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Picatrix, l'échelle pour l'enfer

Éd. Rivages, traduit de l'italien par Sophie Bajard, 276 pages.

en librairie le 16 octobre 2002

Evangelisti a maintenant rodé sa mise en scène, ses personnages, et pour le lecteur de ce cinquième volume de la série des Eymerich l'Inquisiteur, la période de la découverte du personnage a cessé. L'auteur est passé à l'approfondissement de sa psychologie : si ses tendances ambiguës profondes sont restées les mêmes, son évolution vers les sentiments devient manifeste. La série des Nostradamus nous a éclairés sur la place du masculin et féminin dans la pensée d'Evangelisti. Dans Nostradamus, il évoque l'univers actuellement régi par l'équilibre entre ces deux éléments. Le démon Ulrich ne pense pas que ce dualisme puisse être durable. Il veut que l'élément masculin écrase le féminin. Cette ère ne surviendra que lorsque l'homme, ce composant du cosmos, retournera à son état primitif en ayant vaincu l'élément féminin. Or Eymerich suit le chemin inverse, et pour la première fois dans la saga, il se montre faible, presque vaincu par une femme dont il subit l'influence.

Un chrétien intégriste chez les Mahométans est la situation nouvelle que nous propose Evangelisti. Il pénètre en effet dans le royaume de Grenade, y rencontre un jeune juif converti au christianisme et rencontre de grands penseurs et mystiques orientaux. Inutile de dire que ces contacts sont âpres, compte tenu du racisme et de l'intransigeance de l'inquisiteur. Il doit résoudre le mystère des monstres à tête de chien, auteurs de plusieurs meurtres, et de grandes roues lumineuses qui tournent dans le ciel aussi bien en Espagne du temps d'Eymerich qu'en Afrique de nos jours, où l'on retrouve des personnages de la nouvelle Le souffle des FARC. Elles sont toujours visibles, au cours des combats en Afrique qui opposent l'Euroforce à des troupes innombrables d'enfants drogués et affamés. On y revoit à nouveau le professeur Frullifer, une sorte de deuxième Eymerich avec les mêmes complexes à l'égard des femmes. Frullifer enquête sur un phénomène étrange : les malades mentaux d'une clinique qui se mettent à aboyer à une date déterminée. La même date que veut vérifier Eymerich, qui l'amène à se rendre aux îles Canaries.

On ne trahira pas l'intrigue en révélant le coup de théâtre dans le dernier chapitre, dans la tradition des romans-feuilletons du siècle dernier, et qui oblige le lecteur à regarder le roman d'un nouvel oeil. On espère retrouver le personnage de son assistant juif converti Alatzar, à la subtilité intellectuelle remarquable, qui en fait un adversaire redoutable, contre lequel Eymerich se brise. Foisonnant de développements secondaires, ce roman, qui accorde une place de plus en plus grande à la puissance de certaines formes de l'énergie psychique, montre le même brio que les précédents et ne traduit pas d'essoufflement. Valerio Evangelisti sait durer en prenant une place de plus en plus grande dans la littérature internationale de l'Imaginaire. Le prochain roman, Lemegeton, est actuellement en cours de traduction.

 

La quatrième de couverture :

1361. À Saragosse, quiconque entre en possession du Picatrix, un ouvrage de sciences occultes, se voit immédiatement tué par des monstres à tête de chien, cependant que, dans le ciel, de grandes roues lumineuses font leur apparition. Pour résoudre ce mystère, le grand inquisiteur Nicolas Eymerich va devoir pénétrer dans le royaume arabe de Grenade. C'est bien à contrecÏur qu'il s'aventure en ce monde islamique raffiné et complexe qu'il taxe d'hérésie totale, où va le guider un jeune juif converti au christianisme. Sur sa route, Eymerich croisera les plus grands penseurs et mystiques orientaux, d'Ibn Khaldûn à Al-Farabi, et affrontera l'horreur lorsqu'il se retrouvera face à l'explication de ces meurtres terrifiants. Des siècles plus tard, des roues lumineuses similaires brillent dans le ciel de l'Afrique tandis qu'au Sierra Leone, les mercenaires de l'Euroforce provoquent l'exode massif des enfants de sable de la tribu des Temne vers le Libéria et l'empire du Bouganda. Aux îles Canaries où il s'est exilé, le professeur Marcus Frullifer, entraîné par une séduisante journaliste scientifique, assiste à un bien étrange phénomène : une fois par an, au moment de la Fête du diable, les malades de la clinique psychiatrique locale se mettent à aboyer. Trois intrigues qui vont se lier inextricablement pour former un puzzle diabolique...

De l'Espagne du XIVe siècle au futur proche d'une Afrique parallèle, Valerio Evangelisti nous promène une fois encore le long de l'échelle du temps, tissant avec toujours plus de brio sa surprenante série. Aux côtés de l'inquisiteur Eymerich, ses lecteurs retrouveront dans Picatrix le professeur Frullifer, apparu dans le premier volume des aventures du Sherlock Holmes de l'Inquisition (Nicolas Eymerich, inquisiteur).

Le foisonnement de ce nouveau roman, qui mêle aventures historiques, réflexions sur l'état du monde et ses dérives futures, réinterprétations imaginaires, audaces narratives, confirme le talent de Valerio Evangelisti et l'originalité de son Ïuvre dans le paysage littéraire international.

Roland Ernould © 2002

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Revue Phénix #57, mai 2002.
Numéro spécial Valerio Evangelisti, avec un chapitre inédit des Chaînes d'Eymerich, une interview inédite et de nomreux articles de Roland Ernould, l'auteur de ce site. Ce copieux dossier de 140 pages comprend également un article de Delphine Grépilloux et une bibliographie d'Alain Sprauel.

Le dessin de couverture est de Sophie Klesen

En librairie : 13 ¤. La revue Phénix est éditée par la SARL Éditions Naturellement, 1, place Henri Barbusse, 69700 Givors. Directeur : Alain Pelosato.