher des forces obscures et de sauver la ville et ses
habitants.
Ce premier tome des aventures de Peggy Sue, collégienne et
détective des mondes magiques, reprend le récit jamais
achevé de la lutte du bien contre le mal, et le triomphe
provisoire du bien sur les forces invisibles mauvaises grâce au
courage et à l'intelligence, mais sans tomber dans la
moralité facile. Ce roman n'est pas mièvre et ne fait
pas partie de la littérature pour enfants gentille. Les hommes
ne sont pas tendres entre eux et Peggy, qui fait preuve d'une grande
lucidité pour son âge, vit dans un monde plutôt
désespérant. Brussolo crée des situations
parfois sanglantes (par exemple quand, Brussolo ressuscitant le mythe
de l'Ogre, nous montre des parents qui vont, sous la pression des
invisibles, jusqu'à dévorer leurs enfants qu'ils voient
comme de beaux porcelets), et apprend aux adolescents les jeux de la
mort et de la douleur. Les maléfices des entités
malfaisantes ne sont que la métaphore d'une
société humaine cruelle, qui ne va pas bien, ce que les
jeunes savent très tôt : inutile donc de les faire vivre
dans un monde aseptisé alors qu'autour d'eux accidents,
calamités et maux naturels de toutes sortes continuent
à accabler l'humanité, à peine moins
protégée qu'il y a des siècles. Sans compter ce
que la malignité des humains y ajoute constamment :
misères, famines, crises et guerre... Le soleil bleu, qui
apporte dans un premier temps l'intelligence aux habitants d'un bled
perdu qui se prennent eux-même pour des demeurés, ne
représente-il pas parfaitement la science dans ses mauvaises
utilisations, qui apporte avec elles plus de calamités que de
bienfaits, du sang contaminé aux transgéniques, sans
parler des armes de guerre? Il n'est donc pas anormal, même si
cela lui est pénible, que Peggy vive dans un monde absurde et
angoissant sans que ce soit attribuable seulement à
l'omniprésence d'un monde parallèle hostile. On peut
dire simplement que la méchanceté gratuite des
invisibles n'est pas différente dans son essence de celle des
hommes.
Si on se place maintenant du côté de l'édition,
le choix comme personnage principal d'une collégienne
enquêtrice qui a des pouvoirs, des lunettes fait penser
irrésistiblement à Harry Potter. Pour l'éditeur,
il ne fait aucun doute que cette série des Peggy Sue (Plon, un
des concurrents de Gallimard, en est l'éditeur) est
destinée à concurrencer Harry Potter. Le livre se situe
sur le même créneau, avec un format et une illustration
de couverture qui ressemblent à ceux des Potter. On sait que
Brussolo s'est défendu de vouloir plagier J. K. Rowling :
"J'ai crée Peggy Sue
pour tous les déçus d'Harry Potter. Beaucoup d'enfants
me disaient que l'univers de ce personnage était vieillot. Et
que ses aventures étaient longues à
démarrer", a t-il
déclaré dans une interview. Mais il n'en demeure pas
moins que c'est bien ce créneau qu'il veut occuper - il n'est
pas le seul - et il a été bien servi par le retard pris
par Rowling dans l'écriture du tome 5, qui va avoir un retard
de plus de six mois. Deux ans sans que paraisse un seul Harry...
Brussolo a publié trois romans en un peu plus d'un an : cette
pseudo-accalmie Potter est l'occasion inespérée de
trouver un public pour Peggy et son autre série Sigrid et les Mondes
perdus. Le calcul était
juste et les romans se vendent très bien.
Les commentateurs, unanimes à saluer les Potter à leur
parution, se sont montrés beaucoup plus divergents à
propos de ce roman, qu'ils ont trouvé largement inspiré
du célèbre Harry sans pourtant retrouver la recette qui
a fait son succès : l'humour, la description d'un monde
magique et féerique, qui en sont absents. L'invraisemblance
générale choque. Plusieurs exposent que Peggy Sue et le chien bleu
ne peut cacher sa misère
littéraire : une intrigue à laquelle on ne croit
guère, des emprunts nombreux à des titres en vogue et
une écriture décevante.
D'autres pensent que ce livre est un bon roman prêt à
concurrencer sérieusement Harry Potter. Certes, certains
passages sont plus sanglants. Mais, pour eux, bourré de
fantaisie, d'aventures et de suspense, Le Jour du chien bleu tient
la route. Brussolo a su trouver, comme J. K. Rowling dans les Potter,
les ingrédients de l'intrigue fantastique pour les jeunes :
une héroïne à laquelle ils peuvent facilement
s'identifier et une histoire pleine de rebondissements et bien
menée. Alors que Rowling, une femme, avait choisi un
garçon pour personnage, Brussolo, un homme, a choisi une
fille. L'auteur a su créer un monde bien à lui,
innovant avec des personnages singuliers.
Personnellement, je pense que l'écriture est trop peu
travaillée, que les personnages manquent d'étoffe, et
que le récit souffre d'une accumulation d'invraisemblances.
Tout étant permis, c'est la fantaisie la plus totale qui y
règne dans ce roman, probablement livre de commande
écrit au fil de la trouvaille inopinée. Cependant
Brussolo, qui a confectionné maints récits de science
fiction et des romans policiers, manie adroitement le mélange
de ces deux genres et n'est pas tout à fait mauvais. Je suis
loin d'y avoir pris le plaisir ressenti à la lecture des
Potter. Le grand intérêt que j'y vois surtout, c'est
que, sous prétexte d'emmener son jeune lecteur aux
frontières entre la réalité et l'imaginaire,
Brussolo ne fait pas pour les enfants une littérature rose,
craignant la violence de certaines situations dures, violentes ou
sanglantes. Il a écrit ce roman avec les ingrédients de
ses autres livres. Mais dans le contexte, Brussolo n'échappera
pas à la comparaison avec son rival : on est loin de retrouver
l'humanité et le magnétisme de la série Harry
Potter.
La
quatrième de couverture :
Le premier tome
des aventures de Peggy Sue, lycéenne et détective des
mondes magiques.
Depuis qu'un soleil bleu est apparu au-dessus de la ville, les choses
vont mal! Les mauvais élèves sont devenus plus savants
que les professeurs, les chiens jouent aux échecs, les chats
lisent dans les pensées. Quant aux chaussures, elles
parcourent les rues avec la ferme intention de botter les fesses de
leurs anciens propriétaires! Peggy Sue, la collégienne
aux lunettes magiques, sent la catastrophe imminente. Elle est la
seule à savoir que des êtres invisibles traversent les
murs pour accabler les pauvres hommes de "farces" souvent mortelles.
A cause de ces fantômes, le chaos s'installe : un chien errant
gouverne désormais la cité! Les animaux ont
décidé de se venger des humains! Le piège se
referme. Peggy Sue parviendra-t-elle à en triompher?
Serge .Brussolo .... La série de Peggy Sue et les fantômes
Serge .Brussolo .... Le Jour du chien
bleu, 1, Plon éd, 2001.
Serge .Brussolo .... Le Sommeil du
Démon, 2, Plon éd, 2001.
Serge .Brussolo .... Le papillon des
abîmes, 3, Plon éd, 2002.
Serge .Brussolo .... Le zoo
ensorcelé, 4, Plon éd, 2003.
avec l'autorisation de Francesca Scutari
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Note
biographique. Serge
Brussolo approche de la cinquantaine. Depuis son premier
recueil de nouvelles, publié en 1980, ses romans se
bousculent (près d'une centaine), soutenus par une
imagination incontrôlable, touchant à tous les
domaines. Il a ses inconditionnels, mais l'opinion est
partagée à son égard. Pour mon lecteur
qui ne connaîtrait pas Brussolo (y en a-t-il?) et qui
voudrait le connaître, je conseillerai
plutôt La planète des Ouragans, La petite fille et le doberman (Présence du futur, 557):
Rempart
des naufrageurs (id.
583) et Naufrage d'une chaise
électrique (id.
584)
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Succès de librairie, la
série Peggy Sue a maintenant un pendant, la nouvelle
série Sigrid et les mondes perdus de Brussolo, dont le premier tome, L'Oeil de la
pieuvre (éd. du Masque) a
été bien accueilli. Ce roman, aussi délirant que
ceux de la série Peggy Sue, se déroule à bord
d'un sous-marin qui sillonne les eaux mutagènes de la
planète Almoha. Quelques gouttes sur la peau transforment en
sirène ou en triton, et les enfants ne vieillissent plus,
tandis que les adultes continuent à prendre de
l'âge...
En cours de
publication :
- Une compilation
d'oeuvres de Brussolo, Omnibus éd.
- Une collection qui
comprendra plusieurs volumes (actuellement deux parus),
éd. Le Masque.
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Roland Ernould
©
2002
..
.. du site Imaginaire : liste des auteurs
.. du site Différentes Saisons, revue trimestrielle
.. général