Henry N. Beard & Douglas C. Kenney, Lord of the ringards

La parodie du Seigneur des anneaux

traduction de Karim Chergui et Alain Nevant, éd. Bragelonne, 2001.

Après La Bible et Harry Potter, Le Seigneur des anneaux de J. R. Tolkien est le troisième livre le plus vendu au monde. Cette fresque historique, soigneusement réfléchie et polie par son auteur, résultat de ses travaux pendant des dizaines d'années, a été revue sous la forme d'un pastiche parodique, Bored of the Ring (les ennuyés des anneaux) réalisé en six semaines en 1968 par Beard et Kenney. Le titre original en anglais de Tolkien, Lord of the rings a été détourné dans la traduction française pour devenir Lord of the ringards.

Étudiants à Harvard, les auteurs faisant alors partie de Harvard Lampoon, confrérie universitaire fondée en 1876, qui éditait un magazine éponyme.
Lord of the Ringards est la parodie du Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien. Le roman était devenu populaire à la fin des années 60. Le Harvard Lampoon venait de publier une parodie de Life magazine qui s'était très bien vendue, mais qui avait coûté trop cher à produire et se trouvait en déficit. Le livre a été écrit dans le seul but de faire de l'argent, et les auteurs n'osèrent pas le publier en Grande-Bretagne, de peur des réactions quant à la valeur de leur travail : "Le résultat est un livre aussi lisible qu'un linéaire de supermarché et d'une valeur littéraire aussi importante qu'un dépliant dédicacé de la chapelle mérovingienne de Trifouillis-les Oies." (12) Avec ce seul passage, le lecteur se rend compte que la traduction tiendra une place considérable dans son plaisir.

Les auteurs n'ont jamais caché leur intention de réaliser un livre rémunérateur vite fait et leurs buts sont clairement affichées dès les premières lignes du livre : "
La fonction essentielle de ce livre est de faire de l'argent." (15) On en apprend tout autant sur leurs motivations littéraires : "Fripon se demanda combien de temps encore les auteurs allaient pouvoir s'en tirer avec de telles foutaises." (73) ou faisant sortir un personnage pour intervenir dans leur travail d'écriture : "Effectivement, convint Morderir, ses yeux allant de la surface grise de la page à l'épaisse moitié de livre se trouvant dans la main droite du lecteur. Il nous reste encore beaucoup à faire." (95) 194 pages ont suffi dans cette édition pour résumer l'énorme roman de Tolkien. Ce livre est, paraît-il, la seule traduction au monde.

Il n'est évidemment pas question de le prendre au sérieux. Les noms choisis pour les personnages sont vulgaires à souhait : un Grosbit, Bidon Saké possède un anneau obtenu d'un certain Golmon lors d'une partie de devinettes. L'anneau possède des pouvoirs fantastiques. Le magicien Grandpaf annonce à Bidon et son neveu Fripon que sous l'impulsion du maléfique Salkon, que l'on croyait mort lors de la bataille de Thamponjex, des hordes de porks et de trolls se multiplient, et des spectres aux yeux rouges rôdent le long de la frontière de la Constip. Pour rétablir la situation, l'anneau doit être remporté aux Fosses à Zazous de Mordom. Fripon, Cam, Grandpaf, Jetli et Gland-Pas se mettent en route... et cela continue sur le même ton. Comme toute parodie, c'est excessif et extravagant, exagéré, et grotesque, plus ou moins drôle suivant la façon personnelle du lecteur d'aborder un travail parodique qui vient transformer un monument honoré avec des situations inconcevables, des personnages déjantés, des modifications sacrilèges … Écrit à la diable dans le seul souci d'amuser, ce pastiche ne se prend pas au sérieux et on ne voit pas bien ce que le lecteur pourrait faire d'autre. L'humour manque totalement de finesse, et les plaisanteries et blagues de potache tombent volontiers dans le genre pipi-caca. Mais on ne peut se montrer plus puriste que Tolkien lui-même qui, mis au courant par les auteurs lors de la rédaction du livre, s'est montré aimable, mais perplexe selon eux : il n'avait pas compris les blagues, mais il ne voyait pas d'obstacle à la parution du livre. Le seul intérêt vient de ce que les auteurs ont une bonne connaissance de Tolkien et que le jeu consiste pour le lecteur à trouver ce qu'il y a derrière. Le plus souvent, c'est évident. Quelquefois, plus difficile.

La quatrième de couverture :

Une quête, une guerre, un anneau dont même Wagner ne veut plus entendre parler, un roi sans royaume, un petit héros poilu nommé Fripon prêt - enfin, peut-être un peu forcé par le magicien Grandpaf - à s'embarquer dans une mission unique afin de sauver les Paires du Milieu de l'asservissement par le maléfique Salkon. Tels sont les premiers éléments du plus déjanté de tous les voyages en Fantasy qu'aucun être ait jamais entrepris.

Pour tous ceux qui ont pris plaisir à lire le chef-d'oeuvre de J. R. Tolkien - ou pour ceux qui veulent juste rire un coup : il y en a déjà plus d'un million à travers le monde - Lord of the Ringards est la grande rave comique qui convaincra aussi bien ceux qui aiment la fantasy que ceux qui la détestent qu'ils ont dépassé ici l'ultime frontière, et qu'il n'est donc plus la peine de lire une autre parodie de ce genre. Mais alors, plus jamais!


Les auteurs. Après avoir quitté le Harvard Lampoon, les auteurs ont créé le National Lampoon, à la fois un magazine et une société. Le magazine n'existe plus. La marque, par contre, est toujours active et travaille sur un petit nombre de projets. La plupart des scénaristes des séries et shows américains humoristiques (les Simpsons, le Saturday Night Live, le Prince de Bel Air, etc.) sont issus du Harvard Lampoon. Les auteurs pour leur compte, ont continué la presse parodique en multipliant les sorties de guides et de dictionnaires provocateurs (sur O.J. Simpson ou Bill Clinton) et en produisant des films comme American College (J. Landis) ou Alarme Fatale. Henry est maintenant seul, Douglas étant décédé en 1982.

Roland Ernould © 2002

Voir mon étude : Stephen KING et J.R.R. TOLKIEN

Deux créateurs de cosmogonies.

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