Bernard Werber, L'Ultime Secret

Albin Michel, 2001, 410 p.

Bernard Werber est un cas. Cet ancien journaliste scientifique s'est acquis une audience remarquable (5 millions de livres vendus, traduit en 33 langues) sans avoir réussi à obtenir l'adhésion des critiques, depuis la parution en 1991, à l'âge de 29 ans, du premier volume de la trilogie des Fourmis. J'avoue que personnellement j'éprouve une certaine réticence à l'égard de cet auteur, qui persiste après la lecture de ce roman.

Dans
Les Thanatonautes ou L'Empire des anges, Werber a d'abord exploré les domaines de la mort les frontières de la conscience et de l'au-delà, avec la pérégrination des âmes qui le firent passer pour un écrivain mystique. Le voici maintenant devenu explorateur de l'esprit créateur. Alors que la plupart des auteurs en sont encore à l'intelligence artificielle, Werber s'attaque à la "conscience artificielle", en prenant comme personnage un neuropsychiatre qui vient de battre aux échecs le super-ordinateur Deep Blue IV pour mourir foudroyé quelques heures plus tard au cours d'un orgasme. Deux journalistes enquêtent sur cette mort bizarre : l'un, physiquement "enveloppé", âgé d'une cinquantaine d'années, Isidore, ancien journaliste du Guetteur moderne; l'autre Lucrèce, enquêtrice obstinée jeune et accorte qui travaille actuellement dans le journal. L'enquête de ces mal assortis les mènera d'un club bien particulier à un hôpital psychiatrique peu accueillant.

Les propriétés du cerveau fascinent. Werber a imaginé que le chirurgien soigne un patient paralysé qui continue à penser alors que son système nerveux périphérique ne répond plus. Le chirurgien croit à la puissance de la motivation comme moteur de l'action humaine et avec son malade il veut explorer les possibilités du cerveau. Devenu créateur, le cerveau oriente ses recherches sur la façon d'éprouver la sensation absolue, l'Ultime Secret. Le chirurgien a en effet enrichi le cerveau du paralysé grâce à un programme informatique qui lui permet de réfléchir plus vite, pour communiquer grâce à l'ordinateur. Mais ce programme donne aussi l'occasion au cerveau d'élaborer une nouvelle morale. On voit les ressources multiples de cette situation, et leur liaison avec le succès aux échecs comme la possibilité de déclencher à distance des stimulations du cerveau, en suscitant des sensations jusqu'alors inconnues, grâce à des électrodes implantées dans un corps normal... Par des alternances bien menées, Werber nous fait passer des événements qui ont précédé le décès du neuropsychiatre à l'enquête des journalistes.

Werber est un romancier populaire qui sait raconter, et cette histoire de science-fiction, moins documentée que les précédents romans, est menée comme un bon suspense, utilise l'ironie derrière l'humour. Mais l'intrigue plutôt banale ne m'a pas vraiment accroché, donnant une impression générale de facilité gâchant l'intérêt d'un sujet passionnant : les mystères du cerveau humain, liés à notre capacité d'imaginer ou de rêver le futur. Dans quelle mesure les nouvelles technologies de l'intelligence artificielle pourront-elles faire apparaître une nouvelle morale? Il y avait dans ce thème une belle occasion de donner forme au futur imprévisible dans l'imaginaire collectif, qui n'a pas été vraiment saisie. Werber utilise une écriture nerveuse et brutale, mais basculant trop facilement dans les clichés. Il dit lui-même qu'il applique dans son écriture les techniques de montage du cinéma : "
Je suis spectateur des images et de mes personnages qui défilent. Un de mes soucis est de taper de plus en plus vite pour suivre ma pensée." Privilégier l'efficacité narrative au style ne permet malheureusement pas de proposer une oeuvre vraiment achevée.

La quatrième de couverture :
Il y a deux millions d'années : le cerveau humain conçoit l'outil, qui démultiplie son efficacité.
Il y a 50 ans : il élabore les premiers programmes d'intelligence artificielle.
Il y a 5 ans : les machines arrivent à penser seules.
Il y a une semaine : un cerveau humain aidé d'un ordinateur accède à «l'Ultime Secret»...
Mêlant suspense, connaissances scientifiques et aventures, ce grand roman de Bernard Werber nous entraîne au coeur d'un continent mystérieux et fascinant : le cerveau humain.
Un auteur culte.

Né en 1961 à Toulouse, il écrit à 7 ans son premier récit, Les aventures d'une puce, qui sera suivi de beaucoup d'autres. Il fait des études supérieures à l'Institut de criminalité de Toulouse, puis à l'Ecole supérieure de journalisme à Paris. En 1983 est journaliste à Cambrai, dans le Nord, puis passe chroniqueur scientifique à L'Express. Commencé à 16 ans Les fourmis, dont le manuscrit fut refusé six ans par les éditeurs, y compris par Albin Michel... Il habite maintenant Paris, à l'ombre de la tour Eiffel et se consacre à son prochain roman, Le Royaume des Dieux, de dernier volet de sa trilogie des Thanatonautes.

Romans et essais :


Trilogie des fourmis : 1.
Les fourmis, éd. Albin Michel, 1991
2. Le jour des fourmis, éd. Albin Michel, 1992

Le livre secret des fourmis, éd. Albin Michel, 1993

L'encyclopédie du savoir relatif et absolu, éd. Albin Michel, 1993

Trilogie des Les thanatonautes : 1. Les thanatonautes, éd. Albin Michel, 1994

Les fourmis 3. La révolution des fourmis, éd. Albin Michel, 1996

Le livre du voyage, éd. Albin Michel, 1997

Le père de nos pères, éd. Albin Michel, 1998

Les thanatonautes 2. L'empire des anges, éd. Albin Michel, 2000

L'ultime secret, éd. Albin Michel, 2001

Les thanatonautes 3 : Le royaume des dieux ?

Bandes dessinées :
Les fourmis, éd. l'Écho des Savanes/Albin Michel, 1994 (dessins de Patrice Serres)
Exit, éd. Albin Michel, 1999 (dessins d'Alain Mounier)
Exit (tome 2), éd. Albin Michel, 2000 (dessins d'Alain Mounier)

Roland Ernould © 2002

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