Jean-Pierre Andrevon,
Les
fantômes ne vieillissent jamais
La Bartavelle Noire éd.,
déc 2000.
Andrevon fait partie de ces auteurs
productifs qui sortent allègrement leurs trois volumes par an,
et qui supportent ce rythme soutenu sans trop de baisse en
qualité. Après les Revenants de l'ombre, paru il y a vingt ans, qui mettait en scène,
dans le cadre du château gothique traditionnel des soldats
d'une espèce très particulière revenus pour un
ultime combat, ce roman est le second, dans l'abondante production
d'Andrevon, dont le titre fait une allusion directe aux êtres
venus des ténèbres. Le lecteur qui l'achètera
sur la foi de cette appellation risque d'être un peu
déçu. Si fantôme il y a effectivement, ce n'est
pas l'attirail accompagnant généralement le motif qui
intéresse Andrevon. Ses fantômes seraient plutôt
de l'ordre des souvenirs que des apparitions nocturnes. Aussi, peu de
références au genre fantastique, mais beaucoup au
modèle policier. Le narrateur, scénariste d'un film
improvisé par un metteur en scène qu'il a
déjà pratiqué plusieurs fois, se trouve sur les
lieux du tournage dans l'Aude.
Son récit se présente
comme une enquête serrée menée par deux hommes -
évidemment le scénariste et le metteur en scène
- qui ont connu et aimé la même femme disparue lors d'un
accident de voiture quelques années plus tôt. La
vérité doit être établie à partir
des versions tronquées de leur aventure personnelle et de
divers témoignages. On voit apparaître sur les lieux du
tournage et aux alentours une forme blanche qui ressemble à la
femme morte. D'autres faits bizarres se produisent. Ces
manifestations, qui paraissent surnaturelles, donnent lieu à
une enquête de type policier. L'ensemble se complète
d'une histoire de double, car «la fantôme» avait une
copie, une demi-soeur. La recherche du narrateur est
compliquée par le fait que la demi-soeur vivante se fait
passer pour la soeur morte... La fin est ingénieuse, mais,
malheureusement, sent le trucage. Réussir à
dépasser, en passant par des routes secondaires encore plus
sinueuses que la voie principale, les véhicules de
poursuivants roulant à «tombeau ouvert» (!), et
avoir encore le temps d'organiser une mise en scène, laisse
sceptique.
Censé être écrit
par un romancier qui ficelle aussi des scénarios, le
récit est en grande partie écrit dans le style de la
littérature blanche, ce qui fait, avec son côté
polar, un ensemble blanc et noir... Le cinéma y tient
largement sa part et le récit est parsemé de
précisions sur les modes de vie des gens de la tribu, avec de
nombreuses références à des films et des
acteurs. L'amateur de cinéma qu'est Andrevon, a pu se
défouler de son état de cinéaste frustré
(il fait partie du comité de rédaction de L'Écran
Fantastique).
Habilement construit, faisant aussi
appel à des souvenirs de la guerre qu'a vécue Andrevon,
avec le château isolé et les faits de résistance,
l'ensemble forme un roman agréablement lisible, avec un style
«français», fluide, qui tranche sur le spectaculaire
du roman américain. Andrevon nous y révèle ses
véritables fantômes : les souvenirs de la vie enfuie,
l'incommunicabilité des âmes, la solitude et la
mort.
La quatrième de couverture :
Philippe Jeanson, scénariste et romancier, est contacté
par un cinéaste avec lequel il a collaboré dans le
passé, Claude. ce dernier a besoin de lui pour
«sauver» un film de mystère et d'amour, dont il a
déjà commencé le tournage à Lagrassan,
petit village des Corbières. Mais Philippe se rend vite compte
que le but de Claude est de réaliser un film autobiographique
portant sur un ancien drame passionnel mal liquidé. Philippe
est aussi confronté aux mystérieuses apparitions d'une
jeune femme sur les lieux du tournage mais que personne n'a jamais
réussi à approcher. Dès lors, Philippe est
persuadé que ce fameux fantôme est la femme que Claude a
jadis aimé. Pourtant, il lui a affirmé qu'elle
était morte... Le mystère ne fait que s'épaissir
lorsque Philippe, à son tour, découvre que
lui-même a connu le «fantôme». Et qu'il l'a
aimé. Mais s'agit-il bien de la même personne?
Mêlant le suspense à la Boileau-Narcejac, le fantastique
et la littérature blanche, Jean-Pierre Andrevon nous
entraîne ici dans les dédales d'un récit
sourdement angoissant et obsessionnel qui nous laisse sur la corde
raide.
Note de
lecture
|
Né
en 1937, Jean-Pierre Andrevon a fait des études
artistiques et a été un temps professeur de
dessin, A l'origine peintre, mais depuis toujours
passionné de science-fiction, il a vu sa
première nouvelle du genre publiée par la
revue Fiction en mai 1968, date symbolique pour un auteur
contestataire, en prise sur le réel, et dont la
plupart des ouvrages ultérieurs auront une forte
connotation écologique. Son premier roman,
publié en 1969 chez Denoël, Les hommes-machines
contre Gandahar, devient
presque vingt ans plus tard un fort beau dessin animé
de long métrage, réalisé par
René Laloux
sur des dessins de
Caza. Auteur, sous son nom et sous le pseudonyme
d'Alphonse Brutsche de nombreux romans et nouvelles dans de
multiples genres (SF, Fantastique, Policier, etc.), il est
devenu un des chefs de file de la nouvelle science-fiction
français. Mais il est aussi l'auteur de plusieurs
romans fantastiques à travers lesquels il fait varier
le surnaturel, le suspens et l'horreur. Il a reçu
récemment le Grand Prix de la Science-fiction
française en 1990 pour Sukran (Denoël).
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Roland Ernould © 2001
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