Serge Quadruppani présente 18 nouvelles noires de l'Italie
d'aujourd'hui
Portes
d'Italie
Fleuve Noir 2001, 372
p.
Chaque mois paraît un roman
policier traduit de l'italien dans l'édition
française, répercussion de l'engouement actuel des
Italiens pour le genre et du succès considérable
d'auteurs comme Andrea Camilleri ou Marcello Fois. "Il giallo" (le
policier) explose en Italie (ce nom vient de la célèbre
collection des Gialli Mondadori, commencée en 1929. Il
était depuis longtemps en perte de vitesse et
déjà, dans les années 1930, Alberto
Savinio, grand admirateur de Simenon, déplorait que le genre
policier perdait tout vitalité en Italie à force
d'être édulcoré. La reconnaissance qu'a connue en
France la "Série noire" de Gallimard auprès
d'écrivains comme Sartre ou Gide ne s'est pas produite en
Italie. Les temps ont changé et loin des querelles de
chapelle, les nouveaux auteurs donnent un élan nouveau
à la littérature transalpine.
Pour Serge Quadruppani
(traducteur notamment d'Andrea Camilleri et de
Sandrone Dazieri),
l'académisme qui avait contenu le développement du
genre a disparu. Des novateurs comme Giorgio Scerbanenco et on peut fixer la dater la naissance du roman noir
italien en 1969 avec la parution de Vénus
privée et d'autres
romans de sa riche production. A tous les râteliers, Les Enfants du massacre, Les Milanais tuent le samedi (édités dans la collection 10/18) sont
restés des livres marquants, avec leur description d'une
réalité cruelle et désespérée par
un narrateur qui ne se préoccupe pas des distinctions entre
grande littérature et littérature de genre. Ces aspects
ont inspiré les nouveaux auteurs italiens, qui utilisent en
fait la trame policière pour y puiser une liberté
nouvelle sans le souci de se coller une étiquette. Ces auteurs
passent indifféremment du fantastique au roman noir, de la
science-fiction au récit historique, mêlent les genres
et insufflent une vitalité particulière à la
littérature italienne. Certaines particularités
régionales se font jour en évitant cependant le
folklore (la Sardaigne de Marcello Fois, la Sicile
de Andrea Camilleri,
la Naples de Maurizio Braucci) et ont
le courage d'affronter les périodes tourmentées de
l'histoire nationale, de Mussolini aux
Brigades rouges.
Outre son sujet, l'intérêt de ce recueil est de
débuter par un entretien de l'anthologiste avec Valerio
Evangelisti, dont certains aspects de ses romans se situent dans
l'enquête policière, le roman noir ou l'espionnage. Il
faut lire dans le détail cette intéressante interview,
entre deux spécialistes, qui s'attachent d'abord à
définir le terme "gallio" par les Italiens pour
caractériser un genre qui n'a pas exactement le même
sens que le roman noir en français. Pour Evangelisti, le
renouveau ne touche pas vraiment le roman policier, qui continue
à,s'inspirer du policier à la Maigret, avec des mises
en scène plus complexes et plus inquiétantes. Mais il
concerne davantage le roman noir, en rébellion contre une
littérature «blanche» devenue vide et ennuyeuse, et
substituant "le style à
l'intrigue" et à
"se tenir au large de la
société". Il y
a aussi "un sentiment de
malaise obscur à l'égard d'une Italie toujours
privée d'identité, de valeurs partagées,
d'espoirs de changement. Dans le vide général, on se
transporte dans les replis les plus sombres de l'âme humaine et
le «Noir» est le genre littéraire qui réussit
le mieux à lui donner forme." Mais le "giallo" italien est beaucoup moins
politisé que le policier français : "Il peut indiquer des dysfonctionnements,
dénoncer des connivences entre l'État et la
délinquance organisée, attaquer la corruption. Mais
presque jamais il ne critique le système dans ses traits
structurels."
La longue interview d'Evangelisti abonde en vues de cette
pénétration, avec des réflexions sur le jaune,
le noir, le thriller, le roman de procédure, le gothique rural
ou les jeunes cannibales. Pour son compte, Evangelisti ne se
considère pas du tout comme un auteur de «Noir» :
"J'écris du
récit fantastique (même le terme de
«science-fiction» est impropre), ce qui est
différent."
Contenu :
Serge Quadruppani, Le
roman noir de la post-Italie, entretien préface avec Valerio
Evangelisti.
Auteurs :
- Danilo Arona, La main gauche du diable
- Eraldo Baldini,
Plage privée
- Cesare Battisti,
Super snail en action
- Danile Brolli, D'en bas
- Giacomo Cacciatore,
Qui?
- Andrea Camilleri,
Balade por Fofò La Matina
- Enzo Fileno Carabba,
Ombres qui volent, ombres qui rampent
- Massimo Carlotto,
Histoire de Gabriella, veuve du milieu
- Vittorio Curtoni, Je
te vois
- Nino Filastò,
L'éclipse du crabe
- Marcello Fois,
Les chiens se bouffent entre eux
- Laura Grimaldi,
Pères et filles
- Carlo Lucarelli,
Reinhardt Klotz
- Nico Macentelli,
Barbyturiques
- Gianfranco Manfredi,
Deux et deux font quatre
- Santo Piazzese,
L'été de la Saint-Martin
- Francesco Salina,
Délicates nuances du carnage
- Michele Serio, La
petite chienne.
La
quatrième de couverture :
Dix-huit portes
pour entrer dans une campagne magnifique rongée par la
pollution et le mal qui est au coeur des hommes, dans une ville
où les chiens se bouffent entre eux pour mimer les humains,
sur une plage soumise à la surveillance d'un psychopathe en
uniforme, dans un village où le passé revient sous les
traits d'un assassin nazi, sur des routes embrumées de
défonce ou dans un foyer dont l'on ne se sauvera qu'en tuant
son papa...
Voici 18 récits inclassables, qui flirtent avec tous les
genres, l'histoire érudite et l'humour trash, le polar
classique et l'horreur subtile, l'érotisme et la politique, la
science-fiction et le fantastique.. Et autant d'auteurs. Vieux
routier du «Noir» ou jeune espoir en littérature,
éditeur ou librettiste d'opéra, ils ont su créer
ici des univers, tous singuliers, qui ont en commun de s'être
dégagés de cette Italie provinciale dont Valerio
Evangelisti nous annonce la fin dans une
interview-préface.
Bienvenue dans la Post-Italie!
Roland Ernould © 2002
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Imaginaire : liste des
auteurs
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du site Différentes Saisons, revue trimestrielle
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