Jean-Pierre Andrevon
Le village qui
dort
éd. Naturellement, 2000.com,
2001.
Parmi les archétypes des
histoires d'horreur qui se proposent à l'inspiration de
l'écrivain, on trouve à un moment ou à un autre
l'histoire de la petite ville hantée, l'histoire des
fantômes ou des morts-vivants, l'histoire de la petite ville un
peu spéciale... L'année dernière, Andrevon se
promenait parmi les fantômes d'une bourgade pas loin de
Carcassonne (suggérés d'ailleurs plutôt que
montrés dans Les Fantômes ne vieillissent jamais). Cette année, c'est dans le
Haut-Languedoc que François, professeur de journalisme
dragueur et un peu fumiste, va entrer dans une «petite ville un
peu spéciale», après s'être
égaré en prenant une déviation. Il doit porter
sa voiture défaillante chez un garagiste, et y passer la nuit
dans la seule auberge d'un véritable désert. Soleil et
ténèbres seront les atmosphères
particulières de ce récit, et leur alternance a des
conséquences qui vont bien au-delà de la simple
succession temporelle de la nuit au jour.
Andrevon connaît ses classiques, et tout y passe. Dans un
soleil éclatant et la vacuité du silence, le
décor est planté. Tout est comme mort, pas d'habitants
visibles, ni de chant d'oiseau. Les maisons, poussiéreuses,
ont l'air abandonnées. Seul résident de l'auberge,
François ressent quelque malaise, cherchant à
comprendre, sans trop d'inquiétude cependant. Il est surpris
de constater que, par contre, la nuit, tout s'éveille. Il
passe de l'euphorie due à un bon repas à l'angoisse,
vite dissipée par la ronde des accortes serveuses de l'auberge
qui émeuvent ses sens. Ivre, il perd le sens du temps et
regagne péniblement sa chambre, pour y recevoir diverses
visites galantes de dames que son regard séducteur avait
repérées et allumées dans la salle de l'auberge.
Au nombre des visiteuses, ou François est remarquablement
doué pour la joute amoureuse, ou bien un air très
spécial favorise le village.
L'histoire bascule alors dans un érotisme aussi torride que le
feu du soleil qui incommode le lendemain François. Il comprend
qu'il n'y a pas que l'air qui est spécial, les habitants le
sont aussi. Il recherche des indices, le sens caché de cette
aventure incohérente. Andrevon a repris l'idée d'un
culte sorcier interdit, mais en l'assaisonnant d'une justification
sexuelle : le village a vécu, dans le passé, la
célébration païenne de la recherche de la joie des
corps, et en a payé durement le prix. Et les habitants, qui
défient le temps, rappelleront des icônes bien connues.
Car il s'agit, le lecteur l'a compris, d'une des rares incursions
d'Andrevon dans le domaine des vampires, ici bien présents, et
non suggérés. Il faut laisser le plaisir de
découvrir ce qui a fait revenir au village
«spécial» François, qui tient sa libido
généreuse d'un lointain passé. Et aussi savourer
la fin du roman, quand la «fiancée» de
François, à sa recherche, débarque à son
tour dans la bourgade pour y recevoir le même traitement et y
être «honorée» de la même façon
galante...
Andrevon n'a pas oublié ici ses engagements politiques, et
dénonce ici l'intolérance et la persécution
passées, qui, avec le fanatisme du moment, n'ont rien perdu de
leur actualité. Mais ils ne gâchent en rien un roman
d'agréable détente, avec un style fluide et
recherché, parfois sophistiqué. La distanciation par
rapport au sujet, des touches fréquentes d'ironie, l'humour
sous-jacent, et la mise en scène loufoque de certaines
scènes gaillardes ne justifiaient pas le refus du manuscrit
par la collection Frayeur du Fleuve Noir il y a quelques
années (sous le pseudonyme alors d'Alphonse Brutsche, autre
nom de plume d'Andrevon). Ce qui a retardé la parution d'un
texte qui tient sa place dans l'abondante création de
l'auteur, production éclectique d'un touche-à-tout, qui
a obtenu, dans un tout autre domaine, le Prix du Roman d'Aventures
2001 pour L'oeil
derrière l'épaule, aux
éditions du Masque.
La
quatrième de couverture :
François
Bauchau, professeur de journalisme à Bordeaux et dragueur
impénitent, a quitté la ville rose le dernier jour de
juillet dans sa Polo flambant neuve. Il a abandonné une
maîtresse provisoire pour rejoindre, à sainte-Maxime, sa
fiancée officielle. Mais, en plein cagnard, il se perd dans le
lacis des petites routes du Languedoc où il s'est imprudemment
engagé pour fuir les grands axes. Pire, sa voiture donne
d'inquiétants signes de faiblesse. Il doit l'abandonner dans
la garage d'un petit village désert qui, à la nuit
tombée, se meuble soudain d'une foule exubérante
semblant sortie de nulle part. Après un copieux repas,
François doit accepter l'hospitalité de l'unique
hôtel du coin où, dans la nuit, il reçoit
plusieurs visites, plus qu'agréables. Le voyageur
égaré ne se doute pas encore qu'il vient de tomber dans
un piège redoutable caché dans un invisible repli de
l'espace-temps. Un piège... mortel.
Avec ce récit en demi-teintes, Jean-Pierre Andrevon, qui vient
d'obtenir le 66è Prix du roman d'aventures avec son roman
L'oeil derrière l'épaule (au Masque) renoue avec ses
inquiétantes histoires fantastiques qu'il publiait jadis, sous
le pseudonyme d'Alphonse Brutsche, dans la collection Angoisse.
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Né
en 1937, Jean-Pierre Andrevon a fait des études
artistiques et a été un temps professeur de
dessin, A l'origine peintre, mais depuis toujours
passionné de science-fiction, il a vu sa
première nouvelle du genre publiée par la
revue Fiction
en mai 1968, date symbolique pour un auteur contestataire,
en prise sur le réel, et dont la plupart des ouvrages
ultérieurs auront une forte connotation
écologique. Son
premier
roman, publié
en 1969 chez Denoël, Les hommes-machines contre
Gandahar, devient
presque vingt ans plus tard un fort beau dessin animé
de long métrage, réalisé par
René Laloux sur des dessins de Caza. Auteur, sous son nom et sous le pseudonyme
d'Alphonse Brutsche de nombreux romans et nouvelles dans de
multiples genres (SF, Fantastique, Policier, etc.), il est
devenu un des chefs de file de la nouvelle science-fiction
français. Mais il est aussi l'auteur de plusieurs
romans fantastiques à travers lesquels il fait varier
le surnaturel, le suspens et l'horreur. Il a reçu
récemment le Grand Prix de la Science-fiction
française en 1990 pour Sukran (Denoël).
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Roland Ernould © 2001
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