Baronian m'est bien connu depuis
longtemps par son travail dans les années soixante-dix aux
éditions Marabout, où, directeur de collection, il fit
beaucoup pour les littératures de l'imaginaire. Et aussi pour
son livre remarquable Panorama
de la littérature fantastique de langue
française, paru il y a
20 ans, réédité, actualisé, en 2000 (La
Renaissance du livre). Cet écrivain de profession,
arménien belge de naissance (né à Anvers) et
vivant à Bruxelles, a des activités littéraires
multiples : romancier, critique, directeur de collections,
préfacier, anthologiste, essayiste, il se montre
exceptionnellement éclectique dans ses goûts. C'est un
grand admirateur de Jean Ray (sur lequel il a
écrit L'Archange
fantastique) et de Georges
Simenon (président de l'Association des amis de
l'écrivain, il vient d'écrire deux ouvrages sur :
Simenon, l'homme à
romans, un album riche de 550
documents, Textuel, 2002); et Simenon ou le roman gris, un essai littéraire, Textuel, 2002. En tant
qu'auteur de romans, il peut passer sans problème de l'oeuvre
littéraire au roman à "l'eau de rose", au fantastique
ou à la SF, ou plus souvent encore au polar qu'il signe d'un
pseudonyme. Il a publié à ce jour une cinquantaine de
livres.
Sous le titre de Histoires
fantômes, les
éditions belges de La Renaissance ont rassemblé une
quarantaine de contes fantastiques, issus de quatre recueils
publiés entre 1977 et 1998, plus un inédit :
Les Adorateurs de
l'oeil, pastiche des
aventures du célèbre détective Harry Dickson,
personnage mis en scène jadis par Jean Ray), paru en
feuilletons. Baronian aime l'art de la parodie, et Le Grand Chalababa est un recueil qui se veut la caricature du genre SF.
Les trouvailles sont nombreuses : un extraterrestre, voyageur de
commerce courant les planètes, se délecte de la lecture
de Proust. Un comité pour l'accélération de la
vie terrestre envoie des cadeaux particuliers à ses membres.
Un robot vit des aventures désopilantes. Un jeu de miroirs
intrigue dans La
Bibliothèque de feu.
Les autres recueils : Sept
simulacres, Disques fantômes -, comportent des nouvelles étranges,
d'autres bizarres, quelquefois peu compréhensibles. Un certain
nombre sont teintées de réalisme, ancrées dans
un milieu typiquement belge, celui de Bruxelles, ville de vieux
quartiers, de bouquinistes et paradis des buveurs de bière. Le
fantastique est discret dans la plupart de ces nouvelles.
Je n'avais jamais lu auparavant de nouvelles fantastiques de
Baronian. Ce livre, qui m'a déçu, m'a montré
qu'il y a loin de la théorie à la pratique. Si la
recherche de la situation originale est évidente, dans une
mise en scène souvent moqueuse qui m'a aidé à
finir le recueil, j'avoue que j'ai été souvent
près de décrocher. Ces textes, qui ont pu être
considérés comme avant-gardistes à
l'époque de leur parution (Le Grand Chalababa avait suscité des remous dans la presse
spécialisée, scandalisée par cette
dérision du genre SF) me paraissent appliqués,
datés, lointains, correspondant à une
sensibilité qui a considérablement
évolué. Plus grave : ces textes, trop souvent
distanciés, m'ont souvent paru de peu d'intérêt,
trop légers dans leur recherche de divertissement, sans
grandes idées. L'humour, omniprésent dans le recueil,
ne peut seul suffire. Je regrette, eu égard à la dette
que j'ai à l'égard de Baronian dont le premier
Panorama de la
littérature fantastique a contribué à ma formation, de ne pas
pouvoir me montrer plus indulgent à son égard.
Quatrième de couverture :
Sous le titre de Histoires fantômes, voici rassemblés Le Grand Chalababa, une parodie facétieuse de la science-fiction, Sept simulacres, La Bibliothèque de feu, Disques fantômes et un inédit : Les Adorateurs de l'oeil, pastiche des aventures de Harry Dickson (de Jean Ray !) qui fut le feuilleton d'un été dans le magazine Le vif/L'Express.
Jean-Baptiste Baronian non seulement commente et critique tout ce que nous comprenons dans le concept de littérature de l'imaginaire, mais de plus en est un des grands auteurs. Connaisseur érudit, il est à l'aise depuis toujours dans ce monde des maîtres de la collection : en particulier avec Jean Ray, dont il organisa une exposition à la Bibliothèque royale de Bruxelles, et à propos duquel il écrivit L'Archange fantastique. Et son goût de l'insolite nous vaut ici une multitude de surprises.
Roland Ernould
©
2003
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Notice bibliographique : Jean-Baptiste Baronian est né à Anvers le 29 avril 1942 de parents arméniens. Tout en fondant une revue ainsi que les éditions La Plume ivre, il fait ses études supérieures à l'Université Catholique de Louvain, d'où il sortira docteur en droit et bachelier en philosophie. En 1969, il entre aux éditions Marabout où il dirigera notamment, jusqu'en 1977, la collection littéraire fantastique et science-fiction. Depuis une dizaine d'années, il se partage entre ses activités de romancier (également sous le pseudonyme d'Alexandre Lous), d'anthologiste, de préfacier, de bibliophile, de conférencier, d'essayiste et de chroniqueur, notamment dans Le Vif-L'Express à Bruxelles et le Magazine littéraire à Paris. Il est président des Amis de Georges Simenon. Il a écrit, sous son nom ou le pseudonyme Alexandre Lous, plus d'une vingtaine de romans et recueils de nouvelles, quantité d'anthologies et cinq essais. Note de lecture : Jean-Baptiste Baronian, Panorama de la littérature fantastique de langue française . |
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