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L'ombre d'Eymerich :
EYMERICH
ENTRE LE PUR ET L'IMPUR.
Un commentaire
personnel de Valerio Evangelisti à propos de cette étude.
Le pur est un concept, et
l'être pur n'existe pas. La pureté serait
angélique, blanche comme les ailes du chérubin. Mais
l'homme pur, essence, ne peut exister. Les jours des hommes se
coulent dans le concret. Cette matérialité
existentielle fait leur vie. Elle a pour eux les aspects plaisants,
mais aussi déplaisants, tantôt bons, tantôt
mauvais, d'un être mi-ange, mi bête. Et si la plupart des
individus ne se plaisent que dans la vie matérielle, comment
expliquer la quête de la pureté qui définit bon
nombre des activités humaines?
Valerio Evangelisti a fait de ce
conflit entre le pur et l'impur le thème essentiel de son
oeuvre. Un romancier ne peut écrire sur le pur, sorte
d'éternité blanche, si semblable à
l'éternité noire de la mort. L'impur seul se
prête à commentaires. Mais le concept
indéterminable de pureté est constamment utilisé
pour couvrir les plus sombres desseins : la pureté de la race,
la pureté de la croyance, la pureté d'une doctrine, la
pureté d'un art. Le personnage d'Eymerich, tunique blanche et
manteau noir, est le symbole de l'homme divisé, à la
recherche d'une pureté impossible. Mon intention est de
montrer combien, dans ce prétexte moraliste de rechercher et
de prescrire la pureté affiché par le Grand
Inquisiteur, se décèle une inauthenticité
profonde. Et d'y trouver un écho aux convictions de Valerio
Evangelisti, qui a assisté à l'effondrement des
idéologies contemporaines, visant à imposer un type
d'homme nouveau et purifié.
L'IMPURETÉ DES ÉLÉMENTS ET DES
CONTACTS.
Eymerich ne fait pas allusion au
Lévitique
et au Deutérome, les livres de La Bible qui
précisent les préceptes de la vie quotidienne et
religieuse. D'une minutie presque maniaque, la liste des
prescriptions et des interdits y est hétéroclite et
interminable. Un certain nombre de ces préceptes sont encore
observés dans la morale juive actuelle. En résumant, on
peut dire que tout ce qui dégrade une certaine idée de
la création est considéré comme impur. On
retrouve l'exacte position d'Eymerich, un véritable
névrosé phobique, représentant le prototype d'un
conservatisme qui nie toute idée d'entropie, d'une situation
de désordre dans la matière.
Références bibliques.
La loi de pureté est
développée plus spécialement dans le
Lévitique
(11-16), qu'Eymerich a dû connaître par ses diverses
lectures théologiques. Certains comportements y sont prescrits
en vue de l'observance de la "sainteté" requise par la
présence divine. La loi sur les animaux par exemple distingue
les espèces pures et impures, et elle recoupe les
préoccupations d'Eymerich. Par exemple, est
déclaré impur "tout ce qui dans l'eau n'a pas de nageoires, ni
d'écailles."
Peut-être une des sources de l'horreur éprouvée
par Eymerich par le protozoaïre géant qui se
développe dans la grotte de Neptune. Bon nombre d'insectes
ailés sont impurs. Et surtout "tout être pullulant qui pullule sur la
terre." (11.41) Ce qui permet
de projeter sur le comportement d'Eymerich deux éclairages :
une certaine idée de la pureté qu'on trouve dans les
écrits bibliques et l'interprétation psychanalytique
qu'on peut faire de sa conduite.
Eymerich éprouve une horreur sacrée de la vermine.
Quand il arrive quelque part, il vérifie la propreté,
l'état de la paillasse, ne se résignant pas à
partager sa couche avec les punaises ou les poux. Il
préfère dormir inconfortablement par terre ou sur un
coffre, plutôt que d'être souillé. Il fait raser
les cheveux d'un prisonnier, par crainte que sa coiffure trop
abondante puisse dissimuler, outre les inévitables poux,
"des larves et des
créatures immondes."
(4/107) Il abhorre les vers et les insectes, "capables de s'insinuer entre ses
vêtements, de voler jusqu'à lui, de tomber sur lui
à l'improviste, de lui toucher la peau de leurs mouvements
gluants. Rien au monde, peut-être, et pas même la
silhouette du démon sur l'horizon, ne se trouvait en mesure de
susciter en lui tant de terreur."(4/56)
Eymerich ne fait pas mention de ce rejet biblique de certains
insectes (emprunté d'ailleurs par les rédacteurs de
La Bible à l'Avesta, livre de
la foi que Zoroastre a reçu de l'être suprême
Ormuzd, qui a influencé considérablement la
pensée religieuse des Hébreux. Il y est dit qu'Ahriman,
le diable, couvrit le sol de sa vermine grouillante, de ses
bêtes mordantes, venimeuses, des serpents, des scorpions). Les
contemporains d'Eymerich n'attachent d'ailleurs aucune importance
à l'existence de cette vermine. Ce n'est pas non plus par
hygiène qu'Eymerich fuit sa compagnie : il se lave peu, se
rase encore moins. Il est négligé et ne se soucie pas
de ce qu'il porte. Ce qui lui importe, c'est moins le souci de
l'hygiène que de ne pas subir de contact
indésiré.
Références psychanalytiques.
L'éclairage psychanalytique
est intéressant. La peur de certains insectes, fébriles
et voraces, serait à rattacher au principe du plaisir
freudien. L'insecte est le symbole de l'avidité, de la
multiplicité des désirs, de la volupté et du
besoin de renouvellement. Il est rejeté dans la mesure
où il est associé, dans l'esprit du phobique, à
la libido qui lui fait peur. Et, deuxième volet de
l'interprétation, la peur de l'insecte serait liée au
refus par l'individu de sa vérité profonde, à sa
recherche de justifications artificielles, évacuant tout
désir d'aller jusqu'au fond de lui-même.
Précisément ce que Reich signalera à Eymerich.
Et ce qu'Eymerich pressent dans ses rêves : "L'idée même que des bêtes
immondes pussent fourmiller sur son corps remplissait Eymerich de
l'horreur la plus pure. Mais l'intensité de ce
dégoût équivalait aussi à une
condamnation, car cette pensée le poursuivait souvent dans ses
rêves, lui restituant le tourment qu'il avait réussi
à éviter durant ses veilles." (3/46) La cellule qu'il occupe à
Saragosse constitue l'un des rares endroits d'Aragon, et
peut-être de l'Europe entière, où les parasites
sont rigoureusement bannis.
Il a aussi peur des araignées
(4/54), qui est une peur de même nature que celle des insectes
en général, mais plus caractérisée.
L'araignée, guettant immobile au centre de sa toile, porteuse
de mort, paraît seulement être un sujet de
répulsion. En fait, analytiquement, l'araignée serait
le symbole de l'angoisse de l'introversion, du narcissisme, de
l'amour excessif de soi d'un être absorbé par son
égocentrisme. La peur du phobique extériorise ses
terreurs cachées, son repli sur lui-même, et sa
difficulté à communiquer. L'inquisiteur découvre
des araignées dangereuses partout en Sardaigne :
"L'horreur paralysait
Eymerich. Lui qui, à la différence de tant d'autres, ne
tolérait même pas de vivre avec des puces ou avec de
simples poux, découvrait maintenant qu'il avait posé le
pied sur une île dévorée de parasites. Il
ressentit sur son propre corps un terrible
fourmillement." (4/54) Les
cafards lui répugnent et on le voit faire attention
"de ne pas toucher les hordes
de cafards qui s'amassaient entre ses pieds et le remplissaient de
dégoût."
(2/209). Le cafard est lié aux idées sombres, aux
projets sinistres, à l'hypocrisie, et à la bigoterie
étroite.
Quand Eymerich descend dans le
souterrain qui conduit à la grotte de Neptune, il
éprouve la répugnante sensation que le terrain sous ses
pieds est creux et qu'y bougent "des amas de créatures abominables et
blanchâtres". Il a le
sentiment de vivre le plus horrible cauchemar de sa vie, et craint
"de déboucher dans
quelque puits grouillant de créatures inimaginables.
(...) Il ne réussissait pas à
évoquer Dieu. Son Dieu à lui, plein de force et
d'orgueil, ne trouvait pas de place dans cette cavité
suffocante." (4/202) Le
lecteur peut remarquer qu'Eymerich, qui a l'esprit lucide et
rigoureux, peine à débrouiller ses contradictions,
qu'il ne peut que subir. Pour les psychologues, la peur de la vermine
et de l'affection pathologique sont les signes les plus clairs d'une
conscience perturbée par son mal-être personnel, dont
elle trouve partout des reflets..
Eymerich, inquisiteur qui décide des tortures, n'aime pas le
sang (2.32) Mais il le fait couler autant que nécessaire :
"Faire gicler le sang corrompu
n'est pas de la cruauté, ni un remède. Aussi salutaire
qu'une saignée."
(2.248) La fantasme du sang impur a pour corollaire
l'évacuation, au nom de l'hygiène, de tout ce qui
touche la perfection du modèle humain tel qu'il avait
été créé par Dieu avant la faute.
Le
Lévitique insiste
beaucoup sur l'impureté lié au sang, celui du crime
comme celui des femmes en certaines circonstances féminines
(règles ou accouchement). Le Lévitique consacre aussi un long article sur la corruption de la
chair physique, essentiellement la dégradation apparente.
À cette époque où sévissait la
lèpre, l'atteinte de la peau ou les ulcères sont
considérés comme impurs (11.13). De même Eymerich
est horrifié par "la
seule mention d'une affection". Il est mal à l'aise et prisonnier d'un monde
hostile et répugnant : "Il éprouvait une aversion instinctive envers tout
ce qui était sale, malade ou impur."(4/56) Eymerich, qui méprise son corps, est
pourtant révolté par une répugnance instinctive
à l'égard ce qui touche à son
intégralité, qui est anormal, morbide, corrompu. Il
répugne à se rendre au chevet de son supérieur
mort de la peste : "L'idée de revoir le corps pourrissant de
l'inquisiteur général lui était
intolérable. Il haïssait toute forme d'imperfection
physique, mais il haïssait surtout la maladie, la sienne comme
celle des autres. Quand la peste l'avait frappé, quatre ans
plus tôt, il s'était enfermé dans sa cellule et
avait refusé toute aide. Montrer aux autres ses faiblesses le
bouleversait plus encore que la mort." (1.29)
La vie et la
vermine.
Pour le Lévitique, la pureté ne peut être rétablie
que dans le retour à l'état de choses normal, d'avant
la dégradation, retour obtenu par des rites ou des
cérémoniaux pour se purifier. Eymerich cherche ainsi
une purification souvent impossible. Quand il a bu de l'eau qu'il
croit polluée à une source, il tombe dans un
état de panique tel qu'il voudrait "s'arracher ses vêtements pour les examiner, boire
du vinaigre pour se désinfecter les viscères."
(4/55) Il mange peu, du pain
de préférence, avec le minimum d'accompagnement, et
saute facilement un repas. Mais quand on lui en sert un, il a des
exigences : "Je veux que la
viande soit bien bouillie, et le vin scellé." (4/58) Devant toutes les corruptions
possibles, l'existence d'Eymerich est une restriction permanente, une
rétention continuelle.
Ce qu'il abhorre, c'est le contact
avec la vie, et son symbole, la vermine, si proches l'un de l'autre.
Car dans la même perspective d'appréhension du vivant,
Eymerich a horreur de la promiscuité corporelle. Il rejette
l'«autre», comme il écarte le péché.
Comme il éprouve l'effroi au contact de toute vermine ou
équivalent, il a la phobie de l'autre. Il donne l'impression
que l'attouchement superficiel
(contact de mains, d'étoffes, embrassades) est vécu
comme une agression, une profanation. Celui qui se laisse toucher par
l'autre court le risque de se laisser envahir, de subir une
irruption, presque une effraction. Le contact fait courir le risque
de la lèpre du lépreux. Ou la contagion du vivant?
"Tout contact humain,
même le plus innocent, suscitait une réaction
instinctive de tension, de méfiance. Conscient de ce qu'un tel
comportement avait d'excessif, il ne pouvait pourtant y
échapper. Il était habitué à
considérer chaque étranger comme un ennemi potentiel,
jusqu'à preuve du contraire." (3/34) Il vit mal l'altérité, ne
recherche la communication que sur le ton de la condescendance, du
commandement ou de l'excommunication.
Il n'y a pas de potager sans
mauvaises herbes. Eymerich est le jardinier qui s'épuise
à les chasser de son jardin édénique. C'est pour
cette raison qu'il préfère voir les choses de loin,
dans l'ombre : "Son
caractère dur, dissimulé, peu enclin à
l'exhibition, l'avait empêché de chercher toute charge
officielle. Il préférait exercer une secrète
influence en demeurant dans l'anonymat, même s'il se vexait
vivement lorsque ses mérites n'étaient pas reconnus ou
se voyaient attribués à d'autres. (...) Mais sa crainte majeure était de trop se
découvrir." (1.38) Il
n'aime pas la compagnie, fuit tout rapport humain : "De par sa nature profonde, il détestait
devoir s'exhiber, parler en public. Ses seuls moments de bonheur, il
les connaissait lorsque, enfermé dans sa cellule aux murs
éclatants de blancheur et obsessionnellement
récurés, il pouvait savourer des rêves de gloire
qui, dans la réalité, lui étaient interdits par
son aversion envers la vie en société." (1.35) "La solitude lui donnait une sensation de liberté
très interne, presque enivrante." (3/34)
Pour déchiffrer un personnage aussi particulier, Evangelisti a
eu l'idée de faire appel à un spécialiste de
psychanalyse, Wilhelm Reich, dans un singulier dialogue se passant
dans une autre dimension. Reich donne une clé pour
interpréter cette peur de tout ce qui contamine, la peur du
contact physique : des tendances schizoïdes, qui mèneront
Eymerich, s'il n'y prend garde, à la maladie mentale
correspondante, la schizophrénie. "Toute votre surface corporelle est complètement
privée d'énergie. Vous l'avez fait refluer depuis
longtemps à l'intérieur de votre noyau, sous la
poussée d'une terreur sans nom, comme il advient au sang dans
les moments de panique. (...)
Vous avez cru rendre votre
peau insensible, mais vous n'avez fait que la rendre froide et
réactive à la chaleur des autres. (4/174) Ainsi s'éluciderait sa peur des
insectes : "Ils constituent le
symbole même de l'invasion. Ils tombent des branches et des
plafonds, se posent n'importe où, sautent suivant des
trajectoires imprévisibles. Et vous, vous ne voulez pas
être touché. Votre aspiration suprême est
d'être pur esprit."
S'expliquerait aussi sa difficulté pour établir de
vrais contacts humains : "Une
caresse, pour vous, se charge de la violence d'une gifle. Du reste,
qui caresserait jamais un animal à sang froid? Vous n'en avez
pas conscience, mais vous n'arrivez pas à vous y faire et vous
en souffrez. Vous avez oublié comment on caresse et vous savez
seulement frapper. Tout autre contact vous est
interdit." (4/175)
Quand Eymerich est invité par Reich à associer des mots
avec le souvenir de sa mère, il propose le mot
«gel», avec d'autres termes. Reich peut ainsi lui dire que
les rapports d'Eymerich avec sa mère ont fait de lui un
cadavre, un «castré» affectivement. Il serait devenu
incapable d'avoir des rapports avec d'autres corps qui ne
partageraient pas sa sévérité et son rigorisme,
ce que Reich appelle sa "rigor
mortis." (4/70)
L'IMPURETÉ DE LA CHAIR.
La transgression de l'interdit,
infraction à l'ordre des choses, l'équivalent de la
«faute» biblique dans les rites primitifs, a
été remplacé, avec la Révélation,
par une conception plus évoluée du
«péché». Il prend dorénavant un double
caractère. D'un côté, la volonté divine a
été objectivement transgressée. De l'autre,
subjectivement, le péché est la manifestation de la
mauvaise volonté et de la perversion de l'homme. Cette notion
de la conscience, du refus volontaire de Dieu forme le fondement de
la religion biblique.
L'impur
biblique.
Pour l'Église
chrétienne et pour Eymerich, le fils de Dieu s'est
«incarné». Ce qui entraîne l'existence d'un
double religieux : au dessus de l'argile se trouve l'esprit divin qui
l'a modelée. La doctrine tente d'expliquer la dualité
de ce qui est. D'une part, il y a le corps et la chair d'Eymerich,
pour reprendre le titre d'un roman; le point de vue organique, de la
matière, source de l'impur. De l'autre, il y a la conscience,
l'esprit d'Eymerich, une parcelle du divin. Si Dieu a
créé l'homme à son image physique, subsistent
des traces de l'étincelle divine, le Verbe non
matérialisé, incorruptible. Mais l'homme, devenu
corruptible, meurt. S'il a péché contre le divin, sa
chair et son esprit subiront les tourments de l'enfer. Seul son
esprit - ou l'âme, dans un corps faussement corps parce que
dématérialisé, accédera au divin s'il a
été purifié par les sacrements adéquats.
D'où l'importance dans la série des Eymerich des
confessions et remises de peines réciproques avant toute lutte
périlleuse. Pour Eymerich, l'impur est l'intrus, le
défendu par Dieu, lié au péché et
à la condition humaine. La faute morale se distingue mal de la
souillure physique. La tentation est toujours source
d'impureté, comme Eymerich le ressent avec les sentiments
troubles qu'il éprouve lors des séances de
torture.Eymerich est l'incessant bourreau, sans cesse purifié,
lavé de tout meurtre, prêt à recommencer.
La concupiscence est le terme
général employé dans la tradition
chrétienne pour tous les désirs impurs qui se
manifestent chez les hommes et les détournent des
prescriptions de Dieu. La tentation est la concupiscence
affamée de plaisirs, de richesses et de pouvoir. Elle subit
l'attrait du bien immédiat, au mépris du Bien
supérieur. La tentation en soi n'est pas un mal, mais la
preuve de la liberté de l'homme, puisqu'il peut y
résister en faisant appel à sa volonté, à
la prière et à l'ascèse. Dans cette perspective,
la plupart des plaisirs de la chair sont impurs. Voilà qui
devrait conforter la position de quelqu'un dont on sait qu'avec
"son propre corps, qu'il
considérait comme une sorte d'appendice négligeable de
la tête, il avait toujours entretenu de mauvais
rapports." (2.110)
Ce qui intéresse le lecteur attiré par ces
problèmes moraux est que le combat d'Eymerich se livre dans
deux directions. Contre des cultes païens, ce qui est
compréhensible de la part d'un homme d'Église soucieux
de promouvoir le vrai Dieu. Mais aussi, paradoxalement, contre une
religion d'inspiration biblique, celle des Cathares, qui n'a jamais
été surpassée dans sa conquête de
pureté.
La
pureté cathare.
Pour les Cathares, le problème
crucial, comme pour Eymerich, est celui du mal, qui mène un
monde rempli de créatures corruptibles. Ce mal ne peut
être imputé à Dieu. La conviction cathare est que
le monde matériel visible est l'oeuvre du diable. Les Cathares
croient ainsi à l'existence de deux règnes, où
chaque dieu a son royaume. Le Dieu de lumière, spirituel,
invisible, excluant le mal. L'autre visible, matériel,
rejetant le bien, générateur de souillures et de
perversité. Les créatures déchues deviennent
celles du diable. L'enfer est en ce monde, et non ailleurs.
L'âme qui a péché doit expier sa faute en des
corps successifs, jusqu'au jour où elle sera purifiée
par le consolatum. Les
hommes qui se libèrent du corps seront sauvés.
"Ce jour-là, le
règne de Ialdabaoth cessera à jamais. L'homme se
libérera du corps qui l'emprisonne et pourra se réunir
à l'esprit qui, lui, règne dans les cieux.
(...) Eymerich sentit son propre trouble se
traduire en une sorte de malaise, comme s'il était en train de
manipuler une matière visqueuse et putride." (3.183) Eymerich devrait se sentir pourtant
proche de cette doctrine et son malaise provient moins de la doctrine
que de la rencontre une de ses contradictions intérieures.
Le procréation est
condamnée par le catharisme comme issue de la matière
mauvaise : en proliférant, les hommes multiplient le mal. Les
Cathares nient le purgatoire et le résurrection. ce qui
explique la réaction de Sophie, hideuse physiquement, qui
refuse la réincarnation chrétienne et adhère
à la secte parce qu'elle lui promet une vie de l'esprit
débarrassée du corps. Elle s'en prend à Eymerich
: "Ton Église infernale
promet la résurrection des corps!" Ce qui signifie dans son esprit que sa
résurrection matérielle ne rendra pas son esprit libre,
qu'il ressortira "emprisonné dans cette horreur" et que "même la mort ne pourra la
libérer" (3.126). Des
catholiques comme Eymerich ne lui volent pas seulement sa vie, ils
lui volent aussi sa mort.
Il n'est pas utile de
s'étendre sur toutes les notations qui montrent chez Eymerich
un dédain du corporel qui va presque, chez Sophie comme chez
les Cathares, à une véritable haine du corps. Eymerich
méprise tous les bons vivants qu'il rencontre, des nobles
à ces religieux, au teint rubicond, aux traits
détendus, aux gestes paisibles, aux ventres
proéminents, qui vivent grassement dans leurs couvents ou
abbayes et qui sont une honte pour l'Église. Il est hostile au
luxe en général, et plus encore à celui qui est
étalé par le clergé. Il n'hésite pas
à réprimander un évêque gourmand d'avoir
escamoté le bénédicité. La cour papale,
avec ses pompes, le rend mal à l'aise. Eymerich ne s'amuse
pas, ne sourit pas, ne plaisante que très rarement. Son seul
plaisir est de goûter la solitude dans la nature, sorte
d'équivalence à l'innocence du paradis perdu
retrouvé.
Le catharisme est un purisme éthique qui se définit par
le refus du temps et de la dégradation de la matière,
suivant une tradition ancienne, reprise dans le Phédon de Platon. Le corps est un empêchement pour
l'âme, qui ne s'épanouit dans sa pureté que
lorsqu'elle est libérée des servitudes du corps. Le
catharisme, contre lequel lutte Eymerich tout en n'étant pas
si différent dans sa conduite, met l'accent sur l'esprit, le
seul bien, puisque le corps est le mal. Les parfaits sont hostiles
aux plaisirs de la chair (aussi bien qu'Eymerich!), à la
corporalité en général considérée
comme synonyme de matière, et ils organisent la fuite hors du
monde. Entre Eymerich et eux, la différence est cependant
importante : si Eymerich est éloigné de la chair, ce
n'est pas par doctrine, mais par nature. Dans la catharisme, il faut
s'astreindre à ne pas répondre aux sollicitations de la
chair. Dans le cas d'Eymerich, ces sollicitations ne se manifestent
plus parce qu'impitoyablement refoulées depuis longtemps. On
comprend qu'Evangelisti l'ait confronté à des cultes
phalliques, avec l'expédition de Pierre IV en
Sardaigne.
L'impureté du sexe comme culte.
Eymerich a été
confronté à des hérésies de tous types,
comme l'ancien culte hédoniste de Diane dans Nicolas Eymerich, inquisiteur. Mais jusqu'à présent, il n'a
pas rencontré de culte phallique : "Certes, il avait lu dans les Pères de
l'Église des informations fragmentaires sur les coutumes
licencieuses des carpocratiens et des barbélognostiques, mais
il croyait que ces usages blasphématoires avaient disparu
depuis longtemps. Les hérétiques qu'il avait combattus
tendaient même à un ascétisme encore plus
rigoureux que celui des catholiques, et qui, dans certains cas
extrêmes, aboutissait à l'interdiction d'engendrer. Mais
sur cette île maudite, non content de prêcher la
concupiscence comme facteur de santé, on cherchait à la
faire dériver du message chrétien." (4/167)
Les informations recueillies font
état de rituels orgastiques, des rituels qui remontent
à l'aube des temps, en l'honneur de divinités horribles
et blasphématoires : "Ici a pris forme une nouvelle Sodome, sous
prétexte de médecine, et on y adore des
divinités inconnues et sataniques." (4/87) Eymerich, descendu dans la grotte de Neptune, y
rencontre "dans cette
atmosphère de délire, des dizaines et des dizaines de
corps nus" s'agitant, se
serrant les uns contre les autres, prenant "des poses animales. Ils dansaient sans retenue autour
d'une haute colonne naturelle de forme indiscutablement phallique, en
chantant une mélopée cadencée et barbare, aux
paroles incompréhensibles, entrecoupées de
halètements et de gémissements." (4.213)
Un moine, vivant sur l'île,
participe à cette cérémonie et explique à
Eymerich qu'y règnent de nombreux fléaux, que la
mortalité est importante : "Voilà pourquoi, je crois, les cultes de la
fertilité et de la santé ont prospéré
chez les anciens Sardes. Quand nous avons débarqué,
nous autres bénédictins, nous avons trouvé
partout des idoles phalliques ou en forme de tête de taureau,
qui faisaient allusion à la force et à la puissance
d'engendrement, si précieuse sur ces terres. Nous avons
trouvé des rites primitifs pour encourager la
fertilité. Les Sardes considéraient comme des valeurs
absolues la santé et la capacité à
procréer." (4/255) Les
bénédictins ont dû composer avec ces cultes, et
Sid, divinité de Sidon, dieu de la chasse (comme
Diane...).
Ce qui irrite Eymerich est le fait que, quand il stigmatise
l'immoralité du culte, le bénédictin lui parle
de conformité à la nature, comme si le respect de la
nature pouvait être synonyme de la moralité.
"Cela vous paraît-il
chrétien? des rites immoraux? Les malades dansaient nus, en
bas dans les grottes et dans les cabanes ici, alentour. Et toi, tu
n'appelles pas ça de l'immoralité? - Non.
C'étaient des danses joyeuses. Des danses de la
fertilité, pour faciliter la
procréation."
(4/113)
Des danses de la fertilité!
Comme si le stupre et la fornication ne suffisaient pas, le dieu
sardois est aussi guérisseur. Sur l'île, Sid est devenu
"un dieu de la santé et
de la guérison, comme Asclépios et
Eshmun." (4/255) Les hommes
et les femmes dansent et dorment nus sur les roches à la
lumière bleue dont ils ignorent la nature. Mais ils savent
qu'elle aide à la procréation et à la
guérison, et Reich aurait eu son explication bionique sur le
sujet. Les malades suivent ce qu'ils appellent le rite de
l'incubation. "D'une fente du
mur colossal émanait une lumière bleue d'une
intensité qui blessait les yeux." Des silhouettes sont étendues sur le sol l'une
à à côté de l'autre : "Des hommes et des femmes nus, absolument
immobiles." Eymerich
perçoit "une odeur
étrange,métallique, incroyablement revigorante. L'air
semblait vibrer d'un léger crépitement.
(...) La grotte entière était remplie
d'un fluide impalpable."
(4.212)
Eymerich, auquel la maladie, la
purulence, les maladies répugnent, aurait pu se sentir
intéressé par ces guérisons. Des hommes sains,
exempts de maladies, en pleine vitalité, voilà
l'idéal, semblerait-il, pour un phobique de la maladie. Il
n'en est rien. La maladie, pour Eymerich, est le signe
répugnant du peu de valeur de la chair, et il le confirme dans
cette certitude. Pour Eymerich, pas de doute. Ce rite est l'oeuvre de
Satan! Depuis quand le diable guérit-il? La prérogative
de guérir appartient à Dieu (qui l'utilise d'ailleurs
fort rarement avec ses miracles parcimonieux...)
Sa condamnation des bénédictins est impitoyable :
"J'ai vu des symboles
chrétiens placés près d'une colonne
répugnante, des corps devenus fous qui blasphèment avec
des danses animales, le nom de Dieu mêlé à celui
de divinités immondes. La seule chose que je me demande est ce
qui a pu vous pousser, toi et tes confrères dans une
dégradation si infâme." (4/253) Et ce crime mérite la mort.
On dirait que, finalement, Eymerich veut «vivre» le moins
possible, pour refuser la tentation de l'impur. Et aussi que c'est la
peur, et le refoulement systématique de la tentation qui
l'assaille. Il ne vit pas pour lui-même, il s'impose. Il ne
connaît pas d'autre mode d'existence que la volonté
d'imposer. Résumons : pour son compte, Eymerich
n'éprouve absolument pas la conscience de commettre le
péché. Mais il voit systématiquement le
péché chez les autres, et la sanction qui
écrase. Pour lui, l'impur est partout. Sauf en lui.
LE
CONTRÔLE DE L'IMPURETÉ DE LA CHAIR.
Il n'est pas possible, compte-tenu de
l'importance des problèmes brassés, de donner en
quelques lignes la doctrine de Thomas d'Aquin, que reprend à
son compte Eymerich : "Je
crois, avec Albert le Grand, que la concupiscence charnelle
appartient à la sphère animale et dégrade
l'homme. Je crois, avec Thomas d'Aquin, que ce qui est pur est proche
de Dieu et que l'esprit est pur et la chair infecte. Je crois que la
raison, en harmonie avec la foi, doit strictement dominer les
turpitudes du corps, parce que ces dernières ne sont pas
soumises à la loi divine, comme le disait Paul. Je crois que
l'âme intellectuelle et immortelle est l'unique forme
substantielle de l'homme." (4.260)
Le
contrôle par la raison pure.
Ce credo reprend les principaux
points du thomisme. Thomas d'Aquin a vécu le siècle
précédent celui d'Eymerich, et un
bénédictin peut lui reprocher sa position comme
arbitraire : "Le thomisme
professé par vous autres, dominicains, n'est pas encore la
doctrine officielle de l'Église." (4/261) Car le débat, en ce 14ème
siècle, est ouvert. On trouve deux courants de pensée
religieuse. La tradition ancienne de Saint-Augustin est sensible
à la détresse de l'homme et à la faiblesse de sa
raison. La plus récente, celle de Thomas, suivie par Eymerich,
propose les exigences rationnelles de l'esprit confortées par
les règles de l'évidence et de la démonstration,
pour découvrir les «raisons» des choses (le lecteur
a pu remarquer avec quelle redoutable habileté un
Eymerich/Sherlock Holmes menait ses enquêtes et ses
interrogatoires). Avec le thomisme, d'une certaine manière, la
foi, certitude sans évidence, passait en second plan
puisqu'impénétrable aux raisonnements. La foi ne permet
pas la maîtrise rationnelle des choses. Les conséquences
seront doubles. Eymerich exercera un strict contrôle de son
corps et veillera à la pureté de la doctrine :
"L'allusion de Pierre IV
à l'immoralité pratiquée dans la seigneurie
l'avait profondément troublé. Les habitudes
licencieuses, si répandues, jusque dans les couvents, ne lui
répugnaient pas seulement par ce qu'elles contrevenaient aux
Écritures, mais aussi et surtout parce qu'elles
représentaient, à ses yeux, l'abandon de la logique en
faveur de l'irrationnel. Il considérait le corps comme un mal
inévitable, que l'esprit devait tenir à chaque instant
sous un contrôle rigide. Qu'on relâche cette prise un
seul instant, et il faudrait s'attendre au pire. Convoitises
effrénées, instincts animaux, émotions
ancestrales resurgiraient, renversant l'édifice rationnel qui
avait séparé l'homme de la bête et fondé
la grandeur de l'Église." (4/88)
La contrainte qu'exerce l'esprit
d'Eymerich sur son corps est permanente et sans relâchement.
Son apparence est significative. Eymerich se dissimule
derrière son habit de dominicain : "Son capuchon, noir lui aussi, descendait bas sur le
front, au point de ne plus laisser apparaître que le menton et
le cou raide." (4/118) Reich
le voit avec un "visage
revêche qui resta indistinct : on apercevait seulement deux
yeux sombres animés d'une lueur glaciale, distants sans
être vides. Ils abritaient visiblement une pensée, mais
si tordue et lointaine qu'elle semblait d'une totale
étrangeté."
(4/64)
Le
contrôle de l'impureté des sentiments.
Aux yeux d'Eymerich, l'émotion
est impure et il ne s'y laisse pas aller : "L'émotion se traduisait par une aggravation de sa
nervosité habituelle, et celle-ci se dissolvait en quelques
minutes. Bien sûr, il sentait son coeur battre la chamade dans
sa cage thoracique, au point de lui donner des bourdonnements
d'oreilles. Mais sa détermination restait absolue."
(4/138) Il tient sans cesse
en bride ses sentiments : "Eymerich réprima la sensation de nausée,
tandis que les reproches qu'il s'adressait intérieurement pour
sa faiblesse suscitaient en lui une sourde irritation, d'autant plus
puissante qu'il était contraint de
l'étouffer." (4/219)
Même comportement à l'égard des autres :
"À l'improviste, une
expression bienveillante se peignit sur les traits d'Eymerich,
d'ordinaire sévères et tendus." (3/96) "Eymerich éprouva un élan de compassion,
qu'il s'efforça aussitôt de
réprimer." (2.137) Car
la pitié n'est pas de mise pour un coeur sec, encore moins
quand il s'agit du coeur d'un inquisiteur. Eymerich se méfie
toujours de tout le monde. Il vit masqué : "Le caractère réservé et
ombrageux de l'inquisiteur répugnait à apparaître
au grand jour tout en se rongeant de rancoeur s'il se voyait
négligé." Il
n'aime ni la morgue ni la frivolité. Il est humilié par
un noble : "Une irritation
nerveuse contractait ses membres, opprimant sa cage thoracique comme
si elle exigeait de s'exprimer violemment. Il la domina en respirant
à fond et en vidant son esprit de toute
pensée." (4.40) Ses
nerfs sont en perpétuel état de tension. Contraintes
ordinaires pour un homme qui affirme que la gaieté ne sied pas
à qui s'est voué au service de l'Église... Un
homme qui justifie sa position par la haute idée qu'il se fait
de lui-même : "Quand je
vous parle de dignité, je ne me réfère pas
seulement à la manière dont les autres me verront. Je
fais allusion à la façon dont je me vois
moi-même." (4/139)
Il traite son corps en stoïcien,
presque en martyr. Pour pénétrer dans la ville
assiégée, il feint d'être un prisonnier
torturé évadé : "L'obstination dans son dessein lui avait
coûté des heures de souffrance. il s'était
appliqué des fers rouges sur le visage, en les appuyant juste
le temps nécessaire pour provoquer des brûlures et des
ampoules sans atteindre les couches profondes de la peau. À ce
point, il n'était déjà plus que douleur;
pourtant, il avait trouvé la force de s'ouvrir au couteau
quelques vaisseaux de façon à s'inonder de sang le
visage et la partie supérieure du corps. Rien ni personne ne
pouvait faire renoncer Eymerich au but qu'il s'était
fixé." (4/145) Sa
chair n'est qu'un moyen, au service de sa cause : "Les blessures et les brûlures qu'il
s'était infligées pour se rendre méconnaissable
apparaissaient bien peu de chose, devant les souffrances lancinantes
qui le tourmentaient de toute part. Mais il avait réussi, et
le peu le conscience qui lui restait était transporté
d'allégresse."
(4/142)
L'impureté camouflée.
Les longs échanges avec Reich
permettent de jeter des éclairages sur ce que Reich appelle sa
schizophrénie. Le mot n'effraie pas Eymerich :
"J'ai réfléchi
à cette histoire de schizophrénie. Si elle consiste en
la scission entre le corps, l'âme et l'esprit, cela n'a rien de
négatif. C'est au contraire l'idéal de tout
croyant. (...)
Si par schizophrénie,
vous entendez l'abandon du corps et de ses misères, un
chrétien ne saurait se proposer d'idéal plus
élevé." (4/65)
Mais Reich lui explique que l'idée du diable lui sert de
justificatif : "Le diable.
Avouez qu'il y a en lui quelque chose qui vous attire
irrésistiblement. Voilà ce qui vous effraie.
(...) Le diable dont je vous parle n'est pas celui
de la Bible, mais une transfiguration de vos courants vitaux, avec
lesquels un sentiment d'horreur vous interdit de garder le contact
qu'il faudrait. Vous avez cherché à les étouffer
en transformant votre corps en carapace. Mais ainsi ce corps vous est
devenu étranger, et les courants se manifestent à votre
perception aux endroits les plus inattendus. Dans le ciel comme en
enfer." (4/66)
Eymerich reste fermé à
cette explication : "Vous ne
voyez que la chair, et vous ne comprenez pas que la chair doit
être emprisonnée pour que nous puissions libérer
notre essence véritable." Reich est son exact contraire : "La chair est la seule réalité!
cria-t-il avec toute l'énergie qui lui restait. Mais la chair
sans force vitale n'est que pourriture!" (4/69) "La chair
est en soi pourriture, répliqua Eymerich en secouant la
tête. Pauvre Dr Reich, que cherchez-vous? Dans la
réalité physique, vous ne trouverez rien de rien. La
force qu'il vous faut se trouve hors de la misérable
dépouille qui vous aimez tant. La carapace qui semble vous
faire horreur n'est qu'un simple instrument d'accès au vrai
monde bâti pour nous. Là seulement, vous
découvrirez les courants auxquels vous
aspirez." (4/70)
Dans ce dialogue de sourds, Reich se montre le plus clairvoyant :
"Vous tuez par peur, pour
arracher aux autres la force vitale que vous enviez." (4/123)
LA SAUVEGARDE
DE LA PURETÉ DOCTRINALE.
Eymerich vit sa conception dualiste
du monde (Dieu et diable) et refuse toute autre conception. Ce
dualisme est lié à l'obligation de pureté et se
trouve fondamentalement à l'origine des systèmes
religieux judéo-chrétiens, et de quelques autres.
Dans les deux cas, on part du chaos matériel, auquel les
hommes doivent donner un ordre pour maîtriser peu à peu
sa complexité et pouvoir réaliser leur vie. Vivre
humainement, c'est créer de l'ordre. Cette conception est
optimiste, puisqu'on peut penser que les hommes surmonteront l'impur
du chaos extérieur et celui du chaos intérieur, pour
créer un ordre humain, en permanente détermination.
Pour les religions
judéo-chrétiennes, et Eymerich, les hommes ont
été exclus de l'ordre édénique par la
faute du premier couple. Dieu avait créé un monde
parfait à partir du chaos originel. Les hommes, marqués
par le péché originel, ont apporté le
désordre dans la pure perfection originelle divine, par le
péché dans lequel ils se vautrent, et qu'entretient le
démon. Pour rétablir l'ordre de Dieu, il faut vivre
selon ses lois. La pureté est conscience et accord avec Dieu
(contrairement à la doctrine cathare, pour qui le Dieu
proposé par l'Église est matière, donc mauvais.
Dans ce cas, pour retrouver la pureté, il faut échapper
au désordre impur du faux dieu imposé par
l'Église).
La conception d'Eymerich selon
laquelle il faut supprimer toute sorte de désordre et de chaos
pour atteindre l'ancienne pureté de l'ordre divin est
pessimiste, dans la mesure où les humains doivent se soumettre
à un ordre défini, auquel ils n'ont rien à
apporter, en tant qu'hommes, sauf à éliminer les
infidèles... Eymerich est habité par ce
"besoin presque
exaspéré de ramener l'ordre divin là où
le mal avait introduit le désordre, en cherchant à
revivifier les certitudes qui apparaissaient essentielles à la
vie même." (1.121) Du
maintien de l'ordre en quelque sorte, travail auquel s'emploie
l'infatigable Eymerich.
Contre la
femme impure.
Eymerich est fidèle à
l'esprit biblique : le monde est corrompu par le péché
commis par Ève, coupable d'avoir écouté le
serpent. Les autres croyances ne font qu'exalter cette
impureté : "À
l'évidence, le culte de Diane exerçait sur les femmes
un attraction particulière. La littérature patristique
n'avait pas tort d'attribuer aux femmes toutes sortes de
perversités." (1.187)
Ses sorties contre les femmes sont constantes : "Elles ne cessent de pécher, d'offenser
Dieu, poursuivit-il, en privilégiant la nature aux
dépens de la civilisation et de la religion. Je ne sais
combien de fois il m'a fallu réprimer ce blasphème.
Diane, Hécate, Freia, Isis, Proserpine. Des entités
démoniaques écrasées par les siècles,
mais qui continuent à revenir à la vie avec leurs
bosquets sacrés et leurs cultes lunaires. Leur nom collectif
est Satan, mais leur genre est féminin." (4/121) Eymerich ne s'y trompe pas. la femme
est à l'origine du péché de la chair, et une
cause du désordre. Chez elle le sexe commande, elle est la
séductrice, l'appât du péché, la
corruption : "Derrière
chacune des divinités infernales que je vous ai citées
se cache l'idolâtrie du corps, de la chair, d'une essence
naturelle, blasphématoire. L'adoration de la lune
opposée au soleil masculin. Il n'y a pas de sorcière ou
de vetula qui ne cherche les courants que vous cherchez. Qui ne sente
la terre palpiter comme un être vivant, étranger
à l'ordre voulu de Dieu." (4/122)
En suivant cette idée de la
femme corruptrice, Eymerich donne une interprétation des
comportements et des idées de Reich, qui a
dénoncé à son père sa mère capable
d'adultère : "Vous avez
passé votre vie à rechercher une justification à
la saleté charnelle. À mettre en avant des courants,
des énergies, des forces incontrôlables. Vous ne vous
intéressiez qu'à une seule juive : votre mère.
Vous avez passé des dizaines d'années à tenter
de démontrer qu'elle n'était pas coupable, étant
donné qu'elle n'avait fait qu'obéir à des
instincts naturels.
(...) Ne vous
transformiez-vous pas vous-même en femme rien que pour trouver
une justification à votre mère? Aucun innocent n'a
besoin d'une justification! Mais vous partagiez le point de vue de
votre père. Voilà pourquoi la délation fut si
facile pour vous."
(4/177)
Le pire reproche qu'Eymerich puisse
faire à Reich est d'avoir oublié sa condition masculine
dans le désir de justifier sa mère. Il s'est
transformé en "une
énième réplique" de sa mère. "Je pense que vous avez passé votre vie à
tenter de réparer votre crime, en faisant des hommes des
poupées de chair de sexe féminin." (4/123)
La
pureté de la race.
Eymerich peut se protéger
efficacement en s'appuyant sur la doctrine de l'Église. Son
comportement ne fait qu'anticiper celui du dirigeant nazi ou
stalinien s'appuyant sur un appareil d'État à sa
discrétion. Il en use sans complexe : "Il avait envoyé au bûcher des
sorciers et des sorcières de toute sorte, dispersé des
sectes hérétiques en apparence invincibles. Quelque
menace que fît peser l'ennemi, l'inquisiteur emportait avec lui
toute la puissance d'un appareil séculaire, pourvu de moyens
terribles et universellement redoutés. Jusqu'à preuve
du contraire, la force était de son
côté." (3/47) Il
fait sans cesse état de cette protection, qui vaut aussi
contre la noblesse : "Nous
sommes l'Église, et aucun pouvoir ne la surpasse."
(3/67)
Si ce pouvoir politique est
utilisé à des fins idéologiques, il lui arrive
aussi, au nom de ses préjugés, de l'employer pour
satisfaire ses tendances névrotiques. Dans Nicolas Eymerich,
l'inquisiteur,
l'impureté fondamentale des femmes est renforcée par
leur comportement plurietnique impur. Aux adeptes du culte de Diane,
il reproche non seulement d'observer une religion "des instincts" (1.127), au lieu de la sienne, froide et raisonnable.
Mais aussi de pratiquer un culte égalitaire, et ignorant toute
exclusion : "Elles souriaient,
chantaient, s'échangeait des caresses. Elles semblaient la
proie d'un besoin de se serrer, de se toucher, qui faisait horreur
à l'inquisiteur." Des
femmes de toutes conditions, arabes et juives mêlées aux
chrétiens, ivres de bonheur au milieu d'animaux en
liberté : "On eût
dit que toutes les règles de bonne conduite, inspirées
par la crainte de Dieu avaient disparu, annulant rôles et
différences, même entre les humains et les
animaux." (1.188)
Au grand dam de l'inquisiteur, Eymerich vit en Espagne avec les
Maures et les Juifs, dans une collectivité qui présente
le "syndrome d'une
société dans laquelle les peuples, les cultures et les
religions se superposaient sans s'intégrer." (1.133)
Eymerich déplore souvent
"l'aberration" d'avoir des rois tolérant les
infidèles : "Nous avons
vaincu les Maures, mais nous avons permis qu'ils vivent parmi nous,
en même temps que d'autres infidèles de tout acabit. Le
roi lui-même recourt aux conseils des juifs. Vous rendez-vous
compte que l'Aragon n'est pas encore
chrétien." (1.28) Il
va jusqu'à en faire le reproche au roi Pierre IV et se fait
remettre vertement à sa place (4.36)
Eymerich est le raciste ordinaire
qui, au nom de la pureté, se prétend supérieur
et a intérêt à la ségrégation et
à l'élimination. La pureté d'une matière
tient à ce qu'elle n'est pas mélangée à
une autre. La pureté de la race est liée à la
préservation de la lignée du sang dite pure. Quelles
que soient ses motivations, sexuelles ou hégémoniques,
la pureté est toujours refus du mélange. Quand
Eymerich, en échange des services rendus, envoie en Orient
Sophie, qui ne peut vivre que de sang humain, il précise bien
à sa mère : "Vous lui ferez échanger son sang avec celui des
sarrasins ou des maures. Mais, ajouta-t-il en haussant le ton, si
j'apprends qu'en Terre sainte quelqu'un boit du sang chrétien,
je saurai vous rejoindre jusque-là et vous infliger enfin la
punition que vous méritez. Je le jure devant
Dieu." (3/229)
La
pureté du jardin d'Éden.
Sans pouvoir formuler clairement
cette pensée, Eymerich est conduit pas son attachement
à la pureté du paradigme adamique. Artisans, bourgeois,
nobles ou clergé sont considérés par Eymerich
comme des classes sociales rivales et seulement soucieuses
d'accroître leurs privilèges. Par une sorte de
maoïsme biblique, les paysans sont épargnés : le
travail de la terre est le destin des hommes, imposé par Dieu
pour assurer leur survivance pour Sa plus grande gloire, pas pour
leur profit. Seule la volonté de Dieu peut enrichir. Dans
Les Chaînes
d'Eymerich, il dénonce
à plusieurs reprises la classe montante des bourgeois et des
boutiquiers, qui mettent en place le système capitaliste
d'exploitation moderne, pour lesquels il n'a que du mépris.
Ces classes sont une perturbation sociale par rapport aux paysans
supposés restés aux anciennes croyances et au travail
du sol prescrit à Adam.
Plus généralement,
c'est l'évolution de l'humanité qu'Eymerich remet en
cause, avec la nostalgie d'une époque innocente et sans
tentations, la pureté du commencement, de l'Eden. Il vit de
rien, comme les paysans. Mais il éprouve la tentation de
Caïn. Ce qui explique entre autres ses réticences
à l'égard de lui-même, qui aime la torture et
s'en défend. Toujours la lutte contre l'impur. Cultiver la
terre à la sueur de son front est une sanction, et la nature
n'a pas à être glorifiée, comme elle l'est dans
le culte de Diane ou du dieu Sardois : "La nature dont tu parles n'est pas la bienveillance.
C'est en elle que réside le mal, le désordre, la
maladie. L'homme a une âme et un esprit, pas seulement un
corps." (1.172)
La
pureté des idées.
Eymerich voit la menace du diable
partout."Son naturel et la
rigueur de l'école dominicaine l'avaient conduit à
soupçonner toujours, derrière les
événements les plus déconcertants, la
présence d'un dessein mauvais, mais cohérent, que
l'Église aurait pu défaire ou détruire, une fois
son tracé mis en lumière." (1.121) Eymerich n'est pas un avocat, qui s'efforce de
comprendre son client. Désirer comprendre, c'est se rendre
complice. Il est le Grand Juge, seule autorité après le
pape. Fanatiquement, Eymerich ne se préoccupe pas de savoir
dans quelles circonstances les fautes et l'impureté se sont
produites. Mauvaise nature ou mauvaise volonté, nature faible
ou influençable, aucune importance. La faute n'est pas admise,
parce que souillure. S'il désire des aveux, c'est pour
condamner, pas pour purifier. À la purification, le fanatique
Eymerich préfère l'épuration, similitude
évidente avec certains de nos contemporains qui veulent en
faire disparaître d'autres par racisme ou idéologie.
Eymerich n'élimine pas en fonction de critères sociaux,
mais en fonction d'une conviction. Eymerich fait partie de ces
doctrinaires pour lesquels la pureté de la doctrine ne doit
pas tolérer les autres doctrines, jugées
hérésies, ipso facto impures. Les autres religieux,
comme le père Corona, ont l'esprit beaucoup plus ouvert.
Entre la purge d'Eymerich, le
crématoire (rapprochement évident avec la mort par
crémation des habitants de Castres) ou la purge stalinienne,
il n'y a pas de différence notable. La croyance optimiste dans
le repentir a disparu. Ce qui a eu lieu ne peut s'effacer, et ne se
réparera jamais, même avec le pardon, ce qui n'est
absolument pas dans le tempérament d'Eymerich.
Le repentir, suivi d'une
purification, peut être assimilé à une spirale
qui s'ouvre sur un devenir nouveau. Eymerich est totalement
réfractaire à cette idée. Sa conception du monde
est circulaire, fermée, bouclée définitivement,
sans perspectives temporelles. Eymerich ne veut que refermer le
cercle et le sceller, à jamais. D'autant plus que
"l'exercice du pouvoir
n'était pas fait pour lui déplaire." (1.35)
EYMERICH
IMPUR.
Comme tout être inauthentique,
Eymerich essaie de ne pas voir ses contradictions. Il a
rationalisé les défenses protégeant son
être profond, en les subordonnant à une idéologie
fortement constituée. Cette doctrine sans faille vient
renforcer le poids de ses certitudes, étouffant un peu plus ce
que le caractère égocentriste d'Eymerich a
essayé de sceller le plus solidement possible dans les
profondeurs de son inconscient.
Le
désordre intérieur.
Les rapports qu'entretient Eymerich
avec les souffrances des prisonniers torturés ne sont pas
nets. Eymerich a assisté à de nombreuses séances
de tortures et il devrait être blasé par le spectacle.
Compte-tenu de ce qu'il n'aime ni la maladie, ni les
altérations de la peau ou toute autre souillure touchant le
corps humain, on devrait au moins le sentir écoeuré. Ce
n'est pas du tout le cas. Si Eymerich trouve insupportables les
souffrances et les plaies du malade, il s'intéresse davantage
à la géhenne de la torture. La scène où
le prieur du couvent vient interroger un garçon torturé
est significative : "Le
vieillard allongea une main délicate et écarta un
lambeau de vêtement, à la hauteur de la poitrine. Le
thorax osseux, enserré dans les chaînes, était
labouré de profondes coupures, entourées de sang
caillé. Sans mot dire, le prieur glissa les doigts dans une
des blessures et la creusa avec les ongles, en faisant jaillir un
ruisselet vermeil. (...) Eymerich
avait hâte de quitter les lieux. Il avait vu et quelquefois
ordonné des morts bien pires, mais le spectacle auquel il
venait d'assister lui était apparu sordide, vaguement
obscène. Ce vieillard aux ongles ensanglantés suscitait
aussi en lui une répugnance imprécise, comme devant le
porteur d'un mal obscur. Et nulle sensation ne lui était plus
odieuse. indéfinissable sensation de malaise qui l'a
affecté." (3/31)
Si on analyse les pensées
d'Eymerich, il est visible que son malaise et son dégoût
se sont pas assimilables à une sorte de compassion
déplorée. Il faut malheureusement comprendre
qu'Eymerich n'entrevoit que vaguement la vraie cause de son
dégoût que le lecteur est bien obligé d'admettre
: "Eymerich avait
ordonné toutes sortes de supplices et, comme le voulait la
règle, il avait assisté à leur application par
le bras séculier. Cependant avait mûri en lui un certain
dégoût, non tant pour les spectacles auxquels il
assistait, que pour l'excitation qu'au fond ils lui procuraient. Il
sortait de ces séances troublé et mécontent de
lui-même." (2.198)
La torture l'excite, et cela le
dégoûte, parce que cette constatation va à
l'encontre de la haute idée qu'il a de lui-même. Ainsi
limité par la rigidité de son comportement, Eymerich
n'est pas le «grand» sadique, qui ne peut satisfaire ses
pulsions que dans le meurtre. C'est un «petit» sadique (ces
expressions sont en usage dans les milieux
spécialisés), qui prend le plus souvent son plaisir
dans une substitution symbolique, sans infliger lui-même des
souffrances importantes aux corps, et se limite au spectacle de la
souffrance, à des vexations verbales ou physiques mineures
(bien des hommes sont de «petits» sadiques) :
"Il n'avouait pas, y compris
à lui-même, que les séances de torture auxquelles
il avait dû assister lui procuraient un mélange
d'attraction et de répulsion. Les deux sensations l'avaient
troublé, et il préférait, autant que possible,
éviter de les ressentir de nouveau." (3/176)
Eymerich est un agressif :
"Quelquefois il se sentait
violemment secoué de pulsions agressives presque
incontrôlables, qui le laissaient étonné et
vaguement humilié." (2.32) Eymerich est capable de freiner son
agressivité au prix de contraintes perturbatrices, et
Evangelisti prend soin d'utiliser des termes qui montrent que le
problème est seulement senti, pas conceptualisé :
"vague sentiment de culpabilité", "répugnance
imprécise", "malaise", "certain dégoût",
"troublé" : une "lointaine pulsation" qui a été
tellement bridée qu'elle ne peut plus être
éclairante :"Chaque
manifestation de son instinct agressif éveillait chez lui un
vague sentiment de culpabilité, qui mettait quelques instants
à disparaître." (3/89)
La tentation du sujet en proie
à des troubles psychiques est, croyant ainsi les
maîtriser, de proposer une formulation verbale artificielle et
inadaptée à ses conflits, dont les motifs
véritables ne sont pas aperçus. Mais, le plus souvent,
l'intellectualisation donne à la pensée abstraite une
apparente explication, qui supprime l'émergence et la
reconnaissance des véritables causes des troubles.
"Un spectacle de ce genre
satisfaisait son agressivité, et en même temps lui
donnait la sensation d'un nettoyage radical qui effaçait toute
trace de saleté."
(2.159)
Les psychologues connaissent bien ce
mode de protection de l'inconscient à l'égard de la
prise de conscience. Une idéologie forte est le soutien
appelé à la rescousse, qui supprime la
responsabilité : "Par
bonheur, il n'éprouvait pas de remords; ou, pour mieux dire,
il en percevait la pulsation lointaine, étouffée sous
une épaisse couche de règles de fer, de
préceptes inflexibles, de dogmes disciplinaires, sur lesquels
reposait une deuxième couche d'émotions
désormais intériorisées. Non, aucun sentiment de
culpabilité ne viendrait troubler un rôle que, en
surface, il considérait comme un devoir et qui, en profondeur,
satisfaisait ses pulsions." (3/210)
Le lecteur ne peut que constater l'Eros singulier caché
derrière leThanatos, particulièrement visible lors de
l'épisode du bûcher collectif de Castres. Eymerich est
près de l'orgasme, quand il est entièrement
captivé par le spectacle de la cour se transformant en un
enfer où deux mille personnes brûlant vives cherchent
une sortie en piétinant des corps et en courant au hasard. Il
a d'abord suivi la mise en place "avec une satisfaction d'une intensité
convulsive." Une
"surexcitation"
lui court sous la peau (3.219). L'énonciation furieuse de la
sentence est accompagnée de l'équivalent du pic de la
tension orgasmique :"Le
tremblement d'Eymerich se convertit en une exaltation féroce.
À présent, il sentait le sang lui monter au cerveau
tandis que ses muscles se contractaient spasmodiquement."
(3/221) Suit enfin la
libération de la tension quand la destruction s'est
opérée, et qu'Eymerich fixe, comme hypnotisé, le
bûcher collectif qu'il avait préparé avec tant de
soins : "Eymerich fouillait
toujours d'un regard fasciné la fosse à ses pieds."
(3/223) Quand tout est
terminé, dans l'exaltation et la fièvre, aucun regret.
Ce qui a été accompli vient de la volonté de
Dieu. La ville a été purifiée. De ces cendres
renaîtra une nouvelle Castres, redevenue obéissante aux
préceptes divins. "Si
douloureux que ce soit, il le fallait.", dit le père de Sancy. Mais quand le devoir se
mêle obscurément de plaisir sexuel, il ne doit pas
présenter la même difficulté. Et le lecteur,
dégoûté, est bien obligé de se dire
qu'à Auschwitz ou à Oradour, les officiers criminels
devaient éprouver et se dire la même chose.
L'impureté des moyens.
Eymerich ne se veut pas
légiste. Il a la force à sa disposition, il s'en sert :
"À notre
époque, (...)
l'Église a besoin
davantage d'épées aiguisées que de
principes." (2.248). Comme le
dit un de ses compagnons: "S'il utilise la dialectique plutôt que les fers,
c'est seulement parce qu'il estime en tirer des résultats plus
utiles." (2.197)
Pour le chrétien
évangélique, la morale n'est pas l'imposition par la
force (contrairement à ce qu'avait fait Yahvé en
utilisant les tribus d'Israël pour conquérir les peuples
voisins). Le chrétien incarne ses valeurs dans le réel
par sa présence, ses actions, par l'exemple sans imposition.
Eymerich en est resté à Yahvé - et Yahvé
était un Machiavel, auquel comparé le vrai paraît
à nos yeux tout à fait insignifiant. Quand les
intérêts politiques sont en jeu, les Tables de la Loi
sont retournées pour qu'on ne puisse plus les lire. Tous les
moyens sont justifiés, on doit même faire pire encore
que l'adversaire : "Un
inquisiteur, devant un hérétique, doit ignorer
l'honnêteté, la loyauté, la franchise et toute
autre vertu. Son devoir est d'anéantir l'ennemi, quels que
soient les moyens auxquels il doit avoir recours. Il peut tromper,
mentir, faire des promesses qu'il est certain de ne pas tenir. Il n'a
pas devant lui un homme, mais un serviteur du démon, souvent
doué d'autant d'astuce. Et devant un serviteur du
démon, l'honnêteté est faiblesse, la franchise
indulgence et la loyauté connivence." (3/190)
Les juges
écclésiastiques doivent oublier l'habit qu'ils portent
quand ils font soumettre l'inculpé à des peines ou des
tourments que les lois chrétiennes ordinaires
réprouvent : "Sachez
donc que l'inquisiteur peut mentir, tromper, faire de fausses
promesses, dissimuler, détourner, si cela s'avère utile
à l'intérêt de la chrétienté. Et
seul le pape peut condamner son oeuvre. Mais aucun pape ne l'a jamais
fait." (4 116 ) À
l'égard d'un hérétique, le crime de parjure
n'existe pas. Dans l'exercice de leurs devoirs, les lnquisiteurs sont
autorisés, depuis l'époque d'Alexandre IV, à
commettre des actes qui, normalement, les exposeraient à
l'excommunication, pourvu qu'ils s'absolvent ensuite entre eux.
Celui qui gouverne et ne veut pas
utiliser les moyens adéquats se prépare à
l'échec : "Derrière chaque sortilège maléfique
se tient un mortel mauvais, qui combat Dieu de toutes ses forces et
sert d'intermédiaire aux puissances infernales. Notre devoir
est de trouver ce mortel et de lui brûler les
chairs." (1.76) Pour
Eymerich, la tache qu'est l'hérésie ne peut s'effacer
que par la mort. Dans un cas désespéré comme
celui de Castres, le radicalisme est seul de mise. Il faut tout
supprimer, repartir des commencements, avec la pureté et
l'innocence conservée dans le monde paysan.
Dans son travail d'inquisiteur,
Eymerich demande le repentir, mais il n'y croit guère. Pour
lui, dès qu'un homme a péché par l'esprit, le
retour en arrière n'est plus possible. Le péché
est irréversible, jamais plus les choses seront comme avant.
L'impur ne redeviendra jamais pur. La destruction des habitants de
Castres par le bûcher est la seule solution possible à
l'hérésie. Eymerich est resté dans l'inspiration
biblique du Pentateuque. La faute entache la pureté. Une fois
que l'homme a commis la première faute, le reste a suivi, du
fratricide de Caïn à la guerre entre les hommes. Eymerich
n'est pas surpris de rencontrer à Castres une telle
dégénérescence religieuse dès l'instant
où les autorités de l'Église ont failli. Les
religieux ne seront pas oubliés dans l'holocauste final.
Quand il s'agit de qualifier la faute, Eymerich se sert avec
habileté des maîtres-mots qui créent la
domination du fort et la soumission du faible. Il ne perd pas de
temps au détail. La faute des habitants de Castres, pour
mériter un tel châtiment par le feu, alors que tous ne
sont pas coupables? "La plus
grave de toutes. Essayer d'entamer les prémisses de l'ordre
voulu par Dieu. Rationalité, obéissance, ordre,
autorité.
- Des valeurs éternelles.
- C'est la bête qui est éternelle, malheureusement,
répondit Eymerich en haussant les épaules.
J'espère seulement l'avoir enchaînée comme il
convient. Mais, je le répète, malheur à qui la
libérera." (4/301)
Le langage ne remplit plus ici une
fonction de communication, il ne tend qu'à provoquer
l'aliénation des autres. Les formules sont belles, mais
Eymerich se paie de mots. Car l'aliénation des autres n'est
pas le seul objectif visé. Mettre l'éternité de
la loi de son côté est un procédé d'autant
plus utile qu'il permet de ne plus avoir à rencontrer ses
propres problèmes. Aussi le procédé fait-il
simultanément tomber dans le piège de
l'aliénation individuelle : "Eymerich aimait par-dessus tout l'ordre rigoureux,
fondé sur d'impitoyables normes de comportement et des modes
de pensée obligatoires. Il concevait l'activité
d'inquisiteur comme une défense de cet ordre, qui avait
sauvé l'Europe de la barbarie en imposant son propre empire
moral par-dessus le délitement de l'empire séculier, et
sa discipline face à la faiblesse des rois. (...)
Un couvent aux règles de fer : telle devait rester la
Cité de Dieu, ou alors même la Cité de l'Homme
tomberait en ruine." (4/89)
Le besoin d'une carapace individuelle se double de la volonté
de l'imposer aux autres, noire, austère et sinistre.
La double
nature d'Eymerich.
La référence au
transcendant, attitude théologique, marque à la fois le
sérieux et l'autorité d'un absolu qui donne un sens au
relatif. Cette hauteur et ce pouvoir séparent Eymerich des
autres. Mais la référence à l'absolu est surtout
le masque qui le justifie à ses yeux, tout en camouflant son
inauthenticité. Ce qui le dissimule le mieux, c'est ce
rôle que s'est attribué Eymerich et qui le
légitime. Son statut d'autorité et de bourreau devient
à ses yeux objectivement fondé. Mais, en même
temps, il entrave sa pleine humanité. Il ne veut pas voir
qu'il est duplicité, alors que dans le Languedoc il passe pour
un être à double face, appelé Saint Mauvais :
"Ils disaient qu'il
possédait deux natures. Juste et cruelle, humaine et
impitoyable. Des personnes qui l'avaient connu en des moments
différents n'arrivaient pas à croire qu'il pût
s'agir du même homme."
(2.152) C'est vrai qu'en quelques occasions, Evangelisti fait preuve
de mansuétude : mais seulement à l'égard de ceux
qui l'ont servi, ou par opportunité. Ses sentiments paraissent
difficiles à mettre à jour dans le cas de Sophie, par
exemple, dans Le corps et le
sang d'Eymerich.
Evangelisti a mis en Eymerich la partie schizoïde de sa
personnalité, celle qu'il déteste le plus, et qui l'a
amené naguère à consulter un
psychothérapeute. À la manière de bien d'autres,
comme Stephen King qui reconnaît se libérer de ses
tensions intérieures avec ses histoires, il utilise Eymerich
pour sa thérapie personnelle. Il lui fait porter l'habit noir
et blanc : mais le blanc et le noir, le clair et l'obscur ne
s'affrontent pas dans irréductible opposition. Entre les deux,
se trouve l'immense palette des gris. Le gris de nos jours, de notre
condition humaine.
Eymerich aurait à lutter
contre sa phobie de la chair, pour parvenir à l'acceptation de
la dualité humaine. Dans l'accord de la dualité
esprit-chair réside la possibilité d'une vie plus
sincère, moins divisée et traumatisante, à
défaut d'être harmonieuse. La dualité n'est pas
contradiction, mais la structure même de l'homme. Tout moi est
la résultante de diverses composantes. Chacun porte son poids
de fatalités individuelles, mais, en les connaissant et en les
assumant dans leur clarté, on peut surmonter ses insuffisances
ou les accepter.
Un syndrome
d'abandon.
L'explication est indirectement
donnée par Eymerich, qui n'évoque guère sa
mère. Le lecteur a cependant appris incidemment que, depuis
son enfance, "sa mère,
exigeante et lointaine, lui avait reproché sa nature double,
qui, pour elle, équivalait à une tendance à la
lâcheté et à la tromperie. Ces
accusations-là lui semblaient injustes." (2/152) L'indifférence de sa
mère à son égard, et le jugement négatif
qu'elle porte sur lui, l'ont castré affectivement.
Evangelisti met en relation
l'indifférence de la mère avec le comportement
schizoïde d'Eymerich. D'expérience personnelle, ou parce
qu'il connaît évidemment la position de Reich à
l'égard du complexe d'Oedipe tel que le concevait Freud. Reich
a eu le mérite de soulever cette question théorique
dans les années 30. Elle alimente depuis le courant de
pensée qui met en cause le complexe d'Oedipe sous sa forme
freudienne. Pour Reich, ce n'est pas le conflit constitutif de notre
psychisme entre l'Eros et le Thanatos qui crée le complexe. Le
complexe d'Oedipe est le produit de structures sociales
répressives.
Ne pas se sentir aimé est la
pire chose pour un enfant. L'enfant n'est pas dupe des gestes
extérieurs. Si aucun sentiment d'amour ne les accompagne, il
se replie sur lui-même, et un état de
déséquilibre affectif s'installe. Dans cette
ré-interprétation du complexe d'Oedipe, Eymerich
présente les caractéristiques du syndrome d'abandon,
qui n'est pas nécessairement lié à un abandon
réel subi pendant l'enfance, mais à l'attitude de la
mère ressentie comme refus d'amour. La référence
au complexe d'Oedipe ne convient pas à Eymerich. Là
où les freudiens cherchaient une explication aux troubles d'un
adulte dans cette sorte de péché originel
qu'était le désir infantile de la mère,
opposé à la rivalité et à la crainte du
père, des psychologues imputent maintenant plus volontiers les
déficiences archaïques du névrosé aux
influences parentales. Le manque d'affection maternelle rendrait le
sujet inapte à entretenir une relation satisfaisante avec les
autres. Se sentant nié, l'abandonné masque sa
mutilation (castration) sous les dehors d'un moi d'emprunt, et
reconstruit une image de soi grandiose dans la solitude.Il en
résulte un déficit du sentiment - Eymerich incapable
d'aimer son prochain -, et un besoin de sécurité -
assuré par l'Église et sa fonction d'inquisiteur.
Innocent héritier passif et
conditionné par un rejet affectif ou les critiques d'une
autorité, la victime s'identifie à son agresseur en
reprenant à son compte l'agression, en imitant physiquement et
moralement la personnalité de l'agresseur. Eymerich est devenu
l'inquisiteur sanguinaire méprisant les hommes et le
représentant sur terre de la lumière de Dieu (sa
mère s'appelle Luz), mais glacial comme elle, et
pétrifiant les autres. Son éducation l'a
renforcé dans ces tendances : "Il avait, depuis l'âge le plus tendre, nourri sa
propre imagination de formes sombres et tragiques tirées des
images sacrées, de la cruauté des exécutions
publiques, des guerres impitoyables et du spectacle continu et
répugnant de la maladie." (1.121)
Freud partait de désirs
sexuels refoulés qui ne peuvent jamais devenir conscients par
eux-mêmes; la conscience d'être impur, la conscience
malheureuse, est déjà un pas vers l'unité. Mais
Eymerich, qui se masque, ne peut parvenir à sa
vérité. Satan est pour Eymerich un commode mal
exogène, qui camoufle à sa conscience ses
contradictions endogènes.
Le paradigme
d'Eymerich.
La finitude de l'homme n'est pas un
compromis établi une fois pour toutes. Tout homme vit de
tensions, où le pur et l'impur ne tirent leur sens que par
leur coexistence. Ce combat incertain, fait d'erreurs et de
triomphes, est notre sort ordinaire, et, d'une certaine
manière, l'affirmation de notre responsabilité. Ce qui
manque à Eymerich, c'est la conscience du statut incertain de
l'homme ordinaire qui assume comme il peut son destin. Eymerich ne
veut pas prendre conscience de son impureté, qu'il ne pourrait
assumer que dans la lucidité, le refus d'une conscience
menteuse qui interdit tout progrès et tout devenir. Il ne sait
vivre que dans une sévérité misanthropique qui
impose la rigueur d'un ascétisme qui n'a plus rien de commun
avec la vie.
Finalement Eymerich, si actif et si
énergique, ne souhaite qu'un monde glacial et stérile
comme celui du minéral, une sorte d'éternité de
perpétuation humaine sans taches, qui évite toute
altération, une perversion de la pureté qui ne serait
qu'un concept vide de sens s'il n'y avait l'impur. C'est un religieux
pervers, sans esprit évangélique, à
l'opposé de la pureté de l'âme qui est
compréhension et absence de toute émotion haineuse. Il
n'utilise que des mots négatifs : désordre, perversion,
dépravation, corruption, immoralité, lubricité,
saleté; ou les adjectifs correspondants : corrompu, perverti,
avili, contaminé, souillé, dépravé,
altéré, dissolu. Mais en même temps, s'abattant
sur ses proies comme le vautour, il ne nous révèle que
sa satisfaction de la puissance, qu'il exerce sur des êtres
terrorisés par l'étendue de ses pouvoirs, son droit
quasi absolu de vie et de mort.
Face à l'impur, il n'y a que deux attitudes, la complaisance
ou le refus. Eymerich n'essaie pas de purger, de débarrasser
la matière d'une partie de ses souillures. Pas davantage de la
purifier. Face à l'impur, il n'y a pour lui que deux conduites
: épurer (au sens d'épuration politique, mettre hors de
la société) ou éliminer comme un corps
élimine ses déchets.
Le paradigme clérical
d'Eymerich consiste à affirmer que l'homme est mauvais, et
qu'il faut se méfier à chaque instant du démon.
Mieux vaut la mort que la souillure. Le paradigme de notre
société est tout autre. La société
moderne veut bannir de son horizon la réalité du
malheur, de la mort et de la violence. Les moments barbares de notre
XXè siècle nous conduisent à criminaliser les
conduites agressives, sorte de frilosité devant le conflit.
Eymerich vivait une période d'affrontements; nous vivons un
temps d'évitement, où le seul idéal acceptable
est la morale humanitaire, écologique et le pacifisme. Tout en
sachant très bien, mais sans vouloir le reconnaître, que
ce sont le plus souvent des rapports de force qui régissent
nos relations.
En grande partie, la fascination
qu'exerce sur nous Eymerich tient à l'opposition entre ces
deux paradigmes. Eymerich masquait son humanité. Nous voulons
masquer notre inhumanité. Cet inhumain, refoulé en
nous, s'éveille avec complaisance en constatant le pouvoir
quasi illimité qu'a Eymerich d'apporter la mort ou la
destruction, en ange terrible de l'Apocalypse. Tandis que
s'éveille aussi la peur d'une société qui nous
gouvernerait de la même manière, en régissant le
corps et l'esprit aussi bien au nom d'un système politique
doctrinaire, qu'au nom d'un pouvoir biologique érigé en
système totalitaire.
Eymerich, dans son habit noir et blanc, est un être de
pénombre, qui vit dans et de la mort, purifié à
ses yeux par une idéologie dévastatrice. Il ne
connaît que la répression, en maximaliste qui ne
recherche que le maintien de son ordre. Sa pureté doctrinale
débouche sur la violence, l'extrêmisme. Eymerich est un
homme de l'excès, dans tous les domaines : mortification,
contrôle, exercice impitoyable du raisonnement et absence de
compromission. Cet homme, qui a tant de pouvoirs, est
simultanément un homme fini, au sens de la finitude qui ne
dépasse pas ses horizons rigides. Il ne peut exercer sa
mécanique d'esprit impitoyable que pour maintenir ce qui est.
Les hommes n'existent pour lui qu'en tant que morts-vivants,
austères, antihédonistes et sans pensée. Il
refuse l'humain dans ce qu'il a de conquête, de recherche,
d'incertitude, de quête prométhéenne. Il ne fait
que briser des résistances, sans offrir de voies
nouvelles.
Eymerich n'est pas un être de
vie. Cet homme crépusculaire exerce sur nous la fascination du
bourreau, la finitude de la mort et le vertige devant l'abîme
existentiel.
Roland Ernould ©
2/2000.
L'étude porte sur
les 4 romans de la série des Eymerich de Valerio Evangelisti
parus à ce jour. Les récits se rapportant à
Eymerich se présentant dans la discontinuité, le rappel
qui suit a l'intention de les remettre en mémoire.
Nicolas Eymerich,
inquisiteur. Se passe à
Saragosse et ses environs, en 1352. Eymerich a 32 ans.
Les chaînes
d'Eymerich. Se passe en Savoie,
en 1365. Eymerich a 45 ans.
Le corps et le
sang d'Eymerich. Se passe
à Castres, en 1358. Eymerich a 38 ans.
Le mystère
de l'inquisiteur Eymerich. Se
passe en Sardaigne, en 1354. Eymerich a 34 ans.
Lectures.
Jean Chevalier-Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, éd. Laffont, Bouquins, 1982.
Vladimir Jankélévitch, Le pur et l'impur, éd. Flammarion 1960, Champ Philosophique.
Michel Juffé, La Tragédie en héritage, éd. Eshel, 1999 (vues actuelles sur
l'Oedipe).
Nadia Julien, Grand Dictionnaire des Symboles et des
Mythes, Marabout, 1997.
Jean Laplanche et JB Pontalis, Vocabulaire de la Psychanalyse, PUF, 1971.
Elisabeth Roudinesco, Pourquoi la psychanalyse?, éd. Fayard, 1999.
Éric Vial, Valerio Evangelisti, une renaissance
italienne, Galaxies, #11,
1998.
Un commentaire personnel de Valerio
Evangelisti à propos de cette étude.
Je ne sais comment vous exprimer ma gratitude pour
l'étude magistrale que vous avez dédiée à
mon oeuvre. Il est très rare, pour un auteur, d'avoir la
fortune de rencontrer des exégètes de votre niveau,
capables de dévoiler la substance la plus intime de son
travail.
Je lirai avec grand
plaisir votre livre sur "Stephen King et le sexe"; un plaisir
redoublé d'avoir goûté votre intelligence et
votre culture.
Avec toute mon
amitié.
PS. Une seule
remarque, très secondaire. Vous écrivez, à mon
propos : "l'a amené naguère à consulter un
psychothérapeute". En réalité, j'ai
été le collaborateur, et non pas le patient, d'un
psychothérapeute. Mais c'est vrai qu'à travers ce
travail j'ai pu mieux connaître mes côtés sombres,
jusqu'à choisir l'écriture pour les
guérir.
.. du site Imaginaire : liste des auteurs
.. du site Différentes Saisons, revue trimestrielle
.. général
|
Revue Phénix #57, mai 2002.
Numéro spécial Valerio
Evangelisti, avec un chapitre
inédit des Chaînes d'Eymerich, une interview
inédite
et de
nomreux articles de Roland Ernould, l'auteur de ce
site.
Ce
copieux dossier de 140 pages comprend également un
article de Delphine Grépilloux et une bibliographie d'Alain
Sprauel.
Le dessin de
couverture est de Sophie
Klesen
En librairie : 13 ¤. La
revue Phénix
est éditée par la SARL Éditions
Naturellement, 1, place Henri Barbusse, 69700 Givors.
Directeur : Alain
Pelosato.
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