Stephen KING et J.R.R.
TOLKIEN.
Deux
créateurs de cosmogonies.
King n'a vu que tardivement le parti
qu'il pouvait tirer de Tolkien1, qui n'est pas cité dans Anatomie de
l'Horreur,
l'essai où il parle des
auteurs qui l'avaient intéressé au cours de ses
années de formation. Plusieurs mentions figurent dans
l'avant-propos de Danse Macabre, daté de
février 1977: la première concerne le fait que Tolkien
dut patienter vingt ans avant de s'imposer2; la seconde rappelle l'affirmation de Tolkien qu'il
n'avait pas voulu assimiler le seigneur de Mordor à Hitler. La
troisième fait des allusions littéraires aux
créations merveilleuses ou étranges. Les
premières nommées sont de Tolkien et de Lovecraft:
"Là se trouvent les
terriers des créatures qui menacent Frodo et Sam; et le
modèle de Pickman."3
.. du site ..
On peut rapprocher la légende
tolkienne de celle de King. En 1936, le sérieux professeur
titulaire d'une chaire de littérature médiévale
à l'université d'Oxford, las de corriger ses copies,
prit une page blanche et écrivit: "Dans un trou vivait un hobbit...". Une nuit de mars 1970, sur sa vieille
machine à écrire édentée, sur un papier
vert pris à la bibliothèque de l'université, un
King juste diplômé, chevelu et barbu, aligna les mots:
"L'homme en noir fuyait
à travers le désert et le pistolero le
poursuivait" (Le Pistolero, p. 252). Belle similitude: due au hasard ou souci de
copier Tolkien?
Trois aspects des oeuvres de King et Tolkien coïncident
particulièrement: le thème de la quête, celui de
l'anneau, et le désir de créer une mythologie
originale. J'ai précédemment évoqué le
mythe de la quête dans des perspectives plus vastes, de la
Toison d'Or à l'Anneau de Puissance en passant par le Graal.
Seront donc traités ici le thème de l'anneau et le
dessein de créer une mythologie.
Les anneaux
de Tolkien.
Le titre de la trilogie de Tolkien
n'est pas indifférent. L'anneau a une symbolique puissante,
liée au cercle dont il est la représentation
concrète. Il a habituellement le rôle protecteur du
cercle, moyen efficace de se protéger des mauvais esprits.
N'ayant ni début, ni fin, il est le symbole du lien, de
l'appartenance à une communauté et à
l'éternité. C'est dans cette perspective qu'il est
devenu aussi le symbole du mariage et de la
fidélité.
Dans les mythes nordiques, l'anneau a eu cependant une signification
différente, celle que Richard Wagner a reprise dans
L'Anneau du
Nibelung. L'anneau a
été forgé à partir de l'or du Rhin par
Albérich et confère la puissance. Wotan, le
maître des dieux, le lui vole. Albérich le
maudit4. Comme celui d'Albérich, l'Anneau de Puissance
de Tolkien est attaché à une malédiction: il
permet de dominer les possesseurs des autres anneaux magiques.
L'Anneau de Puissance, comme tout objet magique, détient un
pouvoir considérable. Outre l'invisibilité, il procure
à son détenteur un entendement et une conscience
élargis, au-delà des limites humaines. Cette
clairvoyance cosmique conduit irrévocablement son
propriétaire à une domination tyrannique de ses
semblables. Il est donc maléfique, en transmettant le revers
de ses vertus, corrompant immédiatement tous ceux qui se le
mettent au doigt. L'Anneau est ainsi la chose la plus extraordinaire
et aussi la plus dangereuse.
King s'est lui-même essayé à utiliser le
thème de l'anneau. Dans Insomnie, dans des
circonstances sur lesquelles on reviendra un peu plus loin, Ralph
vient de prendre, dans l'antre de Atropos, un anneau:
"Au moment où il
tendait la main pour saisir l'anneau, quelques vers lui vinrent
à l'esprit (...), un
fragment emprunté à J.R.R. Tolkien, l'inventeur des
hobbits (...) Ça faisait presque trente ans qu'il
avait lu l'histoire de Frodo, Gandalf, Sauron ou du Seigneur Noir
-histoire qui comportait un objet très semblable à
celui-ci, maintenant qu'il y pensait- mais les vers furent pendant un
instant aussi clairs dans son esprit que les lames l'avaient
été sous ses yeux quelques secondes avant:
Un anneau pour les
gouverner tous.
Un anneau pour les trouver,
Un anneau pour les amener tous et dans les
ténèbres
Les lier au pays de Mordor
où s'étendent les ombres."
Le premier vers est repris comme un
leitmotiv dans les pages suivantes (p. 590).
Voilà pour la paternité, qu'il aurait été
difficile ici de passer sous silence. Mais que va en faire King, plus
de cinquante ans plus tard, alors que les sensibilités ont
beaucoup changé?
L'anneau
de King.
L'anneau appartient à Depneau,
personnage qui est au service des forces du mal. C'est son alliance
de mariage, volée par Atropos, qui l'a déposée
dans son antre.
King va commencer par dramatiser à sa manière. L'anneau
se trouve dans un linceul noir, qui hurle sur le sol et qui
"relie tous ces objets
différents, toutes ces vies
différentes", ce qui
en- "fait des ka-tet"5
(. 586).
Voilà donc l'anneau relié au ka-tet, donc au
ka5. Et du même coup, à la
roue:"Je ne vais pas arriver
à le soulever, pensa-t-il. Il va être aussi solidement
attaché à la roue du ka que Lois et
moi, et je ne vais pas pouvoir le détacher. Ou alors, ce sera
comme d'attraper un câble à haute tension à
pleines mains, et je serai mort avant de savoir ce qui
m'arrive" (p. 590).
Pour couper le linceul, Ralph avait dû créer magiquement
des ciseaux avec ses doigts: "Au fur et à mesure qu'augmentait sa
concentration, il en venait même à voir les minuscules
lettres gravées sur le métal, juste au-dessus de l'axe:
SHEFFIED STEEL" (p. 587). Mais le linceul ne se laisse pas faire:
"Lorsque la pointe des lames
pénétra dans la surface noire, le linceul se mit
à hurler en surrégime, un cri aigu qui mêlait
souffrance et angoisse. Ralph vit des gouttes d'un liquide
pâteux, épais, noirâtre, sourdre du suaire et
tomber sur le sol. On aurait dit de la morve
putréfiée" (p.
588). L'anneau est trouvé.
Puis Steve, seigneur de son anneau particulier, éprouve le
besoin de corser, en pensant à Tolkien qui avait
proposé un certain nombre d'anneaux et de possesseurs:
"Trois anneaux pour les Rois
Elfes sous le ciel, sept pour les Seigneurs nains dans leurs demeures
de pierre, neuf pour les Hommes mortels..." etc. L'anneau de puissance de Mordor perdu doit les
dominer tous... À ce moment, d'un anneau, Steve passe à
plusieurs, en empruntant un autre récit, qu'il nous raconte:
celui d'un paysan qui, voulant enlever son chapeau lors du passage du
roi, voit ce chapeau immédiatement remplacé sur sa
tête6, jusqu'à ce qu'il soit arrêté pour
crime de lèse-majesté. Comme pour les chapeaux, on
assiste donc à la multiplication des anneaux... Voici King
essayant d'égaler Tolkien en nombre... Mais en
qualité?
Ce n'est pas suffisant. L'anneau a déjà
été relié au ka et à
la roue des existences. King a fait plus haut une comparaison entre
la roue de la destinée qui lui était
suggérée par une roue de bicyclette. Le ka
devient alors la "roue avec de
nombreux rayons" . Puis une
autre liaison est faite: "Mais
plus que tout, peut-être, le ka était
comme un anneau.
Comme une alliance. "
Alliance de Depneau, bien sûr, mais aussi alliance avec le
ka.
Les complications continuent. Ralph pense que "les substitutions -les fausses alliances- sont
des rayons, mais celle-ci est le moyeu. Enlève le moyeu, une
roue ne peut plus tourner"
(p. 594). King va bientôt faire de l'anneau l'axe du
monde...
Arrêtons-nous là. King essaie bien de refléter
toute la symbolique liée à l'anneau. Mais on ne peut
s'empêcher de penser qu'il y a des enchaînements bien
laborieux...
La mythologie
de Tolkien.
Projet grandiose et surprenant
à l'époque, le dessein de Tolkien était
d'écrire une "mythologie anglaise" et sa vie entière sera vouée à sa
réalisation méthodique. L'idée lui en
était venue de son intérêt pour le langage -son
domaine universitaire- et de son plaisir à en inventer de
nouveaux. Afin de pouvoir utiliser ces langages dans un cadre qui
leur convienne, il lui a fallu inventer des histoires.
En lisant le
Kalevala,
livre de légendes finnoises, il regrette que l'Angleterre
n'ait rien de semblable. Il projette de "construire un corps de légendes liées,
allant des vastes cosmologies aux contes de fées
romantiques (...)
que je pourrais dédier
à mon pays". Son
oeuvre, élaborée pendant des dizaines d'années,
a suivi un cours particulier, tout à fait à
l'opposé de la construction du monde inventé par King.
Exigeant, mettant au rebut du matériel quand il lui
déplaisait, réécrivant, polissant, Tolkien
élaborera lentement son gigantesque projet. Inspirée par les poèmes de Beowulf, les légendes galloises et celtiques,
par les Eddas scandinaves, la
trilogie du Seigneur des Anneaux aurait pu se borner à être une reprise de
l'ancienne mythologie nordique, ajoutant à l'imaginaire
poétique une réflexion sur la nature humaine. Mais sa
création est entièrement originale. La "Terre du
Milieu", inventée dès les légendes du
Silmarillion dans les
années 20, donna peu à peu naissance à une
véritable géographie, minutieuse, à une histoire
encyclopédique. Tolkien construit avec soin des
généalogies complexes.La qualité de l'invention
de Tolkien, comme la richesse de sa création
littéraire, aboutissent à la construction
métaphysique d'un univers entièrement
élaboré, avec ses mythes et ses légendes. Des
dizaines d'années de travaux,
abandonnés7, puis repris, pour aboutir finalement à la
publication du Seigneur des Anneaux à partir de 1964.
Outre la modernité du thème de la quête, c'est la
lutte entreprise grâce à l'alliance des hobbits, des
elfes, des nains et des magiciens, et d'autres êtres, contre le
maléfique Sauron de Mordor, qui a augmente
l'intérêt porté à l'oeuvre. Que le Mordor
soit à l'est, comme l'était à l'époque le
danger militaire pour l'Angleterre importe peu. Ce combat contre le
mal, la "montée de
l'ombre" qui revient comme
une obsession, est à relier aux convictions religieuses de
Tolkien. Aucun culte n'est rendu à un Dieu
judéo-chrétien dans cette légende, qui aurait pu
fort bien rester païenne, mais l'esprit du christianisme
règne. "L'Unique" n'est que cité, avec sa
hiérarchie angélique des Valars, les gardiens du monde
: mais il imprègne de ses valeurs l'univers de Tolkien
même s'il reste hors-champ.
La mythologie
de King.
Le Cycle de La Tour Sombre, avec ses
ramifications dans des mondes parallèles et des romans
associés, a évidemment l'ambition de rivaliser avec
celui de Tolkien. On y retrouve aussi bien le récit de la
création du monde qu'une quête de la Tour similaire
à la quête de l'Anneau de Puissance. Une
géographie, dont l'Entre-Deux-Mondes, "royaume d'espoir, de savoir et de
lumière", ou des
Terres Dévastées, qui ressemblent à celles que
"virent Frodon et Sam quand
ils atteignirent le coeur de Mordor", "des fissures
de jugement dernier"
(Terres
Perdues, pp. 221 et
549); ou récemment la "contrée nocturne" de Tonnefoudre. Il a inventé une histoire, dont
la chronologie est d'un accès difficile. Il crée des
notions générales, le ka, le
ka-tet, le khef,
l'Intentionnel et l'Aléatoire, les michrones,
machrones et entités
de la hiérarchie de la Tour, des mots remontant à
l'enfance de Roland qu'il explique aux membres du ka-tet.Mais King
donne l'impression d'aller, dans une direction, de l'explorer puis de
l'abandonner ensuite: l'Intentionnel et
l'Aléatoire, les michrones et les
machrones d'Insomnie n'ont pas
été exploitées ultérieurement. Il donne
l'impression de tourner de manière
stéréotypée autour des notions inventées.
Il est très différent de se créer des outils
universels, polyvalents, comme le faisait Tolkien, plutôt que
des outils à usage unique...
Là où Tolkien se situait dans un passé mythique,
King se projette dans le futur. Il établit, avec ses portes et
ses espaces multiples, des correspondances entre les "milliers" de mondes possibles et les individus les plus divers.
Avec des «ou» et des «quand» différents et
un temps variable et malade, tout devient possible. Même la
facilité... À l'examen, la construction n'a pas la
solidité de celle de Tolkien, on voit les joints et les
raccords. Beaucoup de questions restent sans réponse. Et dans
ses Postfaces, King reconnaît lui-même sa
perplexité. Il improvise, alors que s'il avait
réellement voulu rivaliser avec Tolkien, il aurait dû se
livrer au même travail minutieux et prolongé, qui n'est
pas dans son caractère d'impulsif.
Car les méthodes de travail ne sont pas identiques. Quand
Tolkien multipliait ses recherches dans le cadre d'un projet
clairement formulé, et prenait son temps pour travailler dans
la continuité, King a commencé par écrire en
plusieurs années les 5 nouvelles du Pistolero.
Son problème a toujours été le même: ses
intentions étaient bien vagues et laissaient trop de place
à l'improvisation. Ensuite il s'est dispersé dans les
domaines les plus variés. Quand il a repris plus tard la suite
de La Tour
Sombre, il a
continué d'improviser, transposant les trouvailles d'une autre
oeuvre qui lui avaient plu, comme le passage d'un monde à
l'autre du
Talisman..
Après les quatre volumes parus sans véritable plan
d'ensemble, son gros problème est maintenant d'arriver
à coordonner l'ensemble de manière crédible:
"Je commence à
comprendre que le monde (ou les mondes plutôt) de Roland
contient (ou
contiennent) l'ensemble de
ceux que j'ai créés. Il y a place pour
l'Entre-Deux-Mondes pour Randall Flagg, Ralph Roberts, les
garçons errants des Yeux du Dragon,
et même pour le prêtre damné de Salem qui, après son départ de
Nouvelle-Angleterre à bord d'un bus Gryhound, s'est
installé aux confins de la terrible contrée de
l'Entre-Deux-Mondes du nom de Tonnefoudre. (...) Au final,
le ka-tet de Roland parviendra dans cette contrée nocturne qui
a pour nom Tonnefoudre... et à ce qui se trouve
au-delà. Tous ses membres n'atteindront peut-être pas la
Tour vivants, mais je crois que ceux qui réussiront le feront
debout et loyalement"
Il semble que ce soit
là que tous tant qu'ils sont finissent par atterrir, et
pourquoi pas?
(Magie et
Cristal, Postface, pp.
667/8)
Le travail sera considérable: actuellement, il semble qu'il y
a des discontinuités, des paradoxes temporels. La
difficulté sera grande de ne pas laisser transparaître
l'artifice et l'improvisation. Dans Magie et Cristal, qui paraît être une sorte de
récréation bucolique, la quête de la Tour
piétine, sans véritable progrès depuis le tome
III.
Quand Tolkien publia le premier tome du Seigneur des Anneaux, il avait 62 ans. King a dix ans de moins. Il lui reste
le temps de se reprendre, voire de corriger -Tolkien l'a bien fait-
ce qui ne va pas. Lui est-il possible de ne pas céder à
la facilité pour nous construire une oeuvre exemplaire?
La recherche
commune de la lumière.
On a vu plus haut que si Dieu est
absent de l'oeuvre de Tolkien, l'esprit du christianisme
l'imprègne, comme il imprègne de ses valeurs l'univers
qu'il a créé. Les hobbits devaient conquérir et
détruire l'Anneau de Puissance pour empêcher Sauron,
sorte d'équivalent du diable, de dominer le monde entier pour
sa destruction. Là où passe Sauron, l'ennemi de la vie,
apparaît une terre rocheuse et désertique, comme les
Terres Dévastées du monde de Roland.
L'équivalent de Sauron, le Prince Noir de Mordor, est l'Homme
Noir de King. Quand Frodon, neveu de Bilbo, a réussi sa
quête et détruit l'anneau, le Mal est vaincu. Sauron et
ses agents maléfiques ont perdu leur puissance. Comme Frodon
l'anneau, Roland doit trouver la Tour, pour rétablir l'ordre
de la Lumière et restaurer le temps et l'ordre du monde.
"L'Unique", avec sa hiérarchie angélique des Valars,
les gardiens du monde n'est que cité par Tolkien. Le monde de
Roland est encore marqué des valeurs chrétiennes,
Roland connait La Bible, des fêtes et des comportements
religieux subsistent. L'«Unique» de Tolkien devient
«l'Ultime» de Ça, ou, suivant les
oeuvres, prennent divers noms, qui sont des équivalences. Mais
surtout, Tolkien et King sont dominés par le symbolisme de la
Lumière et de la blancheur, contre les Ténèbres
et le noir. Tous deux aiment l'allégorie du combat entre les
forces des ténèbres et celles de la lumière. Le
lien avec le Graal est flagrant : fait par le Malin, l'Anneau de
Puissance attire le mal sur celui qui le détient, sauf si la
pureté de son coeur et son désintéressement lui
permettent d'échapper à la malédiction. Roland
est le dernier "seigneur de la
lumière". Comme
Tolkien, King est séduit par l'expression des
vérités morales d'un monde dont la destinée est
de lutter contre le mal,d'échapper à son
assujettissement à défaut de pouvoir
l'éradiquer. King a ainsi trouvé le pont entre sa
propre imprégnation religieuse et une manière moderne
de représenter, dans un contexte imaginaire, l'effort
millénaire poursuivi les hommes pour l'abolition du mal.
Avec son savoir biblique, sa connaissance des mythes antiques
méditerranéens et orientaux, King aurait pu faire aussi
bien que son modèle nordique, dans un registre
différent. Son oeuvre est aussi pleine d'échos
empruntés à de multiples fonds mythiques, de
résonances suggérées par un grand nombre
d'héritages divers et complexes. Il en est venu, comme
Tolkien, à créer un monde autonome avec ses êtres
et ses lois. Mais alors que Tolkien donne l'impression de construire
son univers immense -déroutant, mi-féerique,
mi-inquiétant- autour de nous naturellement, il apparaît
comme quelque chose de forcé chez King, où on sent le
procédé, le caractère artificiel. Et on l'a vu
plus haut avec l'exemple de l'anneau, il lui manquera toujours
l'essentiel pour égaler son maître, le parfait
contrôle de ses oeuvres et le suprême raffinement de
Tolkien.
On pourrait enfin ajouter que Tolkien a tenu à préciser
que son oeuvre n'était pas un simple récit
d'évasion. Bien qu'il prétende qu'il n'y a pas de
relation à établir, Tolkien était historiquement
en présence de la deuxième guerre mondiale et la
nécessaire alliance des peuples de bonne volonté
s'imposait pour vaincre le mal. Alors que l'oeuvre de King se situe
dans un monde qui se trouve en perte d'idéaux collectifs et
dont les habitants se réfugient dans des existences
cellulaires. Sans bien voir l'Adversaire...
Roland Ernould © 1998.
(roland.ernould@neuf.fr).
Site web: http://rernould.perso.neuf.fr
Armentières, septembre 1998. Revu
mai 1999.
Ces opinions n'engagent que leur auteur, qui reçoit avec
reconnaissance toutes les remarques qui pourraient lui être
faites.
Voir ma note de
lecture :
Henry N. Beard
& Douglas C. Kenney, Lord of the
ringards
La parodie du
Seigneur des anneaux
traduction de Karim Chergui et Alain
Nevant, éd. Bragelonne, 2001.
Quelques livres de Tolkien en
édition poche.
Notes
:
'SALEM'S LOT
1975, éd. fr. SALEM, Lattès
1981
DANSE MACABRE 1981, éd. fr.
tome.1. ANATOMIE DE
L'HORREUR , éd. du Rocher
1995
tome 2. PAGES NOIRES ,éd. du Rocher 1996
THE DARK TOWER, éd. fr. LA TOUR
SOMBRE , 1 -THE GUNSLINGER 1982,
éd. fr. LE
PISTOLERO J'ai lu 1991
THE EYES OF THE DRAGON 1984 & 1987, éd. fr. LES YEUX DU DRAGON Albin
Michel 1995
THE TALISMAN 1984, Stephen King & Peter Straub, éd. fr.
LE TALISMAN DES
TERRITOIRES Robert Laffont 1986
IT 1986,
éd. fr. ÇA Albin Michel 1988
THE DARK TOWER, 2.THE DRAWING OF THE
THREE, éd. fr. LES TROIS CARTES, J'ai lu
1991
THE DARK TOWER 1991, 3. THE
WASTELANDS 1991, éd. fr.
TERRES PERDUES J'ai Lu 1992
INSOMNIA
1994, éd. fr. INSOMNIE, Albin Michel
1995
THE DARK TOWER, 4. WIZARD AND
GLASS 1997, trad. fr. Éditions
84, mai 1998.
Les romans
de La Tour Sombre :
1
La plus ancienne mention
que j'ai relevée se trouve dans Le printemps des baies, qui date de 1968 et a paru dans la revue
étudiante Ubris: dans le
brouillard, "Vous vous
attendiez presque à croiser Frodo ou Sam les
hobbits"... (Danse Macabre, Avant-propos, p. 21). Mais cette
référence ne prouve rien, car la nouvelle a
été réécrite pour sa
réédition. Il est vraisemblable que, la
réputation de Tolkien aidant, King le connaissait à
cette date. En 1968, il était à l'UMO depuis deux
ans.
Curieusement, p. 17, il avait évoqué les
"univers
parallèles" de
Tolkien: qu'entendait-il par là?
2
Le Seigneur des
Anneaux a été
publié en Grande-Bretagne en 1954 où il a
rencontré une certaine faveur. Sa publication fut plus tardive
aux U.S.A., où il eut d'abord un succès d'estime, avant
de susciter soudain un total engouement. Un véritable culte
naît sur les campus et l'oeuvre fut adulée comme un
pamphlet contre la société contemporaine, un retour
à un monde sans problèmes d'écologie, et la
résurrection de valeurs disparues. En France, la trilogie
n'est parue qu'entre 1971 et 1973 (Christian Bourgois
éd.).
3
Frodo et Sam sont les
personnages centraux de la trilogie des Anneaux. Le Modèle de Pickman est une nouvelle de Lovecraft
(Oeuvres
Complètes,
édition en 3 volumes, établie par Francis Lacassin,
Laffont, édition de 1995, tome 2, p. 243).
4 "Qu'avide il se
meure, maître de l'anneau, qu'il en soit son
esclave", L'Or du Rhin, scène 4.
5
Il faudrait une page pour
faire la synthèse de ces notions que King affine
progressivement au fil des oeuvres. En gros, le ka est
de destin. Un ka-tet est un
groupe d'individus liés par un destin commun, et partageant
les mêmes buts et les mêmes intérêts. Les
membres d'un ka-tet
communiquent facilement entre eux: "Chacun de vous trois est capable de connaître la
pensée des autres" (Terres Perdues, 4.19)
6 "Les Cinq
Cents Chapeaux de Bartholomew Cubbins, du Dr Suess: "Le pauvre Bartholomew était un cul-terreux qui
avait eu le malheur de se trouver en ville au passage du roi. On
devait enlever son chapeau en présence de sa majesté et
Bartholomew avait certainement essayé, mais pas de chance:
à chaque fois qu'il l'enlevait, un autre, identique au
premier, prenait sa place",
(pp 591/2).
7 Les fragments les
plus présentables ont été réunis par le
fils de Tolkien, et publiés par Christian Bourgois.
Disponibles en 3 volumes Pocket junior J 256/8.
Voir mes
études sur La Tour Sombre :
En marge d'Insomnie :
DES MYTHES RELIGIEUX
AUX PUISSANCES DE LA TOUR SOMBRE.
Un arbitre suprême
innommé régit l'équilibre entre les
puissances des Maîtres du Temps, entre
l'Aléatoire et l'Intentionnel. Pour résoudre
un problème qui menace la stabilité des
mondes, il utilise deux humains d'exception. par
l'intermédiaire de ses représentants
terrestres.
L'étude propose une lecture de ce roman, qui apparait
comme un complément du cycle de La Tour
Sombre à
partir des mythes anciens moyen-orientaux.
Les
petites soeurs d'Élurie : LES VAMPIRES A LA ROSE.
Cette nouvelle pèsera
plus lourd que sa cinquantaine de pages. Elle est d'abord
contemporaine du nouveau projet de son auteur, que
La Tour
Sombre soit le
carrefour d'une partie de son oeuvre; et des
éléments venus d'ailleurs montrent que le
désir de l'auteur est en voie de réalisation.
Elle est ensuite un prolongement du genre vampire, que King
avait si brillamment porté à un niveau
exceptionnel avec Salem,
mais qu'il n'a repris que dans trois autres nouvelles. Elle
offre ensuite une curiosité, avec les
insectes/docteurs, qui peut-être feront partie du
monde de La Tour Sombre. Elle présente une image sensiblement
différente de Roland de Gilead, apparue dans
Magie
et
Cristal, dont la
rédaction semble avoir été
simultanée avec cette nouvelle. Apparaissent encore
de nouveaux détails sur l'univers de La Tour
Sombre. Et surtout
pour la première fois la nature du ka, jusqu'à
présent indéterminée, est
rattachée à la vieille pratique de King, au
dieu chrétien. Remarquable nouvelle, à
l'action bien menée, aux contenus précieux et
posant des interrogations multiples, qui augurent bien du
prochain tome annoncé, avant l'accident de King, pour
dans deux ans.
King et
Farmer: TOUR,
QUÊTE ET KA : LES
TOURS , 1ére partie.
De nombreux peuples anciens
ont intégré dans leur conception du monde
l'idée d'un axe cosmique qui unirait le ciel et la
terre, ou la terre et le monde souterrain. Ils pensaient que
les diverses régions du monde étaient ainsi en
rapport les unes avec les autres, et disposées autour
de ce centre cosmique.La tour est un symboles récents
apparu dans l'Antiquité, et elle est devenue le
symbole de la liaison entre le ciel et la terre: par voie de
conséquence, ils signifient l'ascension de
l'âme par rapport à la matière, et la
difficulté du développement spirituel humain.
Le ziggourrat babylonien remplit cette fonction, avec
l'étage supérieur réservé
à la divinité. La tour est restée dans
une symbolique , qu'apprécient les lecteurs de King,
avec la saga de la Tour Sombre et sa genèse,
poursuivie depuis près de quarante ans. Mais il n'est
pas le seul à utiliser le mythe. Un de ses
contemporains notamment, Philip José Farmer, a dans
le même temps utilisé la symbolique de la Tour,
comme King.
King et
Farmer: TOUR, QUÊTE ET KA : LA
QUÊTE, et autres notions 2ère partie.
Philip José Farmer ne
s'est pas limité, avant King, à utiliser la
symbolique de la Tour. On y trouve aussi curieusement de
nombreuses coïncidences qui valent la peine d'y
regarder de plus près: le thème de la
quête, des notions telles que le ka, les aura, l'image
de l'échiquier, l'utilisation des univers
parallèles, des rapprochements littéraires
fréquents avec Alice, le Magicien d'Oz, bref une
partie non négligeable de ce qui forme les notions
fondamentales du cycle de la Tour entrepris par King. Pour
les curieux de création littéraire, il peut
être intéressant d'analyser comment deux
auteurs contemporains utilisent et exploitent des
idées semblables dans des perspectives aussi
différentes que possible.
|
ce texte a
été publié dans ma Revue trimestrielle
différentes saisons
saison # 4 -
été 1999.
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