Maurice Limat, L'Entreprise du Rêve

présenté par Philippe Heurtel, éditions de l'Oeil du Sphinx, 264 pages, 2002.

Je me suis remémoré Maurice Limat lors d'une recherche faite sur Jean-Marc Ligny il y a peu de temps. Il affirmait dans une interview que deux auteurs l'avaient marqué dans sa jeunesse : Philip K. Dick, le meilleur, le mentor (Ligny n'aime pas le terme «maître»); et Maurice Limat, l'archétype du mauvais écrivain, l'exemple de tout ce qu'il ne fallait pas faire en science-fiction. Ce qui ne l'empêche pas de reconnaître qu'il l'a lu abondamment, comme les autres auteurs du Fleuve Noir. Maurice Limat est décédé en ce début d'année et une deuxième occasion de me souvenir me fut donnée par la notice nécrologique parue dans Galaxies de mars 2002. Elle rappelait que féru d'occultisme, l'écrivain était "capable du meilleur comme du pire", "pur produit d'une France d'avant-guerre, réactionnaire et passéiste" quand il abordait des questions de littérature, de politique et de progrès. J'ai dû le lire en abondance dans ma jeunesse - prolifique, il en a produit cinq cents romans, des nouvelles, du théâtre (une de ses pièces a obtenu un grand succès); mais je l'avais oublié, comme les auteurs d'évasion dont le destin est de finir, tôt ou tard, dans le néant.

Néant d'où il ressuscite à l'occasion de ce travail de réhabilitation des éditions de L'Oeil du Sphinx. Son directeur, Philippe Marlin, connaissait bien Limat. Oeuvre de mémoire, dans laquelle j'ai particulièrement apprécié ce passage des souvenirs de Limat quand, ayant cessé d'écrire en 1987, il a brusquement cessé de percevoir des droits d'auteur : dur constat, qu'une littérature destinée à la consommation pouvait cesser d'intéresser du jour au lendemain. Ce livre a le mérite de faire revivre un auteur limité dans ses ambitions, de rappeler cette période de l'après-guerre où, comme les "pulps" aux USA, la jeunesse aussi bien que les adultes constituaient un public de choix pour cette littérature bon marché, sans prétention, à une époque où la lecture était la principale distraction, alors que la télévision n'avait pas tout accaparé en la tuant pratiquement.

Conséquence d'un repas pris entre amis où assistait à 85 ans le toujours gaillard Limat, auquel Philippe Marlin avait promis de publier ses poésies, dont aucun éditeur n'avait jusqu'ici voulu, ce livre présente un ensemble complet pour aborder un auteur qui a formé l'imaginaire de bon nombre d'auteurs actuels. Une première partie est consacrée au romancier populaire, à "l'homme aux millions de mots" dont deux textes portant sur l'édition et un de ses personnages favoris, Teddy Verano. Claude Hermier propose ensuite un échantillonnage d'une dizaine de romans, dont il résume l'intrigue ou cite des extraits significatifs. Une deuxième partie, d'un plaisir plus immédiat, est consacrée à plusieurs nouvelles de science-fiction et à quelques contes; à une vingtaine de poèmes, complètement ignorés jusqu'alors.; et enfin des textes de littérature générale et du théâtre. Une minutieuse bibliographie, à plusieurs entrées (ordre chronologique, par éditeur et collection, alphabétiquement par titre. Le nombre de textes publié étant important, cette section bibliographique occupe le tiers de l'ouvrage. Ce travail est utile, car il n'existait rien sur Limat.

Maintenant que l'auteur reéapparait au grand jour, se trouvera-t-il un éditeur pour charger un passionné de rechercher dans cet amas de textes les réussites qui sont sont à redécouvrir?

La quatrième de couverture :
« Un mot résume Maurice Limat :son amour de la vie. Le coeur, la culture, l'intelligence conjugués à un puissant tempérament font de ce romancier un oiseau du grand large. Il faut un rêve ardent pour donner la vie. Et ce rêve induit le bonheur de créer. »
Maurice Limat, l'entreprise du rêve, propose à la fois un regard sur la vie et l'oeuvre de l'un des auteurs phare des éditions Ferenczi et du Fleuve Noir, et une sélection de textes courts, pour beaucoup inédits : nouvelles de science-fiction et de littérature générale, contes, poèmes, théâtre...
Cette entreprise du rêve constitue une promenade dans l'imaginaire d'un romancier, et un voyage dans le temps, au coeur d'une époque révolue où des romans à suivre - d'aventure, d'amour, d'anticipation... - envahissaient chaque semaine les kiosques à journaux.

Claude Hermier & Philippe Heurtel.

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Maurice Limat (1914-2002) a quitté l´école à 14 ans pour trouver un emploi sans qualification dans une maison d´exportation. Il écrit son premier roman est à 20 ans (Aéronef C3, 1935) et ne cessera plus de publier, d'abord chez Ferenczi , puis après la guerre chez divers éditeurs et surtout au Fleuve Noir, dans la collection "Anticipation" dont il va devenir l´un des six auteurs les plus prolifiques de la grande époque des années. Nombreux pseudonymes : Maurice Lionel, Maurice d´Escrignelles, Lionel Rex, Jean Scapin. À partir de 1961, il publie également dans la collection "Angoisse" de nombreux romans qui mettent en scène le détective Teddy Verano, confronté à des affaires surnaturelles. Auteur de plus de cinq cents romans, auxquels s´ajoutent des contes et nouvelles dispersés dans de nombreuse revues, il écrit aussi du théâtre (pièces d'aventures, une pièce policière et un drame pour le Grand Guignol. Sa dernière publication est Atoxa-des-Abysses (1987) au Fleuve Noir (collection "Anticipation)

Roland Ernould © 2002

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