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différentes saisons
Stephen KING
:
vu par Jean-Marc LIGNY
Stephen King est un conteur de grand
talent, qui a tendance à s'écouter parler, donc
à trop parler. Vous lui offrez une bière de trop, et
voilà qu'il ne s'arrête plus, digresse et se perd dans
les détails, se met à raconter la vie du cousin de
l'oncle de la demi-soeur de l'homme dont le fils a vu l'abomination
(quelle qu'elle soit, et dont vous attendez depuis 200 pages
déjà l'apparition), et vous voyez l'heure tourner, et
vous vous impatientez, alors, en viendra-t-il au fait, vais-je passer
la nuit dans cette taverne, cependant vous n'osez l'interrompre et
vous vous prenez à vous intéresser à la vie du
cousin de l'oncle de la demi-soeur, et cinquante pages sont encore
passées... Mais vous finissez néanmoins par vous
assoupir, vaincu par l'attente et la bière, quand tout
à coup surgit l'événement horrible que vous
n'attendiez plus, vous voilà tout frissonnant et aux abois, et
à coup sûr vous passez la nuit blanche.
C'est l'impression que me fait généralement Stephen
King : ses romans s'écoutent, comme des contes, dits par un
vieil homme à la pipe éteinte et aux yeux
allumés, devant un feu de bois qui craque et fait danser
d'inquiétantes ombres sur les murs. Atteint d'elephantiasis
littéraire, comme il l'a avoué lui-même, dans je
ne sais plus quelle préface (longuettes aussi, les
préfaces, et pas toujours utiles). Quand il démarre, il
ne peut plus s'arrêter. Et il aime tellement ses personnages
qu'il veut nous dire tout de leur vie. Il a l'air gentil comme
ça, brave et débonnaire, mais prêtez un peu
attention à ce qu'il raconte, quelles sombres horreurs il
décèle dans les paysages paisibles de son Maine
chéri (qu'il ne quitte presque jamais, à l'instar d'un
certain Lovecraft - un
de ses maîtres?)... Stephen King est un conteur pervers,
certain de ses effets, qui se délecte à nous faire peur
et encore plus à nous faire attendre la peur, nous installer
tranquillement, longuement, confortablement dans l'ambiance - pour,
crac, mieux nous piéger.
La première histoire que j'ai lue (écoutée)
s'appelait
Shining - qui me causa des nuits
blanches ou presque. J'avais vu peu auparavant la version
filmée par Kubrick - et je
savais déjà que Kubrick
transforme en or tout sujet qu'il aborde, et qu'il avait donc
signé par cette oeuvre un classique, une
référence du cinéma fantastique, comme il
l'avait en science-fiction avec 2001. Lisons
l'histoire, me dis-je, afin de voir où le maître
cinéaste puise son inspiration.
Je fus donc ébloui, enchanté et
émerveillé de découvrir un grand conteur.
Maintenant, ses chevilles enflent et les mots coulent en
logorrhée de sa langue intarissable. C'est dommage, l'histoire
y perd en force, en impact. Mais trop de gens l'écoutent
aussi, et lui offrent des bières, et il parle et il parle, et
le feu meurt dans la cheminée et malgré tout on ne s'en
rend pas compte, jusqu'à ce que le froid, ou l'aube, nous
ramène à la banale réalité. Après
cela, encore sous le charme, on s'efforce avec plus ou moins de
bonheur d colporter ses histoires, les dérouler en images sous
forme condensée devant les yeux des spectateurs, en foules
sans cesse plus nombreuses.
Pourquoi un tel engouement, malgré les défauts
susmentionnés? Parce que Stephen King, comme tout conteur qui
se respecte, raconte la vie, les moeurs, angoisses et fantasmes de
notre temps - de nous-mêmes. C'est un miroir de
l'époque, l'histoire orale et vivante d'un archétype de
notre société. C'est une tradition remontant à
Homère et toujours perpétuée à travers
les siècles: celle du conte fantastique.
Phénix
2, 1995, pp. 317/9
|
Né
en 1956 à Paris. Études secondaires jusqu'au
bac. Très tôt intéressé par la
science-fiction (dès l'âge de 8 ans !), se
consacre à l'écriture dans ce domaine à
partir de 1976, tout en exerçant divers
métiers. Publie sa première nouvelle
en 1978
chez Denoël, dans l'anthologie Futurs au Présent
de Philippe Curval. Son premier roman, Temps
Blancs, paru
l'année suivante, sera remarqué par la
critique et lui vaudra un passage à Apostrophes. Se
consacre à l'écriture à plein temps en
Bretagne en 1985, où il vit près de la mer
avec sa femme Régine et ses trois chats.
Publié aux éditions Denoël, Fleuve Noir
et J'ai Lu Auteur de science-fiction depuis plus de vingt
ans, Jean-Marc Ligny a reçu le prix Tour Eiffel pour
Les
Oiseaux de lumière, son dernier ouvrage paru chez J'ai lu.
Touche-à-tout littéraire, Jean-Marc Ligny a
embrassé un grand nombre de styles tout au long de sa
carrière, du polar futuriste à l'heroic
fantasy, en passant par l'anticipation ou le roman
cyberpunk. Ses principaux livres ont pour titre Furia (1982), Cyberkiller (1993), Inner City (1997) et Jihad (1999). Jean-Marc Ligny s'est aussi
attaché à populariser la science-fiction
auprès des plus jeunes lecteurs. Chez Nathan, Bayard
ou Hachette, il a ainsi écrit plusieurs ouvrages pour
des collections jeunesse (Le Voyageur, Slum City, Le Clochard céleste...).
Vient de paraître
: l'anthologie Eros Millennium, chez J'ai Lu en oct. 2001.
http://perso.wanadoo.fr/jean-marc.ligny/
|
.Notes de lecture :
Jean-Marc
Ligny
Jihad, J'ai
lu, 2000.
Jean-Marc
Ligny Cosmic erotica,une anthologie
féminine,
J'ai Lu millénaires, février
2000..
une nouvelle offerte par Jean-Marc Ligny MAMY VOIT DES
OVNIS.
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