.. KING FEUILLETONISTE. 68 Ko |
La ligne verte (The green mile) a été publié en 6 livraisons, comprenant environ 90 pages chacune, parues de mars à août 1996, dans la collection Librio de l'éditeur EJL, numérotées de 100 à 106,.
Toutes les livraisons comportaient, en dernière page, la même annonce :
Peut-on encore écrire des romans en épisodes, comme cela se faisait autrefois ? Rédiger dans l'urgence, créer chaque mois le suspense, suivre les réactions de ses lecteurs... Stephen King relève ici le défi !
Toujours en dernière page, et pour allécher l'éventuel lecteur,chaque livraison comportait un résumé à effet d'annonce, qui sera repris ici pour que chacun puisse se souvenir des différents épisodes1.
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Octobre 1932. Pénitencier d'Etat, Cold Mountain, Louisiane. A l'écart des autres, le bloc E. Celui des condamnés à mort. L'antichambre de l'enfer. Au bout du long corridor vert, la chaise électrique, Miss Cent Mille Volts au répugnant baiser...
Sa prochaine victime, John Caffey. Un géant. Le meurtrier des petites jumelles Detterick. Surpris devant leurs cadavres ensanglantés. Etrangement absent. Si calme...
Paul, le gardien-chef, l'accueille comme les autres, sans états d'âme...
Et pourtant...L'air est étouffant... Quelque chose se trame...Le regard troublant du condamné, les provocations sadiques de Percy Wetmore, une exécution de trop...?
Un rouage va lâcher. Mais lequel ? Pourquoi? et qui manipule Mister Jingles, cette étrange souris trop curieuse et trop savante?
Le suspense ne fait que commencer.
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Rien ne va plus au pénitencier de Cold Mountain...Des problèmes avec des détenus, Paul, le gardien-chef, en avait déjà connus...Mais avec l'arrivée de Wild Bill, un nouveau client pour la chaise électrique, la tension monte de plusieurs crans !
Et puis il y a cette souris ! Tout de suite adoptée par Delacroix, le maniaque aux gestes si doux. Immédiatement haïe par Percy. D'une haine stupide, dangereuse...Comme celle qu'il exprime à l'égard de son prisonnier...Sa victime.
Mais chacun se tait...Et Mister Jingles fait ses tours. Guide spirituel ou animal de cirque, il va et vient dans le couloir de la mort. Drôle, furtif, insaisissable...Comme s'il possédait un secret...Quelque chose que les hommes ignorent...Le suspense continue...
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Ils sont trois à présent. John Caffey, Delacroix et Bill Wharton, le plus jeune et le plus dangereux...Trois meurtriers du bloc E, qui n'ont plus rien à espérer de l'existence. Au bout de la ligne verte, la chaise électrique les attend. Mais avant...
Avant, se souvient Paul Edgecombe, tout s'est mis à aller de travers. Oh ! pas tout d'un coup. Non. Mais lentement, comme ça...Des événements insignifiants qui, bout à bout, auraient permis de comprendre, de prévoir, d'éviter...
Wild Bill s'en foutait. De tout. Caffey, égaré dans son silence, demeurait une énigme. Un doute. Delacroix était de trop bonne humeur. Et Percy...Percy, arrogant et lâche, n'avait pas sa place au bloc E. Pourtant, quand Mister Jingles traverse la ligne verte à la poursuite de son jouet, il est là...Et Paul Edgecombe, horrifié, se souvient...
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Sur le lino vert du pénitencier, Mister Jingles gît dans son sang. Dans ses petits yeux noirs de souris, une expression d'agonie et de stupeur bien trop humaine...Au-dessus de lui, Percy sourit. Et le hurlement de Delacroix n'y change rien...
Le tonnerre, ce jour-là, n'avait cessé de gronder. Le ciel était lourd de nuages, déchiré d'éclairs...Une tornade meurtrière s'était levée. Les éléments déchaînés protestaient. C'était l'exécution de Delacroix...
Autour de la chaise électrique, Percy s'affaire. Il jubile. C'est son heure...C'est lui qui pose le masque sur le visage du condamné, lui qui lève la main pour...
Mais quelque chose ne va pas ! Oh ! un simple détail...Les autres n'ont rien vu ! Et cette fois, hélas, John Caffey, oui, John Caffey lui-même n'y peut rien...
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"J'l'ai fait. J'l'ai fait, pas vrai ?" répète John Caffey de sa voix basse. Oh, oui ! il l'a fait ! Il l'a fait pour Mister Jingles et pour Paul Edgecombe. Et ses larmes ont cessé de couler. C'est vrai, pour Delacroix, il n'y pouvait rien. Mais pourquoi ne le ferait-il pas pour Mélinda ?
Cette idée folle a germé dans l'esprit du gardien-chef. John Caffey, le colosse étrange et doux, le meurtrier des petites Detterick, peut sauver Mélinda. Il est le seul. Paul doit seulement le conduire jusqu'à elle.
Briser le réglement, immobiliser Percy, sortir le prisonnier...L'expédition est insensée. Mais Paul est allé trop loin...Une onde de choc...Une rafale de vent...Et cette nuit, cette nuit terrifiante qui n'en finit pas...
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Comme l'agneau qui vient de naître, comme le Fils venu sauver les hommes. Mais la tragédie est en marche. Au bout du corridor, l'odieuse machine attend une victime. Le sacrifice doit être consommé. Alors, quand vient son tour de remonter la ligne verte, qui sauvera John Caffey ? Qui peut le sauver ?
Paul Edgecombe voudrait oublier. Oublier que, parfois, il n'existe aucune différence entre le salut et la damnation éternelle. Et, lorsqu'il cherche le sommeil, ce qu'il voit, ce sont les yeux toujours humides de John Caffey, l'homme miraculeux aux larmes éternelles...
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Quand son projet de faire
paraître l'oeuvre en feuilleton eut pris forme, à la
suite de circonstances expliquées dans sa préface, King
avait "déjà pas
mal avancé"sur
La Ligne
verte :"Je pris conscience que je m'étais
lancé dans la construction -disons classique- d'un
roman"(1.09). Il lui avait
nécessairement fallu, à partir de l'instant où
sa décision fut prise, revoir son travail: "Quoi qu'il en soit, je décidai de
publier La Ligne
verte en
épisodes, à la manière des feuilletonistes du
XIXème siècle"(1.10). Dans l'étude parue dans le
hors-série n° 2 de Steve's Rag, octobre 1996, j'avais
conclu que King ne s'était pas borné à
tronçonner un roman en épisodes (serial story) , mais avait bien écrit un roman-feuilleton
à suspense
(cliffhander).
King avait aussi
annoncé son intention de publier La Ligne verte en un volume, "défi d'un autre genre"(6.92). Ce roman était annoncé depuis
quelque temps et on l'attendait avec impatience.
En effet, l'intérêt qu'il y aurait à disposer de
la même oeuvre sous la forme d'un roman était
évidente. Le roman «ordinaire» dont il était
parti avait dû subir de telles transformations en cours de
route qu'il ne devait plus être qu'une trame, à
reprendre et à réécrire. Il aurait donc
été intéressant de comparer la version
«roman»à la version «feuilleton».
L'espérance était d'autant plus grande que King
signalait: "J'ai dû
écrire à la hâte, chaque échéance
étant incontournable. Ce ne fut que plus excitant, mais il est
possible que cela ait donné lieu à quelques
anachronismes (...).
Je corrigerai peut-être
ces erreurs si je décide de publier La ligne verte en un seul
volume. J'ai bien dit «peut-être»"(6.91). Il lançait également un
appel à ses lecteurs: "Si vous avez des idées à propos de
La Ligne
verte en un seul
volume, n'hésitez pas à m'en faire
part"(6.92).
Les lecteurs ne semblent pas avoir eu
plus d'idées que Steve, trop occupé à la
finition de Magie et
Cristal, dont
l'édition de la traduction française est
annoncée pour le printemps 1998: La Ligne verte en édition roman, publiée ces jours-ci,
reprend telle quelle la version feuilleton. Le seul ajout tient en
une note de l'éditeur (p. 10), signalant que la
rédaction du feuilleton avait été achevée
au printemps 1996...
La déception est grande. Il est donc peu probable qu'on sache
un jour si les prisonniers écoutaient bien Allen's Alley à la radio en 1932(5.34 ou 276), ou
Paul Kay Kyser et son Kollege
of Musical Knowledge (6.51 ou
360). Ou plus grave, si le petit livre porno dont Popey et Olive
étaient les héros existait bien... Trève de
plaisanterie: l'éditeur aurait pu annoncer plus nettement
qu'il s'agissait d'une simple reprise des épisodes, qui refont
ainsi une deuxième carrière après avoir
été vendus à plus de 1.400.000 exemplaires. Et
ne pas entretenir les illusions.
Notons encore que si le nom de
l'éditeur n'est pas Librio, mais Editions 84, l'adresse est la
même, la maison-mère étant J'ai Lu. Enfin le livre coûte 89 Fr. alors que les 6
fascicules n'en coûtent que 60 et sont toujours disponibles. Il
est vrai qu'il y a sept gravures dans le livre. Aux amis lecteurs qui
n'auraient pas encore fait l'achat -ils doivent être peu
nombreux- de voir si la différence de prix justifie leur
acquisition. En tous cas, qu'ils soient prévenus qu'ils n'y
trouveront pas un mot de plus que dans les fascicules. Et d'autant
plus que l'achat de Rose
Madder, enfin paru chez
Albin Michel, s'impose en urgence.
Roland Ernould, ©
1997
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Il y a deux ans, lorsque Terrence Mallick adapte La Ligne Rouge à l'écran on crie au chef-d'oeuvre, à l'apogée du film de guerre emprunt de poésie et d'humanité. La ligne de Frank Darabont est verte, comme ce lino pisseux que les lecteurs de King connaissent bien. A l'instar de Mallick, il enregistre trois heures de pellicule dont le roman de King sort magnifié, grandit. Pour la première fois un long-métrage restitue aussi fidèlement le style et les personnages de l'auteur, chaque plan est au service de l'histoire et de la pensée de Stephen King. Il semble à présent impossible de dissocier le film du livre tant ils se complètent pour témoigner de l'existence de la beauté et de l'amitié dans un lieu où tout est mort.
La durée du film (3h'0, ce n'est pas rien) ne joue pas en sa faveur auprès du public qui préfère éviter de s'ennuyer mortellement au cas où le film ne serait qu'une succession de belles photos. Frank Darabont a eu le courage d'assumer cette longueur pour dire ce qui lui tenait à coeur et n'a pas cédé au montage stroboscopique : les scènes se déroulent sans ennui et les dialogues sont assez riches pour ne pas lasser, même les spectateurs connaissant l'histoire. Il a su distiller les passages énergiques, comme l'exécution de Del et la guérison de Melinda Moores, pour maintenir l'intérêt lors des scènes plus calmes.
Malgré un souci de fidélité, Darabont s'est octroyé de légères libertés, nécessaires à la cohérence de son film. Les chapitres montrant Paul dans sa maison de retraite sont escamotés afin d'éviter les allers-retours temporels qui cassaient parfois le rythme du roman. Ici, la narration est le fait de Paul qui raconte son histoire à Elaine Connely.
Le metteur en scène a également choisi de couper le personnage de Brad Dolan, tout en maintenant bien sûr le mystère sur les promenades du vieil homme dans les bois. Ce parti pris permet davantage de liberté dans le déroulement de l'année 1935 (la date a été changée), toutes les scènes ayant d'ailleurs été tournées selon la continuité du scénario. De l'arrivée de John Caffey en cellule à son exécution, les acteurs ont pu suivre l'évolution réelle des sentiments. Ainsi Tom Hanks, curieusement grossi de dix kilos et le teint blafard, se révèle à son habitude un comédien hors pair, qui mène en tête ce groupe d'hommes confrontés à des émotions qui les dépassent. Paul sait aussi se mettre en retrait pour laisser à chacun l'occasion de faire vivre son personnage, notamment l'odieux Percy Wetmore toujours aussi détestable, cruel et lâche. Mauvais à tel point que le premier coup qu'il reçoit procure une véritable satisfaction, juste après "la mort affreuse d'Edouard Delacroix", aussi choquante que la décrivait King.
Face aux gardiens, un léger bémol est à mettre sur Bill Wharton qui fait plus figure de bouffon, d'amuseur de galerie que de psychopathe : ses plaisanteries provoquent le rire dans la salle de cinéma, ce qui n'était pas le cas pour le roman. En revanche les palmes reviennent à David Morse, superbe en Brutus Howell, et à Michael Duncan, géant noir à l'âme d'enfant que l'obscurité terrorise. Des grands angles et des contre-plongées mettent en valeur l'aspect colossal de Caffey dont la souffrance et la naïveté sont parfaitement rendus par le jeu de Duncan. Un mot finalement sur le personnage le plus attendrissant, peut-être même le plus réussi, à savoir Mister Jingles, la "mascotte" du film, souriceau génial qui semble comprendre plus que les hommes les forces en oeuvre sur la ligne verte.
La Ligne Verte, nominé entre autres à l'Oscar du meilleur film, est un hommage à la vie et à la véritable tolérance, rendu possible par l'amitié qui unit deux hommes partageant la même philosophie de l'existence. Les trois heures de projection s'achèvent tandis que la voix fatiguée de Paul nous accompagne une dernière fois, et c'est la voix de King que l'on a l'impression d'entendre. Un Stephen King plus humain que jamais, enfin servi par un cinéma qui lui rend hommage de la meilleure des façons, et ce n'est somme toute qu'un juste retour des choses.
étude de "bentavernier" <bentavernier@nordnet.fr> - 08 mars 2000
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La ligne
verte, oeuvre parue en six
épisodes mensuels, à la manière des
feuilletonistes du XIXème siècle (avec comme
modèle avoué Charles Dickens),
était publiée simultanément dans plusieurs pays
et plusieurs langues de mars à septembre 1996. Succès
exceptionnel de librairie (Librio en avait vendu plus d'un million et
demi d'exemplaires, ce qui l'a heureusement incité à
investir ses recettes dans la publication d'autres livres de
fantastique et de science-fiction), les six épisodes
étaient réunis dans un seul volume, paru l'année
suivante aux éditions 84.
La ligne verte
a contribué à
relancer le genre littéraire oublié du
roman-feuilleton. John Saul, l'auteur
de Cassie,
Créature
et Hantises, a ainsi
publié, aux éditions J'ai Lu un feuilleton,
également en 6 épisodes, Les Chroniques de Blackstone. Les fascicules, parus pendant l'année
1998 avaient déçu par les répétitions et
le manque d'originalité. L'ensemble n'avait pas le brio et de
l'ingéniosité de
King dans La ligne verte.
Alors que King avait planifié l'ensemble et
habilement agencé les épisodes, tous les
éléments étant en interaction les uns avec les
autres et se complétant en synergie, Saul avait donné
l'impression d'une juxtaposition d'histoires assez
grossièrement ficelées. Pierre Bordage a repris à son tour la formule, avec une
série de science-fiction, Les derniers hommes, toujours en six épisodes, dont le dernier
paraît en juin 2000.
King avait aussi annoncé son intention de revoir
La ligne
verte pour la publier en un
volume, "défi d'un autre genre". Le roman annoncé
devait être la reprise d'un récit écrit à
la hâte, chaque échéance étant
incontournable. En fait, occupé par d'autres travaux,
King a dû considérer que le succès du
feuilleton en épisodes ne justifiait pas sa
réécriture. L'édition en un volume de 1997 fut
donc la reprise mot à mot des épisodes parus en Librio.
J'ai Lu reprend à son tour La ligne verte.
Considéré comme une des meilleures oeuvres de
King,
La ligne
verte se passe en 1932, dans un
pénitencier de l'État. Dans le bloc des
condamnés à mort, au bout d'un long couloir que les
prisonniers appellent la ligne verte, la chaise électrique
attend John Caffey, le gigantesque noir assassin de deux fillettes.
Le récit, fait par Paul Edgecombe, le gardien-chef, est sobre,
réaliste et imprégné d'humanité. Il
déroule en grande partie en vase clos, avec peu de
personnages. Les forces habituelles de la lumière et des
ténèbres coexistent avec les aléas ordinaires
dans un milieu presque tranquille: quelques prisonniers,
condamnés à mort; quelques gardiens, sous les ordres de
Paul, leur chef; quelques membres du personnel de la prison et leurs
épouses à l'extérieur. Le récit est
dominé par la présence de l'innocent Caffey,
injustement condamné, sorte de Christ, comme lui
insulté, marqué et flagellé, qui échappe
aux critères humains habituels. Les porteurs de dons,
rejetés par la société, ne les utilisent pas
toujours, chez King, pour un bien terrestre, mais par révolte,
pour une vengeance ou un châtiment. Il est d'autant plus
poignant de rencontrer John Caffey, type même du
«doué» pour le bien, subissant,
résigné, un châtiment immérité,
infligé par un tribunal criminel. Il guérit les autres
sans contrepartie et sans qu'on puisse comprendre par quelle
puissance irrésistible il est entraîné à
le faire. Il ne veut que guérir, il est oblativité
pure. Paul Edgecombe ne parviendra pas à empêcher son
exécution. Récit d'une profonde humanité,
référence à la fois littéraire et
sociologique de notre siècle, le roman ne devait pas
échapper au cinéma.
Le même mois paraissent simultanément, chez des
éditeurs différents, le roman de King
et le scénario du film de Frank Darabont.
Réalisateur scénariste connu pour avoir
travaillé avec George Lucas,
Darabont perçut immédiatement les
possibilités cinématographiques du roman-feuilleton. Il
y a quelques années, il avait mis en scène le film
Les
Évadés,
inspiré lui aussi par une novella de King. Satisfait
par cette production, King lui accorda immédiatement sa
confiance. En décembre 1999, la sortie aux USA du film a
été un succès. Le succès de La ligne verte paraît plus mitigé en
France.
Publié aux USA en
décembre 1999, le livre regroupe le scénario de
Darabont, le déroulement du tournage, et des
photos du tournage, certaines surprenantes, comme celle de
King faisant le pitre sur la chaise électrique
quelques mois avant son accident... Dans une préface de trois
pages, King fait le récit de sa collaboration avec
Frank Darabont. La comparaison entre le roman et le
scénario permettra de mieux voir les différences.
Malgré un souci permanent de fidélité,
Darabont s'est octroyé les libertés,
nécessaires à la cohérence et à la
longueur de son film. Des raccourcis cinématographiques. La
narration est faite par Paul qui raconte son histoire à Elaine
Connely. De même, c'est Caffey qui raconte à Paul les
circonstances de l'assassinat des deux fillettes. Les chapitres de
Paul dans sa maison de retraite, qui permettaient des rappels dans le
feuilleton d'un épisode à l'autre, sont
supprimés pour éviter les allers-retours temporels qui
se justifiaient dans la technique du feuilleton. Pour des raisons
financières manque la scène où Janice trouve la
mort dans un accident d'autobus, et où Caffey apparaît
à Paul miraculeusement indemne. Le metteur en scène a
également supprimé le personnage de Brad Dolan,
l'espion des promenades mystérieuse de Paul centenaire dans
les bois, et a légèrement modifié d'autres
personnages. Il a ajouté quelques scènes qui ne
figurent pas dans le roman, mais améliorent l'histoire tout en
restant fidèle à l'esprit de King, comme le
début de la scène d'amour entre Paul et Janice qui suit
celle de la guérison par Caffez de l'infection de sa
vessie.
Mais surtout subsistent, dans cette
comparaison du film et du roman, les correspondances
déjà remarquées à propos des Évadés, entre deux créateurs partageant la même
conception de la vie. La voix fatiguée de Paul narrant son
histoire, c'est celle de
King que l'on a l'impression
d'entendre. Avec La ligne verte,
un King plus riche d'humanité est apparu, qui se retrouve dans
Sac
d'os et La petite fille qui aimait Tom
Gordon. Un King
qui abandonne les gros effets de la monstration spectacle, pour
réussir brillamment dans la suggestion et le
mystère.
Roland Ernould ©
2000.
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La réflexion de King sur ce sujet s'était préalablement aiguisée avec Misery, où certains problèmes de composition littéraire avaient été abordés: les conventions du genre, le travail de recherche et l'inspiration, la mémoire de l'écrivain, l'acte d'écrire et les problèmes d'écriture, la drogue de l'écriture. Ls problèmes du feuilleton avaient aussi été abordés.
Prisonnier de la criminelle infirmière psychopathe Annie, l'écrivain Paul Sheldon, blessé et handicapé, est contraint d'écrire un nouveau livre de la série des Misery, livres populaires qui ont fait son succès et occulté ses autres Ïuvres plus littéraires.
Il en a écrit quelques chapitres, qu'il a du refaire parce qu'ils ne plaisaient pas à Annie (le deus ex-machina, le correct et le réaliste, pp.128 à 134, 243/4). Il a recommencé et lui propose de lire les chapitres suivants au fur et à mesure.
«Voudriez-vous le lire au fur et à mesure?» demanda-t-il?
Annie sourit.
«Oh oui! Ce serait presque comme les feuilletons, quand j'étais petite!
-Je ne vous promets pas un suspense brûlant à la fin de chaque chapitre,l'avertit-il. Ce n'est pas comme cela que ça marche.
- Mais pour moi ce sera parfait», répondit-elle avec ferveur (É). J'ai toujours une envie furieuse de savoir ce qui arrive après -surtout ne dites rien! ajouta-t-elle précipitamment, comme si Paul se préparait à vendre la mèche" (* 182/3).
* "Elle soupira. «Moi aussi j'ai envie de connaître la fin. C'est probablement la seule chose dont j'ai encore envie»" (*211).
* "Au moins vous, vous savez ce qui va arriver. Moi, je meurs d'impatience de l'apprendre" (*285).
Autres données : la dose de feuilleton , p.289; "Racontez-moi le reste", tout le problème de la composition en quelques pages très importantes, 290 à 297
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La ligne verte va peut-être contribuer à relancer le genre littéraire oublié du roman-feuilleton. John Saul, l'auteur de Cassie, Créature et Hantises14 , propose ainsi, aux éditions J'ai Lu un feuilleton, également en 6 épisodes, Les Chroniques de Blackstone. Les fascicules, parus pendant l'année 1998, font 125 pages, pour un prix de 19 Fr. l'unité. Leurs titres?
1. La poupée, n° 4704
2. Le médaillon, n° 4705.
3. Le briquet, n° 4706.
4. Le mouchoir, n° 4707.
5. Le stéréoscope, n° 4708.
6. L'asile, n° 4709.
Comme on le constate en lisant les titres, John Saul a repris une fois encore le thème des objets hantés. Ainsi, dans le premier épisode, une poupée va provoquer un affrontement entre une petite fille et sa mère. Dans le second, un médaillon entraîne un banquier dans la folie et la destruction. Le premier épisode fait impression: il multiplie les perspectives et laisse bien présager de la suite. Mais le déjà vu s'installe vite -une famille tombe dans le malheur consécutivement à l'arrivée d'un objet maudit-, et tourne au procédé. Dans chaque épisode, on sait qui va mourir, mais dans l'ignorance d'un dessein général. Le seul suspense consiste à savoir comment la mort va se produire. L'explication est évidemment donnée dans le dernier épisode, mais la conclusion fade et devenue prévisible déçoit.
L'oeuvre pourra plaire aux adolescents qui veulent s'initier au fantastique. Le lecteur averti est déçu par les répétitions et le manque d'originalité. Tel quel, l'ensemble est très en dessous du brio et de l'ingéniosité de King dans La Ligne verte. Alors que King avait planifié l'ensemble et habilement agencé les épisodes, tous les éléments étant en interaction les uns avec les autres et se complétant en synergie, Saul donne l'impression d'une juxtaposition d'histoires assez grossièrement ficelées.
Additif à King Feuilletoniste. King continue à faire école: Les éditions J'ai Lu publient mensuellement à partir du mois de janvier 1999 un épisode d'un roman-feuilleton de Daniel Parker, Compte à rebours, qui devrait durer toute l'année. Le thème est celui du Fléau: un virus mortel ravage la terre.
Roland Ernould © 1999.
Pierre Bordage publie actuellement Les derniers hommes, chez Librio et en six épisodes, comme l'avait été La ligne verte de Stephen King.
Actuellement parus :
1. Le peuple de l'eau, janvier 2000, n°332.
2. Le cinquième ange, février 2000, n°333.
3. les légions de l'Apocalypse, mars 2000, n°334.
4. Les chemins du secret, avril 2000, n°335.
5. Les douze tribus, mai 2000, n°336.
6. Les derniers hommes, juin 2000, n°337.
Pour une analyse critique : Bordage, Les derniers hommes.
Voici le début du premier chapitre de La ligne verte, que les anglicistes pourront lire en regard avec la traduction française de Philippe Rouard La ligne verte (The Green Mile). Feuilleton en six épisodes. Création: 1995? 1996?. Postface avril 1996. Première publication: 1996. Édition fr. Librio 1996.
This happened in 1932, when the state penitentiary was still at Cold Mountain. And the electric chair was there, too, of course.
The inmates made jokes about the chair, the way people always make jokes about things that frighten them but can't be gotten away from. They called it Old Sparky, or the Big Juicy. They made cracks about the power bill, and how Warden Moores would cook his Thanksgiving dinner that fall, with his wife, Melinda, too sick to cook.
But for the ones who actually had to sit down in that chair, the humor went out of the situation in a hurry. I presided over seventy-eight executions during my time at Cold Mountain (that's one figure I've never been confused about; I'll remember it on my deathbed), and I think that, for most of those men, the truth of what was happening to them finally hit all the way home when their ankles were being clamped to the stout oak of "Old Sparky's" legs. The realization came then (you would see it rising in their eyes, a kind of cold dismay) that their own legs had finished their careers. The blood still ran in them, the muscles were still strong, but they were finished, all the same; they were never going to walk another country mile or dance with a girl at a barn-raising. Old Sparky's clients came to a knowledge of their deaths from the ankles up. There was a black silk bag that went over their heads after they had finished their rambling and mostly disjointed last remarks. It was supposed to be for them, but I always thought it was really for us, to keep us from seeing the awful tide of dismay in their eyes as they realized they were going to die with their knees bent.
There was no death row at Cold Mountain, only E Block, set apart from the other four and about a quarter their size, brick instead of wood, with a horrible bare metal roof that glared in the summer sun like a delirious eyeball. Six cells inside, three on each side of a wide center aisle, each almost twice as big as the cells in the other four blocks. Singles, too. Great accommodations for a prison (especially in the thirties), but the inmates would have traded for cells in any of the other four. Believe me, they would have traded.
There was never a time during my years as block superintendent when all six cells were occupied at one time -- thank God for small favors. Four was the most, mixed black and white (at Cold Mountain, there was no segregation among the walking dead), and that was a little piece of hell. One was a woman, Beverly McCall. She was black as the ace of spades and as beautiful as the sin you never had nerve enough to commit. She put up with six years of her husband beating her, but wouldn't put up with his creeping around for a single day. On the evening after she found out he was cheating, she stood waiting for the unfortunate Lester McCall, known to his pals (and, presumably, to his extremely short-term mistress) as Cutter, at the top of the stairs leading to the apartment over his barber shop. She waited until he got his overcoat half off, then dropped his cheating guts onto his tu-tone shoes. Used one of Cutter's own razors to do it. Two nights before she was due to sit in Old Sparky, she called me to her cell and said she had been visited by her African spirit-father in a dream. He told her to discard her slave-name and to die under her free name, Matuomi. That was her request, that her death-warrant should be read under the name of Beverly Matuomi. I guess her spirit-father didn't give her any first name, or one she could make out, anyhow. I said yes, okay, fine. One thing those years serving as the bull-goose screw taught me was never to refuse the condemned unless I absolutely had to. In the case of Beverly Matuomi, it made no difference, anyway. The governor called the next day around three in the afternoon, commuting her sentence to life in the Grassy Valley Penal Facility for Women -- all penal and no penis, we used to say back then. I was glad to see Bev's round ass going left instead of right when she got to the duty desk, let me tell you.
Avec tous mes remerciements à Simon & Schuster, Inc. http://www.SimonSays.com/king
Copyright (©) 1996, 1997, 1998 by Simon & Schuster, Inc. All rights reserved, including the right of reproduction in whole or in part in any form.
From site: http://www.simonsays.com/stephenking/kingtalks.cfm
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