Stephen King : Insomnie,
étude.
DES MYTHES
RELIGIEUX
AUX
PUISSANCES
DE LA TOUR
SOMBRE.
La richesse d'une oeuvre
dépend aussi bien de la variété de son
inspiration que de la qualité de ses productions. Lou Van
Hille 1 a bien montré les sources littéraires de
la création du mythe de la Tour Sombre: H.P.Lovecraft, Lewis
Carroll, et - last but not least - J.R.R. Tolkien.
D'autres sources apparaissent également, qui ne viennent plus
d'influences littéraires, mais de l'éducation
religieuse reçue par King enfant. Il fut élevé
dans une famille méthodiste plutôt stricte, ce qui
explique, d'après lui, son intérêt pour les
forces du bien et celles du mal2. Il n'est pas question de faire de King un
théologien et on ne sait pas quelle connaissance
précise il a des légendes religieuses bibliques et des
notions qui y sont liées3, même si, adulte, il semble encore s'y
intéresser 4.
.. du site
..
Ce sont des croyances, en rapport avec les influences religieuses que
King a subies dans son enfance, qui seront examinées ici
à propos d'INSOMNIA5, roman dont Lou Van Hille déclare qu'il ne peut
s'empêcher de l'appeler «THE DARK TOWER, INTERLUDE6». Les nombreux rapports des personnages kingiens
avec Dieu ou des entités à caractère religieux
peuvent d'ailleurs être explorés dans une
synthèse plus vaste -qui reste à faire-, dont le mythe
de la Tour Sombre ne présenterait qu'un des aspects de la
quête.
1. LES
MAÎTRES DU TEMPS.
1.1.
L'imaginaire kingien.
Au sommet de la "tour gigantesque, construite dans une pierre
fuligineuse, noire de suie"(p. 419), vue en esprit par Ralph, se trouve celui qui
n'a pas été nommé (p. 628). On ne le
connaît que par une intervention qui modifie l'ordre des choses
et qui épouvante les Parques machrones Clotho et
Lachésis, "masque de
terreur et de vénération"mêlées, du paysan qui voit son pape (p.
627).
"Le flanc de la colline
s'illumina d'une lumière blanche éclatante. Lois crut
d'abord qu'elle provenait du ciel, très certainement parce que
les mythes et la religion lui avaient appris à croire que le
ciel était la source de toutes les émanations
surnaturelles. En réalité, elle semblait naître
de partout"(p. 627). Et celui
dont on ne connaît pas le nom se met à parler:
"Une voix s'éleva
alors...ou plutôt la Voix s'éleva. Elle ne
proféra que quelques mots, mais ils retentirent en elle comme
des cloches de fer:
[ IL PEUT EN ÊTRE AINSI
] "(p. 628).
Manifestement c'est l'entité suprême qui vient de
parler, et c'est à cette apparition majestueuse que la
révélation de Clotho s'applique: "Peut-être n'y a-t-il plus
d'aléatoire au-delà d'un certain niveau: nous le
supposons, mais nous ne pouvons l'affirmer avec
certitude"(p. 441).
Cette entité fait partie de celles qui "ont tout le temps devant elles, étant
éternelles, soit si près de l'être que ça
ne fait guère de différence"(p. 440). Aurait-elle l'éternité pour
elle-seule, les autres pantachrones n'en ayant que
l'équivalence? On ne sait pas.
Manifestement, ils sont quelques-uns à être "les
Maîtres du Temps"dans une hiérarchie, où le
kronos, le temps, est l'élément fondamental qui
régit les existences: les michrones (micro-temps, une vie
humaine); les machrones (macro-temps, plus de mille ans (p. 439);
enfin les pantachrones (tout le temps, l'éternité ou
presque) 7.
1.2.
L'imaginaire hébreu.
Yahvé, dans sa demeure
céleste sous la voûte solide qui constitue le firmament,
est le maître du temps. Pour des raisons à la fois
théologiques et historiques.
Théologiques.
Tirant son être de
lui-même, Yahvé se confond avec
l'éternité: il est l'Eternel. C'est la création,
acte divin, qui a mis l'univers en mouvement. Avec l'apparition de la
matière, de la vie et de l'homme, le temps commence. C'est le
mouvement qui fait le temps et l'histoire. Eternel, Yahvé
maîtrise aussi le temporel.
La création continue est ensuite nécessaire pour
maintenir l'existence des êtres selon les perspectives et les
desseins divins: par analogie, on peut comparer la divinité
à un artiste qui découvre des rapports nouveaux ou
inaperçus, entre les êtres ou dans un être qu'il
met en lumière, et qui lui ouvrent de nouvelles
perspectives.
Historiques.
Les peuples de l'Orient ancien
différenciaient les dieux qui régulaient le
déplacement des astres (ciel stellaire) de ceux qui
réglaient les intempéries
(atmosphère)8. Ces dieux, comme toujours en conflit les uns avec les
autres, habitaient des lieux élevés ou des temples sur
les hauteurs.
Le monothéisme hébreu fusionna les dieux stellaires et
les dieux atmosphériques. Juste sous le firmament, les cieux
devinrent le séjour de Yahvé9, créateur et moteur des astres, la couleur bleue
ou grise atmosphérique étant un voile cachant sa
demeure.
Par ailleurs,le ciel atmosphérique, avec ses vents, ses nuages
capricieux, ses orages, a été considéré
longtemps comme assujetti à des puissances destructrices
n'obéissant pas aux lois de la création
divine10. Aussi les dieux de l'atmosphère (Baal, dieu
phénicien et sémitique, Hadad, etc ) finirent-ils par
être considérés comme des divinités
néfastes. Les prêtres Hébreux eurent à
lutter tout au long de leur histoire pour préserver le culte
de leur dieu unique contre ses rivaux.
Yahvé, par la suite appelé Dieu, deviendra ainsi le
maître de tous les temps (stellaire et atmosphérique) et
imposera sa vision cosmique de sa demeure céleste, ou
trône, d'où il peut agir partout.
2.
L'OPPOSITION DE 2 ORDRES.
2.1.
L'imaginaire kingien.
Les Pantachrones, Maîtres du
Temps, forment deux clans rivaux coexistant dans la Tour Sombre.
Subordonnés à celui qui n'a pas été
nommé, ils ont des champs d'action opposés. La fonction
du coordinateur inconnu est de maintenir un équilibre entre
les ordres. Quand des problèmes se posent, c'est à lui
de les régler: "A tous
les niveaux de l'univers, les affaires reprirent leur cours
ordinaire (...).
Des mondes qui avaient un
moment tremblé sur leur orbite reprirent leur
assiette"(p. 667).
Ces deux ordres sont l'Intentionnel et
l'Aléatoire11. "L'Aléatoire est insensé. L'Intentionnel
est rationnel"(p. 541). En
principe, ces deux ordres n'interfèrent pas: "l'Aléatoire et l'Intentionnel sont
comme des cases blanches et noires d'un échiquier, qui se
définissent par leurs contrastes de couleur"(p. 438). Sauf dans les situations
particulières où l'Aléatoire cherche à
l'emporter sur l'Intentionnel12: "Les efforts
contre ces interventions sont rares13 (...) et ne sont
décidées que si la situation (...) est
délicate"(p. 438).
Dans le cas présent, une action imprévue d'un agent de
l'Aléatoire "va
provoquer de nombreux problèmes à tous les niveaux,
sans parler d'un sérieux déséquilibre entre
l'Intentionnel et l'Aléatoire - à moins que la
situation ne soit rectifiée"(p. 438).
2.2.
L'imaginaire manichéen.
Dans l'Ancien Testament, il y a Yahvé, devenu Dieu avec une majuscule,
qui n'a plus de rivaux, les anciens dieux étant vaincus ou
disparus. Le mal est dans la faiblesse des hommes de son peuple qui
ne suivent pas la loi divine et les abominations des impies
adorateurs d'idoles. Il n'y a pas de Satan14 dans le Pentateuque, et les premiers livres de l'Ancien
Testament, qui ne sont pas dualistes15.
Il y a par contre de nombreuses mythologies anciennes, communes aux
Indo-Européens, où les ordres du Bien et du Mal
coexistent et s'affrontent. On pense que ce dualisme ne fait que
reproduire les grandes oppositions naturelles: jour/nuit, ciel/terre,
soleil/lune, homme/femme, Yin/Yang. Ainsi le Mazdaïsme.
Zarathustra (encore appelé Zoroastre) a contribué
à élaborer une sorte de monothéisme, où
Ahura- Mazdâ (le seigneur de la Lumière et du Ciel, le
seigneur sage, appelé encore Ormuzd) est créateur et
maître du monde. Le monde qu'il crée est semblable
16 à celui qui, simultanément se mettait en
place dans les traditions orales de l'Ancien Testament. Avec, en plus, un chef des mauvais
esprits,
Angra Manyu, qui essaie
de ruiner l'oeuvre du créateur. Mais, superstitions aidant, ce
monothéisme se transformera très vite en un dualisme
hiérarchisé. Deux principes se partagent le monde: le
mauvais: Angra Manyu, l'esprit cruel du mal est un personnage divin
aussi puissant que l'Esprit du bien, Spenta Manyu, qui cherche
à maintenir la création bonne. Ces deux puissances
sollicitent constamment les hommes dont la responsabilité
morale consiste à choisir entre les deux. Mazdâ, le dieu
suprême, juge chaque homme après sa mort. Si l'homme a
choisi le bien, il aura dans l'au-delà une vie de bonheur et
de tranquillité. S'il a choisi le mal, il connaîtra le
châtiment éternel.
Quand on parle du manichéisme chrétien, qui s'inspire
plus tard encore de ces doctrines en même temps que de celles
de l'Ancien Testament, on se l'imagine apparaissant au début
de notre ère. Il n'en est rien. En fait ce fut Manès (-
IIIè s.) et ses successeurs qui vont faire la synthèse
entre le christianisme en gestation et le mazdéisme, au terme
de laquelle on verra Mazdâ/Jésus affronter Ahriman
(Angra) /Satan.
Ce dualisme commode littérairement, qui régit toujours
notre existence moderne: le sacré et le profane, le bien et le
mal, le faste et le néfaste, le permis et le tabou.est devenu
dans INSOMNIA une
sorte de triade semblable à celle de Zarathustra: une
autorité supérieure paraissant réguler les deux
principes antagonistes devenus parallèles et
complémentaires...
Est-ce cette triade, ainsi schématisée, qui serait
ultéreurement mise en péril, et provoquerait la
désorganisation de la Tour Sombre?17.
3. DES ORDRES
HIERARCHISES.
3.1.
L'imaginaire kingien.
La Tour est divisée en de
nombreux niveaux.
° La sphère
des michrones.
Les deux premiers étages sont
ceux des michrones (p. 419), les humains, auxquels une
"certaine quantité de
vie est allouée"(p.
429).
- la quasi-totalité, les «normaux», qui
dépendent de l'Intentionnel et de l'Aléatoire comme
toutes choses vivantes.
- ceux qui échappent à l'Intentionnel et à
l'Aléatoire, comme Ed Deepneau, Patrick Danville ou Nathalie
Deepneau.
- enfin les charismatiques comme Ralph, auxquels une situation
particulière donne momentanément un statut exceptionnel
après qu'ils ont passé leur vie antérieure comme
partie intégrante de l'Intentionnel.
°° La
sphère des machrones.
Au-dessus il y a les machrones, comme
Clotho, Lachésis et Atropos, dont les fonctions sont
différentes. Les deux premiers sont les agents de la Mort et
de l'Intentionnel, intervenant "avec amour et respect"(p. 422) quand le terme d'une vie humaine est
achevé. Atropos, au service de l'Aléatoire, responsable
de la plupart des "morts que
les michrones appellent «idiotes», «inutiles» ou
«tragiques»"(p.
432) est le serviteur de "forces mauvaises et puissantes"(p. 444).
Seuls certains michrones comme Ralph peuvent s'opposer aux machrones
(p. 438). Dans cet univers, qui fonctionne comme une entreprise
industrielle moderne, la fonction des machrones intervenant dans le
récit est très limitée (p. 440).
"Michrones et machrones vivent
dans des sphères d'existence qui se superposent, des
étages différents d'un même bâtiment qui
communiquent (...),
sphères régies
par l'Intentionnel et l'Aléatoire"(p. 440).
°°°La
sphère des Pantachrones.
Ils sont au sommet18 de la hiérarchie, régissant les
"quatre constantes - la Vie,
la Mort, l'Intentionnel et l'Aléatoire"(p. 431). Certains appartiennent à
l'Intentionnel, d'autres à l'Aléatoire.
"Au-delà du niveau
d'existence des michrones et des machrones (...), il y a
d'autres niveaux. Ils sont habités par des créatures
que nous pourrions appeler des pantachrones (...). Au-dessus
de ces étages qui nous sont inaccessibles, mais font
néanmoins partie de la même tour d'existence vivent
d'autres entités"(p.
440).
°°°°Les Entités
bénéfiques.
"Certaines sont merveilleuses,
extraordinaires"et font
partie de l'Intentionnel Supérieur (p. 440). Nous n'en avons
qu'un exemple, l'Homme Vert: "Elle
[Lois] se vit alors prise dans
une étrange lumière, d'un vert atténué,
qui ondoyait tout autour d'elle, lançant ses rayons entre son
corps et ses bras
(...). Cette lumière la
caressait avec des mains sans chaleur de la couleur de la mousse
espagnole
(...). La seule chose au monde
qu'elle avait envie de faire était de se tourner pour
contempler la source de la lumière verte"(p. 632). "Il paraissait bon (...). Je n'arrivais pas à le
distinguer. Son aura était trop brillante"(p. 634).
L'Homme Vert montera le coup des fermoirs des boucles d'oreilles de
Lois enlevés en prévision des blessures qui seront
causées aux adversaires.
°°°°°Les Entités maléfiques.
"D'autres sont hideuses
au-delà de notre faculté de compréhension, et
encore plus de la vôtre"et font partie de l'Aléatoire Supérieur
(p. 440). Comme le dit le Roi Pourpre: "Il vaut mieux que tu ne me voies jamais sans mes
déguisements"(p.
444).
Il prend successivement les formes suivantes pour faire peur à
Ralph:
- la mère de Ralph, pour l'admonester, dans un décor
virtuel qu'il crée à mesure (p. 644).
-un silure, représentation d'un poisson que Ralph enfant avait
pêché, en se dénommant tantôt
"le
Roi-Poisson"(p. 649),
tantôt "la
Reine-Poisson"(p. 652). En
effet le poisson pêché était un silure femelle,
avec ses oeufs (p. 651): le frère de Ralph lui avait dit que
le silure était venimeux.
Autrement dit, les simulacres de la mère de Ralph ou du silure
sont des choix psychologiques de créatures destinées
à rappeler des peurs infantiles chez Ralph et à lui
faire perdre ses moyens.
- la silhouette d'un homme rouge, rutilant, au regard froid et
à la bouche impitoyable; grand, blond, d'une beauté
glaciale, avec des yeux et des mains rouges (p. 653);
- et enfin l'apparence d'un vieillard tors, qui a perdu beauté
et jeunesse (p. 654)19.
Quand Ralph réussit à utiliser le moyen
suggéré par l'Homme Vert, il se produit un
"éclair vert
titanesque"et
extraordinairement éclatant (p. 655) 20
3.2.
L'imaginaire manichéen.
Mazdâ, le dieu de Zarathustra,
est le cercle complet des cieux eux-mêmes, habillé avec
la voûte solide du ciel. Souverain céleste unique, il
est entouré d'un Conseil de 6 saints immortels, encore
appelés Archanges, nominalement chargés chacun d'une
fonction: l'empire, la justice, l'intégrité. Il dispose
d'une légion de divinités de moindre importance, feu,
eau, soleil, lune, vent etc. Zarathustra, divinisé, combat sur
la terre avec ses propres forces.
Le dieu du mal a également de nombreux subordonnés:
chaque dieu du bien est marqué par son adversaire
antithétique, démon responsable de telle
adversité humaine et possédant son nom particulier.
Toutes ces entités, bénéfiques ou
maléfiques, sont tributaires du dieu souverain, dont elles
sont les auxiliaires ou les adversaires.
3.3.
L'imaginaire chrétien.
Dans sa demeure céleste du
firmament, invisible des hommes à cause de
l'atmosphère, Dieu, le Très-Haut, assis sur son
trône, voit l'univers et peut agir partout (création
continuée). Il est le chef des armées célestes,
des anges organisés en une hiérarchie de 9 ordres (ou
choeur: le choeur des anges) qui vont du séraphin à
l'archange. Certains de ces archanges sont particulièrement
actifs, comme l'archange Gabriel. Les spéculations
théologiques sur leurs missions, leur hiérarchie, leur
sexe sont légion.
Il est entouré du Christ, de Marie, de divers élus et
de certains saints. Sa demeure comporte plusieurs degrés, 3,
puis 7, qui forment les cieux21. Il a comme ennemi Lucifer22, le porte-lumière déchu, l'orgueilleux
que l'ambition de ressembler à Dieu a précipité
dans l'abîme. C'est le démon supérieur, à
la haute intelligence pervertie et d'autant plus redoutable. Il a
regroupé autour de lui de mauvais anges, les démons,
qui cherchent à tromper, à avilir. Tous les vices et
les erreurs -violence, pouvoir, beauté, avidité de
richesses, passion- sont colorées d'un aspect séduisant
et sont autant de masques du démon. Les bons, comme les
mauvais anges, peuvent apparaître sous de multiples formes.
Il faut noter que Dieu agit sans subordonné direct
préposé au bien, et que les puissances du mal ne
peuvent l'atteindre directement: elles ne peuvent qu'entraîner
le monde dans l'apostasie et le nihilisme, et défaire la
création.
4. AUTRES
RAPPROCHEMENTS.
4.1. Le
Messie.
Le messie est celui qui crée
une situation nouvelle qui bouleverse de fond en comble les relations
établies pour instaurer un ordre différent,
fondé sur d'autres principes que ceux de l'ordre actuel
(toujours positif, justice, paix, bonheur).
Le Roi Pourpre, dont le roi Hérode23 n'était que "l'une des réincarnations", "qui
saute d'un corps à l'autre et de génération en
génération"est
"toujours lancé
à la recherche du Messie", qu'il a "toujours manqué, mais cette fois, ça
pourrait être différent"(p. 87).
Le messie est peut-être Patrick Danville24, qui doit accomplir une mission
"pour que persiste
l'équilibre entre l'Intentionnel et
l'Aléatoire"(p. 671).
Pour l'instant, il dessine "une tour sombre, couleur de suie", avec à côté
"un homme en jean
délavé, portant autour des hanches deux ceinturons
d'où pendaient deux étuis à
revolver"(p. 664), dont le
nom est Roland: "C'est un roi
aussi"(p. 665).
4.2. La
lumière.
Le Dieu biblique apparaît avec
la lumière, émanation du soleil et du ciel. Il est
aussi la lumière de toute idée, y compris l'Idée
de l'Univers. Il voit au fond des consciences.
Dans toutes les religions, les dieux apparaissent ainsi
auréolés de lumière.
Dans INSOMNIA,
celui dont on ne connaît pas le nom se signale aussi par
"une lumière blanche
éclatante"(voir plus
haut §1.1.).
Cette théologie de la lumière25 a engendré son antithèse, la
théologie des ténèbres26, domaine des démons et de l'enfer.
D'où les deux couleurs27 de la symbolique démoniaque: le noir du mal et
le rouge de l'enfer. Le Roi Pourpre et l'Homme Noir en sont deux
émanations.
4.3.
Séjours et portes.
Dans l'Ancien Testament, Yahvé
est au firmament. Il n'y a aucun séjour pour une autre
divinité.
Dans l'imaginaire chrétien, Dieu est aux cieux, et le Diable
est en enfer (voir § précédent).
Originalité: King place dans le même lieu les puissances
du bien et celles du mal.
Dans la BIBLE, il
n'y a pas de divinité ou de puissances vivant dans des tours.
La Tour de Babel, construite par des hommes téméraires
pour atteindre le ciel, ou les Tours de la Mort des Perses sont sans
rapport.
Quand aux portes, celles des demeures divines28 sont assimilées à celles des
villes, protégées quasi militairement, et on n'utilise
pas de rites magiques pour les franchir. Certains accèdent
même facilement au séjour divin: "Après cela, je vis; et voici une porte
ouverte dans le ciel
(...).Et voici qu'un
trône était placé dans le
ciel..."(Apocalypse, 4.1).
4.4.
Passages.
Dans INSOMNIA,
des passages aux niveaux supérieurs sont possibles:
"Puis quelque chose s'ouvrit
au-dessus d'eux, une trappe de ténèbres dans lesquelles
tourbillonnaient des rayons conflictuels de couleurs (...). Un passage venait de s'ouvrir entre le niveau où
il se tenait et l'un des niveaux inimaginables empilés
au-dessus"(p. 656).
Les puissances supérieures peuvent descendre (l'Homme Vert, le
Roi Pourpre), mais les subordonnés ne peuvent pas
accéder aux étages supérieurs (p. 440).
Dans l'imaginaire chrétien, le passage est possible dans les
deux sens. Jésus et Marie seraient ainsi montés au ciel
avec leurs corps et restés. D'autres, Paul, Jean, y firent de
brèves visites, mais revinrent sur terre 29.
4.5.
Tractations avec les puissances.
Ses créatures
intercèdent auprès de Yahvé fréquemment,
dans des négociations d'affaires particulièrement
serrées,qui confinent parfois au mégotage
30.
Il en est de même quand Ralph demande avec insistance aux
machrones d'échanger la vie de Patrick Danville contre celle
de Nathalie Deepneau (p. 627), dont la mort a été
décidée par Atropos (p. 611), ce qui suscite
l'intervention de la Voix et sa décision favorable.
4.6.
Après la mort.
Dans l'imaginaire hébreu, il
n'y a rien après la mort 31.
Pour les Chrétiens, il y a l'attente du Jugement Dernier, avec
des lieux déterminés, Paradis, Purgatoire et Enfer.
Dans INSOMNIA,
les morts passent "partout",
"dans d'autres mondes que
celui-ci"(p. 430). Rejet du
mythe chrétien ou ignorance des Parques-machrones qui ne
savent pas en dire davantage?
L'imaginaire kingien nous a proposé recemment deux situations
identiques:
- Ralph, mort, envoie une vision à Lois32 : "Elle se trouvait dans un lieu obscur, rempli de l'odeur
douce du foin et des vaches, dans un endroit transpercé par
des centaines de rayons d'une lumière éclatante. Jamais
elle n'oublia la joie violente qui s'empara d'elle à ce moment
précis, aussi pure et brûlante qu'une flamme, ni la
conviction qu'elle voyait représenté un univers que
Ralph voulait lui faire connaître, un univers où
derrière les ténèbres, brillait une
mumière éblouissante"(p. 717). Cette vision est celle d'un jour
mémorable de la vie de Ralph, à 18 ans, quand il se
réveilla, un matin de voyage, dans une grange au toit
percé de rayons solaires (p. 143).
Dans THE
REGULATORS, il y a
exactement la même situation avec Seth et sa tante Audrey qui,
après leur mort, se retrouvent en un monde parallèle
merveilleux (p. 384), dans le même décor que le souvenir
d'un après-midi de lumière lors d'un week-end magique
passé avec une amie (p. 99) et qui est le meilleur souvenir
d'Audrey.
4.7. Pour
mémoire :
- les Parques, femmes, appartiennent à plusieurs
croyances: grecque, latine -ici les noms sont grecs- , scandinaves ou
germaniques: les Nornes, déesses du destin, interviennent dans
L'ANNEAU DU
NIBELUNG, l'opéra
mythique de Wagner.
- le ka. Le nom est égyptien, mais la notion se
trouve sous divers noms dans de multiples cultures. c'est le
«mana» mélanésien, l'énergie, la force
vitale, le pouvoir, qui s'appelait «el» en hébreu
33.
En guise de
conclusion.
Trois directions paraissent se
dégager à la fin de cette étude.
1. Cette Tour Sombre est bien évidemment allégorique:
inutile de chercher à mettre autant de monde (tous les
humains! plus les machrones associés et le personnel
hiérarchique!) dans un édifice unique! Difficile
à concevoir et peu utile littérairement. Il faut donc
chercher d'autres explications.
Se déplacerait-elle dans l'espace et le temps, pour des
fonctions déterminées, avec des dimensions concevables
pour l'imagination? Probable, car les Parques-machrones ont plus de
mille ans (p. 439) et il n'y avait pas grand monde en
Nouvelle-Angleterre en ce moment-là!
Serait-elle à Derry, où "toutes les lignes de forces"ont commencé à converger (pages 87 et
384).parce qu'il y a là une source de perturbations graves
pour la stabilité de la Tour, et que des entités sont
en rivalité pour éliminer ou sauver le Messie et
assurer ainsi leur avenir?
Et enfin l'autre Tour, celle dessinée par Patrick, serait-elle
une représentation symbolique transposant le conflit en champ
clos et réduisant le conflit général en une
sorte de duel individualisé, où les puissances auraient
envoyé leurs champions? Dans le domaine des mythes, il y a eu
David contre Goliath. Le pistolero et ses amis seraient-ils les
Horaces du bien combattant les Curiaces du Roi Pourpre? Partie
d'échecs avec les cases noires et blanches de l'Intentionnel
et de l'Aléatoire...
2. Ces parentés, ressemblances, similitudes de croyances
à la fois anciennes et actuelles ont montré de
manière évidente que bien des aspects de l'oeuvre de
King sont en correspondance avec les grands mythes religieux
judéo-chrétiens. Il est possible ainsi de mieux
s'expliquer la navigation du pistolero King entre les forces obscures
et les forces de la lumière dans certaines de ses fictions.
Par ces éclairages, on peut mieux saisir pourquoi King
n'utilise pas seulement ces éléments de manière
littéraire, pour produire plus ou moins artificiellement une
littérature de peur et de divertissement, mais pour exorciser
ses propres craintes et ses interrogations sans réponses sur
l'existence du mal, son intolérable
omniprésence34, et dès lors sa fonction?
3. Fonction qui pourrait bien être en relation avec les
rapports liberté humaine/ordre et désordre des choses.
C'est un sujet vaste, qui concerne une grande partie de l'oeuvre
kingienne et dont il est difficile de faire la synthèse. La
grande question, pour King, semble être actuellement de savoir
quelle place tient la liberté humaine dans des intrigues
où les événements sont organisés par des
puissances supérieures. Trop de notions sont en jeu
-fatalité, finalité, providence, aléatoire,
chance, contingence, libre-arbitre- dont les champs sont souvent
flous, pour qu'on puisse établir facilement
l'itinéraire et l'évolution spirituelle de King,
d'autant plus que les aspects philosophiques ne sont guère mis
en valeur dans les analyses qui en sont faites. Et pourtant, il y a
lieu, au-delà des aspects apparents de l'oeuvre qui font son
succès, de se pencher sur un fond permanent -sans doute
perçu, mais difficilement exprimé- qui touche notre
mystérieux destin, avec ses interrogations, ses
lumières et ses ombres. Il est certain qu'une oeuvre comme
LA TOUR
SOMBRE, poursuivie sur
près de vingt ans, hésitante, tâtonnante, dont il
se dit lui-même l'esclave 35, pourra fournir des indications supplémentaires
précieuses. Si tant est que la symbolique de la Tour lui
permette de délivrer un message suffisamment clair.
King, pas seulement un romancier doué, mais aussi un
métaphysicien.
Roland Ernould © 1997. (roland.ernould@neuf.fr).
Armentières, le 8 février 1997. Étude parue dans
Steve's Rag, juillet 1997.et dans Cleaver (Italie), 1997, #4 et #1, 1998.
Ces opinions n'engagent que leur auteur.
Notes
1 Lou Van Hille, LA TOUR SOMBRE, Steve's Rag,
hors-série n°1, mars 1996.
2 "Above all else,
I'm interested in good and evil, whether or not there are powers of
good and powers of evil that exist outside ourselves. I think that
the concepts of good and evil are in the human heart, but because I
was raised in a family strict religious home (Methodist), I tend to
coalesce those concepts around God symbols and evil symbols, and I
put them in my work",
interview à propos de
IT, 1986, cité par
George Beahm, THE STEPHEN
KING STORY, éd.
Warner Books, 1992, page 321. Pas de traduction française
à ce jour.
3 A Durham, "the
King family settled down in what was known locally as Methodist
Corners, so named because of the proximity of the West Durham
Methodist Church (...) which, according to a plaque outside the
building, is «the Second Oldest Methodist Church in Continuous
Use in New-England» (...). It was a focal point for community
activities for the children, including Stephen and David King, who
attended Bible classes and church services on a regular basis (...)
under the supervision of lay minister Charles Huff", George Beahm, THE STEPHEN KING STORY,
op.cit., pages 26 et 27.
Rappelons que quand Stephen et Tabitha se sont mariés en
janvier 1971, la cérémonie eut lieu dans une
église catholique (Tabitha étant catholique romaine) et
la réception à l'église méthodiste (Steve
étant méthodiste).
4 A la fin de DESPERATION,1996, trad. fr. DESOLATION,
éd. Albin Michel, 1996, figurent des remerciements à
William Winston, pasteur épiscopalien.
5 1994, trad. fr.
INSOMNIE,
éd . Albin Michel, 1995. La pagination de l'étude est
celle de cette édition.
6 Lou Van Hille, op.cit., page 35.
7 Rappelons: 1. que la Tour est définie comme
étant le "Pivot du
Temps"(THE DARK TOWER, I.THE GUNSLINGER
AND THE DARK MAN), ou encore
un "carrefour dans le
temps", (op.cit. II.
THE ORACLE AND THE
MOUNTAINS); 2. que, par
exemple, Maerlyn est capable de "remonter le temps"et que l'homme en noir parle de sa vie en milliers
d'années (op.cit. I.THE
GUNSLINGER AND THE DARK MAN).
8 Tous les lycéens ont vu en classe leur
équivalent dans le panthéon grec ou romain et
connaissent ces différences.
9 Les choses ne sont pas aussi simples que la
méconnaissance des légendes cosmogoniques le laisse
penser. Dans l'ANCIEN
TESTAMENT, il y a en fait
plusieurs noms qui correspondent à des qualités
particulières de celui qui ne doit pas être
nommé: Elohim (cité ainsi dans le texte) serait
plutôt le dieu de la création. Shaddaï,
l'ordonnateur, celui de la création continuée.
Adonaï est le clément et le miséricordieux.
Cebaoth, le dieu des armées. C'est après s'être
nommé à Moïse que Yahvé est devenu peu
à peu le Dieu suprême, source de tout être,
unique, jaloux de son pouvoir et du contrôle du peuple
élu.
10 Il en est resté dans l'imaginaire collectif le
fait que l'atmosphère est insatisfaisante, mal
maîtrisée et suspecte. Par ailleurs, elle est
restée le siège des mauvais génies et des
sorcières qui chevauchent dans les nuages. Survivances chez
King: les orages violents, tornade, grêle, chaleur qui se
produisent quand les forces du mal se manifestent.
11 Qui correspondent, en gros, à ce que nous
pourrions appeler la coexistence de l'ordre et le désordre, de
l'apollinien et du dionysiaque, deux notions fondamentales pour King.
Voir Steve's Rag, hors-série III, janv.97, page 9.
12 Toujours le vieux désir de sauvegarder son
domaine contre un intrus, trop envahissant...
13 Dans tout statu-quo, il y a une sorte de part du
feu...
14 Le mot "Satan"apparaît dans le LIVRE DE LA SAGESSE (2.24), écrit tardif non admis au
Canon juif. Lucifer, l'ange rebelle rejeté et devenu le
symbole du mal a été inventé beaucoup plus tard
à partir de textes visant un roi de Babel (Isaïe, XIV,
12-16). Il ne fait partie de la tradition chrétienne que
depuis le haut Moyen-Age.
15 Mais le NOUVEAU TESTAMENT, où Jésus affronte des démons,
l'est.
16 Leurs sources védiques et babyloniennes sont
identiques.
17 Si j'insiste sur ce point, c'est que King ne semble pas
accepter ce dualisme: dans
DESPERATION,
on le voit s'interrogeant une fois de plus sur la force du mal et
l'inutile cruauté de Dieu.
C'est là que la triade mazdéiste primitive se
révélerait commode, avec un Dieu arbitrant des forces
coexistantes dont il ne peut qu'assurer l'équilibre sans
pouvoir en dépasser les composantes. Le mal étant
déjà difficilement tolérable, il peut être
consolant de penser qu'une puissance régulatrice puisse faire
en sorte qu'il n'augmente pas. Situation qui semble être celle
de la Tour Sombre d'INSOMNIA.
18 Dans THE DARK
TOWER, il est question d'un
instrument de musique, la cabrette, qui se joue "à un des niveaux supérieurs de
la Tour", III.
THE WASTE
LANDS, VI.9.
19 On ne peut, faute de place, analyser aussi plus
finement les transformations dans le récit du tableau de la
cuisine maternelle, "JÉSUS-CHRIST, LE VISITEUR
INVISIBLE"où il y a
déformation de la symbolique chrétienne par
l'imaginaire de Ralph (p. 646).
20 Il faut noter que INSOMNIA nous
apporte peu d' informations sur ces hiérarchies. Dans
THE DARK TOWER, des précisions plus importantes sur
la hiérarchie de certaines forces du mal nous sont
données, des "suppôts de la Tour Sombre", la Bête au sommet, puis selon un ordre
descendant: l'Inconnu sans Age, Marten et Walter, chacun étant
"sans commune
mesure"avec le
précédent (I.THE
GUNSLINGER AND THE DARK MAN) et enfin Jack Mort, inspiré par Walter
(III.THE
WASTELANDS, I.23) lors de
l'accident de Jake.
21 Il en resté certaines expressions: "notre
Père qui êtes aux
cieux", le "septième ciel"...
22 Ou Satan, ou le Diable, ou le Prince des
démons.
23 Il s'agit ici d'Hérode Ier. Deux Hérode
ont joué un rôle dans la vie du Christ-messie:
Hérode Ier a ordonné le massacre des enfants
mâles à Bethléem (massacre des Saints-Innocents)
à la naissance de Jésus,dont il craignait la
rivalité. Hérode Antipas, son fils, a traité
avec mépris Jésus au moment de la Passion et l'a
envoyé à Ponce-Pilate.
24 Lou Van Hille formule l'hypothèse que le Messie
pourrait être l'enfant à venir d'Eddie et de Susannah,
que Patrick aurait pour mission de sauver (op.cit., page 26).
25 Rappelons que dans THE DARK TOWER,
Roland est constamment référé à la
lumière. Il est, dit King, "chargé d'assurer la perennité de ce monde
d'amour et de lumière dont il se souvient"(II THE
DRAWING OF THE THREE, argument).
Roland se définit
lui-même comme étant "né pour la lumière"(I. THE GUNSLINGER AND
THE DARK MAN) alors que les
ténèbres triomphent (III.THE WASTELANDS,
III.9).
26 A noter que, quand l'homme en noir a un long entretien
avec Roland ("Ainsi en a
décidé mon maître"), ce maître suspend la nuit et il
"continuera à la
suspendre..jusqu'à ce que nous ayons fini": la maître de Walter s'opposant ainsi au
maître de la lumière capable d'arrêter le soleil
pour favoriser la victoire de Josué (JOSUE,
10.12).
27 L'Eglise chrétienne utilise aussi ces deux
couleurs dans sa symbolique: le noir -récemment
remplacé par le violet- est la mort; le rouge est la couleur
des apôtres et des martyrs. Sur la symbolique des couleurs
utilisées par King, voir l'étude LE ROUGE, LE BLANC ET LE NOIR, Steve's Rag nov. 1996, page 7.
28 Les portes des Cieux, la porte du Paradis, la Porte de
la Jérusalem céleste, les portes de l'Enfer...
29 Pour les musulmans, Mahomet fit de même.
30 Ainsi Abraham, qui demande à Yahvé de ne
pas détruire Sodome s'il y trouve 50 justes. Yahvé
aquiesce. Puis on en vient à 45, puis à 40, 30, 20 et
enfin 10 justes...(GENESE,
18).
31 Il n'y a, dans les textes hébreux anciens, que
peu d'allusions à une survie au-delà du tombeau. Leurs
croyances étaient muettes en ce qui concerne
l'immortalité des individus. Les récompenses et les
châtiments s'appliquaient à l'existence
terrestre.
32 A noter la coexistence de trois mondes: celui du
récit; celui d'un ailleurs que Ralph suggère à
Lois; et celui que présente le jeune Patrick quand il dessine
la Tour Sombre et son pistolero.
33 Dans INSOMNIA
le ka est également défini comme
étant "la grande roue
des existences"(p. 427). Dans
II.DRAWING OF THE THREE,
le Ka est plutôt
défini comme le destin ou le devoir, et ce rapprochement a un
sens.
34 A la question posée par le journaliste lui
demandant s'il craignait qu'une force maligne vienne remettre en
cause les choses qui, pour lui vont si bien, King répond:
"I don't fear it, I
know it. There's no way some disaster or illness or other
cataclysmic affliction isn't already lurking in wait for me just down
the road. Things never get better, you know; they only get worse. And
as John Irving has pointed out, we are rewarded only moderately for
being good, but our transgressions are penalized with absurd
severity. I mean, take something petty, such as smoking. What a small
pleasure that is: you settle down with a good book and a beer after
dinner and fire up a cigaret and have a pleasantly relaxed ten
minutes, and you're not hurting anybody else, at least so long as you
don't blow your smoke in his face. But what punishment does God
inflict for that trifling pecadillo? Lung cancer, heart attack, stroke! And if you're a woman and you smoke while
you're pregnant, He'll make sure that you deliver a nice, healthy,
dribbling baby Mongoloid. Come on, God, where's Your sense of
proportion? But Job asked the same question 3.000 years ago, and
Jehovah roared back from whirlwind «So where were you when I
made the world?» In other words, «Shut up, fuck face, and
take what I give you». And that's the only answer we'll ever
get, so I know things are going to go bad. I just know
it", dans la
célèbre PLAYBOY
INTERVIEW, Eric Norden, juin
1983, cité par George Beahm, THE STEPHEN KING COMPANION, Warner Book,
1993, page 68. Pas de traduction à ce jour.
35 Postface de II. THE WASTE LANDS.
ce texte a été publié dans
ma Revue trimestrielle
différentes saisons
# 1 : automne
1998
Voir mes
études sur La Tour Sombre :
Deux
créateurs de cosmogonies: Stephen
KING et J.R.R.
TOLKIEN.
Avec son savoir biblique, sa
connaissance des mythes antiques
méditerranéens et orientaux, King aurait pu
faire aussi bien que son modèle nordique, dans un
registre différent. Son oeuvre est aussi pleine
d'échos empruntés à de multiples fonds
mythiques, de résonances suggérées par
un grand nombre d'héritages divers et complexes. Il
en est venu, comme Tolkien, à créer un monde autonome avec
ses êtres et ses lois. Mais alors que Tolkien donne
l'impression de construire son univers immense
-déroutant, mi-féerique, mi-inquiétant-
autour de nous naturellement, King etc...
King et
Farmer: TOUR,
QUÊTE ET KA : LES
TOURS , 1ére partie.
De nombreux peuples anciens
ont intégré dans leur conception du monde
l'idée d'un axe cosmique qui unirait le ciel et la
terre, ou la terre et le monde souterrain. Ils pensaient que
les diverses régions du monde étaient ainsi en
rapport les unes avec les autres, et disposées autour
de ce centre cosmique.La tour est un symboles récents
apparu dans l'Antiquité, et elle est devenue le
symbole de la liaison entre le ciel et la terre: par voie de
conséquence, ils signifient l'ascension de
l'âme par rapport à la matière, et la
difficulté du développement spirituel humain.
Le ziggourrat babylonien remplit cette fonction, avec
l'étage supérieur réservé
à la divinité. La tour est restée dans
une symbolique , qu'apprécient les lecteurs de King,
avec la saga de la Tour Sombre et sa genèse,
poursuivie depuis près de quarante ans. Mais il n'est
pas le seul à utiliser le mythe. Un de ses
contemporains notamment, Philip José Farmer, a dans
le même temps utilisé la symbolique de la Tour,
comme King.
King et
Farmer: TOUR, QUÊTE ET KA : LA
QUÊTE, et autres notions 2ère partie.
Philip José Farmer ne
s'est pas limité, avant King, à utiliser la
symbolique de la Tour. On y trouve aussi curieusement de
nombreuses coïncidences qui valent la peine d'y
regarder de plus près: le thème de la
quête, des notions telles que le ka, les aura, l'image
de l'échiquier, l'utilisation des univers
parallèles, des rapprochements littéraires
fréquents avec Alice, le Magicien d'Oz, bref une
partie non négligeable de ce qui forme les notions
fondamentales du cycle de la Tour entrepris par King. Pour
les curieux de création littéraire, il peut
être intéressant d'analyser comment deux
auteurs contemporains utilisent et exploitent des
idées semblables dans des perspectives aussi
différentes que possible.
Les
petites soeurs d'Élurie : LES VAMPIRES A LA ROSE.
Cette nouvelle pèsera
plus lourd que sa cinquantaine de pages. Elle est d'abord
contemporaine du nouveau projet de son auteur, que
La Tour
Sombre soit le
carrefour d'une partie de son oeuvre; et des
éléments venus d'ailleurs montrent que le
désir de l'auteur est en voie de réalisation.
Elle est ensuite un prolongement du genre vampire, que King
avait si brillamment porté à un niveau
exceptionnel avec Salem,
mais qu'il n'a repris que dans trois autres nouvelles. Elle
offre ensuite une curiosité, avec les
insectes/docteurs, qui peut-être feront partie du
monde de La Tour Sombre. Elle présente une image sensiblement
différente de Roland de Gilead, apparue dans
Magie
et
Cristal, dont la
rédaction semble avoir été
simultanée avec cette nouvelle. Apparaissent encore
de nouveaux détails sur l'univers de La Tour
Sombre. Et surtout
pour la première fois la nature du ka, jusqu'à
présent indéterminée, est
rattachée à la vieille pratique de King, au
dieu chrétien. Remarquable nouvelle, à
l'action bien menée, aux contenus précieux et
posant des interrogations multiples, qui augurent bien du
prochain tome annoncé, avant l'accident de King, pour
dans deux ans.
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