Jean-Marc Ligny présente Éros Millenium, une anthologie masculine

éd. J'ai Lu Millénaires, 2001.

Les auteurs d'anthologies sont parfois si imprégnés de leur sujet qu'ils en arrivent à voir leur réalisation avec des yeux aussi avertis que les critiques. Cela se produit dans la préface de Jean-Marc Ligny qui pousse le souci de l'analyse jusqu'à dévoiler le contenu des nouvelles qu'il propose, d'en dégager les lois communes et de faire des comparaisons femmes/hommes. Ligny a en effet commis une autre anthologie de l'Éros il y a deux ans, consacrée celle-là à des auteures de science-fiction.

Que constate-t-on avec lui? Que les différences entre femmes et hommes ne sont pas celles qu'on attendait. On prétend ordinairement que c'est la baise qui attire les hommes. Est-ce si sûr? Les femmes de l'anthologie féminine montraient autant de diversité dans la variété des relations et des couples, et témoignaient d'un intérêt aussi vif pour l'acte sexuel. Elles ne réclamaient pas davantage de supplément d'âme et d'affection. Elles se montraient même globalement plus crues dans leurs descriptions et leurs recherches que les hommes. Enfin, plus étonnant par rapport aux stéréotypes usuels, aucune femme de l'anthologie n'a accueilli d'enfant et évoqué la descendance. Contrairement aux hommes, pour lesquels la procréation ne paraît pas du tout négligeable. Les hommes seraient-ils devenus plus romantiques que les femmes? De la naissance de l'amour à la mort, ce panorama propose au lecteur une vaste exploration du domaine érotique, de la bestialité du désir brut aux sophistications du virtuel, des rapports étudiés scientifiquement aux amours angoissées ou interdites, des relations humaines aux aventures exotiques avec des créatures d'autres mondes.

La sagesse de la peau de James Morrow, est le seul texte consacré entièrement à la force de l'amour conjugal dans le futur : deux artistes exhibitionnistes essaient de remédier au handicap invalidant causé à l'un d'entre eux lors d'un accident et pensent vainement y parvenir par des «doubles». La naissance de l'amour entre des illusionnistes rivaux est traitée poétiquement par Jean-Claude Dunyach, (Voleurs de silence). L'amour idéal fantasmé est le sujet traité de manière onirique par Neil Gaiman (La Saint-Valentin d'Arlequin). Poétique aussi est l'histoire de la libre-fille de Jean-Marc Ligny (La ballade de Silla), traitée avec la vision particulière du futur de l'auteur venue des Chroniques des Nouveaux Mondes.

Appartiennent à la sexualité ordinaire, mais avec des visées différentes, plusieurs nouvelles dont deux allient sexe et mort. Valerio Evangelisti, qui ne cache pas son goût pour la politique, a écrit un récit érotico-satirique (Le souffle des FARC) inspiré par la mésaventure amoureuse de Bill Clinton, triste farce ici utilisée comme arme révolutionnaire. Un père qui veut mourir à la date qu'il s'est fixée y parvient non par le sexe inopérant, comme espéré, mais grâce à sa fille à laquelle le lient des connivences de violence verbale (K.W. Jeter, Dernières volontés). La passion amoureuse peut aussi se transformer en vengeance destructrice, comme dans Carnassiers de Marcus Hammerschmitt.

La conception de quelques récits est inhabituelle. Serge Lehman (Magma) est le seul à s'être aventuré dans une délirante orgie version jet-set, présentée comme un reportage TV, constat effrayant de notre monde médiatisé et de notre situation de voyeurs impénitents, devenus blasés et indifférents aux sentiments. Arthur Zeven (Inbox), sous le couvert dune enquête, teste avec des grilles appropriées les réactions sexuelles et les orgasmes pour un produit indéterminé à lancer sur le marché. Plus couramment traitée, la sexualité virtuelle permet à Armando Boix (Playback) et à Henryk H. Løyche (Électro Cute) d'évoquer le décalage entre sexualité et sentiment amoureux, et de montrer que la passion peut mener à des égarements plus dangereux que les fantasmes érotiques. Paul J. McAuley (L'assistant du Dr Luther) met en scène la révolte de sous-êtres humains crées pour assouvir de singuliers besoins érotiques, qui se servent de l'assistant comme d'un moyen pour parvenir au stade supérieur rêvé. Dans un tout autre registre, l'osmose moléculaire de deux livres de Sade et de Melville pilonnés et jetés à la mer provoque la rencontre imaginaire de leurs personnages, en ressuscitant Justine et le capitaine Achab dans Les infortunes de la baleine blanche de Luca Masali.

Motif aussi souvent repris, la sexualité différente, avec des créatures venues d'ailleurs, a inspiré une nouvelle (genre qu'il ne pratique que rarement) à Pierre Bordage, (Juliet) où deux amants en escapade sur une planète lointaine rencontrent un indigène à la sexualité compatible et ont la forme est à découvrir. Andreas Eschbach (L'amour des yengs)évoque la sexualité d'une race extraterrestre où la reproduction ne se fait que dans un viol, source de plaisir pour l'un et atroce souffrance pour l'autre. Roland C. Wagner (La quête du zamal) associe le trip procuré par une plante terrestre nécessaire à des extraterrestres au mode de reproduction lié à leur sexualité végétale.

Deux nouvelles se situent dans un cadre franchement traditionnel. Patrick Eris (La promesse rompue) se situe dans la perspective du fantôme revenu se venger. Généralement moderne, Clive Barker (Le récit de Haeckel) s'est amusé à reprendre dans la tradition hoffmannienne la sexualité des morts-vivants d'un cimetière.

Dépourvues de toute érotomanie, ces nouvelles fouillent ce qui se cache derrière le mot magique «amour». Elles nous proposent des réflexions plurielles sur les rapports entre les manifestations de l'amour et les nouvelles technologies, les médias, la littérature, la violence et la politique. Témoignages des genres de la science-fiction dans leur multiplicité, elles nous proposent différents styles d'écriture d'un genre littéraire d'une richesse indiscutable, qui va de la douceur à la révolte, de l'espoir à la nostalgie, du cynisme à l'ironie. Le lecteur ne manquera pas cette exploration variée de ce sentiment étrange et incompréhensible qu'est l'amour, encore qu'on puisse regretter un manque d'unité certain du recueil qui est la meilleure preuve de la complexité des mouvements du sexe et du coeur

Quatrième de couverture :

«L'amour, la sexualité, la passion. Fantasmée, exaltée, inassouvie, sous toutes ses formes, dans tous ses émois. Le sexe comme moyen, comme but, comme arme, comme sujet d'étude. Dix-huit visions du transport amoureux, de ses errances, de ses mystères, de ses enfers, explorées pour vous par dix-huit auteurs masculins d'Europe et d'Amérique.

Après l'anthologie
Cosmic Erotica, où dix-sept écrivaines de l'imaginaire ont réagi à ce cri du coeur - parlez-nous d'amour! - c'est au tour des hommes oeuvrant dans le même domaine d'aller au bout de leurs désirs, de mettre à nu leurs sentiments. Et, surprise, un cliché s'effondre : avoir toute licence de se livrer à eux-mêmes n'a pas rendu pour autant les auteurs licencieux, pornographes ou libertins. Alors que leurs homologues féminins de Cosmic Erotica osaient aborder crûment le sexe et la violence, les écrivains d'Eros Millenium crient leur quête passionnée de l'autre, de la Femme de Rêve, de l'âme soeur qui donnera peut-être un nouveau sens à leur vie.
Romantique ? Sensuelle ? Possessive ? Sexiste ? L'approche masculine de l'amour présentée ici tord une fois de plus le cou aux idées reçues.»

Jean-Marc Ligny


Dix-huit nouvelles inédites de Clive Barker,
Le récit de Haeckel (Angleterre), Armando Boix, Playback (Espagne), Pierre Bordage, Juliet (France), Jean-Claude Dunyach, Voleurs de silence (France), Patrick Eris, La promesse rompue (France), Andreas Eschbach, L'amour des yengs (Allemagne), Valerio Evangelisti, Le souffle des FARC (Italie), Neil Gaiman, La Saint-Valentin d'Arlequin (Angleterre), Marcus Hammerschmitt, Carnassiers (Allemagne), K.W. Jeter, Dernières volontés (États-Unis), Serge Lehman, Magma (France), Jean-Marc Ligny, La ballade de Silla (France), Henryk H. Løyche, Électro Cute (Danemark), Luca Masali, Les infortunes de la baleine blanche (Italie), Paul J. McAuley, L'assistant du Dr Luther (Angleterre), James Morrow, La sagesse de la peau (États-Unis), Roland C. Wagner, La quête du zamal (France), Arthur Zeven, Inbox (France).

Né en 1956 à Paris. Études secondaires jusqu'au bac. Très tôt intéressé par la science-fiction (dès l'âge de 8 ans !), se consacre à l'écriture dans ce domaine à partir de 1976, tout en exerçant divers métiers. Publie sa première nouvelle en 1978 chez Denoël, dans l'anthologie Futurs au Présent de Philippe Curval. Son premier roman, Temps Blancs, paru l'année suivante, sera remarqué par la critique et lui vaudra un passage à Apostrophes. Se consacre à l'écriture à plein temps en Bretagne en 1985, où il vit près de la mer avec sa femme Régine et ses trois chats. Publié aux éditions Denoël, Fleuve Noir et J'ai Lu Auteur de science-fiction depuis plus de vingt ans, Jean-Marc Ligny a reçu le prix Tour Eiffel pour Les Oiseaux de lumière, son dernier ouvrage paru chez J'ai lu. Touche-à-tout littéraire, Jean-Marc Ligny a embrassé un grand nombre de styles tout au long de sa carrière, du polar futuriste à l'heroic fantasy, en passant par l'anticipation ou le roman cyberpunk. Ses principaux livres ont pour titre Furia (1982), Cyberkiller (1993), Inner City (1997) et Jihad (1999). Jean-Marc Ligny s'est aussi attaché à populariser la science-fiction auprès des plus jeunes lecteurs. Chez Nathan, Bayard ou Hachette, il a ainsi écrit plusieurs ouvrages pour des collections jeunesse (Le Voyageur, Slum City, Le Clochard céleste...). Vient de paraître : l'anthologie Eros Millennium, chez J'ai Lu en oct. 2001.

http://perso.wanadoo.fr/jean-marc.ligny/

Roland Ernould © 2002

Note de lecture : Jean-Marc Ligny Cosmic erotica,une anthologie féminine, J'ai Lu millénaires, février 2000..

un point de vue de Jean-Marc Ligny sur STEPHEN KING.

une nouvelle offerte par Jean-Marc Ligny MAMY VOIT DES OVNIS.

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 .. du site Imaginaire : liste des auteurs

.. du site Différentes Saisons, revue trimestrielle

.. du site Stephen King

mes dossiers sur les auteurs

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