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Au lecteur de Stephen King, la comparaison avec Le corps et Ça s'imposera. L'atmosphère générale de Zéphyr, petite communauté américaine de l'Alabama fort éloignée du Maine, est cependant la même, avec sa vie réaliste de tous les jours et ses travers mis en évidence, ses joies et ses petits plaisirs mais aussi sa part de ténèbres, avec ses différends raciaux, ses Blancs et ses Noirs, sur fond de Ku Klux Klan. Un enfant de douze ans, Cory, curieux et obstiné, vit avec sa mère et son père camionneur dans une cité sur le déclin, où le chômage menace. Son existence quotidienne est rythmée par ses projets et angoisses enfantines, ses problèmes scolaires, ses copains et des histoires de gosses, le cinéma et les comics. Raconté à la première personne comme s'il s'agissait des souvenirs d'enfance de l'auteur, le récit a, comme ceux de King, un ton frais et jeune, correspondant à cette période où la vie campagnarde des époques anciennes commençait à être contaminé par la société de consommation et de plaisirs de masse. Tout le monde n'a pas une télévision ni une voiture, Cory n'a même pas de bicyclette au début du récit. Cory raffole des Beach Boys comme King cinq ans plus vieux, qui raconte qu'il effectua son "premier pelotage" sur cette musique (King est né en 1947, McCammon en 1952).

Combinaison de roman et de biographie (une "fictographie dit McCammon), elle raconte simultanément comment il est devenu l'auteur qu'il est aujourd'hui et son contact avec un monde invisible, celui des forces obscures qui deviendront ultérieurement son sujet de prédilection. Dans ce récit initiatique à caractère universel, McCammon imagine un voyage dans le passé à un moment particulier de sa vie où se sont effectués de grands changements et accomplissements. Il célèbre moins que King l'innocence perdue, amis tout autant l'imaginaire et la magie, avec des accents presque empruntés à L'Anatomie de l'horreur et Pages Noires de King : "Nous naissons tous magiciens et voyants, (...) mais nous perdons notre magie à coups d'éducation, d'instruction religieuse, de peignes et de gants de toilette. On nous force à marcher droit. (...) Ceux qui nous le demandent ont peur de notre naturel, de notre liberté..Parce qu'ils sentent en nous cette magie qu'ils ont laissé dépérir en eux, qu'ils sont amers de l'avoir perdue." (Prologue).Car cette petite ville cache son monstre, son lac son secret, et ses routes un fantôme au volant d'un dragster noir... Plus une sorcière de 106 ans et un grand cerf blanc, Snowdown.

Le récit suit le cours ordinaire des histoires fantastiques : une explication ordinaire et banale est donnée d'événements qui peu à peu reçoivent un éclairage différent. Un imaginaire enfantin débordant trouve ses ingrédients dans d'énigmatiques ou charismatiques personnages, dont on ne sait s'ils sont des héros, ou des anti-héros : un souffre-douleur qui lance des balles dans l'espace comme personne, des survivants du Far West ou de la Seconde Guerre mondiale, un méchant clan qui défend ses trafics sordides avec ses pistolets, une assemblée secrète de racistes, un meurtrier invisible, et quelques habitants normaux. Brassant un kaléidoscope d'indices à assembler comme un puzzle, l'enquête de Cory pour comprendre les forces de bon et le mal au travail dans sa ville natale le conduit droit vers le danger. Et en recherchant un tueur, Cory, catalyseur de tous les mystères qui hantent sa cité perdue dans les marais, apprend plus au sujet de la signification de la vie et de la mort qu'au cours d'une enfance normale. Une simple plume verte le mène au plus profond d'un mystère, et où il risque non seulement sa vie, mais la santé d'esprit de son père chômeur dont l'équilibre est perturbé. En déroulant son roman sur une année, avec quatre saisons pratiquement égales, ayant chacune son propre thème, McCammon a su varier soin récit et différencier une trame particulièrement surchargée. Ajoutons que l'auteur fait preuve d'une certaine indépendance à l'égard du politiquement correct américain, comme dans l'entrevue entre Cory et le pasteur qu' perd toute chance de lui inculquer la notion de foi en lui affirmant qu'il a peu d'espoir de trouver des bandes dessinées au paradis : "Ca sert à quoi de croire à un endroit comme le paradis, si on peut pas y faire de bêtises? lui demande Cory.

L'auteur fait preuve d'une belle imagination dans ce tourbillon où l'innocence et le mal sont continuellement en cours de confrontation. Le mystère du lac est une excursion dans la magie rendue intense par le réalisme. Le récit labyrinthique est construit comme une superbe fresque historique en même temps qu'un policier et un roman de terreur, haute en couleurs et en émotions. Peter Straub a écrit que ce roman est "tout simplement magnifique... incroyablement émouvant". Tissé des rêves et des terreurs d'un garçon du sud des USA en 1964, c'est en fait pour McCammon l'occasion d'ouvrir une porte pour jeter un regard en arrière sur son enfance tout en suggérant les circonstances dans lesquelles a commencé à bien se remplir sa boîte magique.

La quatrième de couverture :
Ce que le petit Cory a vu dans ce matin froid de printemps, au fin fond de l'Alabama, jamais il ne pourra l'oublier : une voiture folle, surgie de nulle part, s'enfonçant dans les profondeurs du lac, un inconnu attaché au volant par des menottes.
Il luttera de toutes ses forces d'enfant pour découvrir la vérité et conjurer les forces démoniaques que le mystère du lac a libérées. Une étrange prêtresse noire, centenaire, aura beau le guider, il retrouvera au bout du chemin la réalité la plus brutale.
À la lisière du fantastique et du merveilleux, dans le décor mythique du Sud profond, Le Mystère du Lac raconte, au long d'un parcours initiatique plein de dangers, les sortilèges et nostalgies d'un pays à jamais disparu : celui de l'enfance.

Robert McCammon, né en 1952 en Alabama, est considéré aux États-Unis somme l'un des maîtres de l'épouvante. Best-seller traduit dans le monde entier, Le Mystère du Lac marque un tournant dans son oeuvre. Il a été couronné par le World Fantasy Award et le grand prix de l'Association des écrivains américains de fantastique. Auteur de 14 romans et de nombreuses nouvelles, il publiera son prochain roman Nightbird en septembre 2002.

Plusieurs romans traduits.

Roland Ernould © 2002

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