Frédéric
Candian, Deux âmes dans l'antre
des fous
éd. Publibook, 2002, 188
pages.
Quand deux êtres
désemparés se laissent aller à la
désespérance, ils courent vite le risque de la chute
psychologique ou sociale. Mais s'ils se remettent à
espérer, à penser qu'ils peuvent donner un sens
à leur existence, le champ de leurs possibles s'ouvre
brusquement et beaucoup d'opportunités peuvent se
présenter. Y compris celles qui les mettront dans les pires
situations. Mais aussi celle de s'en sortir.
La fatigue de vivre, l'ennui, le vide
sont le lot des deux personnages que l'on rencontre au début
de ce récit, deux aigris de la société de
consommation et de la course à l'emploi. Élodie, qui
n'a pas le bagage scolaire et la compétence requis, se trouve
au chômage. Ses journées trop longues ne sont
coupées que par les copines, et les trajets à l'ANPE,
agence qualifiée par l'auteur de toutes sortes de noms
à consonance négative. Nicolas, ancien maître
auxiliaire d'anglais, est pigiste sans avenir journalistique dans un
hebdomadaire à sensation. Une décision inhabituelle du
velléitaire Nicolas le fait quitter Paris pour Tarbes,
où un cadavre a été trouvé coupé
en morceaux dans un champ. Les circonstances font qu'il y retrouve
Élodie, tarbaise pure souche.
La composition du roman est
originale. Les titres des deux parties et celui des titres de la
première partie sont des verbes à l'infinitif, qui
marquent autant d'étapes dans l'évolution des
personnages. Dans la deuxième partie, ce sont les noms des
personnages qui prennent le devant de la scène, ceux qui
n'avait été antérieurement
qu'évoqués et qui joueront maintenant un rôle
décisif.
Élodie et Nicolas
sympathisent, sans désirer nouer des relations plus
serrées, comme deux bêtes perdues se serrent l'une
contre l'autre pour trouver un peu de chaleur. Nicolas, moitié
par chance, moitié à la suite d'initiatives dont il ne
se serait pas cru capable, progresse dans son enquête. Il
réussit à établir des contacts fructueux avec
les autochtones et l'adjudant de gendarmerie, trouve des pistes
inexplorées par ce dernier, entreprend une
équipée nocturne dans une maison inoccupée par
son propriétaire. Sans déflorer le récit, on
peut cependant révéler qu'une partie de l'action
s'explique par ce qui se passe en Afrique, dans des pays incertains
et en conflits ethniques ou politiques, où la survivance des
croyances magiques des temps archaïques est maintenue dans des
sectes particulières.
Et brusquement tout se corse, avec le
retour des protagonistes africains, la mort d'autres personnages. Se
croisent alors les parcours des Africains et de Nicolas, qui
s'étonne de se retrouver aussi décidé et aussi
efficace. Nicolas est aidé, surtout moralement, par
Élodie, dont la vie a maintenant trouvé un sens.
Comment, grâce à Nicolas, une bien sombre histoire est
dénouée, les dieux africains évacués,
l'équilibre retrouvé, justifiant la note d'espoir de
l'épilogue, c'est ce que vous trouverez dans ce
récit.
En commençant à le
lire, j'ai d'abord pensé rencontrer un émule de
Philippe Ward, qui, avec Irrintzina, (Prix Masterton 1999) consacré au pays basque,
ressuscitait le folklore ancien de la province dans un contexte
moderne. Ce roman avait surpris il y a deux ans, comme un
témoignage original d'un renouveau du régionalisme
fantastique. Je me demandais si Candian ne répétait pas
l'opération avec son roman, pays basque et Bigorre
étant contigus. Comme Ward, l'auteur s'est beaucoup
inspiré de sa propre situation (enseignant et Tarbais), des
lieux et de l'ambiance propre à cette région pour
construire son roman. Beaucoup de jeunes auteurs procèdent
ainsi et ce n'est pas un reproche. Manifestement Candian aime sa
haute vallée de l'Adour, et trouve les mots pour
l'évoquer avec justesse. Mais, surprise, ce n'est pas le
folklore des anciennes divinités du lieu qui surgissent, mais
les dieux barbares lointains d'un culte africain sanguinaire. Candian
reprend les pratiques occultes de la magie ancestrale, de
l'invocation des démons à la
téléportation.
Ce récit, qui débute
par la description d'états d'âme pour se terminer dans
une action échevelée, m'a agréablement surpris.
La façon de désigner les différentes parties est
un bon indice du désir de l'auteur de structurer son
récit. Mais je regrette que, trop souvent, son désir
d'écrire comment pensent ses personnages, avec des mots et
expressions à la mode, le conduit à un style
relâché et parfois vulgaire. Candian est cependant
capable d'une écriture recherchée (p. 173, par
exemple). Certes, on peut attribuer ce qui frise parfois
familiarité et vulgarité au désir de
refléter au mieux ses créatures vues de façon
réaliste : mais cela entraîne de nombreuses
répétitions, des négligences qui auraient pu
être évitées par un effort d'écriture plus
soutenu. L'inconvénient des oeuvres ainsi
rédigées est qu'elles risquent de n'être vite que
des produits de consommation momentanée, les goûts et
les tournures de langage étant souvent liés à
l'instantané. La mode, c'est ce qui se démode.
Tel quel, ce livre plaira aux grands
potaches de Candian, qui vivent la société du zapping.
L'auteur a des qualités indiscutables qui ne demandent
qu'à s'exprimer avec davantage de persuasion. Reste aussi
à savoir si Candian sera capable de sortir de son propre
univers pour concevoir une oeuvre qui s'ouvre sur d'autres horizons.
En tous cas, ce jeune auteur, dont c'est le deuxième roman,
est à suivre de près.
La quatrième de
couverture :
Nicolas, jeune
journaliste d'investigation mal dans sa peau, n'a qu'une idée
en tête : quitter Paris. Son rêve est partiellement
exaucé lorsque son travail le conduit à Tarbes,
où son rédacteur en chef l'envoie couvrir une
étrange affaire criminelle. Elodie, quant à elle, sans
nouvelle de son petit ami, militaire parti en mission en Afrique,
décide de se lancer à la recherche de la
vérité concernant l'homme qu'elle aime. Une
vérité cruelle et d'autant plus difficile à
accepter qu'elle met en présence d'effrayantes puissances
occultes et les plus bas instincts des dirigeants d'une secte
nécrosée par le mal absolu.
Ed.Publibook, 18 rue du Faubourg du temple,
75011 Paris. Pas de distributeur. À commander à votre
libraire en donnant cette adresse, ou à :
www.publibook.com
Roland Ernould mai 2002
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Frédéric Candian, né le 24
août 1972 dans les Hautes-Pyrénées, est
professeur d'Anglais et correspondant de presse.
Après Le Sceau de Succubath, paru aux éditions Publibook, publie
son deuxième roman fantastique : Deux âmes dans
l'antre des fous,
rédigé entre février et septembre 2001.
L'auteur travaille actuellement son troisième roman,
intitulé Justice,
et qui sort un peu du schéma
régionalisme/fantastique, bien qu'il se passe
également essentiellement dans le sud-ouest.
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.. du site Imaginaire : liste des auteurs
.. du site Différentes Saisons, revue trimestrielle
..général
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