Philippe Walter, Mythologie chrétienne, Fêtes, rites et mythes du Moyen-Âge

deuxième édition complétée, éd. Imago, 2003.

Professeur de littérature à Grenoble III, Philippe Walter est un spécialiste du Moyen-Âge qui dirige le Centre de Recherche sur l'imaginaire et la publication de la revue Iris, et qui collabore avec le GERF (Groupe de recherche sur le fantastique, dirigé par William Schnabel, de la même université). Grenoble se caractérise par le vif intérêt prêté aux diverses formes des littératures de l'imaginaire. L'ouvrage, publié initialement dans la collection "Mythologies" des Éditions Entente, reparaît sous une forme renouvelée aux Éditions Imago. Il a conservé son caractère d'introduction à des problèmes culturels qui concernent plusieurs domaines, histoire des religions, anthropologie, littérature, philologie ou mythologie. La bibliographie a été enrichie ainsi que les notes. Une intéressante introduction précise les buts de sa recherche.

Il était impossible d'imaginer que l'on pût trouver dans les livres d'histoires de ma jeunesse un chapitre consacré aux mythologies chrétiennes, à la suite des mythologies gréco-romaines. Le premier livre paru avec cette intention me semble avoir été celui de Jacqueline Marchand, Légendes Juives et Chrétiennes, paru aux éd. Rationalistes en 1968. Cette réticence diminue maintenant, avec le recul du catholicisme dans les pays occidentaux, et l'ignorance concernant les connaissances de base en religion chrétienne qui se généralise. La christianisation a fait et fait partie des influences majeures de l'histoire culturelle de l'Occident et il devient nécessaire de les prendre en compte dans la mesure où elles sont indispensables pour l'étude de nombreux textes littéraires, notamment ceux du Moyen Âge. Les autorités officielles académiques se penchent actuellement sur l'introduction de l'histoire des religions dans les programmes des lycées et collèges, et Philippe Walter souhaite évidemment que cet enseignement s'applique également aux religions plus récentes de l'Europe occidentale. Son ouvrage sur la mythologie médiévale a été rédigé avec l'intention de vouloir faire prendre conscience du champ de recherche d'un domaine encore peu exploré.

On ne trouve pas, à vrai dire, dans la mythologie médiévale, de personnages de l'importance de Zeus ou de Dionysos : difficile de comparer les croyances et superstitions éparses de l'époque médiévale et la densité et la cohérence des mythes antiques. Quand le christianisme s'est imposé, il a dû tenir compte des croyances païennes avec lesquelles, faute de pouvoir les éliminer, il a dû composer pour mieux les contrôler. Le christianisme a emprunté à son profit des cadres mythologiques préchrétiens, totalement extérieurs à La Bible, dans lesquels il s'est inséré. Il a hérité de la mémoire «sauvage» des peuples européens, des inventions archaïques des traditions, superstitions et légendes qui formaient une mythologie sans justification biblique, irrecevable sous cette forme par les autorités cléricales. Walter pense que c'est l'association de ces deux phénomènes qui permet de parler d'une mythologie chrétienne au Moyen Âge. Ces rites et croyances constituaient à l'époque le bagage culturel d'un peuple qui ne lisait pas La Bible, et qui se servait de ce cadre oral pour penser le monde. L'Église incorpora l'essentiel de cette matière pour créer une authentique mythologie chrétienne, qui est en fait une mythologie christianisée, dans un compromis religieux. La part de l'orthodoxie et celle des traditions chrétiennes apocryphes fut mise en évidence par la Réforme qui, au XVIe siècle, remit de l'ordre dans le dogme chrétien en excluant tout ce qui n'était pas issu de la Bible, en éliminant par exemple la part suspecte de cet héritage que constituaient, selon elle, les cultes de la Vierge et celui des saints. C'est justement dans ces pratiques simples et compréhensibles que s'était réfugiée la «mythologie chrétienne du Moyen Âge», qui semblait encore condenser la foi chrétienne et cadencer leur vie aux paysans au moins jusqu'au siècle dernier. Cette empreinte du paganisme sur la littérature médiévale a été longtemps ignorée ou mal comprise. Explorée, elle révélerait un intérêt mythologique nouveau pour une compréhension renouvelée de la culture du Moyen Âge.

Un mythe ne se résume pas à raconter (fonction narrative), révéler (fonction initiatique) ou expliquer (fonction étiologique). Il se survit en relation avec un rite, en s'inscrivant dans les deux cadres fondamentaux du Temps et de l'Espace. Dans l'Occident chrétien, les rites comme les mythes sont associés à un temps et à un espace sacrés. Par exemple, l'Église chrétienne reprend dans son espace les trois éléments principaux du culte druidique : la pierre mégalithique, menhir ou dolmen, se transforme en pierre d'autel; les fonts baptismaux reproduisent I'antique fontaine sacrée; les arbres de la forêt/temple deviennent piliers et colonnes d'une nef en pierre des églises et cathédrales avec ses ornements de chapiteaux feuillus. Tout un travail de manipulation a été ainsi fait au Moyen-Âge, qui a assimilé, remodelé et remotivé ces éléments.

Le temps mythique païen (celtique et indo-européen) s'est inscrit dans le calendrier rituel chrétien. Par exemple la pénitence du mercredi des Cendres compensait le Carnaval, qui domine la société médiévale. Le carnaval (littéralement en italien : ôter la viande) n'était plus la fête païenne : il annonçait le carême, rattaché aux vertu de contrition et de privation, en faisant revivre les quarante jours de pénitence et de jeune que le Christ s'était infligés dans le désert avant de commencer sa prédication et son ministère. Il est intéressant de constater de nos jours que, le christianisme déclinant, la symbolique du carnaval est devenue ignorée, au profit de manifestations folkloriques abandonnées à une fantaisie personnelle ou collective, à rattacher aux divertissements intégrés à la société de consommation. Carnaval était naguère une double religion, dont nos contemporains ont actuellement perdu les deux significations profondes : celle des croyances qui ont précédé le christianisme, qui contenaient une explication cohérente du monde pour les hommes de l'époque; celle de la religion chrétienne, qui proposait une autre explication tout aussi cohérente et signifiante pour elle... Comment comprendre Carnaval si on ne s'interroge pas sur son histoire?

Philippe Walter présente ensuite les sources utilisées par la critique moderne pour cette reconstitution de la mythologie du Moyen Âge : "Ces mythes, en partie légués par la mémoire, ont été altérés par le souci ecclésiastique de marginaliser la sacralité païenne qu'ils évoquent. Déformés par la christianisation, ils n'ont pas pour autant disparu. Le problème qu'ils posent aux Modernes est alors moins celui de leur consistance que celui de leur lecture. Les documents sur la mythologie médiévale existent mais, le plus souvent, on ne sait ni les reconnaître ni les lire." Je ne m'étendrai pas sur cette partie, intéressante pour les lecteurs concernés, mais aussi pour les lecteurs qui ne se posent pas toujours beaucoup de questions sur l'origine des informations ou explications qu'on leur propose. La table des matières figure au bas de cette note. En fin d'ouvrage, on trouvera un petit florilège des saints, une bibliographie sur le sujet et un index des noms propres et des noms communs.
Roland Ernould
© 2003

La quatrième de couverture :
Saint Martin sur son âne, saint Christophe à tête de chien, sainte Marthe tenant en laisse la Tarasque, saint Hubert accompagné de son cerf, voilà bien des saints bizarres et fort peu catholiques... Et pour cause.
Derrière les figures vénérées de notre calendrier se dissimulent, en fait, d'anciennes divinités païennes - celtiques pour la plupart - que le christianisme médiéval dut assimiler pour s'imposer. Et, dans un subtil compromis religieux, l'Église sut inscrire son message dans les huit grands cycles festifs de l'année préexistants, de la fête des Morts au repas des fées du réveillon de Noël.
Éminent spécialiste du Moyen Âge et de la légende dorée, Philippe Walter retrace ainsi la lente constitution de cette mythologie christianisée - totalement étrangère à la Bible - et redonne toute leur cohérence aux croyances, coutumes et rites souvent incompris, mais toujours présents, dans notre culture.

Table des matières :

Préface à la deuxième édition.
Introduction.
Une mythologie chrétienne.
Le calendrier mythologique du Moyen Âge.
Les sources mythologiques du Moyen Âge.
I. CARNAVAL, L'ÉNIGME D'UN NOM
L'incertitude des dictionnaires - Le mot Carnaval au Moyen Âge - Carna, la déesse de la fève et du lard - Le roi et la fève - La Manekine et Carnaval.
II. 1er NOVEMBRE, SAMAIN
Samain ou la nuit du passage Halloween Saint Martin (1er novembre) - Les pierres Saint Martin - L'ours Martin - Saint Martin et saint Hilaire - L'oie de saint Martin - Saint Hubert et le cerf (3 novembre).
III. NOËL ET LES DOUZE JOURS.
Le repas des fées et le réveillon - Saint Sylvestre (31 décembre) - La Chasse sauvage Père Noël - Le moine forgeron - Saint Éloi et le feu de décembre - Saint Nicolas (6 décembre) - Le sapin de Noël, le pin et l'aubépine.
IV. 1er FÉVRIER, IMBOLC.
Masques - Saint Valentin (14 février) - La mort rituelle du Géant - Sainte Brigitte (1er février), 90; Saint Vincent (22 janvier) - Saint Blaise (3 février) - Le cochon de saint Antoine (17 janvier.

V. LE «PASSAGE» DE PÂQUES
Le passage - Manger - L'oeuf - Les instruments des ténèbres - Le Purgatoire et saint Patrice (17 mars) - Saint Bénézet, pontife et passeur (14 avril) - Le berger royal - La litholobie ou l'exploit gargantuin - Le Pont du diable - Avignon, le pont et la ville des pontifes.
VI. 1er MAI, BELTAINE.
La reine de mai - La Vierge et la fée - Les Rogations - Robert le diable - Les dragons et la «terre gaste».
VII. LA SAINT JEAN.
Les feux de la Saint-Jean - La pierre sacrée - La folie du solstice - La roue de feu - La roue de la Fortune.
VIII. 1er AOÛT, LUGNASAD.
Monstres et héros caniculaires - Sainte Marthe (29 juillet) et la Tarasque - Sainte Madeleine, (22 juillet) et la Canicule - Les trois Maries et les trois fées - Sara, la Vierge noire - Christophe et le chien.
IX. SAINT MICHEL AU MONT GARGAN.;
Saint Michel du Péril - Le taureau sacré - Gargan - Saint Denis (9 octobre) et la dame chienne - Saint Bruno, l'ours des montagnes - Le géant Gug dans les Prophéties de Merlin.
Conclusion

Annexes : Petit Florilège des saints - Bibliographie - Index


Philippe Walter est professeur de littérature française du Moyen Âge à l'Université de Grenoble III. Il a publié de nombreux ouvrages sur le Moyen Âge et dirige l'édition et la traduction des Romans en prose du Graal dans la Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard). Il a publié aux Éditions Imago Merlin ou le Savoir du monde (2000) et Arthur, l'ours et le roi (2002).


Arthur : L'Ours et le Roi, Imago (2002)

Quatrième de couverture :
Prestigieux souverain des chevaliers de la Table ronde, le roi Arthur a suscité bien des rêveries et de nombreuses interrogations. D'où vient-il? Qui est-il? Authentique chef guerrier de la résistance bretonne face à l'envahisseur saxon du Ve siècle? Personnage littéraire issu des grandes épopées et des textes médiévaux? Il est bien difficile de suivre les multiples chemins empruntés par Arthur et sa suite...
En s'appuyant sur l'étude des textes, l'histoire et l'archéologie, Philippe Walter, grand spécialiste de la littérature arthurienne et du cycle du Graal, entreprend de retrouver l'origine du roi, de retracer son itinéraire et celui de son magique entourage. Au fil des pages, Arthur reprend sa véritable stature : émanant de la tradition orale et de la mémoire populaire préchrétienne, il hérite par bien des aspects d'une antique créature de la mythologie celtique, celle de l'ours sacré des cultes cosmiques.
Ainsi, au terme de cette enquête approfondie, le mystère autour du célèbre roi et de ses héroïques chevaliers se dissipe, sans perdre néanmoins de sa densité poétique.

Table des matières :
- Le Roi introuvable
- Les racines du mythe arthurien
- La mémoire des pierres
- L'ours Arthur
- Les brumes de Tintagel
- Les travaux d'Arthur
- Arthur et les fées
- Le péché d'Arthur
- La "mort" de l'ours


Naissances de la littérature française, IXe - XVe siècle - Anthologie, Ellug, 1997.

Quatrième de couverture :
Le Moyen Âge, période de naissance de notre littérature, voit simultanément ou successivement la naissance d'une langue, la naissance de la Littérature proprement dite, la naissance de l'Écrivain, la naissance du Livre et celle du Lecteur, autant de genèses qui ne sont ni naturelles ni spontanées et qui s'expliquent par une multitude de facteurs. La présente anthologie de textes littéraires français du IX e au XV e siècle voudrait avant tout attiser la curiosité et bannir quelques idées simplistes dont la littérature médiévale est encore parfois l'objet. En effet, le retour actuel au Moyen Âge procède d'une réévaluation totale des valeurs littéraires et conduit à s'interroger sur l'essence même du phénomène littéraire saisi dans sa genèse historique, culturelle et poétique.



Merlin ou le savoir du monde, Imago, 2000.


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